Monte-Carlo (Edmond Plauchut)

Monte-Carlo (Edmond Plauchut)
Revue des Deux Mondes3e période, tome 55 (p. 433-454).
MONTE-CARLO

La question de la fermeture des jeux publics de Monaco est aujourd’hui plus débattue que jamais à Nice, à Gênes, à Marseille, et surtout à Menton, où la présence récente de sa majesté la reine Victoria a fait considérer comme tout à fait inconvenant le voisinage d’un tripot. Les villes que nous venons de citer, les membres les plus respectables de leur colonie étrangère se sont mis d’accord sur deux points : protester sans relâche, pétitionner sans trêve jusqu’au jour où la France, par mesure de salubrité morale, et l’Italie, pour cause de mauvais voisinage, exigeront la fermeture des derniers jeux publics. Il serait plus qu’étrange, en effet, qu’on ne parvînt pas à faire supprimer chez l’un des plus petits états de l’Europe ce qui a été supprimé chez les plus grands. Et ce n’est pai?, disons-le en passant, un mince honneur pour la France d’avoir, dès 1836, donné ce salutaire exemple.

La société fermière des jeux de Monte-Carlo récemment encore a pu croire, elle aussi, qu’elle allait avoir sa série à noire. En effet, elle a perdu, soit par suite de décès, soit par suite de démissions, ses directeurs les plus habiles. Un grand trouble s’en est suivi, et le désarroi augmentait en voyant que la terreur inspirée aux familles par les jeux, les ruines et les suicides qui en sont les conséquences, se traduisait en pétitionnemens aux chambres françaises et en interpellations indignées au gouvernement italien. C’est alors qu’en ce péril extrême M. Dupressoir fut appelé à Monte-Carlo. De son côté, le prince Charles III, prévoyant que, dans un avenir prochain, les plus sûrs de ses revenus pourraient lui macquer, s’est empressé d’activer sur son territoire l’édification de maisons nouvelles, afin de trouver un jour dans les impôts directs une compensation aux pertes dont il est menacé.

On le voit, l’heure ne peut être plus propice pour demander et obtenir la suppression d’un établissement qui a créé, dans l’un des plus beaux pays du monde, un centre de vices et de ruines.


I.

En avril dernier, des feuilles de pétitionnemens couvertes d’un nombre considérable de signatures furent portées devant la chambre de nos représentans. Elles réclamaient la suppression des jeux publics de Monte-Carlo. La chambre, après avoir entendu M. de Freycinet, qui se montra contraire à la prise en considération, crut devoir passer à l’ordre du jour. Un mois après, il n’en était plus ainsi : le sénat renvoyait les pétitions au ministre des affaires étrangères, malgré l’opposition persistante de ce dernier.

La différence de ces deux votes provient de ce qu’en avril nos relations avec l’Italie étaient bien loin d’être aussi cordiales que par le passé, et d’une nature à ne se prêter à aucune entente sur n’importe quel sujet. Heureusement, en mai, les rapports étant devenus meilleurs, le sénat ne craignit pas de recommander à la haute attention de M. de Freycinet des vœux auxquels, à coup sûr, il sera fait droit aussitôt que Rome et Paris en manifesteront la ferme volonté.

Comment pourrait-il ne pas y avoir accord entre l’Italie et la France à ce sujet? Il ne s’agit plus ici de savoir si la France est autorisée à exercer une sorte de protectorat sur la principauté monégasque ou si la maison de Savoie considère toujours le prince de Monaco comme son vassal, malgré l’abandon qu’en 1860 la couronne d’Italie fit de ses droits sur la principauté. La France et l’Italie ne doivent vouloir qu’une seule chose : la suppression de la maison des jeux publics de Monte-Carlo, et, si la première se croit en droit de parler avec plus de fermeté respectueuse que sa voisine au prince Charles III, c’est simplement parce que Monaco est entouré de tous côtés de terres françaises.

Ceci posé, sans aucune intention de porter atteinte à l’intégrité des droits souverains du prince actuel de Monaco, esquissons une histoire de la principauté, de ses souverains, et voyons comment elle en est arrivée, étant à bout de ressources, à donner un droit d’asile au dernier des tripots. Il ne faudrait pas objecter que l’histoire d’une toute petite terre et des principicules qui l’ont gouvernée est sans intérêt. La Grèce a rempli l’univers de la gloire de ses armes, de ses poètes et de ses artistes. On pourrait gager qu’il n’est pas une ville européenne, ni peut-être une grande cité du Nouveau-Monde où Monte-Carlo ne puisse se flatter de compter quelqu’une de ses victimes.

On trouve, en cherchant, tout ce qu’on veut trouver, même des aïeux qui remontent à Charlemagne, et au-delà. Les Grimaldi, — dont descend, par Louise-Hippolyte, princesse de Monaco, le souverain actuel, — n’ont rien à voir avec les ancêtres que leur ont attribués de trop complaisans généalogistes[1]. Le premier Grimaldi dont il soit question dans les archives d’état de Turin sur Monaco est un guelfe, François Grimaldi, surnommé à juste titre : Malizia. Déguisé en moine, le Malicieux pénétra pendant la nuit de Noël dans la petite ville monégasque, occupée alors par des gibelins, gens de Nicolas Spinola, chef de la puissante maison génoise de ce nom. Son déguisement sous un costume religieux et son choix d’une nuit de Nativité pour accomplir une telle aventure durent faire crier au sacrilège et scandaliser les fidèles de sainte Dévote, patronne de la principauté[2]. Et pourtant, depuis cette époque, d’après M. Abel Rendu[3], les armes des Grimaldi ont pour support deux moines qui, d’une main, tiennent l’épée haute et qui, de l’autre, soutiennent l’écu. Les Spinola ayant, peu de temps après, reconquis Monaco, les Grimaldi leur achetèrent en 1338 moyennant 1,280 florins d’or, la concession qui leur avait été faite du pittoresque rocher dès 1303 par Charles le Boiteux, roi de Naples et comte de Provence. Souverains légitimes de Monaco, mais toujours en qualité de vassaux et de feudataires des comtes de Provence, dont leurs galères portaient le pavillon, les Grimaldi achetèrent encore, vers le milieu du XIVe siècle, la souveraineté de Menton et Roquebrune, appartenant aux familles Vente et Lascaris[4]. La principauté se trouva dès lors constituée telle qu’elle devait se maintenir jusqu’à nos jours.

En 1446, Jean Grimaldi, prince de Monaco, jure fidélité et fait hommage à Philippe Visconti, duc de Milan, devenu seigneur de Gênes. Les 10 août 1481 et 14 mai 1404, Lambert et Lucien Grimaldi prêtent serment au duc Charles, et « s’engagent à ne reconnaître aucun autre souverain, à faire flotter trois fois la bannière de Savoie sur leur château et à servir les ducs de Savoie en temps de guerre[5]. »

On devine les causes de ces hommages sans cesse renouvelés; Gênes réclamait Monaco et le port d’Hercule, l’un pour lui servir de sentinelle avancée, l’autre pour servir de refuge à ses flottes. Afin de résister à ces deux prétentions, Lucien Grimaldi appela à son secours le roi de France Louis XII ; il ouvrit son château, assiégé sans succès pendant dix mois par les Génois, à une garnison savoisienne et française.

C’est à la suite de ses relations avec le roi de France que Grimaldi obtint de celui-ci, en sa qualité de comte de Provence, les lettres patentes par lesquelles, le 14 mai 1512, Louis XII déclarait complaisamment a notoire que le dit Lucien de Grimauld ne tenait sa place et seigneurie de Monèques que de Dieu et de l’espée, sans que jamais ne luy ne ses prédécesseurs, — auxquels elle a appartenu de si grand ancienneté qu’il n’est mémoire du contraire, — recogneussent ne advouassent jamais à souverain, roy ne prince ou seigneur fors qu’à Dieu[6]. » C’est sans doute d’après ces lettres patentes que le généalogiste dont nous parlions a pu faire remonter jusqu’au-delà de Charlemagne l’origine des Grimaldi. Un fait que nous ne devons pas passer sous silence, c’est que ce même Louis XII, quatre ans avant les fameuses lettres, avait fait arrêter et enfermer pendant quinze mois au château de la Roquette, près Milan, Lucien Grimaldi. Ce prince s’était refusé, non sans droit et sans raison, à recevoir une garnison française dans sa principauté, et il n’obtint sa liberté qu’en y consentant.

Est-ce par ressentiment contre cette odieuse détention que Monaco passa aux Espagnols? En 1524, un Augustin Grimaldi, évêque de Lérins, quoique aumônier de François Ier et son conseiller intime, prêta traîtreusement la main à cette félonie. Pendant cent vingt ans la principauté dépendit de la maison d’Autriche, et l’on vit à la bataille navale de Lépante, Honoré Ier prince de Monaco, conduire contre les Turcs une division de la flotte espagnole. Mais rien n’est durable. Sous Louis XIII, Richelieu envoya devant Cannes une magnifique escadre commandée par le comte d’Harcourt, et Escoubleau de Sourdis, archevêque de Bordeaux. Les îles de Lérins, occupées par les Espagnols, furent évacuées par eux et, comme conséquence de ce succès, la principauté de Monaco se vit également délivrée des soldats de Castille. Une garnison venue d’Antibes, forte de cinq cents soldats français, s’y installa, sinon en maîtresse, du moins en protectrice de Honoré II, le prince régnant d’alors. Ce fut le dernier coup porté à la domination espagnole dans ces parages.

Voici donc Monaco avec une garnison française et, — détail à noter, — à la solde de la France. Les traitemens du chapelain, du barbier, du médecin et du fourrier ne firent pas exception. Le huitième article de l’ordonnance de Saint-Germain où nous trouvons ce détail (datée du 14 septembre 1641, registrée en parlement au mois de janvier 1643) dit ceci : « Le roi Louis XIII recevra en sa royale protection et sauvegarde perpétuelle, et des rois ses successeurs, lesquels Sa Majesté obligera par le présent traité, le dit prince de Monaco, le marquis son fils, toute sa maison et tous ses sujets et ses places de Monaco, Menton et Roquebrune, avec leurs territoires, juridictions et dépendances; ensemble tous les héritiers et successeurs du dit prince et les gardera et détendra contre qui que ce soit, qui les voudrait indûment offenser, maintiendra le dit prince en la même liberté et souveraineté qu’il le trouvera, et en tous ses privilèges et droits de mer et de terre, et en toute autre juridiction et appartenances de quelque sorte que ce soit, et le fera de plus comprendre en tous ses traités de paix, et en outre le dit prince pourra faire arborer en toutes places et ses terres, l’étendard de France dans les occasions de quelques troubles ennemis. » Non content d’assurer en ces termes la protection de la France à la principauté, Louis XIII déclara en outre qu’il « donnerait au prince Honoré II 25,000 écus ou ducatons de rente annuelle de terres et fiefs érigeant une partie d’icelles en titre de duché et pairie de France pour le dit prince, l’autre en titre de marquisat pour son fils et une en titre de comté, lui faisant délivrer toutes lettres et expédition sur ce nécessaires[7] ; et bonne partie desdits fiefs serait en Provence, et le reste où il plairait à Sa Majesté, pourvu que ce fût en France, et, en attendant qu’on ait trouvé des terres propres au dit prince, les dits soixante et quinze mille livres lui seront payées effectivement par chaque an, dont le premier versement commencera du jour où la garnison du roi entrera dans Monaco. »

Comme le fait remarquer avec à-propos M. Prompt[8], les Grimaldi, grâce à ce traité, virent leur condition se modifier. Pendant des siècles, menacés d’une ruine complète, de trahison et d’assassinat, les princes de Monaco n’avaient eu qu’un temps de repos, celui pendant lequel ils s’étaient réfugiés sous l’égide de l’Espagne. Leurs galères qui, jusqu’à cette époque, avaient pratiqué la piraterie dans le golfe de Gênes, s’unirent noblement alors aux flottes de Rhodes, de Venise et de Malte pour disputer aux Turcs l’empire de la Méditerranée. Mais dès que les Grimaldi virent pâlir l’étoile de l’Espagne au soleil levant de la France, ils quittèrent en gens habiles Monaco pour Versailles. Les descendans de ceux qui n’avaient jamais porté que la chemise de buffle sous l’armure de fer prirent l’habit brodé des courtisans. Les loups dégénéraient en renards. Notre largesse et les hauts titres que nous leur avions octroyés leur permirent d’avoir un grand train à la cour. En 1698, Louis Grimaldi, nommé ambassadeur de France à Rome, entra dans cette ville avec des chevaux mal ferrés, mais ferrés en argent. Ce qui est mieux, à Fontenoy, sous les ordres de Maurice de Saxe, le prince Honoré se montra digne de ses ancêtres les plus glorieux. Son frère Maurice, atteint d’un coup de feu dans la mêlée, inspira à Voltaire cet alexandrin :

Monaco perd son sang, et l’Amour en frissonne !

À la bataille de Raucoux, on trouve encore les Grimaldi ; Honoré II y fut blessé.

Aux derniers jours de la terreur pourtant, le nom des Grimaldi fut encore noblement porté par une femme, l’épouse de Joseph de Monaco. Elle avait émigré comme beaucoup d’autres, quand éclata la première révolution. Mais ses enfans étant restés en France, elle y revint avant la fin de la tourmente. On l’arrêta en vertu de la loi des suspects. Le comité révolutionnaire de sa section lui permit, pendant quelques jours, de demeurer dans un hôtel ; mais bientôt il la fit conduire dans une maison d’arrêt. Ayant été condamnée à la peine de mort le 6 thermidor, an II, elle écouta sa sentence avec calme. Une heure avant que la princesse de Monaco parût devant ses juges, on lui avait fait entendre qu’en se déclarant grosse, elle pourrait échapper au supplice. Pensant à ses deux filles qui restaient sans soutien, elle se prêta un instant à cette ruse ; mais, comme il y avait longtemps qu’elle était séparée de son mari, elle ne voulut pas devoir la vie à un mensonge qui l’aurait dégradée à ses propres yeux. L’imprudente écrivit à Fouquier-Tinville ; elle écrivit la vérité, rien que la vérité, et cette héroïque franchise amena sa perte. Au moment d’aller à l’échafaud, elle se mit du rouge sur les joues pour qu’on ne crût pas qu’elle manquait de courage. Puis, elle brisa un carreau de vitres, hacha ses cheveux qui étaient blonds et beaux et pria quelqu’un de les remettre à ses enfans. On assure que lorsqu’elle fut assise dans la charrette qui la conduisait à la guillotine, la princesse dit à la foule qui se précipitait pour la contempler : « Vous venez me voir mourir? Il fallait venir nie voir juger. » Trente heures plus tard éclatait la réaction du 9 thermidor qui l’eût sauvée. La princesse de Grimaldi était fille du maréchal de Stainville.

Un décret de la convention rendu le 25 février 1793 avait annexé la principauté au département des Alpes-Maritimes. Sous l’empire, les choses restèrent dans l’état, mais après Waterloo, la principauté rentra dans ses droits et continua ses anciens rapports avec la France.

Au commencement des cent jours, un incident bien amusant se produisit. Le prince Honoré se rendait en chaise de poste de Paris à Monaco pour reprendre possession des états de son père lorsqu’en arrivant devant l’auberge du golfe Jouan, il fut surpris de voir sur la route poudreuse un mouvement considérable d’uniformes et de drapeaux... C’était Napoléon qui revenait de l’ile d’Elbe! Son étonnement devint plus que de la terreur, quand une escouade de grenadiers le conduisit devant l’empereur. Celui-ci reconnut le prince tout de suite, lui demanda où il allait, et ne pouvant obtenir une réponse bien distincte, il ajouta brusquement : « Moi, je vais à Paris, voulez-vous m’accompagner? » Le prince continua à balbutier. Napoléon se mit à rire et lui dit : « Allons, allons, Monaco, vous êtes toujours le même... » Après quoi il lui tourna le dos et ne s’occupa plus de lui.

Ce prince était le fils aîné d’Honoré IV, le souverain régnant d’alors. Il administra l’état de Monaco jusqu’à la mort de son père en 1819 et il régna ensuite vingt et un ans sous le nom d’Honoré V. Ce fut certainement un des plus tristes protégés des puissances alliées, et l’on sait s’il y en avait dans le nombre de peu dignes. En vertu du traité de Paris, Monaco qui, pendant les cent jours, avait été gardé par les Anglais, repassa sous le protectorat du roi de Sardaigne. Rien de plus logique : la Sardaigne étant rentrée en possession du comté de Nice, Monaco devenait une enclave du territoire sarde.

Passer du protectorat de la France à celui de la maison de Savoie n’était pas chose nouvelle pour les Grimaldi, et il n’y avait, certes, pour ces derniers rien d’humiliant à cela. Mais ce qui leur devenait singulièrement déplaisant, c’était de ne plus avoir leur part dans les beaux écus d’or des rois de France, de voir s’évanouir à jamais la pairie, le fief de Valentinois et beaucoup d’autres avantages. Désormais, ils n’allaient avoir pour subsister que les 40,000 ou 50,000 fr. que la principauté, en la pressurant bien, pouvait donner tous les ans. Victor-Emmanuel Ier avait bien promis, par le traité de Stupiniggi, de leur confier des charges, de leur accorder de grandes faveurs et le droit de conférer des décorations autant que bon leur semblerait, mais le royaume de Savoie était aussi honnête que pauvre et pour des exilés de Versailles, charges honorifiques, faveurs royales et décorations à volonté semblaient un maigre régal.

Le prince Honoré, souverain de Monaco, Menton et Roquebrune, — grâce, ne l’oublions pas, à une garnison piémontaise de 500 hommes, — inventa, pour augmenter ses revenus, les combinaisons fiscales et fantastiques que voici. Nous les tirons de l’ouvrage de M. Abel Rendu[9]. Ce n’est pas chose inutile, car ce résumé donnera aux lecteurs un aperçu de l’industrie et du pauvre commerce de la principauté de 1815 à 1848.

Les citrons et orangers en caisse et en garenne payèrent indistinctement un droit de 3 francs par mille; les huiles, 50 centimes par rup, c’est-à-dire par 25 petites livres de 12 onces chacune. La commune de Monaco possédait quatre moulins à huile, respectés par les administrations antérieures ; une ordonnance les réunit au domaine, puis les propriétaires des moulins, obligés de les fermer sans avoir reçu d’indemnités, furent tenus, comme les autres habitans, d’aller triturer leurs olives dans les moulins du souverain. Le timbre, l’enregistrement, les droits de chancellerie, les hypothèques, les droits de succession en ligne collatérale, et même en ligne directe, perçus sous le gouvernement français, furent rétablis, s’étendant aux propriétés dans les autres états lorsque les habitans du pays durent en faire mention dans leurs actes. Les taxes succédèrent aux taxes. Ainsi : 1° un droit de 2 pour 100 sur toutes les marchandises introduites dans la principauté; 2° de 7 sous par pinte sur toute espèce de liqueurs; de 10 sous sur tout rup de vin et huile de pays; de 30 sous par chaque millier d’oranges ou de citrons importés, de 30 sous pour toute charge de grain. Les raisins indigènes qui payaient, sous le gouvernement français, 11 sous à leur entrée en ville, furent taxés à 40; les vermicelles, principal aliment de la classe ouvrière, devinrent par suite le monopole d’un spéculateur étranger. Les poudres, munitions de chasse, les pipes, les cartes, les chapeaux de paille constituèrent également un monopole. Parurent ensuite les droits provenant de l’abatage, de l’arrosage et du pacage, qui aidèrent à remplir la caisse d’Honoré. Une fabrique de toute espèce de toiles fut établie à Monaco au seul avantage du prince. Ces toiles étaient plus chères que partout ailleurs et cependant les marins de Monaco furent obligés de se pourvoir de voiles et d’agrès pour leurs bâtimens dans les magasins du prince. Il s’empara des boucheries et en concéda le monopole. Un nommé Chappon, Français, par parenthèse, était l’âme damnée du prince ; ce personnage devint le fermier, le meunier, et le boulanger de la principauté. Tous les habitans du pays, valides ou invalides, les étrangers de passage ou en résidence, furent condamnés à manger le même pain sous les peines les plus sévères. Comme parfois il était fait avec de la farine de rebut et toutes sortes d’ingrédiens, un véritable pain de siège, Honoré IV fit publier une consultation médicale, rédigée à Paris, dans laquelle on déclara « que l’ivraie n’avait aucune mauvaise qualité pouvant nuire à l’économie animale. » Nul ne pouvait couper un arbre sur un domaine sans autorisation et la présence d’un carabinier : 1 pour 100 était prélevé au profit du prince sur la vente des récoltes. S’il naissait un agneau ou un chevreau dans la principauté, le propriétaire du nouveau-né était tenu d’aller chez le receveur des domaines, d’y faire constater sur papier timbré de 25 centimes le jour de la naissance et le sexe de l’animal. La douane monégasque était un véritable coupe-gorge. À la moindre déclaration erronée, il y avait amende et confiscation. Les réunions, les ports d’armes, les sorties sans lanterne après dix heures du soir, les plus innocentes libertés étaient punies d’une amende. Cela se comprend : la police partageait avec le prince ! Quelle est la personne née en Provence qui n’a pas entendu parler des sous de Monaco ? Leur apparition en France fut une véritable calamité. Le Midi en fut infesté. « C’était, dit M. Abel Rendu, un spectacle bien singulier et bien amusant que de voir au milieu des halles de Toulon et de Marseille, de vives et alertes marchandes se prendre aux cheveux au sujet du malheureux sou monégasque qui se glissait comme un intrus dans leur recette. Il fallait les entendre se répandre en malédictions contre le faux-monnayeur, — car tel est le nom infamant qu’avait reçu le prince. — L’autorité française dut intervenir. »

Par ces procédés. Honoré et son fils Florestan Ier tirèrent en moyenne 300,000 francs par an d’un pays qui n’avait que 10,000 âmes de population. 50 francs d’impôts par tête à Monaco quand l’impôt n’était que de 15 francs en France ! Il est vrai que, depuis, les choses ont bien changé chez nous, mais comme l’on comprend les habitans de Menton et de Roquebrune brisant révolutionnairement, en 1848, les liens qui les retenaient aux Grimauld ! Impôts, monopoles, pluies d’amendes s’en furent où sont les dîmes, les tailes, les corvées et autres droits superbes du seigneur. C’était la ruine et une écrasante réduction de la principauté. Désormais, sans crainte que les voleurs fissent main-basse sur sa caisse vide, le prince de Monaco put chaque matin faire avant déjeuner le tour de ses charmans états.

Pendant dix longues années il en fut ainsi. Les impôts arrivèrent à ne plus produire qu’un revenu de 15,000 francs. heureusement que, par un coup de fortune, en 1858, M. Blanc fit sa première apparition dans la principauté. Celle-ci était fort mal dans ses affaires et, nouvelle Danaé, elle reçut volontiers la pluie d’or que M. Blanc, nouveau Jupiter, faisait tomber sur elle. L’espoir d’avoir de nouveau des rentes à palper, l’exemple mauvais donné par le duc de Nassau à Ems triomphèrent facilement des scrupules de Charles III. La concession des jeux publics fut faite à M. Blanc. Comme une bonne fortune n’arrive jamais seule, deux ans plus tard, la France « toujours généreuse » versa aux mains du même prince la somme de 4 millions de francs pour l’achat des territoires de Menton et Roquebrune. Somme considérable, en vérité, mais dont personne aujourd’hui ne regretterait l’emploi, si Napoléon III, imprévoyant, impolitique, avait remplacé par une garnison française la garnison piémontaise que Victor-Emmanuel faisait sortir de Monaco, le jour même où la cession du comté de Nice était faite à la France. Quelle faute, quel oubli plutôt, et combien la chose eût paru simple alors au prince Charles, au roi d’Italie et à nous, Français à courtes vues! Et pourtant, qui pourrait prétendre, d’après ce qui précède, que la France n’a pas hérité du protectorat exercé par l’Italie sur la principauté, et que, s’il lui convenait de demander au prince de Monaco ou plutôt d’exiger de lui l’éloignement des jeux notoirement nuisibles, elle n’en aurait pas le droit ? Quelle responsabilité morale ce prince n’assume-t-il pas sur lui! Sans son appui, sans une tolérance que nous ne voulons pas qualifier, les jeux publics erreraient sans asile en Europe.


II.

C’est en 1862, en route pour l’Italie, que je mis pour la première fois les pieds dans la principauté. Le chemin de fer n’allait qu’à Toulon et l’on ne songeait nullement à s’en plaindre, car le voyage était des plus amusans et les enchantemens continus de Marseille à Gènes. Point de chalets baroques, de villas roses ou bleues, d’odieuses constructions byzantines ou indiennes, mais, sous un ciel azuré, une lumière éclatante, une nature sauvage comme elle est en Grèce, un sol rougeâtre d’où sortaient des roches moussues, des lentisques aux étoiles blanches, des myrtes et des plus maritimes. Après la chaîne des Mores, toute couverte de forêts sombres, la route s’engageait dans l’Esterel et se continuait sous bois, au milieu des blocs d’un porphyre rouge et de grands massifs de bruyères blanches jusqu’à Grasse, la ville aux parfums. Puis l’on descendait dans la direction de Nice. A gauche, on découvrait les Alpes neigeuses; à droite, la mer, et par un temps clair, lumineux, à la limite des eaux, une bande de terre noire, la Corse. À cette époque, les villages du littoral, qui depuis sont devenus des villes opulentes, étaient sans doute aussi pauvres qu’aux temps reculés où les Sarrasins et les Normands venaient les saccager : maisons basses blanchies à la chaux, à toiture rouge, abritées du soleil pendant l’été par le feuillage d’un mûrier à la blanche écorce, et garanties l’hiver des vents d’est ou du féroce mistral par une double rangée de cyprès. Au centre du village, des ânes, des poules, un puits où des femmes aux petits pieds, aux mains nerveuses, aux yeux noirs et portant sur leurs traits l’expression doucement résignée des femmes arabes, puisaient une eau fraîche.

Que trouvait-on en 1860 à Hyères? Un hôtel, un seul, où des poitrinaires venaient, l’hiver, rendre le dernier souffle. La solitude et le silence des villes mortes dominaient à Saint-Tropez et à Fréjus; les Arcs, Saint-Raphaël n’existaient pas. Un commencement de vie se manifestait de Cannes jusqu’au site sauvage où allait s’élever la villa Bruyères. Rien au golfe Jouan que l’auberge légendaire que l’on sait. Antibes, placé dans le plus beau site du littoral, encaissé dans les Alpes blanches et dans la mer bleue, restait, malgré les offres brillantes de lord Brougham, dans l’immobilité qui lui est si chère. Le voyage finissait au pied des premiers contre-forts des Alpes baignant dans la mer, d’une rude plage de galets arrondis par un frottement continuel, d’un désert s’étendant de la pointe sauvage de la Garroube jusqu’au lit desséché du Var.

A Nice, — Nizza la Bella, — la colonie étrangère était peu nombreuse et composée de familles riches, avides de distractions et d’amusemens. Grâce à l’administration nouvelle de la France, qui voulait se faire accepter des étrangers et des indigènes, de grands travaux étaient commencés sur divers points de la ville; on pouvait entrevoir déjà la brillante transformation qui depuis s’est opérée dans les promenades, les quais et aux alentours de la gare. Comme aujourd’hui, l’on jouait gros jeu dans les cercles de Nice, plus particulièrement au cercle Masséna et au cercle de la Méditerranée. Mais le jeu ne rayonnait pas au loin, il était local, car l’on n’entrait pas aussi aisément dans les salons en quelque sorte privés des cercles de la ville de Nice que dans les salons publics de Monaco. On y voyait certes passer, comme des météores, des grecs, des filous parés de noms éclatans; mais, promptement reconnus, ces tristes personnages étaient encore plus promptement forcés de disparaître. Et puis le chemin de fer de Paris-Lyon-Méditerranée ne déversait pas toutes les heures, — pas plus à Nice qu’à Monaco, — des milliers d’oisifs, des filles en rupture de boulevards et des escrocs en quête d’un gibier facile à plumer. Nous croyons que, sans le chemin de fer, la société des jeux de Monte-Carlo n’eût pas obtenu des résultats bien brillans, et le jour où l’on voudra porter à la société un coup funeste, on n’aura qu’à défendre aux chefs de train de s’arrêter à Monaco, — douze fois en vingt-quatre heures. Le commerce et l’industrie de la principauté ne comportant pas de telles facilités de transport, c’est pour le jeu et le jeu uniquement que ces facilités ont été créées.

A l’époque dont nous parlons, on ne pouvait se rendre de Nice à la principauté qu’en vetturino et au moyen de l’affreux sabot à vapeur qui journellement faisait le trajet du port de Nice au port d’Hercule, à Monaco. Par terre, la route était splendide; nous nous dispenserons de décrire les merveilles de la Corniche. Le rocher sur lequel s’élève le palais des Grimaldi, exempt alors des constructions nouvelles qui lui enlèvent son caractère de repaire féodal, plaisait surtout par l’absence de ce qui fait aujourd’hui le bonheur des gens sans goût artistique. Rien de peigné, d’aligné, pas de villas baroques, de casernes, de quais bien droits, de rampes adoucies et sablées, mais là où s’élève le casino actuel et son affreux théâtre, d’admirables roches couvertes de lichens, un frais fouillis d’euphorbes, de cistes, de plus parasols, d’orangers et de citronniers, avec une nappe d’azur, — la mer, — servant de fond mouvant à cet éden.

Le grand et vieil hôtel où l’on descendait était à la fois une hôtellerie, un restaurant, un casino et une maison de jeu. Au centre d’une grande chambre enfumée, sordidement meublée, puante, éclairée aux approches de la nuit par des lampes carcel suintant l’huile, se dressaient deux tables, l’une de roulette, l’autre de trente-et-quarante. L’assistance que j’y vis était peu nombreuse, et les quelques individus qui jouaient n’avaient rien de l’élégance et de la distinction de la majorité des joueurs de Bade ou de Wiesbaden. Les hommes n’eussent pas été déplacés dans le préau d’une maison de correction, ou plutôt dans les bois de l’Esterel, non loin de l’auberge des Adrets. Les femmes, vieilles et laides, offraient les types les mieux caractérisés des marchandes à la toilette de Francfort ou de Londres, L’une d’elles pourtant était encore très belle; à la suite d’une série malheureuse, elle entr’ouvrit d’un mouvement plein de rage son corsage et déchira jusqu’au sang son sein soulevé; elle ne s’aperçut pas qu’un inconnu qui suivait des yeux et avec la plus vive anxiété le mouvement tournant de la roulette, appuyait une main distraite sur son épaule nue. Je ne vis Là qu’un seul personnage convenable de ton et de manières, — un noble dans la gêne ou un ancien maître à danser. — C’était un vieillard aux cheveux très blancs, à la cravate très blanche et à l’habit constellé de décorations; il offrait gratuitement ses services et ses conseils aux nouveaux débarqués. Le minimum de l’enjeu était alors de 2 francs à la roulette et de 5 francs au trente-et-quarante. En échange de belles pièces de 5 francs, le vieillard vous donnait des jetons en argent d’une valeur de 2 francs, sur lesquels on lisait ces mots : Cercle de Monaco. Cela mettait les émotions du jeu à la portée de toutes les bourses et contraignait ceux qui possédaient de la monnaie du cercle, quand sonnait l’heure du départ, à la jeter au hasard sur un numéro de roulette. Le joueur ayant une chance favorable contre trente-cinq chances contraires, on devine aisément aux mains de qui restaient les jetons.

Tels étaient, en résumé, les jeux de Monaco en 1862, tel était aussi à cette époque le littoral. Quels gigantesques changemens se sont produits depuis! Il nous faudra aussi en donner un aperçu, mais en protestant d’avance contre ce mensonge propagé par la société des jeux, que c’est à elle, à elle seule, qu’est due cette merveilleuse transformation. Non, le mérite en revient aux familles riches, à celles de sir Robinson Woolfield et de lord Brougham en tête, à tous ceux qui ont mis à la mode les stations d’hiver et d’été, à la prolongation des chemins de fer de Toulon à la frontière italienne, à un beau ciel, aux sites admirables d’une contrée dont toutes les merveilles sont loin d’être connues de ceux qui l’habitent et même de ceux qui y sont nés. Il n’y aurait même rien de trop paradoxal à soutenir que c’est lord Brougham qui a découvert Antibes d’abord, Cannes ensuite, et M. Blanc les Spélugues, nom de l’emplacement où s’élève le casino de Monte-Carlo.

Lord Brougham, dans ses promenades de convalescent sur les bords de la Méditerranée, avait découvert ce site d’Antibes, et sans hésiter, lui donnant la préférence sur les autres parties du littoral, il se présenta chez quelques propriétaires pour leur acheter des terrains. Mais le nom de l’éminent homme d’état était célèbre, même chez les Antibois, et ils mirent en avant des prétentions exorbitantes. Lord Brougham se rejeta alors prudemment sur Cannes. Il y fit construire une confortable villa, et bientôt, à son exemple, des étrangers riches, des familles les plus opulentes et portant les plus grands noms d’Europe, vinrent se grouper autour d’elle. La fortune merveilleuse de Cannes était faite. Des terrains achetés 80,000 francs en 1831 par un passant se revendirent quelques années plus tard 3 millions, et cette progression prodigieuse a continué. Antibes a attendu pendant trente ans la venue d’un nouveau Brougham.


III.

S’il était vrai que les jeux eussent le don d’enrichir un pays et non une société d’industrie, la principauté de Monaco serait depuis longtemps blanche de palais de marbre, laissant bien loin derrière elle par son luxe et sa prospérité toutes les autres régions du littoral. Il n’en est rien : ses hôtels sont déserts; une tristesse morne se lit sur le visage de ses malheureux habitans et sur celui encore plus attristé des soldats de sa garnison ; un silence qu’aucun cri de joie ne trouble jamais, règne aux terrasses qui entourent l’établissement funeste. Certes, le Monte-Carlo d’aujourd’hui n’est plus le Monaco d’autrefois. De la chambre enfumée où je fis, en 1862, connaissance avec la roulette, les tables de jeu ont été transportées dans un véritable temple dédié à la fortune, au centre de salles somptueuses, où l’on peut du moins se ruiner élégamment et très à l’aise, quand des cartouches à dynamite n’y font pas explosion. Mais, sauf quelques établissemens religieux récens, un collège Saint-Charles dirigé par des jésuites, des franciscains et des carmes, Monaco a peu changé. J’ai dit, il est vrai, qu’au bord de la mer, près de la gare, à La Condamine, l’on bâtissait beaucoup; j’en ai donné la raison. Le prince, en prévision de la suppression possible des jeux, désire procurer à un grand nombre de petits rentiers auxquels l’entrée de la maison de jeu est interdite, des logemens à bas prix. Aujourd’hui, ces rentiers peuvent vivre à La Condamine à bon marché, presque sans impôt, mais quel changement s’opérera pour eux, quand disparaîtront les roulâtes, et avec elles les revenus les plus clairs du prince! Gare alors, pauvres gens, aux impôts, au monopole de la boulangerie et autres vexations !

Je crois que ce qui rend impossible un séjour prolongé à Monaco, ce qui maintient la solitude dans ses hôtels et fait déserter ses villas, c’est le contraste choquant entre les beautés d’une nature incomparable et les laideurs morales qu’on y coudoie. Personne mieux que George Sand n’a fait poétiquement ressortir ce contraste, et nous ne résistons pas au désir de reproduire ici ce qu’elle écrivait à l’un de ses amis à ce sujet. « Etrange apparition ! au sortir de ces grandeurs de la nature, nous voilà jetés en pleine immondice de civilisation moderne. Au pâle éclair de la jeune lune, au pied du gros rocher qui dort dans l’ombre, au mystérieux gémissement du ressac, à la senteur des orangers qui vous enveloppe, au caquetage des filles chiffonnées et fatiguées, je ne sais quelle fétide odeur de fièvre et le bruit implacable de la roulette. Il y a là des jeunes femmes qui jouent pendant que sur des sofas des nourrices allaitent leurs enfans. Une jolie petite fille de cinq à six ans s’y traîne et s’endort accablée de lassitude, de chaleur et d’ennui. Sa misérable mère l’oublie-t-elle, ou rêve-t-elle de lui gagner une dot? Une vieille dame étrangère est assise au jeu avec un garçonnet de douze ans qui l’appelle sa mère. Elle perd et gagne avec impassibilité. L’enfant joue aussi, et très décemment, il a déjà l’habitude. Dans la vaste cour que ferme le mur escarpé de la montagne, des ombres inquiètes ou consternées errent autour d’un café. On dirait qu’elles ont froid, mais peut-être regardent-elles avec convoitise le verre d’eau glacée qu’elles ne peuvent plus payer. On en rencontre sur le chemin qui s’en vont à pied, les poches vides; il y en a qui vous abordent et qui vous demandent presque l’aumône d’une place dans votre voiture pour regagner Nice. Les suicides ne sont pas rares. Les garçons de l’hôtel ont l’air de mépriser profondément ceux qui ont perdu, et à ceux qui se plaignent d’être mal servis, ils répondent en haussant les épaules: «Ça n’a donc pas été ce soir? »

« On dîne comme on peut dans une salle encombrée de petites tables que l’on se dispute, assourdi par le bruit que font les demoiselles à la recherche d’un dîner et d’un ami qui le paie. On retourne un instant aux salles de jeux pour y guetter un drame, Moi, je n’y peux tenir; la puanteur me chasse. Nous courons au rivage, nous gagnons la ville qui s’élance en pointe sur une langue de terre délicieusement coupée au milieu des flots. Elle aussi, cette pauvre petite résidence, semble vouloir fuir le mauvais air du tripot et se réfugier sous les beaux arbres qui l’enserrent. Nous montons au vieux château sombre et solennel. La lune lui donne un grand air de tragédie. Le palais du prince est charmant et nous rappelle la capricieuse deumeure du gouverneur à Mayorque. La ville est muette et déserte à neuf heures du soir. Nous revenons par la grève, où la mer se brise par de rares saccades au milieu du silence. La lune est couchée. Le gaz seul illumine le pied du grand rocher et jette des lueurs verdâtres sur les rampes de marbre blanc et les orangers de jardin. La roulette va toujours. Un rossignol chante, un enfant pleure... »

Menton est la localité la plus rapprochée de Monte-Carlo, Elle ne paraît ni riche, ni populeuse, ni luxueuse, ce qui vient à l’appui d’un fait bien digne d’être remarqué, c’est que Nice et Cannes ont vu s’accroître le nombre de leurs habitans en raison de leur éloignement de la principauté. L’on verra plus loin quelle augmentation vraiment surprenante s’est produite dans les villes d’eau d’Allemagne, à Ems, à Wiesbaden et à Hombourg depuis que les jeux y ont été abolis. C’est à peine si, depuis l’annexion à la France, la population de Menton s’est accrue de 2,000 individus, et encore pour gonfler les chiffres de son dernier recensement, indigènes et étrangers de passage y ont-ils figuré sans distinction de nationalité!

Encouragée, aidée par le gouvernement français, la ville de Menton, admirablement couronnée d’oliviers superbes et de monstrueux caroubiers, a pourtant tout à fait changé d’aspect. Cela saute aux yeux. On lui a construit des quais, amélioré un port, élevé une gare, ouvert des promenades et placé des squares bien peignés au bord de la mer. Les habitans, de leur côté, ont bâti de belles villas, des chalets, avec l’espérance que la douceur du climat et le voisinage des plaisirs de Monte-Carlo attireraient chez eux une foule de visiteurs. Quelle déception! les jeux n’ont attiré personne; au contraire, ils ont éloigné bien des malades auxquels la température de Menton eût certainement convenu, mais qui ont préféré les fuir par crainte des séductions, — pour eux trois ou quatre fois mortelles, — que l’on mettait avec trop d’intention à leur portée. Les malades, ennuyés du séjour quelque peu monotone de Menton, ont l’habitude d’aller chercher presque journellement à Monte-Carlo des distractions. Et comment n’iraient-ils pas? Ils y trouvent les journaux du monde entier, un excellent orchestre, un théâtre, la roulette, le trente-et-quarante, une collection de femmes qui n’ont jamais su refuser contre un équivalent en espèces n’importe quoi à n’importe qui. Mais les malades n’eussent-ils perdu que le contenu de leur porte-monnaie, de jolies pécheresses blondes ou brunes les eussent-elles mis sur la paille, le mal était réparable avec un peu de courage et d’honneur.

Le péril n’est pas là. Il est dans le froid glacial qui s’étend après le coucher du soleil sur les villes du littoral de la Méditerranée et auquel il est très dangereux de s’exposer en sortant surexcité ou en moiteur des salons sans air, étouffans de Monte-Carlo, Cette buée des crépuscules méridionaux est une sinistre pour- voyeuse de la mort. De là cette recommandation que les médecins italiens et français font à leurs malades et même aux personnes bien portantes : « Couvrez-vous à la chute du jour[10]! » Après 1871, nous vîmes à Menton un grand nombre de jeunes officiers allemands, des adolescens, qui étaient venus s’y remettre des fatigues du siège de Paris. Beaucoup paraissaient exténués ; Monte-Carlo les acheva. Que la terre, — cette terre qu’ils étaient venus conquérir, — leur soit légère, mais qu’elle soit lourde à ceux qui ont fait inutilement périr, après les faciles triomphes de Metz et de Sedan, tant d’innocentes victimes!

En résumé. Menton ne sera une résidence d’hiver possible pour les étrangers malades, pour tous ceux qu’une émotion trop vive peut foudroyer, que lorsque les jeux auront disparu du littoral.

Nice souffre aussi, mais relativement moins peut-être que Menton, du voisinage de Monte-Carlo. On joue, par malheur, dans la première de ces villes, aux cercles Masséna et de la Méditerranée, tout autant qu’à Monaco. On y constate des ruines fréquentes et la perte de riches patrimoines. Nice se suicide : nous aimons assez cette charmante ville pour le lui dire. La passion du jeu a passé des hauts rangs de la société niçoise et étrangère dans ceux des travail- leurs, des petits commerçans; elle est même descendue jusqu’aux pauvres gens du port. Parcourez la ville en flâneur un jour de fête et vous verrez dans les vieux quartiers, sur les quais, des roulettes manœuvrant en plein vent. Le cercle Masséna, jaloux sans doute de l’opulence de Monaco, va s’établir sur le Paillon Ses salons de jeu sont trop étroits! Mais que dire de la municipalité de Nice, qui, au lieu de faire continuer le beau square où s’élève la statue de Masséna jusqu’à la promenade des Anglais, permet au cercle en question de construire sur la rivière? C’en est fait de l’aspect charmant qu’offrait la jolie place Charles-Albert, de l’admirable vue que l’on avait sur les coteaux fleuris de Cimiez! Et encore si c’était tout! Un mauvais génie a juré d’enlaidir Nice. On va construire, — et elle est sans doute achevée au moment où nous écrivons ces lignes, — une « réserve, » c’est-à-dire une de ces guinguettes si chères aux méridionaux, au centre de la baie unique au monde qui, partant des Ponchettes, finit au pont Magnan, là où commence cette jetée sans égale appelée la Promenade des Anglais. Pour la moitié de Nice, plus d’horizon sur la pittoresque pointe d’Antibes, sur les déchirures élancées, vaporeuses de l’Esterel et sur la mer; un pavillon absurde le coupera en deux. C’est sur la plage que l’on appelait « les terrains du roi » que va s’étaler ce ridicule écran !

Heureusement Nice a des points de vue à revendre, et, l’hiver prochain, le vaste boulevard de Cimiez sera relié au boulevard Dubouchage en passant par la propriété du Petit-Lycée. Ce sera l’une des belles voies du littoral et le plus merveilleux des panoramas. Des villas nouvelles, rivales des somptueuses villas Haussmann, Vigier, Cazalet, Colonel Evans et de tant d’autres riches résidences, vont s’y élever sans avoir à craindre d’être jamais masquées par un vide-bouteilles ou un casino, sans danger de voir leurs jardins les plus beaux du monde détruits par les modernes Vandales.

Si Nice était en voie de prospérité, — ce que je conteste, — ce ne serait pas dans tous les cas à la principauté de Monaco qu’elle le devrait. Non, Nice souffre des jeux établis chez elle et à côté d’elle; elle en souffrira encore bien davantage quand sera terminé ce qu’on y voit de maisons nouvelles en construction, alors que personne ne se présentera pour les habiter. Ce jour-là, les entrepreneurs à outrance, les acheteurs de terrains à tous prix feront des pertes; ils ne les éviteront qu’en poussant à la suppression de Monte-Carlo et en obtenant qu’on exerce une sévère surveillance sur les jeux clandestins et autres de la ville. Consultez les propriétaires des villas de Nice, interrogez les hôteliers, les personnes qui louent en meublé et ils vous répondront que les hôtels sont presque toujours sans clientèle stable, les villas sans familles y faisant de longs séjours, les chambres à louer sans locataires sérieux. S’il vient un voyageur dans un hôtel, l’hôtel ne le garde pas, et la dépense journalière de ce passant se réduit le plus souvent au coût d’une chambre à coucher et à celui d’une tasse de café prise le matin avant de partir pour Monaco. Ce même passant, après des chances diverses au jeu qui le mettent en goût, perdant invariablement l’argent qu’il a emporté pour faire un long séjour à Nice, quitte le pays, jurant qu’on ne l’y verra plus. Beaucoup oublient leurs sermens et reviennent. Ceux-là s’appellent les incurables de Monte-Carlo.

Un propriétaire des coteaux de Carabacel me disait que c’était à peine si, pendant la saison hivernale, il parvenait à louer la moitié des quatre villas qu’il possède. Beaucoup de familles, m’a-t-il dit, appréhendent Nice à cause du voisinage de Monte-Carlo, où, sur la seule présentation d’une carte de visite, chacun est admis à jouer. Bien forts sont les papillons qui n’y vont pas brûler leurs ailes. Tout les y convie : un départ toutes les heures pour Monaco, un voyage court et des plus pittoresques, l’attrait d’entendre les chanteurs les plus en renom, les comédiennes les plus célèbres et l’appât de l’or. C’est à Monte-Carlo et à Monte-Carlo seulement que l’on peut voir, hélas! ce spectacle écœurant d’artistes dramatiques et lyriques de premier ordre s’alliant inconsciemment au vice pour vider les poches.

Il est un autre fléau qui afflige Nice depuis l’installation des jeux. Nous voulons parler du monde interlope qui s’y donne rendez-vous l’hiver. Chaque soir, les arcades de la place Masséna deviennent une succursale des trottoirs du faubourg Montmartre. Rien ne manque à la comparaison. Interrogez les honnêtes gens de Nice : ils vous diront que c’est le voisinage de Monte-Carlo qui leur a valu cette affluence de femmes perdues. Supprimez Monte-Carlo et leur immigration cessera.


IV.

Rendons justice aux habitans indigènes et étrangers des villes d’Antibes, Cannes, Hyères et Fréjus : peu d’entre eux ont sacrifié au veau d’or de Monte-Carlo. Les Antibois, gens aux mœurs simples et patriarcales, ne s’enflamment guère, et, sauf, hélas! une récente et trop tragique exception, c’est en vain que la société des jeux, pour les attirer chez elle, fait briller à leurs yeux ses meilleurs miroirs à alouettes. Est-ce la massive muraille qui enserre l’Antipolis moderne comme la pierre d’un sépulcre qui éloigne d’elle les étrangers? On le dirait. Il n’est pourtant pas, de Gènes à Marseille, de site plus romantique que celui sur lequel s’élève cette antique cité. Du haut de son ermitage, d’une ascension courte et facile, la vue s’étend au-delà des blanches neiges du col de Tende; elle fouille les profondeurs bleuâtres de l’Esterel, repose sur Cannes, les Lerins sombres, le golfe Jouan, rendez-vous habituel de l’escadre, et la baie de Nice. Dans cette direction, la perspective dépassant le promontoire de Villefranche ne s’arrête qu’aux caps italiens de Bordighera et de San-Remo. C’est aussi au Jardin botanique créé, il y a plusieurs années, par M. Turette dans un pli de terrain de la pointe d’Antibes que l’on peut voir la flore des tropiques et d’Australie mêlée aux plus beaux spécimens de la flore européenne. L’on y a très artistement ménagé des échappées de vue sur les Alpes et la mer, et rien de plus charmant qu’une promenade dans ce frais vallon, où les doux parfums des jasmins en fleurs se trouvent mélangés aux acres senteurs des aréquiers et des mimosas. Non loin de cette merveille, se rencontrent des déserts pierreux bordés de grandes roches contre lesquelles la mer se brise et rejaillit blanche d’écume, puis, des espaces couverts d’une végétation désordonnée. Des lentisques, des myrtes arborescens, des thyms aux touffes roses et parfumées, y disputent à des bouquets de plus maritimes un peu de terre et une place au soleil.

Depuis le jour où le noble fondateur de Cannes secoua la poussière de ses souliers aux partes d’Antibes, une sorte d’interdit pesait sur la ville inhospitalière et ses environs. On eût dit que les habitans, à l’exception de quelques hautes notabilités militaires et scientifiques, bornaient leur ambition à conserver avec un soin pieux la tombe du général Championnet, qui s’y trouve enterré, et à repeindre en blanc, chaque année, une horrible colonne élevée au centre de la cité en l’honneur des Bourbons. Des hommes actifs, bien au fait des merveilles qu’admirait lord Brougham, ont entrepris d’arracher Antibes à l’isolement et au titre de ville morte qu’elle partage avec Fréjus, Saint-Tropez et Hyères. Longeant la magnifique courbe du golfe Jouan, qui fait face en plein à l’Esterel, une cité nouvelle s’élève; dans un bref délai, elle se prolongera jusqu’à la villa Soleil, non loin des oasis fleuries où déjà se groupent quelques Parisiens, artistes et gens de goût.

Nous croyons superflu de pousser plus loin l’historique de l’accroissement des villes qui bordent le littoral de la Méditerranée de Nice à Fréjus et de Fréjus à Hyères. A Vallauris, à la Napoule, à Saint-Raphaël, les terrains à vendre ont acquis une énorme valeur, et il n’est pas inutile d’insister sur ce fait qui vient à l’appui de la cause que nous défendons; la valeur de ces terrains augmente en raison de leur éloignement de la principauté. Au cap Martin, non loin de Monte-Carlo et de Menton, se trouvent 50 hectares de terres estimés un million. Ils sont plantés de beaux oliviers et situés admirablement. Aux environs d’Antibes ou de Cannes, les mêmes terrains vaudraient dix fois ce prix. Comment donc croire avec beaucoup d’esprits timorés que la disparition de Monte-Carlo arrêterait l’accroissement dont nous parlions? C’est comme si l’on soutenait que la fermeture de certains débits de vins de la Chapelle nuirait aux beaux quartiers de Paris.

Citons, pour terminer, quelques chiffres empruntés à une statistique récente. Selon la Gazette de Wiesbaden, il y avait dans cette ville, en 1816, 41,608 habitans; en 1840, 10,934 et en 1872, 35,800. Le jeu a été supprimé le 31 décembre 1872, et sait-on combien Wiesbaden compte aujourd’hui d’habitans? 52,000! D’après un autre document auquel nos lecteurs peuvent ajouter foi, la jolie ville d’Ems, du duché de Nassau, comptait, en 1865, 7,936 baigneurs et 3,554 visiteurs. En 1880, c’est-à-dire sept ans après la suppression de la roulette, on y a compté 9,511 baigneurs et 7,064 visiteurs. Hombourg a suivi une progression identique.

Nulle crainte donc que l’herbe vienne un jour à croître dans les rues de Nice, de Menton ou de Cannes, lorsque, après la dispersion de la société des jeux de Monte-Carlo, des ruines pittoresques couvriront le beau site que cette société occupe aujourd’hui. Les colonnes en marbre du théâtre de M. Garnier éparses sur le sol avec des débris de porphyre et de mosaïque dorée, y feront un plus grand effet que celui qu’ils produisent actuellement. Comment cet architecte qui a fait son chef-d’œuvre à Paris ne s’est-il pas inspiré aux Spélugues de Rome et de Pæstum? La raison en est simple : les jeux ne peuvent créer rien de noble, rien de grand. Leur contact éteint la flamme qui brûle dans l’âme des grands artistes comme il éteint chez l’habitué des tripots, l’honneur, le devoir, l’affection. Un homme qui joue ne saurait être un ami fidèle, un père, un époux. Il en est de même de la femme : elle ne saurait aimer, et sans cette flamme de l’amour qui rayonne autour d’elle, que serait-elle? Est-il permis à un homme enrichi par le jeu d’avouer hautement l’origine de cette richesse et les honnêtes gens lui tendront-ils volontiers la main? Nous ne le croyons pas. Qui ne connaît ces mots de Franklin : « Quiconque prétend que l’on peut prospérer autrement que par le travail est un empoisonneur. » Et Jacques Laffitte a dit après lui : « Si j’avais un ennemi que je voulusse perdre, je lui souhaiterais de gagner au jeu et à la Bourse. » Qu’en pensent ceux qui, dans ces dernières années, en France comme en Autriche, n’ayant vécu que de spéculations risquées, ont fini par en mourir?

C’est temps perdu, n’a-t-on pas manqué de me dire que d’essayer de combattre la passion du jeu, passion mille fois réprimée et sans cesse renaissante. Il faut, en effet, être bien convaincu de la nécessité d’un tel combat pour y prendre part ; et celui qui écrit ces lignes possède au plus haut degré cette conviction, car il a vu la passion funeste exercer ses ravages en Chine et dans le Nouveau-Monde, à Saint-Pétersbourg comme à Madrid. Et en France! jamais notre gouvernement n’a plus qu’aujourd’hui autorisé les loteries, les tombolas, l’ouverture de tripots se cachant sous des étiquettes artistiques et littéraires, laissé sans contrôle les paris qui se font dans des maisons ad hoc, en dehors des champs de course. Et les courses elles-mêmes I Est-ce vraiment pour l’amélioration de la race chevaline que tant de gens se précipitent, se bousculent, jettent des clameurs et mettent sur un cheval leurs salaires d’une semaine et d’autres les héritages d’une origine sacrée? Mais en dehors des jeux n’est-il pas d’autres vices inhérens à la nature humaine et contre lesquels il faut sans trêve employer la répression ? Si toutes les passions doivent avoir un libre cours, supprimons alors la loi sur l’ivresse, sur la débauche, tout le code. Partisans de la liberté, de toutes les libertés, voulez-vous de celles qui exploitent les faiblesses humaines? Quant à nous, n’aurions-nous arraché à Monte-Carlo qu’une seule victime, nous ne croirons pas avoir mal employé notre temps.

En terminant cette étude, puissions-nous être d’accord avec les lecteurs de la Revue sur un point bien simple : c’est qu’une maison de jeu publique ou privée est un lieu détestable, contraire à la morale, funeste à la paix, au bonheur des familles. Certes, chacun a le droit de disposer de sa fortune comme bon lui semble, et cependant il ne peut être permis à qui a charge d’âmes d’exposer cette fortune dans un mauvais lieu, car c’est ainsi, n’en déplaise aux amateurs du trente-et-quarante et du baccarat, que nous avons entendu qualifier, sous toutes les latitudes, les établissemens publics ou privés dont l’entrée est interdite par la police aux mineurs, et parfois, comme à Monte-Carlo, aux adultes, aux hommes mûrs et aux vieillards des Alpes-Maritimes.

Quel que soit le résultat de nos efforts, nous ne regretterons jamais, — et puissions-nous avoir des imitateurs ! — d’avoir joint notre voix à celles qui réclament la fermeture de cette maison néfaste qu’on appelle le casino de Monte-Carlo. La plaie du jeu qui s’y étale sans pudeur, à côté du spectacle écœurant de gens de bien mêlés à des gens tarés, d’honnêtes femmes confondues coude à coude avec des coquines, fait tache sous le beau ciel du Midi, en vue de cette mer d’azur.

Et quel contraste, ô nature ! entre la paix, le silence qui règnent aux fraîches vallées de la Roya et de la Vésubie, sur les coteaux embaumés d’Ezza, aux sommets des blanches solitudes des Alpes, et la cohue bête, haletante, qui évolue, comme dans un cercle dantesque, autour des tapis verts de Monte-Carlo !


EDMOND PLAUCHUT.

  1. Venasque Ferriol, Genealogica et historica Grimaldœ gentis Arbor, 1647.
  2. Hugues, prince de Monaco fit couper les oreilles et le nez au capitaine Antinope, qui avait volé les reliques de sainte Dévote. — Le prince Raynier III fit arrêter à Menton les cardinaux qui suivaient l’antipape Clément VII à Avignon, et les contraignit à restituer les reliques de la sainte et la verge de Moïse qu’ils avaient emportées avec eux de Rome. (Annuaire de la principauté de Monaco, 1882.)
  3. Menton et Monaco, par Abel Rendu.
  4. Le Jeu public et la Principauté de Monaco, par M. le docteur Prompt.
  5. Archives royales de Turin, cat, III, liasse III bis, n° 1.
  6. Léon Pilatte, la Question de Monaco, Nice.
  7. Les lettres patentes de ces dignités furent délivrées à Perpignan en 1642. Le duché en question fut celui de Valentinois.
  8. Le Jeu public et la Principauté de Monaco, Paris, 1882 ; Dentu.
  9. Menton et Monaco, par Abel Rendu, 1867.
  10. Lire à ce sujet: la Méditerranée, la Rivière de Gênes et Menton, comme climats d’hiver et de printemps, par Jacques-Henri Bennet. Paris, 1880; Asselin.