Mona Rosa (Verlaine)

Œuvres posthumesMesseinPremier volume (p. 75-76).

MONNA ROSA


D’après un tableau de Rossetti.


Elle est seule au boudoir,
En bandeaux d’or liquide,
En robe d’or fluide,
Sur fond blanc, dans le soir
Teinté d’or vert et noir.

Un pot bleu japonise
Délicieusement
D’où s’élance gaiement,
Dans l’atmosphère exquise
Où l’âme s’adonise,

Un flot mélodieux
— Selon le rhythme juste —
De roses, chœur auguste ;
Bouquet mélodieux,
Aux conseils radieux !


Elle, belle comme elles,
Les roses, n’élit plus,
Dans ses cheveux élus,
Qu’une de ces fleurs belles
Comme elle, et de ciseaux
Prestes, tels des oiseaux,

La coupe ou, mieux, la cueille,
Avec le soin charmant
D’y laisser joliment
La grâce d’une feuille
Verte comme le soir
Noir et or du boudoir…

Ce pendant que persiste
La splendeur, à côté
Du plumage bleuté,
De l’orgueil qui s’attriste
D’un paon jadis vainqueur
Aux jardins de ce cœur.