Madame Jules Fournier (2p. 105-118).

CHANTECLER À LA SCÈNE[1]



Comme tout provincial qui se respecte, j’ai voulu, en arrivant à Paris, m’offrir un fauteuil à Chantecler. Il convient que je vous en dise au moins deux mots, encore que la Porte-Saint-Martin puisse à la rigueur se passer de la réclame de la Revue Canadienne, et M. Rostand de l’appréciation, quelle qu’elle soit, que je pourrai faire de son œuvre.

⁂ Je ne vais pas y aller par trente-six chemins : comme pièce de théâtre, Chantecler est, à proprement parler, au-dessous de tout.

Vous entendez assez que je ne songe pas à appuyer cette opinion sur une particulière compétence en ces matières. Je ne suis pas un écrivain et je n’ai aucune prétention à la littérature, encore moins au théâtre. Si cela peut vous intéresser, je vous dirai même que je n’ai seulement jamais joué sur une scène d’amateurs, ce qui chez nous, vous le savez, n’est pas une petite originalité…

Mais il ne faut pas toujours être cuisinier pour juger d’un plat… ni même gastronome. Cette comparaison vénérable s’applique parfaitement ici. Malgré les éloges de certains critiques distingués de qui M. Rostand est l’ami personnel, comme aussi bien malgré la réclame insensée faite autour de cette pièce depuis cinq ans, il me semble qu’il ne peut y avoir de discussion sérieuse entre ceux qui ont entendu Chantecler au théâtre : jamais on n’a plus complètement « raté » une œuvre. Et ce n’est pas peu dire…

⁂ N’allez pas croire au moins que, si je parle de la sorte, j’y éprouve bien du plaisir. Rostand fut la plus chère idole peut-être de ma jeunesse. Il fut un temps où je ne jurais que par la Princesse lointaine, et aujourd’hui encore Cyrano m’apparaît comme un grand chef-d’œuvre.

Mais enfin, puisque c’est de Chantecler qu’il s’agit, il faut bien avouer la vérité sur Chantecler.

Je dis : « raté ». Il n’y a pas d’autre mot. On ne peut pas dire que ce soit une œuvre médiocre. C’est une œuvre manquée. On ne peut pas dire que ce soit un enfant faible ou non-viable. Ce n’est pas un enfant, c’est un monstre.

La pièce ne donne pas d’autre impression. Ce n’est pas plat, et je ne sais même pas si j’oserais dire que c’est ridicule. C’est plutôt ahurissant.

Pourquoi ? Parce que, de voir à la scène, pendant quatre actes, tous ces oiseaux portant sous le bec une tête d’homme ou de femme, cela déconcerte violemment le monsieur habitué aux spectacles ordinaires.

Un peu à cause de cela, oui, je le crois… mais bien davantage assurément — mais cent fois plus encore, à cause de la pièce elle-même.

Vous regardez cela, vous entendez cette interminable série de calembredaines et de calembours, et vous croyez rêver. C’est de la pure démence. Vient un moment où vous vous demandez sérieusement si vous devenez fou… ou si c’est l’auteur qui le devient.

⁂ Voici tout d’abord, par exemple, le chien Patou, le personnage après tout le plus supportable. Vous tous qui connaissez le chien, le bon chien de La Fontaine, la bête par excellence simple et, si j’ose dire, tout d’une pièce, essayez d’imaginer un peu ce que M. Rostand est venu à bout de faire du vieux chien Patou… Non, c’est inutile ; à moins que vous n’ayez lu la pièce, vous n’y arriverez jamais. M. Rostand fait de Patou, tour à tour, un moraliste, un pédagogue, un philosophe nietschéen et, enfin et pour tout dire, un neurasthénique. Il donne à ce vieux chien rhumatisant et goutteux une âme je ne dis pas sensible, non ! mais une âme sentimentale et romanesque. Patou jouit d’une niche confortable, on lui apporte ses repas régulièrement, mais il s’ennuie… Il trouve l’existence plate et prosaïque, et le voici pris soudain, sur ses vieux jours, par la nostalgie avec les risques et les dangers qu’elle comporte :

Oh ! fuir ! suivre un berger qui n’a rien dans son sac !
Mais, du moins, quand la nuit on lape l’eau du lac,
Avoir — ce qui vaut mieux que tous les os à moelles —
La fraîche illusion de boire les étoiles !

Détaché de l’ensemble, ce passage vous paraît encore une mince affaire, et vous avez raison… Mais songez que c’est comme cela d’un bout à l’autre, et que, de Patou seulement, on pourrait vous offrir peut-être quinze citations de cette force.

⁂ Et encore, Patou, n’est-ce rien à côté du Merle, de la Faisane et de Chantecler lui-même.

Exemples :

LA POULE GRISE avec enthousiasme.
Il sort toujours à la même heure, comme Kant !
CHANTECLER.
Comme quoi ?
LA POULE GRISE.
Comme quoi ? Comme Kant !
CHANTECLER.
Comme quoi ? Comme Kant ! Ça c’est estomaquant !
(À la Poule Grise)
Allez-vous-en !
LE MERLE.
Allez-vous-en ! Fichez le « Kant » !

C’est le Merle aussi qui dit, voulant railler Patou de ses velléités de courir les bois avec les chasseurs :

Rhumatisme,
Tu donnes des accès d’ « animalitarisme » !

Et ailleurs :

UNE POULE.
C’est chic, un papillon !
LE MERLE.
C’est chic, un papillon ! C’est très facile à faire :
On prend un W qu’on met sur un Y.

Et plus loin :

…… Tout ça, c’est des vieilles escarpolettes,
Et qui ne valent pas mon trapèze en bois neuf !
Ô ma cage ! signons le joyeux trois-six-neuf.
On est des ducs ; on a de l’eau filtrée à boire…

Et encore :

Mon vieux, c’est pas ma faute,
Moi je ne marche pas !
(Sautant vivement de côté.)
Moi je ne marche pas ! Prends-moi comme je « fuis » !

Cela n’est rien, si vous voulez. Et rien non plus, les « rasta », les « chic », les « mince alors ! » qu’il nous débite… Seulement il ne dit pas autre chose. Il parle comme cela du commencement à la fin. Et c’est, si je ne me trompe, le deuxième rôle de la pièce.

En vain dira-t-on que M. Rostand a voulu faire du Merle le personnage antipathique. Les autres ne parlent pas différemment, ou c’est tout juste. Patou, sous prétexte de « flétrir » le Merle, trouve quand même moyen de nous parler de la vache « qui la connaît dans les foins » et du canard à qui l’on répond : « Ça t’en bouche un coin-coin ! » La Faisane défend qu’on lui fasse même « un doigt… de basse-cour ». Enfin il n’est pas jusqu’à Chantecler lui-même qui, toujours sous couleur d’en remontrer au Merle et même sans ce prétexte, — ne verse avec joie dans le calembour et dans l’argot. Ne dit-il pas à la Faisane, dès le Ier acte, pour lui vanter la puissance de son chant :

… Le mur, lorsque je chante,
En bave des lézards…

N’est-pas lui qui s’écrie, au IIIme :

Coq du Japon, silence,
Ou bien je vous rabats votre « kakémono » !

Ne dit-il pas au Merle :

On voit luire l’œil rose
Du lapin que l’esprit, quand tu l’attends, te pose !

Toujours au IIIme, ne lance-t-il pas avec une visible satisfaction ces mots distingués que sans doute l’Académie française — dont M. Rostand fait partie — se fera un devoir d’accueillir dans son dictionnaire : « C’est du chiqué ! », « C’est du plaqué ! », « Il croit nous épater ! », « Vous pouvez vous fouiller ! »

Citerai-je encore ? — Si vous voulez… Prenons-le cette fois dans un autre genre :

CHANTECLER (aux coqs étrangers).
Oui, Coqs affectant des formes incongrues,
Coquemars, Cauchemars, Coqs et Coquecigrues,
Coiffés de cocotiers supercoquentieux…
— La fureur comme un Paon me fait parler, Messieurs,
J’allitère ! —
J’allitère ! — Oui, Coquards, cocardés de coquilles,
Cocardeaux, Coquelins, Coquelets, Cocodrilles,
Au lieu d’être coquets de vos cocoricos,
Vous rêviez d’être, ô Coqs, de drôles de cocos !
Oui, Mode ! pour que d’eux tu t’emberlucoquasses,

Coquine, ils n’ont voulu, ces Coqs, qu’être cocasses !
Mais, Coquins, le cocasse exige un Nicolet !
On n’est jamais assez cocasse quand on l’est !
Mais qu’un Coq, au coccyx, ait plus que vous de ruches,
Vous passez, Cocodès, comme des coqueluches !
Mais songez que demain, Coquefredouilles ! mais
Songez qu’après-demain, malgré, Coqueplumets !
Tous ces coqueluchons dont on s’emberlucoque,
Un plus cocasse Coq peut sortir d’une coque,
— Puisque le Cocassier, pour varier ses stocks,
Peut plus cocassement cocufier des Coqs ! —
Et vous ne serez plus, vieux Cocâtres qu’on casse,
Que des Coqs rococos pour ce Coq plus cocasse.

Notez bien qu’ici Chantecler assure que, s’il emploie ce langage extravagant, c’est pour se moquer du Paon. Tout à l’heure, ce sera pour se moquer du Merle ou de la Pintade. Patou ne donne pas d’autre excuse, ni le Pivert, ni la Faisane… Drôle de pièce, en vérité, que celle-là, où les gens d’esprit n’ont plus d’autre ressource, pour se venger des imbéciles, que de descendre à leur vocabulaire, et qui, faite soi-disant pour protester contre le mauvais langage, demeure presque en son entier un tissu de calembours et d’à peu près mêlés à des termes d’argot !

⁂ Jusqu’aux Crapauds qui font du calembour.

Supposez que vous ayez entendu déjà trois actes interminables, en vers comme ceux que vous venez de lire (il y en a de meilleurs que ceux-là, il y en a de pires aussi).

Vous avez savouré l’Hymne au Soleil, lequel donne une bien meilleure impression à la lecture qu’à la scène.

Vous avez contemplé Chantecler expliquant à la Faisane le secret de son chant, dans des vers qui ne valent peut-être pas cher, mais qui au moins, pour une fois, ne contiennent pas de jeux de mots…

Vous avez été témoin du duel de Chantecler avec le Coq de Combat.

Enfin vous avez assisté au défilé des quarante-huit coqs étrangers (Coq Malais, Coq de Bagdad, Coq Cochino-Yankee, Coq Walikili, dit Choki-Kukullo, Coq Pseudo-Chinois Cuculicolor, et 43 autres), mesurant chacun de six à huit pieds de hauteur, et vous avez pu constater que cette scène de cirque avait pris un gros quart d’heure de votre temps pour permettre à Chantecler de lancer ensuite sa fameuse tirade :

Coquemars, Cauchemars, Coqs et Coquecigrues…

(Voir plus haut.)

Et vous voici au IVme acte, au centre d’une forêt où Chantecler s’est enfui avec la Faisane. Tous deux sont en train d’échanger des apophtegmes, au pied d’un arbre colossal. Clair de lune.

Soudain, dans l’herbe haute, on voit s’avancer, à petits sauts, les Crapauds. Ils sont bien une dizaine — gros et petits. Ceux-ci n’ont pas moins de trois pieds de long ; les vieux sont énormes. Que viennent-ils faire là ?

UN GROS CRAPAUD, surgissant de l’herbe.
Nous venons…
CHANTECLER.
Nous venons… Ventrebleu ! qu’ils sont laids !
LE GROS CRAPAUD, obséquieusement.
… Pour saluer, au nom de la Forêt qui pense,
L’auteur de tant de chants…
(Il a mis la main sur son cœur.)
CHANTECLER, avec dégoût.
L’auteur de tant de chants… Oh ! ses mains sur sa panse !
LE GROS CRAPAUD, faisant un petit saut vers lui.
Neufs !
UN AUTRE CRAPAUD, même jeu.
Neufs ! Clairs !
UN AUTRE CRAPAUD, même jeu.
Neufs ! Clairs ! Brefs !
UN AUTRE CRAPAUD, même jeu.
Neufs ! Clairs ! Brefs ! Grands !
UN AUTRE CRAPAUD, même jeu.
Neufs ! Clairs ! Brefs ! Grands ! Purs !
CHANTECLER.
Neufs ! Clairs ! Brefs ! Grands ! Purs ! Asseyez-vous, Messieurs.
(Ils s’asseyent autour d’un grand champignon comme autour d’une table.)

Le chef de la délégation explique alors à Chantecler comme quoi, par son chant vainqueur, lui, le Coq, va détrôner le Rossignol (ou Bulbul), jusque-là chantre pour ainsi dire attitré de la forêt.

TOUS, dans une explosion.
À bas Bulbul !
CHANTECLER
À bas Bulbul ! Messieurs et chers Batraciens…
Ma voix lance, il est vrai, des notes naturelles…

Ici, arrêtons-nous un moment, s’il vous plaît.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Mais Bulbul, soudain, s’est fait entendre, Chantecler ne peut retenir son admiration, et les Crapauds, vexés, « se traînent en hâte au pied de l’arbre où le Rossignol chante ».

UN CRAPAUD.
Engluons l’écorce avec nos petits bras,
Et bavons sur le pied de l’arbre !
(Ils rampent tous vers l’arbre.)
CHANTECLER, à un crapaud.
Et bavons sur le pied de l’arbre ! N’as-tu pas
Toi-même, pour chanter, Crapaud, une voix pure ?
LE CRAPAUD.
Oui… mais quand j’en entends une autre, je suppure !
LE GROS CRAPAUD, comme mâchonnant une écume.
Il nous vient sous la langue on ne sait quels savons,
Et…
(À son voisin.)
Et… Tu baves ?
L’AUTRE.
Et… Tu baves ? Je bave !
UN AUTRE.
Et… Tu baves ? Je bave ! Il bave…
TOUS.
Et… Tu baves ? Je bave ! Il bave… Nous bavons !
UN CRAPAUD, passant tendrement son bras autour du cou d’un retardataire.
Viens baver !
LE GROS CRAPAUD, caressant la tête d’un petit.
Viens baver !Bave !

Et, là-dessus, l’on nous sert une villanelle où reviennent six fois de suite, en refrain, les deux vers suivants :

C’est nous qui sommes les Crapauds !
.........................
Nous crevons dans nos vieilles peaux ! (sic)

Je ne sais pas exactement quel effet ces vers font à la lecture. Au théâtre, cela donne tout simplement l’impression d’une immense bouffonnerie.

⁂ Je voudrais pouvoir ajouter, après cela, que Chantecler n’en contient pas moins beaucoup de beaux vers. Franchement, cela me serait agréable… Eh bien non ! je ne le dirai pas. Ce ne serait pas vrai.

Chantecler ne contient qu’un très petit nombre de beaux vers. Il y en a beaucoup d’autres, dans cette pièce, auxquels on voudrait pouvoir appliquer la même épithète. On le pourrait peut-être. Mais ce ne serait qu’à la condition d’effacer d’abord l’œuvre antérieur de M. Rostand. Pour quiconque a lu Cyrano, les meilleurs passages de Chantecler ne seront jamais que des rabâchages pénibles et sentant l’huile.

On en peut dire autant du caractère même de Chantecler, comme de l’ensemble de l’œuvre. C’est une mauvaise parodie de Cyrano.

⁂ D’où vient donc que Chantecler, déjà, tiré à cinquante mille exemplaires en librairie, continue de faire salle comble, tous les jours, à la Porte-Saint-Martin ? D’où vient que la critique, en général, n’a voulu que condamner à demi cette œuvre-là, tout en couvrant l’auteur d’éloges ? D’où vient enfin que le public, pour protester contre un tel spectacle, s’est contenté jusqu’ici de ne pas applaudir, et de siffler, à quelques reprises, le fameux chœur des Crapauds, quand tout autre écrivain, avec une pièce pareille, se fût attiré pour le moins des pommes cuites ?… De quel privilège étrange jouit donc M. Rostand, et si, avec Chantecler, il obtient encore un succès relatif, comment expliquer cela ?

Lui-même va se charger de nous le faire entendre :

…C’est que dans l’air
Il avait dû rester de ma chanson d’hier !

(Chantecler, acte IV, scène 6.)

Tout le secret est là. Cyrano et, dans une moindre mesure, l’Aiglon, ont laissé dans toutes les mémoires une si forte trace, qu’à l’auteur de ces deux œuvres on est prêt à tout pardonner. « C’est un de ces hommes — disait un jour de M. Rostand l’un de ses compatriotes — qui font qu’en chemin de fer ou en paquebot, à l’étranger, on ne se sent pas humilié à côté d’un Anglais. » Aux yeux d’un grand nombre, ici, l’auteur de Cyrano est avant tout une gloire française, il fait pour ainsi dire partie de l’avoir national, et il ne peut diminuer sans que chaque Français ne se sente, en quelque sorte, un peu amoindri lui-même…

On passe donc Chantecler à M. Rostand en faveur de Cyrano. Combien de personnes, dont il reste cependant l’idole, ne reviennent-elles pas de Chantecler la tête basse, souffrant de cet échec comme d’une infortune personnelle, osant à peine s’avouer à elles-mêmes leur désillusion !

⁂ Mais il ne faudrait pas supposer que, si Chantecler a désappointé le public, M. Rostand de son côté soit fort content de cette œuvre. Jamais un artiste n’a plus douté de son génie, jamais aucun n’a eu plus que lui l’effroi du lendemain et le vertige devant son œuvre… N’est-ce pas lui-même, Edmond Rostand, qui s’écrie par l’organe de Chantecler (et c’est justement l’une de ses meilleures inspirations) :

Comprends-tu maintenant l’angoisse qui me ronge ?
Ah ! le cygne est certain, lorsque son cou s’allonge,
De trouver, sous les eaux, des herbes ; l’aigle est sûr
De tomber sur sa proie en tombant de l’azur ;
Toi, de trouver des nids de fourmis dans la terre ;
Mais moi, dont le métier me demeure un mystère,
Et qui du lendemain connais toujours la peur,
Suis-je sûr de trouver ma chanson dans mon cœur ?

(Acte II, scène 3.)

Je n’ai pas besoin de dire jusqu’à quel point cela est touchant et pathétique… Remercions le Ciel, mes amis, qui veut bien nous épargner, à nous, ces angoisses, et, quant à M. Rostand, il peut se consoler. D’autres avant lui — et de plus grands encore — eurent de ces accidents. Entre deux chefs-d’œuvre, ils écrivaient des… Chantecler. Corneille lui-même, le vieux Corneille, n’avait-il pas — après le Cid, je pense — publié et fait jouer Suréna, roi des Parthes ? Cela ne l’a pas empêché de nous donner, par la suite, de nouveaux chefs-d’œuvre. Qui songe aujourd’hui, devant le bronze pensif de Corneille, à Suréna, roi des Parthes ? C’est à peine s’il en reste, au fond de quelque bibliothèque, un exemplaire oublié. Un seul homme, depuis un siècle, a prétendu l’avoir lu. C’est Brunetière. Et encore, l’avait-il lu jusqu’au bout ?…

Il en sera de même, espérons-le, de Chantecler. Quelqu’un de ces jours, M. Rostand nous arrivera avec un nouveau drame héroïque qui effacera jusqu’au souvenir de ce cauchemar.

Croyons-le fermement. C’est M. Rostand qui nous le prêchait dès la Princesse lointaine :

En croyant à des fleurs souvent on les fait naître.

Et puis, nous y aurons double mérite :

C’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière !

C’est Chantecler qui le dit (acte II), et, pour une fois, il n’est que juste de l’applaudir.

  1. Revue Canadienne, juillet 1910.