Modernités/Poètes et Bourgeois/IV. Décadence

E. Giraud et Cie, éditeurs (p. 39).


IV

DÉCADENCE


Saphus aux cheveux d’ambre, aux yeux de mauvais ange
Est gras, blême et malsain comme un grand nénuphar
Poète de Lesbos, ses vers sentent le fard,
Le cold-cream et parfois un parfum plus étrange,

Grand rôdeur de cuvette et rôdeur avec art,
Il excelle à poudrer d’un givre d’or la fange
Et l’eau des mauvais lieux, et praline à l’orange
Des poèmes douteux, qu’on goûte au boulevard.

Il est souple, charmeur, plein de déliquescence ;
Joli comme un éphèbe en pleine adolescence ;
Comme la pourriture il est phosphorescent :

Mais il se connaît trop et, plein de défiance,
Professe le mépris de tout talent naissant
Et le culte des morts, qu’il pille en conscience.