Modernités/Mondaines/II

E. Giraud et Cie, éditeurs (p. 96-97).
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II


Le mari vieux, jaloux, maussade et sans esprit,
Vous avez deviné…
Vous avez deviné…Non pas, ne vous déplaise ;
Monsieur Steiss a trente ans, œil noir, tenue anglaise,
Trois millions en plus, mais il est le mari…
Sans autre titre, hélas que des titres de rente !
Agent de change… fi… Steiss, un nom plébéien,
Français, tandis que Serge est, lui, prince autrichien,
Polonais d’origine et marquis de Tarente.

Il est vrai que le prince a plus de quarante ans,
Qu’il a le cheveu jaune et rare et que ses dents,
Si l’on en croit les bruits, sont très problématiques.

Mais le prince eut jadis de royales amours.
Il porte enfin chez lui des vestons de velours,
Brodés d’or et taillés en vieilles dalmatiques…
Puis ces grands débauchés vous ont de tels discours,
Qu’enfants, mari, famille à la lignée ancienne
Du prince céderont le pas, trop honorés
De la grande faveur.

De la grande faveur.Et les doigts enfiévrés,
Madame Steiss écrit de sa main plébéienne,
De sa main digne, hélas, d’être patricienne,
Comme il le dit lui-même avec des yeux navrés,
Ces seuls mots sur la carte aux quatre coins dorés.

« J’irai demain chez vous, je vous aime,
« J’irai demain chez vous, je vous aime,Adrienne. »