Modernités/Fleurs de boue/Dilettantisme

E. Giraud et Cie, éditeurs (p. 70-71).


DILETTANTISME


À Georges Rochegrosse.


I



Un rouge chapeau Directoire,
Dont l’ombre avivait ses yeux bleus
D’une adorable estompe noire,
Encadrait l’or de ses cheveux ;

Et de ses coudes nus d’ivoire
Plaquant contre ses reins nerveux
Un étroit mantelet de moire,
Doublé de surah couleur feux,

Elle avait l’air fine et câline
Dans sa robe de mousseline
D’une maîtresse à Talleyrand.

Elle était moderne et divine,
Et son long regard attirant
Disait la femme qui raffine.


II



Assise au bord de la terrasse,
Son fin profil au vent de mer,
L’œil distrait, un griffon de race
Blotti sur ses bas couleur chair,

Elle souriait un peu lasse,
Avec un petit rire amer,
Aux boursiers entourant sa place,
Haut cravatés, gantés de clair.

Son chien ayant rompu sa laisse,
Un matin, timide, implorant,
De l’aborder j’eus la faiblesse.
 
Mais elle, d’un ton de tyran,
« Le paradis n’a plus de pommes,
« Monsieur, je n’aime pas les hommes ! »