MiragesEmile-Paul Frères (p. 48-49).

ENNUI

La princesse Pensée est assise à ma porte.

Au fond du palais clos, d’or, de laque et de jade,
sur de graves coussins que chante un jet d’eau fade,
telle une fleur d’hiver rêve ma nonchalance ;
en des coupes d’argent meurent des violettes,
un arôme léger fume en des cassolettes,
et l’ennui, devant moi, l’ennui bleu se balance…

La princesse Pensée est assise à ma porte.

Et j’écoute siffler les rossignols de Perse,
et leur flûte se mêle aux notes que disperse
une flûte lointaine et dont la voix s’élance ;
un rayon de soleil, fugace amant des mouches,
d’une mouche de feu baise un coin de ma bouche,
et l’ennui, devant moi, l’ennui bleu se balance…

La princesse Pensée est assise à ma porte.

Ah ! palais enchanté, d’or, de jade et de laque,
frêles rayons dansants à travers l’ombre opaque,
musiques retombant aux jardins du silence,

parfums tendres, bassins qui reflétez mes poses,
voiles, graves coussins, violettes et roses,
l’ennui, le vaste ennui devant moi se balance !…

La princesse Pensée est assise à ma porte.