Mirages (Renée de Brimont)/Brumes sur l’eau
BRUMES SUR L’EAU
Trianons, Trianons, votre âme puérile et double,
dans les bassins dormants, dans les ronds bassins troubles,
ce soir
votre âme s’est mirée aux fraîcheurs des miroirs.
Ses charmes surannés, ses grâces noblement frivoles
ont mêlé des rires défunts
aux parfums
dispersés par Octobre avec les feuilles qui s’envolent,
les vaines, jaunes feuilles molles.
C’est une âme lunaire — à pas légers et sourds
elle se glisse sous un bosquet sombre ;
ses cheveux argentés luisent parmi les voiles d’ombre,
tour à tour,
ou le long des furtives allées
qui s’habillent d’herbes échevelées…
Et les marbres figés en satyres galants
auréolent leurs fronts durs et blancs
de ses dansantes mélancolies…
Trianons, Trianons, et de ses folies !
Sur vos troubles bassins j’aime cette âme, ô Trianons,
cette âme vôtre tour à tour éprise
de bals poudrés, de damas rose et de linon ;
cette âme qui revient en capuchon de brumes grises,
ce soir !
Cette âme qui se penche… se penche au miroir,
noblement surannée et frivole,
et que le vent disperse avec les jaunes feuilles molles…