Mirages (Renée de Brimont)/Ô cette soif…

MiragesEmile-Paul Frères (p. 97-98).

XLVI

Ô cette soif inextinguible, merveilleuse,
ce tourment sourd de mon âme avide, ce désir,
ce grand désir qui monte, monte de ma lassitude !
… Ce grand désir ?… Non, car je veux
une coupe d’oubli pour y noyer mes chimères
et les paroles que chantent mes rêves ;
et je veux le silence, et l’ombre fraîche sur mes yeux,
et le repos, et la sérénité de l’heure.

Qu’Hier s’éloigne comme une danseuse
Sous ses voiles de tulle et de brume !… Longtemps, longtemps
a résonné l’écho de son rire hésitant…
Mais à quoi bon tout cela qui nous trouble !
Je n’allumerai plus la lampe si douce
qui me ferait veiller avec des morts. Je veux dormir
loin du visage brouillé des souvenirs.
… Ramenez avec soin les courtines.

Dormir ?… La Nuit au front moite, la Nuit, pourtant,
sœur bleue des ondes d’opale ou de lune,
la Nuit m’a fait signe !… Elle m’attend…
Son sourire à travers la vitre s’insinue…
Voici l’appel bondissant d’une source,

la caresse d’une brise floue…
Et le désir secret de mon âme — ce grand désir
voudrait s’égarer dans les nocturnes ruses !

Ô soif, soif ! Qui donc posera lentement
des mains pieuses sur mes chaudes lèvres ?
Qui me bercera d’un murmure blanc,
doucement, lentement ?…
Quel souffle ultime dissipera mes rêves,
et quelle sagesse régnera désormais
sur mon âme houleuse tour à tour et vide,
et qui ne sait ce qu’elle désire ?…