Michel-Ange à propos d’un livre récent
La célébration du quatrième centenaire de la naissance de Michel- Ange a provoqué, il y a une quinzaine d’années, en Italie, en France, en Allemagne, en Angleterre, un tel déluge de brochures et de volumes qu’il semblait que la matière fût épuisée, si tant est qu’un tel sujet puisse s’épuiser jamais. Aujourd’hui, le volume de M. Emile Ollivier vient lui donner un regain d’actualité, si tant est qu’un tel sujet cesse jamais d’être à l’ordre du jour. La tentative de M. Ollivier me servira de prétexte, sinon de texte, pour montrer ce que les recherches récentes ont ajouté à la connaissance de cette haute et puissante personnalité. Je m’attacherai tout particulièrement, afin de ne pas redire ce qui aura pu être mieux dit par d’autres, à la première période de la vie du maître, à son éducation, à ses débuts, thème à peine effleuré par son dernier biographe.
En se plaçant au point de vue chronologique, il semble que Michel-Ange soit le puîné de Raphaël. Ici, en effet, les dates ont tort : Michel-Ange représente l’ère moderne avec infiniment plus de fidélité que ces génies d’une souveraine sérénité, Léonard et Raphaël. Misanthrope sublime, il a deviné notre mélancolie, nos angoisses, les doutes de l’âme sur elle-même et ses révoltes contre la société, et il les a traduits avec la véhémence qui n’appartient qu’à lui. « Comme l’homme a grandi et souffert ! » répétera-t-on avec M. Taine devant les tombeaux des Médicis. « Comme il a formé et dégagé sa conception originale de la vie ! Voilà l’art moderne tout personnel et manifestant un individu qui est l’artiste, par opposition à l’art antique tout impersonnel et manifestant une chose générale qui est la cité. La même différence se rencontre entre Homère et Dante, entre Sophocle et Shakspeare ; de plus en plus l’art devient une confidence, celle d’une âme individuelle, qui s’exprime et se rend visible tout entière à l’assemblée dispersée, indéfinie, des autres âmes. »
Les recherches les plus pénétrantes sur l’histoire de l’École florentine sont impuissantes à nous expliquer la genèse de Michel-Ange : elle a été aussi éclatante qu’imprévue. Après un assoupissement relativement long de la statuaire italienne, et lorsque l’on pouvait la considérer comme parvenue au terme de son évolution, voilà tout à coup cette apparition surnaturelle, éclipsant tout le passé, renouvelant tout le présent, le plus prodigieux tempérament de statuaire que le monde eût vu depuis Phidias. Quelle place ne faut-il pas faire au hasard à côté des lois historiques !
Michel-Ange naquit le 6 mars 1475 au château de Caprese, dans la province du Casentin, et dans le diocèse d’Arezzo, à peu de kilomètres du fameux couvent franciscain de la Vernia, immortalisé par les visions de saint François d’Assise. C’est un des paysages les plus âpres et les plus grandioses de la Toscane, avec ses gigantesques rochers dénudés, ses forêts de hêtres séculaires, l’air pur et vif d’une des plus hautes cimes des Apennins.
Son père, Louis Buonarroti (né en 1444, mort en 1534 à l’âge de quatre-vingt-dix ans), remplissait à ce moment pour le compte du gouvernement florentin les fonctions de podestat des petits bourgs de Caprese et de Chiusi (qu’il faut bien se garder de confondre avec l’antique cité de Chiusi sur les confins de la Toscane et de l’État pontifical). Il appartenait à une famille fort ancienne, que les généalogistes du XVIe siècle ont voulu rattacher aux comtes de Canossa ; mais on sait ce qu’il faut penser de ces anoblissemens rétrospectifs, qui sont surtout ridicules quand il s’agit d’un ancêtre tel que Michel-Ange. À l’expiration de son mandat, qui n’était que de six mois, Louis retourna à Florence, ou plus exactement à Settignano, où il avait une petite propriété d’un revenu de vingt florins, — un millier de francs, — et y mit le jeune Michel-Ange en nourrice chez la femme d’un tailleur de pierres.
Disons tout de suite que, si la famille était ancienne et honorable, elle n’était nullement riche ; la naissance de plusieurs autres fils (Michel-Ange était le second), à savoir : Buonarroto (1477-1528), Jean Simon (1479-1548), Sigismond (1481-1555), ne fit qu’augmenter la gêne du ménage. Aussi l’aîné, Léonard, dut-il se faire dominicain, tandis que les autres entraient dans le commerce. Plus tard, le vieux Louis obtint de Laurent le Magnifique, grâce à la faveur dont son fils jouissait auprès du chef de la république florentine, une place de commis préposé à l’octroi ou à la douane, avec huit florins (environ 200 francs) de traitement par mois. Passablement entiché de sa noblesse, il se vantait, devant le Magnifique, de n’avoir jamais appris un métier, de ne savoir autre chose que lire et écrire, et il professait, au témoignage de Condivi, qui tenait ses informations de la bouche même de Michel-Ange, un souverain mépris pour l’art. Dépourvu d’énergie et d’activité, le vieillard ne pouvait manquer de tomber à la charge du mieux doué de ses fils. Quant à sa femme Françoise, on manque de détails sur son caractère ; on sait seulement qu’elle mourut en 1497, âgée de quarante-deux ans, sans avoir, ce semble, tenu une grande place dans la vie du jeune Michel-Ange.
Tout nous autorise à croire que l’enfant se distinguait dès le principe par ce caractère réfléchi, cet éloignement pour les distractions et les vanités mondaines, et, disons le mot, par cette humeur sombre qui lui valurent dans la suite tant d’inimitiés et de chagrins. Personne ne montra plus de sobriété, même dans la sobre Italie ; personne n’afficha plus de simplicité dans sa mise, dans sa manière de vivre, dans ses goûts. Grâce à une constitution extraordinairement robuste, qui le plaçait en quelque sorte en dehors et au-dessus des besoins de la nature humaine, l’esprit pouvait se consacrer librement chez lui aux problèmes les plus transcendans. Il était de la même race que Brunellesco, le grand architecte ; doué d’une énergie indomptable, se proposant les tâches les plus ardues, ne vivant que pour son art, dur pour les autres comme pour lui-même, d’humeur frondeuse, le plus mauvais courtisan qui se pût imaginer. D’où les innombrables difficultés qui troublèrent son existence.
Ces hommes à l’antique n’étaient point pourtant des égoïstes : Michel-Ange le prouva par les sacrifices qu’il s’imposa pour les siens, par sa respectueuse admiration pour sa vieille amie Vittoria Colonna, par son affection pour son vieux domestique. À se concentrer ainsi, le cœur ne devient que plus sensible, et il gagne en profondeur ce qui lui manque en étendue. J’ajouterai, pour n’avoir plus à revenir sur ces détails de l’ordre intime, que toute sa vie Michel-Ange se montra excellent pour les siens et qu’il travailla avec acharnement afin d’entretenir, soit son père, soit ses frères. Aussi ceux-ci prirent-ils rapidement l’habitude de l’exploiter ; la longue correspondance qu’ils échangèrent avec lui est plus riche en demandes d’argent qu’en témoignages d’affection pour l’homme, qu’en témoignages d’admiration pour l’artiste. Leurs sollicitations devenaient parfois si pressantes, qu’un jour, — c’était en 1497, — Michel-Ange répondit à son père qu’il lui enverrait ce qu’il lui demandait, dût-il se vendre comme esclave.
Sa longue résidence à Settignano ne fût pas sans influence sur la vocation de l’enfant. On sait que ce village, de même que Majano et Fiesole, est entouré d’importantes carrières, dont l’exploitation forme la principale ressource des habitans. Au XVe siècle, grâce à la confusion des spécialités, plus d’un de ces tailleurs de pierre devint un statuaire éminent, témoin Desiderio da Settignano, l’auteur du tombeau de Marsuppini et du tabernacle des Médicis, dans l’église Saint-Laurent, jeune artiste du plus haut avenir, prématurément enlevé à l’art. Aussi Michel-Ange, qui, en vrai Florentin, avait l’humeur sarcastique, répétait-il à son futur biographe Vasari : « Si j’ai quelque chose de bon dans l’esprit, cela vient de la subtilité de l’air de votre pays d’Arezzo, et de même j’ai tiré du sein de ma nourrice les ciseaux et le maillet avec lesquels je taille mes figures. »
De fort bonne heure, la vocation de l’enfant s’accentua avec une irrésistible énergie : il ne faisait que dessiner, ce qui l’exposait aux incessans reproches et même aux mauvais traitemens des siens. Plus d’une fois, son père et ses oncles le battirent cruellement pour le faire renoncer à des études qu’ils considéraient comme indignes de leur maison. Force lui fut de suivre quelque temps les cours d’un maître de grammaire fixé à Florence, un certain François d’Urbin.
Pendant cette période de luttes avec sa famille, Michel-Ange fit la connaissance du jeune François Granacci, un peu moins âgé que lui (il était né en 1477 et mourut en 1543), qui travaillait chez le plus célèbre des peintres florentins du temps, Domenico Ghirlandajo. Granacci prêtait à son ami des modèles et parfois l’emmenait à l’atelier de son maître. Lorsque ses parens renoncèrent enfin à contrarier sa vocation, le nom de Ghirlandajo se présenta donc tout naturellement à eux comme celui de l’artiste le plus apte à diriger les études du jeune Michel-Ange. Ce choix surprendrait à juste titre, si nous ne savions que Verrocchio, le seul maître désigné pour recevoir un élève tel que Michel-Ange, s’était fixé à Venise depuis plusieurs années et qu’il mourut précisément en 1488, Ghirlandajo, quel que fût son talent, n’était pas un de ces esprits suggestifs qui, à l’instar de Verrocchio ou de Pollajuolo, en creusant l’une ou l’autre des faces de la technique, pouvaient espérer de renouveler l’art. On admire la fierté ou la précision de ses lignes, la netteté de sa caractéristique, mais on chercherait en vain chez lui quelque principe fécond, quelque vue supérieure.
Le contrat conclu le 1er avril 1488 avec Ghirlandajo et avec son frère David (ils étaient associés) portait une clause singulière et qui témoignait, soit de la valeur précoce de Michel-Ange, soit de l’avidité de son père : les Ghirlandajo, au rebours de toutes les habitudes reçues, consentaient à rétribuer leur élève, à raison de 6 florins (environ 300 francs), pour la première année, de 8 pour la seconde, de 10 pour la troisième. Michel-Ange avait quatorze ans quand il entra dans leur atelier. Il n’était donc plus un débutant, mais déjà presque un maître.
L’éducation première de Michel-Ange n’a jamais fait l’objet d’une étude développée. J’ai le devoir d’insister sur cette période, trop peu connue, de son développement artistique. Je constaterai tout d’abord que les influences du dehors ont peu de prise sur des génies aussi fermes. Malgré la diversité des productions qui le composent, l’œuvre de Michel-Ange est un, depuis ses premiers essais à Florence jusqu’aux figures que peignait ou que modelait à Rome sa main déjà à moitié glacée. On a beau chercher : impossible de distinguer par exemple, comme chez Raphaël, une période florentine et une période romaine, pour ne point parler d’une période ombrienne. Tout au plus, découvre-t-on des différences dans le mérite des ouvrages appartenant aux différentes étapes de sa longue existence : quant à leur caractère intrinsèque, il ne varie pas. C’est par là que Michel-Ange, suprême représentant de la conviction et de la volonté, se rapproche du sublime fantaisiste qui s’appelle Léonard de Vinci. C’est que tous deux ont apporté leur idéal avec eux en venant au monde, tandis que Raphaël n’a que graduellement élaboré le sien en s’inspirant des modèles qui l’entouraient. Michel-Ange a fort bien saisi ce trait du génie de son jeune rival en déclarant que Raphaël ne tenait pas sa supériorité de la nature, mais de l’étude.
Je n’irai cependant pas jusqu’à dire, avec M. Klaczko, dans son essai si attachant et si suggestif[1], que Michel-Ange apparaît solitaire et hautain, sans lien de parenté avec l’école de son temps, sans filiation avec celle du passé. Il m’est difficile de croire à de tels cas de génération spontanée. On verra tout à l’heure que Michel-Ange n’a nullement dédaigné de s’inspirer de l’œuvre de ses prédécesseurs ; je me hâte d’ajouter qu’en recherchant les affinités entre son style et celui des Donatello ou des Jacopo della Quercia, je ne cède pas à la pensée de rabaisser un colosse qui est au-dessus de toute atteinte. Je voudrais plutôt montrer par quels liens il se rattache à son époque, et qu’à son insu peut-être il a repris des traditions que l’on pouvait croire interrompues.
Les premiers modèles étudiés par le débutant furent ceux devant lesquels se formait alors toute la jeunesse artiste de Florence, d’une parties marbres antiques réunis dans le jardin des Médicis, de l’autre les fresques de Masaccio au Carmine. Ce fut pendant une séance faite dans cette chapelle que l’adolescent reçut d’un de ses condisciples, le sculpteur Torrigiano, le coup de poing qui lui brisa le nez et le défigura pour la vie : « Quand nous étions jeunes, — C’est ainsi que Torrigiano lui-même raconta son odieux exploit à Benvenuto Cellini, — Buonarroti et moi allions travailler à l’église del Carmine, d’après la chapelle du Masaccio, et comme Buonarroti avait l’habitude de persifler tous ceux qui dessinaient, un jour entre autres qu’il m’ennuyait, je me mis plus en colère que de coutume et fermant la main, je lui donnai un si grand coup de poing sur le nez, que je sentis sous mon poing l’os et le cartilage s’écraser comme si ce fût une oublie, et, tant qu’il vivra, il en restera ainsi marqué. »
Si le style, la manière, de Michel-Ange étaient dès lors nettement arrêtés, en revanche ses convictions avaient encore quelque chose de flottant. Nous le voyons par la diversité de ses études : c’est ainsi qu’il s’amusa à copier en peinture une estampe du peintre-graveur alsacien Martin Schoen, la Tentation de saint Antoine, ouvrage absolument placé en dehors du cercle de ses préoccupations ; car, que pouvait-il y avoir de commun entre ce jeune génie, amoureux de formes pleines et amples, et les figures maigres, tourmentées, frisant presque la caricature, du brave maître de Colmar ?
D’autres modèles fixaient dès lors l’attention de Michel-Ange. Parmi les morts, c’était tout d’abord Donatello, dont l’enseignement continuait de vivre, soit dans les nombreux ouvrages dont il avait orné Florence, soit dans la tradition qu’avaient recueillie plusieurs de ses élèves, entre autres Bertoldo, qui toutefois sacrifiaient de plus en plus au maniérisme. Michel-Ange ne pouvait manquer de subir la fascination de ce puissant génie, que tant de qualités communes rapprochaient de lui ; il l’étudia avec ardeur, non sans jeter parfois un coup d’œil complaisant sur le chef-d’œuvre de Ghiberti, sur ces portes du baptistère qu’il proclamait dignes de figurer à l’entrée du paradis. L’imitation de Donatello fut chez lui tantôt volontaire, tantôt inconsciente, et elle se poursuivit, à travers de nombreuses interruptions, depuis ses débuts, la Madonna della casa Buonarroti, jusqu’à son Moïse, inspiré, comme je l’ai établi ailleurs, du Saint Jean sculpté par Donatello pour la cathédrale de Florence. Michel-Ange lui prit le secret même de son style, cet art de faire vibrer les figures et de les animer comme par une secousse électrique, de mettre de la passion et de l’éloquence jusque dans les draperies, en un mot, ce sentiment dramatique si profond et cette agitation fébrile, signes distinctifs des temps nouveaux. Mais nous avons des emprunts plus directs encore : un des personnages des portes de bronze de Donatello, à San Lorenzo, debout, tourné à droite, la main gauche étendue, annonce le Père éternel qui figure dans la Création d’Eve de la chapelle Sixtine. Le mouvement de la tête est presque identique ; le type même offre une grande analogie ; seul le bras est plus élevé chez Michel-Ange, de même que les draperies sont infiniment mieux arrangées chez l’élève que chez le précurseur. On constatera également la ressemblance du type de la Madone de Bruges avec la Judith exposée sous la Loge des « Lanzi. »
Je mentionnerai dès à présent, quoiqu’elle ne se soit manifestée que plus tard, après son voyage à Bologne, l’influence si profonde, si persistante, exercée sur le jeune sculpteur florentin par Jacopo ou Giacomo della Quercia, le puissant sculpteur siennois (1371-1438). Assurément, ceux qui se complaisent uniquement dans l’admiration de la souveraine élégance des primitifs florentins, tels que les Ghiberti, les Rossellino, les Desiderio, les Majano, n’apprécieront pas le génie plus austère de della Quercia, l’homme de la grande sculpture monumentale, le créateur de figures amples et graves, animées d’un souffle véritablement épique, éloquentes par l’attitude et par le mouvement général plus encore que par le geste. La recherche des grandes lignes, opposée à celle de la finesse, si chère à Ghiberti, la fierté de l’homme qui dédaigne de plaire, sûr qu’il est d’émouvoir, un mélange d’allure et de hauteur, voilà quelques-uns des traits de cet artiste encore trop peu connu. Comparé à ses émules florentins. della Quercia manque de netteté dans les idées et dans l’expression ; il ne possède à aucun degré ce que l’on appelle un tempérament littéraire ; il conçoit et exécute péniblement. Mais quelle vie latente et quelle force contenue dans ses figures encore un peu impersonnelles ! Comme il a repris et développé la tradition de la grande sculpture, sobre et grave, où c’est le corps plus encore que le visage qui traduit les sentimens ! c’est ainsi qu’avaient procédé, vingt siècles auparavant, les Grecs de la grande époque, les sculpteurs du Parthénon.
Les ouvrages de Jacopo abondaient en Toscane, notamment à Sienne et à Lucques ; néanmoins tout nous autorise à croire que Michel-Ange ne se familiarisa qu’à Bologne, en 1495 et en 1508, devant les bas-reliefs des portes de l’église de San Petronio, avec ce style large, robuste et sain, autant que celui de Donatello était passionné et fiévreux. Malgré leurs qualités transcendantes, les sculptures de San Petronio ne pouvaient prétendre à l’honneur d’inspirer un statuaire de la taille de Michel-Ange, sauf peut-être dans la Pietà de Saint-Pierre de Rome, où le caprice des plis qui enveloppent les genoux fait penser à della Quercia, comme l’a constaté M. Eugène Guillaume, dans l’étude d’une éloquence si pénétrante qu’il a consacrée à Michel-Ange[2]. Aussi ne fut-ce pas Michel-Ange, sculpteur, mais bien Michel-Ange, peintre, qui les mit à contribution : on en retrouve plus d’une réminiscence dans les fresques de la chapelle Sixtine.
Les analogies sont surtout frappantes dans la Création d’Eve : le Père éternel, de della Quercia, si majestueux et si mouvementé, avec son bras levé, sa longue barbe flottante, y a très certainement servi de modèle à Michel-Ange pour la figure correspondante, quelque fermeté et quelque éloquence que l’artiste du XVIe siècle ait d’ailleurs ajoutées aux créations de son prédécesseur. Si l’Eve de Michel-Ange est indépendante de celle de della Quercia, en revanche, le parti-pris général adopté pour la pose d’Adam, avec ce mol abandon de tout son corps, offre une saisissante ressemblance. Dans l’attitude et le geste des patriarches et des prophètes, on constate également des points de contact : les figures de San Petronio, avec leurs barbes incultes et leur expression farouche, sont bien les ancêtres de celles de la chapelle Sixtine, qui ont en plus une liberté illimitée et le sentiment dramatique le plus véhément.
Mais Michel-Ange n’a-t-il rien pris à ses prédécesseurs immédiats, à ces charmans quattrocentistes florentins, si fins et si purs ? J’en ai douté jusqu’au jour où le hasard a placé sous mes yeux une série de statues de saint Sébastien sculptées par Mino de Fiesole, Antonio Rossellino et Benedetto da Majano. L’incertitude n’était plus possible : quoique ces figures ne soient pas encore assez fermement posées et qu’elles manquent d’accent, de parti pris, elles annoncent l’Esclave ou le Prisonnier endormi, du musée du Louvre, et forment les échelons qui aboutissent à cette merveille. Il faut surtout comparer l’Esclave du Louvre au Saint Sébastien de Benedetto da Majano, dans l’église de la Miséricorde à Florence (photographie d’Alinari, no 4901) : la tête y est renversée de même en arrière, et les jambes portent de même. Mais Michel-Ange, au lieu de lier les deux bras derrière le dos, les a ramenés l’un sur la poitrine, l’autre sur la tête, trait de génie qui donne à la figure une éloquence et un pathétique inattendus.
Vis-à-vis d’un autre artiste que l’on range d’ordinaire parmi les précurseurs de Michel-Ange, le problème est plus compliqué : je veux parler de Luca Signorelli, le peintre au Jugement dernier d’Orviéto. Que de fois n’a-t-on pas affirmé que les études anatomiques de Signorelli avaient servi de point de départ à celles de Michel-Ange, de même que sa recherche de la musculature et sa passion pour les effets de torse ! En réalité, le Jugement dernier d’Orviéto, commencé en 1499 seulement, n’a été terminé que vers 1505. Or, longtemps auparavant, dans le Combat des Centaures et des Lapithes notamment, Michel-Ange avait montré à quel point il possédait la connaissance de la structure anatomique du corps humain et avec quelle puissance il savait la mettre en relief. Ce ne fut que dans le Jugement dernier de la chapelle Sixtine qu’il s’inspira du Jugement dernier de Signorelli : le démon qui descend, portant une femme sur le dos, rappelle, par sa disposition générale, le motif analogue peint à Orviéto. Mais la force aveugle qui s’appelle le destin eut plus de part à cette rencontre que la volonté bien réfléchie de Michel-Ange, qui certainement ne s’appliqua jamais, de propos délibéré, à imiter Signorelli, artiste encore passablement archaïque, comme il avait imité, par exemple, l’antiquité ou Jacopo della Quercia. Bien plus, Signorelli, à son tour, devint tributaire de celui que l’on a représenté comme son plagiaire : il copia en grisaille la Pietà de Saint-Pierre de Rome.
Si l’on tient sous ce rapport à découvrir des précurseurs à Michel-Ange, pourquoi ne pas évoquer le souvenir d’Andréa Verrocchio et d’Antonio Pollajuolo, dont les recherches persistantes firent faire un si grand pas aux études anatomiques ? Tous deux avaient depuis longtemps quitté leur ville natale pour se fixer, l’un à Venise, l’autre à Rome ; mais dans un milieu aussi effervescent que Florence, leurs enseignemens, même indirects, ne pouvaient manquer de laisser une trace durable.
J’ai réservé pour la fin de ce premier chapitre l’histoire des relations de Michel-Ange avec Domenico Ghirlandajo ; c’est qu’en réalité le prétendu maître n’a exercé aucune influence sur l’élève supposé. Les quinze ou dix-huit mois que Michel-Ange passa dans son atelier, comptent cependant parmi les plus féconds de la carrière de Ghirlandajo. Il avait commencé en 1485 les fresques de Santa-Maria-Novella, son chef-d’œuvre, et il y travailla jusqu’en 1490, tout en menant de front l’exécution d’une foule d’autres ouvrages, tels que des retables ou des mosaïques pour l’église de l’Annonciation ou pour le dôme de Florence. Qui ne connaît la décoration si fière et si pittoresque de Santa-Maria-Novella, ces scènes de l’Histoire de saint Jean-Baptiste et de l’Histoire de la Vierge, dans lesquelles l’artiste, par un anachronisme qui devait profondément choquer le jeune Michel-Ange, représenta les Israélites dans le costume des Florentins du XVe siècle, et donna aux Patriarches les traits des Tornabuoni, qui avaient commandé l’ouvrage, des Médicis, qui étaient les parens des Tornabuoni, et des plus marquans d’entre leurs amis ? Rien ne se saurait imaginer de plus opposé aux tendances auxquelles Michel-Ange resta fidèle toute sa vie. Remarquons d’abord qu’ici la recherche du pittoresque (types, costumes, mobilier, ornemens) l’emporte sur celle du grand style, sur la poursuite de figures plus ou moins idéales, d’un costume se rapprochant de celui de l’antiquité, du moins par sa simplicité, tel qu’il est de règle chez Michel-Ange, tout comme chez Léonard, quelle que soit d’ailleurs la différence entre les aspirations des deux maîtres. Michel-Ange aime à condenser tout un monde de sensations dans un personnage unique ; Ghirlandajo a besoin d’acteurs nombreux, de brillans accessoires, pour frapper le spectateur. Et dans ces personnages mêmes, quelle maigreur de dessin, comparée à l’ampleur, au relief extraordinaire que le Buonarroti saura mettre dans ses toutes premières créations ! Comme Ghirlandajo, malgré son étude de l’antique, est resté pauvre et maniéré, en regard de son immortel disciple ! Aborde-t-il le nu, il le fait avec une insuffisance choquante, par exemple dans le Baptême du Christ, Comparons-nous ses Évangélistes, inscrits dans les segmens triangulaires des voûtes, avec les Prophètes de Michel-Ange, quel abîme ! Ce sont des figures correctes, à l’expression sérieuse, aux draperies savamment disposées, mais qui ont le tort d’être écrasées par les gigantesques créations de la Sixtine. Le Jugement dernier, peint dans l’abside de Santa-Maria-Novella, provoque un autre rapprochement, non moins redoutable. L’ensemble abonde d’ailleurs en qualités séduisantes : ce coloris ambré, d’une distinction si grande, l’élégance des Florentines qui assistent à la naissance de saint Jean-Baptiste, l’arrangement des paysages.
Si j’insiste sur ces contrastes, c’est que le fils de Dominique Ghirlandajo, Rodolphe, cherchait à accréditer le bruit que Michel-Ange devait énormément à son père. Le fait est que celui-ci ne constatait pas sans jalousie les progrès d’un élève qui menaçait dès les premiers jours de l’éclipser. Aussi les rapports du maître et de l’élève furent-ils loin d’être empreints de cordialité. Dominique avait un penchant à la jalousie, et Michel-Ange, par sa supériorité éclatante, ne pouvait manquer d’alimenter ces sentimens mesquins ; son irrévérence fit le reste. Un jour qu’un de ses condisciples avait dessiné plusieurs femmes d’après une composition de Ghirlandajo, il prit le dessin, refit les contours d’une des femmes au moyen d’un trait plus épais et substitua une figure parfaite à une figure insuffisante.
La situation devint bientôt fort tendue entre le maître et le disciple. Après avoir essayé de faire croire qu’il avait eu une grande part à l’exécution de la Tentation de saint Antoine, Ghirlandajo en vint jusqu’à refuser à son élève de lui communiquer l’album dans lequel il avait consigné un certain nombre d’études d’animaux, de fabriques, de paysages, de ruines. Michel-Ange, qui n’oubliait pas facilement, se garda bien de cacher ces détails à son biographe, quelque soixante ans plus tard. Ici encore, Granacci intervint comme l’ange tutélaire de son ami. Ce fut lui qui, au témoignage de Condivi, introduisit son jeune ami dans les jardins des Médicis, lui ouvrant ainsi un monde de jouissances nouvelles. Dès lors Michel-Ange ne quitta plus ce musée sans rival, dans lequel trois générations d’amateurs aussi éclairés qu’ardens avaient entassé les merveilles de la statuaire antique.
On n’a pas tenu assez de compte, à mon avis, de l’influence que le séjour chez les Médicis exerça sur le développement intellectuel de leur jeune protégé. C’est au milieu de leurs collections inappréciables que Michel-Ange se familiarisa avec les moindres secrets de l’art antique, sauf à mettre dans ses créations une chaleur et un mouvement inconnus aux maîtres auxquels il faisait l’honneur de les consulter.
Pour ce qui est d’énumérer ces emprunts ou de définir l’action exercée sur le débutant par ces modèles, ce n’est pas en quelques pages que je puis essayer de résoudre un problème si compliqué. Qu’il me suffise de dire que, si l’antiquité a fourni en abondance à l’artiste de la renaissance et des idées et des motifs, si elle lui a inspiré son culte de la forme, si elle a favorisé son goût pour l’abstraction, à tout instant aussi l’idéal de Michel-Ange se trouve en opposition avec celui des Grecs. Considérons par exemple sa tendance à subordonner à une impression unique, non-seulement les membres et les organes qui traduisent les mouvemens de l’âme, les yeux, la bouche, les mains, mais encore des parties du corps en quelque sorte inconscientes, le torse, et jusqu’aux draperies, en un mot cette habitude de faire vibrer tout notre être sur une note unique, sur une note qui exprime l’émotion la plus forte, le pathétique suprême : est-il rien qui jure davantage avec les habitudes des sculpteurs de la belle période classique, préoccupés de nous offrir des formes pures et harmonieuses avant de songer à traduire les mouvemens de l’âme ?
Aussi bien n’est-ce pas chez les contemporains de Périclès, mais chez les sculpteurs de l’école de Pergame, puis chez les sculpteurs romains et surtout chez les graveurs en pierres dures, si brillamment représentés dans les collections des Médicis, qu’il faut chercher les prototypes de ces attitudes mouvementées et dramatiques. Le Laocoon ne fut découvert que plus tard, en 1506 ; immédiatement, dans les fresques de la Sixtine, l’influence de ce groupe si expressif se fit sentir.
Ce que l’étude des marbres réunis dans les jardins et des pierres gravées réunies dans les vitrines des Médicis avait été pour le sculpteur, la fréquentation des humanistes groupés autour de Laurent le Magnifique le fut pour le penseur et le poète. Nul doute que les théories platoniciennes, qui abondent dans les sonnets de Michel-Ange, ne lui soient venues de son commerce avec Marsile Ficin, le chef du néo-platonisme, dont l’action fut sur ce point corroborée par celle de Savonarole, adepte inconscient, mais ardent du philosophe de l’Académie. De même aussi, il est facile de faire remonter à l’influence d’un autre familier des Médicis, Cristoforo Landini, le commentateur de Dante, l’admiration passionnée que Michel-Ange professa toute sa vie pour le grand poète florentin. Ces deux nobles esprits, je veux dire Dante et Savonarole, mêlèrent à la sérénité du philosophe antique je ne sais quelle note sombre et pathétique, dernier écho des souffrances du moyen âge. Leur piété profonde, leur exaltation mystique, leur farouche amour de la liberté, — autant de traits qui ont passé dans l’âme du jeune Michel-Ange ou plutôt qui y ont exalté des qualités auparavant restées à l’état latent.
La mort de Laurent le Magnifique, au mois d’avril 1492, mit fin à la situation si enviable de Michel-Ange. Pierre, le fils de Laurent, était un jeune homme arrogant et sans goût véritable pour les études qui avaient fait le bonheur et la gloire de son père. On raconte qu’il employa Michel-Ange, tantôt à rechercher pour lui des pierres gravées, camées et intailles, tantôt à modeler une statue en neige. L’adolescent fit un meilleur usage de son temps en sculptant l’Hercule en marbre, que l’on put longtemps admirer au château de Fontainebleau (il a disparu depuis le XVIIe siècle), et un Crucifix de bois, destiné au couvent de Santo-Spirito, à Florence, ouvrage dont on a également perdu toute trace.
L’orage qui devait ruiner la domination des Médicis n’allait d’ailleurs pas tarder à éclater. On sait comment, le 8 novembre 1494, à la veille de l’entrée de l’armée française, Pierre, repoussé par ses compatriotes, prit honteusement la fuite et quitta sa ville natale, qu’il ne devait plus revoir.
Michel-Ange n’avait pas attendu jusque-là pour quitter subrepticement Florence. Un chanteur attaché aux Médicis, un certain Cardiere, l’ayant entretenu d’une vision qu’il avait eue à deux reprises différentes, — Laurent le Magnifique lui était apparu, n’ayant pour vêtement qu’une chemise noire déchirée, et l’avait chargé de dire à son fils Pierre qu’il ne tarderait pas à être chassé, — le jeune artiste courut d’une traite à Bologne en compagnie de deux de ses camarades. Étant donnée la tension d’esprit extraordinaire que s’imposait Michel-Ange, ces brusques dépressions n’ont rien de surprenant : la nature, contrariée et violentée par ce travailleur opiniâtre, prenait subitement sa revanche. C’est ainsi qu’il s’enfuit de Rome en 1506, persuadé que le pape Jules II voulait le faire assassiner ; c’est ainsi encore qu’il abandonna subitement Florence pendant le siège de 1529, sauf à venir reprendre bravement son rang parmi ses concitoyens, le premier moment d’affolement passé.
Nous nous sommes séparés de Michel-Ange au moment où il s’enfuyait précipitamment de Florence, sous l’empire d’on ne sait quelles terreurs prophétiques. Nous le retrouvons fixé à Bologne, la prospère, l’indolente, la grasse Bologne, cité hospitalière, où les artistes étrangers, surtout les Florentins, étaient assurés en ce temps de toujours trouver bon accueil, précisément parce que les artistes indigènes ne se sentaient pas de taille à leur disputer la suprématie.
Ainsi s’explique comment le jeune Florentin fut chargé immédiatement d’un travail aussi important que l’exécution des figures destinées à la châsse de Saint-Dominique, monument célèbre, commencé au XIIIe siècle par Nicolas de Pise, continué au XVe siècle par Nicolas de Bari, ou Niccolò dell’ Arca, et qui incarne les évolutions de la sculpture toscane depuis ses débuts jusqu’à son déclin. Michel-Ange l’orna de la statue de saint Petronius et de la statuette d’un ange tenant un candélabre, ouvrage au sujet duquel une singulière confusion a régné jusqu’à ces derniers temps : on a, en effet, attribué à Michel-Ange l’œuvre de Niccolò dell’ Arca et vice versa. Le doute, cependant, n’est pas possible, et un examen approfondi de la statuette vient ici confirmer le témoignage des pièces d’archives : cet enfant athlétique qui, pour soutenir un flambeau, déploie autant de force qu’il en faudrait à Atlas pour supporter le globe terrestre, cet enfant à l’expression sombre, au torse gigantesque, cet enfant, que dis-je ? cet homme en miniature, ne saurait provenir que du ciseau de Buonarroti.
Admirable en lui-même, par le spectacle de la force concentrée, l’ange de la châsse de Saint-Dominique pèche par la vraisemblance. Qu’avons-nous affaire, pour porter un flambeau, d’un ange taillé en Hercule ! Son caractère et son rôle exigeraient plutôt la suavité, et à cet égard, le prédécesseur de Michel-Ange, Niccolò dell’ Arca, s’est bien autrement pénétré des exigences de son sujet : sa figure offre une grâce et un charme inexprimables.
De retour à Florence, Michel-Ange trouva la ville profondément remuée, et par la chute des Médicis, et par le passage de l’armée française, et par les innovations du gouvernement révolutionnaire, et surtout par les prédications de Savonarole. Cette période si troublée de l’histoire de Florence ne fut point cependant stérile pour les arts ; de même que la république ambrosienne, fondée à Milan après la mort du dernier Visconti, de 1447 à 1450, la république florentine tint à honneur, pendant cet espace de dix-huit ans, de 1494 à 1512, d’encourager les arts. Elle le prouva par la construction de la grande salle du conseil, au palais de la Seigneurie, par la commande faite à Michel du David colossal et du carton de la Guerre de Pise, et à Léonard du carton de la Bataille d’Anghiari.
Les particuliers ne le favorisèrent pas moins, et parmi eux ce fut derechef un Médicis qui se signala au premier rang. Ce Médicis, il est vrai, appartenait à la branche populaire, la rivale de celle qui venait de perdre le pouvoir. N’importe : voilà Michel-Ange condamné une fois de plus à recevoir des bienfaits d’une famille qu’il haïssait du plus profond de son âme, comme les oppresseurs de sa patrie. Après Laurent le Magnifique et Pierre, fils de Laurent, leur cousin Laurent, fils de Pierre, fils de François, le chargea de sculpter un petit Saint Jean-Baptiste en marbre, un Giovannino, comme disent les Italiens. On identifie ce marbre à celui qui a été retrouvé à Pise, il y a quelques années, et qui figure aujourd’hui au musée de Berlin, œuvre passablement froide et guindée, dont tous les juges, et parmi eux M. Eugène Guillaume, n’admettent pas l’authenticité. Disons que, parmi les faces si variées sous lesquelles le précurseur se présentait à l’imagination des contemporains de Michel Ange, tantôt comme un adolescent plein de grâce (c’était là le type de prédilection de Donatello), tantôt comme un anachorète maigri par les jeûnes, tantôt comme un prophète inspiré, Michel-Ange choisit celle qui, en apparence, convenait le moins à son génie ; son saint, jeune, presque souriant, regarde avec tendresse un morceau de miel qu’il tient de la main gauche, tandis que sa droite, ramenée vers le cœur, semble proclamer l’ardeur de sa foi.
Dès lors, Michel-Ange, quoiqu’il n’eût à se plaindre ni de la fortune, ni des hommes, donnait des signes de cette humeur sombre et de cette critique acerbe qui lui suscitèrent tant d’obstacles et tant d’ennemis. On connaît sa sortie contre le Pérugin, qu’il traita publiquement de ganache, sa réponse impertinente à Léonard de Vinci, à qui il reprocha si amèrement d’avoir abandonné, sans la mener à fin, la statue équestre de François Sforza, et vingt autres traits pareils. Ses compatriotes néanmoins avaient des trésors d’indulgence pour lui, et le vieux Soderini, gonfalonier perpétuel de la république, ne négligea pas une occasion de lui confier des travaux, pas une occasion de le mettre en vue. Coup sur coup, le jeune artiste reçut une série de commandes flatteuses, trop connues pour qu’il soit nécessaire de les étudier à nouveau ici, le David colossal en marbre, le David de bronze destiné au maréchal de Gié, les statues d’Apôtres destinées à la cathédrale, le carton de la Guerre de Pise, etc., etc., pour ne point parler des ouvrages qu’il exécuta vers cette époque pour des particuliers, le Cupidon, le Bacchus, la Pietà de Saint-Pierre de Rome, la Vierge de Bruges, et différens tableaux de chevalet.
Le carton de la Guerre de Pise avait été livré au mois d’août 1505. Son auteur n’avait pas attendu jusque-là pour retourner à Rome. Le 1er novembre 1503, le cardinal Julien della Rovere, neveu de Sixte IV, avait été élu pape en remplacement de Pie III : l’avènement de ce pontife, qui rendit si célèbre le nom de Jules II, excita les espérances de tout ce que l’Italie comptait d’artistes éminens. Michel-Ange ne fut pas des derniers à tenter la fortune auprès d’un Mécène aussi passionné que magnifique. Il avait pour répondans auprès de lui, d’abord sa réputation, qui était dès lors la plus éclatante de l’Italie, et en second lieu l’amitié d’un architecte fameux, Julien de San Gallo, l’ami intime du pape, qu’il avait suivi en France, dans son exil peu déguisé à Avignon. San Gallo se montra constamment le plus fidèle et plus chaud des défenseurs du jeune sculpteur. Qui sait si, dans son zèle pour lui, il ne s’aliéna pas la faveur de Jules ? Il ne tarda pas, en effet, à être sacrifié à son émule Bramante, et en cela le pape montra que le goût chez lui l’emportait sur la fidélité aux affections personnelles.
Michel-Ange allait donc se trouver aux prises avec une volonté aussi forte que la sienne, avec un maître qui n’admettait pas de réplique. Cette lutte à bras-le-corps surexcita ses facultés, en même temps que ce despote, qui s’appelait Jules II, proposa à son ambition la tâche la plus splendide qu’il eût été donné à un peintre ou à un sculpteur de rêver. Sous ce rapport, le vieux pontife et le jeune sculpteur étaient dignes de s’entendre, et il serait difficile de décider lequel des deux il faut le plus féliciter de leur collaboration, le souverain qui doit à cette initiative le meilleur de sa gloire, l’artiste qui y trouva l’occasion de réaliser son chef-d’œuvre. N’oublions pas d’ajouter que, dans ce duel entre deux esprits également opiniâtres, le dernier mot ne resta pas toujours à Jules II : il le reconnut lors de la fameuse entrevue de Bologne : « Oui, au lieu de venir nous trouver, tu as attendu que nous vinssions te trouver… »
Nul doute que ce ne soit à San Gallo que Michel-Ange ait dû de recevoir la commande la plus grandiose qu’il pût ambitionner : celle du tombeau du nouveau pape. On connaît la réponse mémorable de Jules II au sculpteur, qui lui objectait que ce mausolée coûterait 100,000 ducats : « Eh bien, je t’en accorde 200,000. »
Singulier début pour un Mécène que de commencer par ce qui devait être le couronnement de sa carrière, — par sa sépulture, — mais qui montre bien en même temps l’indépendance du caractère de Jules II, la hauteur de ses vues ! Le tombeau devait prendre place dans la partie de la basilique de Saint-Pierre, reconstruite par le pape Nicolas V, un demi-siècle auparavant, c’est à-dire dans la tribune. Le pape chargea donc San Gallo et Bramante d’élaborer un projet d’installation ; chacun, naturellement, de chercher à surpasser son émule ; bref, de fil en aiguille, comme l’on dit, le pape en vint à songer à la réédification de la basilique tout entière et à continuer ainsi le gigantesque projet de Nicolas V. Du coup, le projet de tombeau se trouva sacrifié. Michel-Ange était orgueilleux et ombrageux ; Bramante, spirituel et vindicatif ; la guerre ne tarda pas à éclater entre eux, guerre épique qui mit en œuvre toutes les ressources de leur esprit et à laquelle leurs créations ont peut-être dû leur suprême perfection.
Je passe sur les péripéties de la rupture entre l’artiste et Jules II : elles sont suffisamment connues. Il en est de même de l’entrevue de Bologne, de la scène de la réconciliation, de l’exécution de la statue en bronze du pape, détruite quelques mois plus tard pendant une sédition.
Au printemps de l’année 1508, Michel-Ange était de retour à Rome. Il semblait qu’il dût reprendre sans tarder les travaux du tombeau papal. En aucune façon. Quoique commencé deux années auparavant, ce monument ne fut terminé, et encore ne le fut-il qu’imparfaitement, que longtemps plus tard. Pour n’en pas scinder l’histoire, je raconterai dès à présent les péripéties de ce que l’artiste appelait la tragédie de sa vie, et de fait, pendant plus de quarante ans, le tombeau de Jules II pesa comme un cauchemar sur l’imagination de son auteur.
D’après le projet auquel le pape et l’artiste s’arrêtèrent, vers 1512, le mausolée devait comprendre, autour d’un sarcophage colossal, une enceinte en marbre avec des statues, les unes placées dans des niches, les autres devant des piliers, les premières représentant des Victoires et des Provinces vaincues ; les secondes, les Arts libéraux. Un second étage devait recevoir quatre statues de plus grande dimension.
Michel-Ange commença par les statues de Prisonniers ou d’Esclaves. (Un dessin de l’Université d’Oxford contient des esquisses pour des figures enchaînées, les bras liés derrière le dos, les jambes croisées, dans les attitudes les plus dramatiques.) Il exécuta en premier lieu (vers 1512, d’après Springer) les deux statues d’Esclaves, aujourd’hui la gloire du musée du Louvre. Comme, par suite des nombreuses transformations que subit le projet primitif, elles ne purent être utilisées, Michel-Ange les donna, vers 1544, à son ami Robert Strozzi, de Rome, des mains duquel elles passèrent en France. On les trouve ensuite au château d’Écouen, la résidence princière du connétable de Montmorency, puis, au siècle suivant, en la possession de Richelieu.
La signification des deux statues a donné lieu à une foule d’hypothèses. Le système le plus rationnel est celui auquel s’est arrêté M. de Montaiglon : s’inspirant du texte de Condivi, le biographe qui écrivit presque sous la dictée de Michel-Ange, il considère ces statues, liées à la façon des prisonniers, comme les personnifications des Arts libéraux : la Peinture, la Sculpture et l’Architecture, chacune représentée avec ses attributs caractéristiques, de manière à être facilement reconnue. « Elles expriment en même temps que toutes les vertus sont prisonnières de la Mort avec le pape Jules et qu’elles ne sont pas pour trouver jamais quelqu’un pour les favoriser et les entretenir comme lui. »
Il est impossible d’imaginer un contraste plus éloquent que les deux Prisonniers ou Esclaves du Louvre. L’un, un adolescent, debout, les yeux fermés, un bras pressé contre sa poitrine, l’autre levé et soutenant sa tête fatiguée, a renoncé à la lutte ; épuisé par ses efforts, il s’est endormi du sommeil doux et tranquille de la jeunesse ; un sourire erre sur ses lèvres ; pour quelques instans, il est au-dessus des doutes et des misères d’ici-bas (Springer s’est figuré à tort qu’il agonisait). Tout autre est son compagnon, un lutteur dans la force de l’âge ; les deux mains liées derrière le dos, un pied posé sur le sol, l’autre sur un bloc de pierre, il lève vers le ciel des regards ardens, autant pour supplier que pour protester : dans ce regard, l’artiste a mis tout son cœur, toute son âme, son farouche amour de la liberté et de la justice. Ce n’est plus une figure symbolique que nous avons devant nous ; c’est Prométhée lui-même, Prométhée fixé sur son rocher par une volonté implacable et défiant encore les dieux. Admirable exemple de la force morale qui reste à l’homme quand le corps est réduit à l’impuissance.
On le voit, subitement, toutes les idées de charité, d’humilité, de rédemption, s’effacent chez Michel-Ange pour faire place aux plus éloquentes protestations contre la destinée humaine ; par un de ces courans mystérieux qui unissent les grands esprits de toutes les époques et de tous les pays, l’artiste du XVIe siècle revient aux drames de l’Olympe grec, mais en leur donnant une portée bien autrement haute. On dirait, en effet, que ces gigantomachies, si populaires dans l’École de sculpture de Pergame, se sont imposées à l’imagination ardente de Michel-Ange. Seulement, chez lui, ce ne sont plus des êtres animés luttant contre d’autres êtres ayant la forme humaine : c’est l’homme luttant avec les forces invisibles, avec les forces que sa foi de chrétien défendait à Michel-Ange de mettre directement en scène.
Ces révoltes, ces suprêmes audaces, suivies de châtimens terribles, dont la mythologie nous a conservé le souvenir, l’artiste du XVIe siècle s’y est attaqué plus d’une fois. Deux dessins montrent, l’un Prométhée, le noble ambitieux, puni pour avoir dérobé le feu divin ; l’autre Phaéton, le jeune présomptueux, précipité du haut des cieux pour avoir osé prendre en main les rênes du char du soleil ; ailleurs, dans une composition qui n’est plus connue que par la gravure de Béatrizet, Michel-Ange illustre le supplice du géant Tityus.
Des six statues destinées à la partie supérieure du mausolée de Jules II, une seule a été exécutée et s’est conservée jusqu’à nos jours : le Moïse. Dans la thèse de Springer, ce chef-d’œuvre fut commencé entre les années 1513 et 1516, alors que l’imagination de l’artiste était encore pleine des grandioses figures de prophètes de la Sixtine ; il ne fut toutefois achevé que de longues années après. L’inspiration est la même qu’à la Sixtine : mêmes formes robustes, même intensité d’expression, même grandeur sauvage.
Deux statues de femmes, la Vie active et la Vie contemplative ou Lia et Rachel, ont pris place dans le monument de Saint-Pierre-ès-Liens, aux côtés de Moïse. Michel-Ange s’y est inspiré de ces beaux vers de Dante (Purgatoire y ch. XXVII) : « Que quiconque demande mon nom sache que je suis Lia, et je vais portant de tous côtés mes belles mains pour me faire une guirlande. C’est pour me plaire à mon miroir que je me pare ; ma sœur Rachel ne se détourne jamais du sien, mais elle demeure assise devant lui tout le jour. Elle est avide de voir ses beaux yeux, comme moi de me parer avec mes mains. Son bonheur est de contempler et le mien d’agir. »
Ces deux statues datent de la vieillesse de Michel-Ange (elles étaient commencées en 1542). Si Lia offre une expression assez énigmatique, Rachel, avec ses mains jointes, comme la Foi de Civitale, est d’une grâce parfaite. Michel-Ange, qui s’était uniquement appliqué jusqu’alors à l’expression de la force et de la passion, s’est laissé aller sur ses vieux jours à l’élégance, presque à l’afféterie.
Nous revenons sur nos pas pour étudier l’œuvre immortelle à laquelle Michel-Ange se consacra exclusivement de 1508 à 1511 et qui, mieux partagée que tant d’autres de ses entreprises, forme un tout complet, achevé jusque dans ses moindres détails. Le lecteur devine que je veux parler des fresques de la chapelle Sixtine.
On a prétendu, jusqu’à ces derniers temps, que les ennemis de l’artiste, désirant le desservir, persuadèrent au pape de lui confier la décoration du plafond de la Sixtine. Rien de plus faux : les documens publiés à l’occasion du centenaire le prouvent surabondamment ; ils nous apprennent que le projet de décoration de la Sixtine remonte à l’année 1506, que l’initiative en revient à San Gallo, l’ami de Michel-Ange (il était assez naturel que les Florentins se soutinssent mutuellement contre les représentans des colonies rivales fixées à Rome) ; enfin, que Bramante, loin de l’appuyer, le combattit de toutes ses forces.
Il fut d’abord question d’orner les lunettes des figures des douze apôtres et le reste de la voûte de motifs d’ornement. Ce programme reçut même un commencement d’exécution. Mais Michel-Ange ne tarda pas à s’apercevoir que ces douze personnages isolés produiraient un effet mesquin et il proposa au pape une décoration infiniment plus riche en figures et d’une portée symbolique bien autrement haute. Jules II, toujours passionné pour le colossal, accepta avec enthousiasme.
Michel-Ange s’était mis à l’œuvre le 10 mai 1508 ; vers l’automne de 1510, il avait terminé les peintures de la voûte proprement dite ; au mois d’octobre 1512, les pendentifs et les lunettes étaient achevés à leur tour, et la chapelle pouvait enfin être livrée à l’admiration publique. Ce cycle colossal a donc été exécuté dans le délai si court de quatre années, et par un seul homme, exemple de labeur et de fécondité unique très certainement dans les annales de l’art moderne. L’énergie et la puissance de concentration dont Michel-Ange fit preuve pendant ce laps de temps tiennent du prodige. Enfermé dans la chapelle, il n’y laissait pénétrer âme qui vive. À peine le pape obtenait-il la faveur de visiter parfois le chef-d’œuvre qu’il payait.
Au début, le maître se laissa aller plus d’une fois au découragement. Le 27 janvier 1509, il écrivait à son père : « Je suis encore tout troublé (io ancora sono in fantasia grande) parce qu’il y a déjà un an que je n’ai pas reçu un gros de ce pape ; je ne lui demande rien, parce que mon travail n’avance pas assez pour me paraître mériter une rémunération. Cela tient à la difficulté du travail, et à ce que ce n’est point là ma profession, je perds donc mon temps sans utilité. Dieu m’assiste ! » Quelle modestie sublime dans ces accès de désespoir ! Avoir réalisé en quatre ans ce labeur infini, voilà ce que Michel-Ange appelait perdre son temps !
Le travail ayant commencé par les peintures de la voûte, ce sont elles qu’il convient d’examiner les premières. Une série de dessins, conservés à l’université d’Oxford, nous fait connaître la manière de procéder de Michel-Ange ; elle nous le montre replié sur lui-même, mûrissant longuement ses idées dans son esprit avant de les confier au papier ; mais une fois son choix fait, procédant à l’exécution avec une franchise et une hardiesse incomparables, sans tâtonnemens, sans repentirs, avec cette volonté et cette énergie qui soutiennent et animent ses figures jusque dans leurs moindres détails.
La première fresque montre Jéhovah traversant l’espace par un mouvement d’une originalité et d’une puissance extraordinaires, les bras levés, la tête rejetée, le manteau flottant derrière lui ; apparition aussi soudaine et imprévue que grandiose. C’est la paraphrase du fameux verset : « Dieu dit que la lumière soit, et la lumière fut. »
À voir le jet puissant et l’extrême liberté de cette figure, on dirait que Michel-Ange, si longtemps fatigué par la pratique pénible et lente de la sculpture, a éprouvé comme une sorte de volupté en échangeant le ciseau contre le pinceau et en devenant le maître de créer des dieux ou des mortels à l’aide d’un peu de couleur et de quelques coups de brosse.
Dans la Création des mondes, Dieu apparaît soudainement : — un des secrets de l’art de Michel-Ange consiste à nous montrer ses acteurs en pleine action, sans rien qui les annonce ou les lasse pressentir. Sa tête, puissante, aux sourcils épais, au front vaste, ombragé d’une épaisse chevelure, procède en droite ligne de celle du Jupiter olympien. Entouré d’anges, mais soutenu dans les airs par sa propre force (les phénomènes les plus surnaturels deviennent vraisemblables sous le pinceau de Michel-Ange, tant il y met de conviction), Jéhovah étend les bras par un geste d’une souveraine grandeur : soudain le globe du soleil apparaît aux yeux éblouis des anges. Plus loin, dans la même fresque, on aperçoit l’Éternel traversant l’air comme une flèche, le dos tourné au spectateur, — une merveille comme raccourci, — les pieds nus, les cheveux flottans, les draperies agitées par son vol. Il lève légèrement la main et le monde végétal prend naissance.
Dans le troisième compartiment. Dieu sépare la terre des eaux. Si dans la fresque précédente, il s’éloignait du spectateur ; ici, il vient droit sur lui : c’est un de ces contrastes dramatiques si chers à Michel-Ange. Le vent a gonflé ses draperies comme une voile, et l’observation d’un phénomène physique se mêle ici aux impressions les plus élevées de l’ordre psychologique.
Avec la Création de l’homme nous prenons pied et quittons le domaine du surnaturel pour celui de la réalité. Cette scène est d’une simplicité et d’une beauté devant lesquelles la critique a épuisé ses formules. Jéhovah, emportant avec lui, dans son vol impétueux, un essaim d’anges, se dirige vers la terre, étend l’index de la main droite : soudain, un autre index se dirige contre le sien, comme si une étincelle électrique devait jaillir de ce contact ; Adam, étendu sur le sol, dans une pose pleine d’abandon, et cependant d’une parfaite noblesse, dévoile aux regards le corps nu, aux formes amples et vigoureuses, du premier homme. Cette figure d’Adam est une des plus radieuses conquêtes de l’art moderne : par sa simplicité et sa grandeur elle fait penser au Thésée et à l’Ilissus sculptés par Phidias sur le fronton du Parthénon. Ce nom de Phidias, il faut l’évoquer d’ailleurs à tout instant, devant les fresques de la chapelle Sixtine ; seuls dans l’antiquité et dans les temps modernes, Phidias et Michel-Ange ont pu pénétrer si profondément dans les mystères de la religion, et incarner dans le corps humain un tel idéal d’éternelle beauté. Même hauteur de pensée, même simplicité et grandeur de style chez l’un et l’autre ; le créateur du Jupiter olympien est devenu chrétien, mêlant de temps en temps une note plus sombre et plus véhémente à l’impassible sérénité de la Grèce antique.
Cette beauté idéale qui ne procède pas de portraits, mais qui se compose de motifs épars réunis par l’imagination de l’artiste, de manière à former une individualité distincte, Michel-Ange est le premier artiste qui en ait fait la loi de son art[3]. Chez les primitifs, aussi bien que chez Raphaël, dans la plupart de ses peintures, aussi bien que chez les Vénitiens, le portrait est la base même de la composition historique : cherchez à travers les Scènes de l’Ancien-Testament de Benozzo Gozzoli, les Scènes de l’histoire de saint Jean-Baptiste de Ghirlandajo, les Madones de Raphaël, et même la Dispute du Saint-Sacrement et l’École d’Athènes, partout des physionomies empruntées à la réalité viennent soutenir l’inspiration de l’artiste, et donner à ses héros l’accent de la réalité, l’accent de la vie. Chez Michel-Ange, au contraire, toutes les figures procèdent d’un idéal qui s’est formé dans l’esprit de l’artiste et qui ne doit rien au monde extérieur. On essaierait en vain de retrouver chez lui les traits de tel ou tel de ses contemporains. Tout au plus, dans le Jugement dernier a-t-il donné place à un de ses ennemis, et cette satire, cette caricature, est citée, en raison même de sa rareté. Quelle puissance de génie n’a-t-il pas fallu pour animer des créations aussi abstraites, pour nous intéresser à ce point à elles !
La composition qui fait suite à la Création d’Adam, la Création d’Eve, est la plus touchante et la plus poétique à coup sûr de ce vaste cycle. Cette fois, l’Éternel est descendu sur la terre ; drapé dans un ample manteau, il s’avance lentement, majestueusement, en levant la main droite par un geste d’une indicible grandeur ; Eve surprise, suppliante, presque éplorée, n’ayant pas encore eu le temps de prendre conscience d’elle-même, s’incline devant son créateur, tendant vers lui ses mains jointes ; ses cheveux tombent négligemment, tout son être trahit, avec l’éloquence la plus communicative l’étonnement, le trouble, l’émotion. Cependant, à côté d’elle, Adam, subjugué par un profond sommeil, est étendu dans une de ces attitudes abandonnées et inconscientes qui forment comme la transition entre la vie et la mort, et que Michel-Ange affectionnait à un si haut degré.
Qu’elles sont graves et sublimes, ces premières fresques ! Au moyen de deux ou trois figures, Michel-Ange a personnifié les événemens les plus grandioses, dans une langue que très certainement nul avant lui, même chez les Grecs, n’avait parlée. Ce style, c’est le style épique par excellence, avec la simplicité, l’accent de conviction et d’éloquence que l’artiste puise au contact d’une génération entière entraînée avec lui dans un sentiment commun.
Et de telles créations ont pu prendre naissance dans cette Italie du XVIe siècle, que l’on se plaît à nous représenter comme si frivole ! Reconnaissons qu’au fond il y avait encore de profondes et puissantes convictions chez les contemporains de Savonarole, et que la frivolité n’était qu’à la surface.
Au fur et à mesure que nous nous éloignons des scènes de la Genèse les compositions, — le sujet même l’exigeant, — deviennent plus nettes et plus plastiques, le décor plus riche. Telle est la scène double, d’une ordonnance déjà presque raphaélesque, qui nous montre Adam et Eve cueillant le fruit défendu, et Adam et Eve chassés du Paradis. Ici l’artiste l’emporte sur le poète : il a voulu créer des corps nus aussi beaux que vigoureux, et quelle puissance n’offre pas cette mère du genre humain, aux larges flancs, débordant de santé et de vigueur ! L’ange chassant les coupables est une merveille dans un autre genre ; jamais l’énergie du commandement a-t-elle été rendue en traits pareils, avec une telle concision ! Ce ne sont qu’attitudes et gestes trouvés, avec une abondance, une variété et une vivacité qui eussent pu faire envie à Giotto, le glorieux précurseur, le grand dramaturge. Je ne parle même plus des effets de raccourcis, de tous ces tours de force, de ces difficultés surmontées sans même que le problème semble avoir eu le temps de se présenter à l’esprit de leur auteur : avec lui on finit par s’habituer aux prodiges.
Michel-Ange, fidèle au précepte du poète antique, mais cédant à l’impulsion de son tempérament et non pas à quelque suggestion venant du dehors, nous transporte toujours au cœur du drame : in médias res. Dans le Sacrifice d’actions de grâces de Noé (peut-être aussi le Sacrifice d’ Abraham), l’action est dans son plein développement : le feu pétille sur l’autel derrière lequel se tiennent trois personnages (Abraham, Sarah et Isaac sauvé miraculeusement ?), au premier plan, des serviteurs, l’un apportant une brassée de bois, l’autre amenant un bélier ; d’autres encore occupés à recueillir le sang du second bélier déjà égorgé. Constatons ici une double réminiscence : à l’antiquité Michel-Ange a emprunté la figure de ce serviteur couronné de lauriers ; aux primitifs, le groupe des animaux debout à l’arrière-plan, un bœuf, un cheval, un âne qui brait bruyamment en levant la tête et en découvrant ses gencives. Ne se croirait-on pas au temps de Paolo Uccello ou de Benozzo Gozzoli, ces observateurs si naïfs ?
Dans le Déluge, la scène est des plus compliquées, avec des groupes nombreux et jusqu’à cinq plans successifs, luxe d’ordonnance qui ne se rencontre pas deux fois chez Michel-Ange. C’est qu’ici règne une inspiration qu’on ne s’attendrait plus, après 1508, à trouver chez le peintre de la Sixtine : ce maître par excellence de la forme simple, plastique, abstraite, est revenu derechef aux erremens des primitifs ; il a accumulé les épisodes, comme l’avait fait Paolo Uccello, de comique mémoire, dans le Déluge peint sur les parois du cloître de l’église Sainte-Marie-Nouvelle ; il s’est arrêté à des inventions bizarres plutôt que pittoresques, telle la femme portant sur sa tête un escabeau renversé sur lequel elle a placé des ustensiles.
La composition abonde d’ailleurs en traits aussi étonnans au point de vue plastique qu’au point de vue dramatique. Ici un jeune homme nu, nonchalamment accoudé sur un tonneau, une des créations les plus heureuses du maître ; là un père portant le cadavre de son fils. Puis ce combat horrible, — véritable struggle for life, — entre les possesseurs de la barque et les malheureux qui veulent y chercher un refuge. Tout cela vif, fougueux, pathétique au plus haut point.
L’Ivresse de Noé est une scène vive, sobre, un vrai bas-relief. Le patriarche, étendu sur le sol, dort lourdement, accoudé sur un coussin, une jambe repliée, l’autre étendue. Devant lui ses trois fils : Cham, tout nu, se retourne vers ses frères et leur montre du doigt ce spectacle si peu édifiant ; cependant Japhet, lui jetant un bras autour du corps, cherche à le ramener en arrière, tandis que de l’autre bras, posé sur l’épaule de Sem, il presse celui-ci de laisser tomber sur leur père le voile qu’il vient d’apporter. Sem, en effet, par un mouvement impétueux, ouvre l’étoffe et s’apprête, en détournant les regards, à en couvrir le dormeur. En dehors de la grotte, à gauche, un motif un peu oiseux, un homme (Adam sans doute) bêchant la terre.
En examinant cette page d’une si belle allure, ces gestes qui se pénètrent si éloquemment, ces lignes qui se marient avec tant d’imprévu et tant d’harmonie, en un mot cet art consommé de la narration et du drame, on est surpris de ce que Michel-Ange ne se soit pas essayé plus souvent dans le bas-relief ; que de drames n’eût-il pas pu y dérouler sous leur forme la plus concrète et la plus pathétique !
Les Prophètes et les Sibylles sont précisément aux compositions historiques du plafond ce que des statues sont à des bas-reliefs. Mais pour être dépouillées ainsi de toutes les ressources de la mise en scène, ces évocations de l’Ancien-Testament en sont-elles moins puissantes, moins pathétiques ?
Jamais encore les figures décoratives n’avaient été rattachées aussi intimement à l’encadrement architectural : loin de servir d’accessoires, elles font corps avec le plafond, et il serait impossible de concevoir l’ensemble sans ces cariatides ou ces figures assises sur des socles qui lui donnent son caractère et sa raison d’être. Aussi a-t-on pu dire d’elles qu’elles étaient comme la personnification des élémens de l’architecture.
Michel-Ange n’eût-il peint que le plafond de la Sixtine qu’il se serait révélé comme un architecte de génie, tant il a mis de netteté, de vigueur, je serais tenté d’ajouter de couleur, dans les moulures, les entablemens, les socles.
Avant lui, des maîtres habiles, et Mantegna tout le premier, avaient réalisé dans la peinture de plafonds de véritables tours de force ; mais c’était plutôt au moyen de combinaisons de perspective que de combinaisons architecturales. Désormais le genre est trouvé, le problème résolu, et depuis les Vénitiens jusqu’à Paul Baudry, dans ses peintures du foyer de l’Opéra, tous les maîtres qui s’essaieront dans ces problèmes seront tributaires du décorateur de la Sixtine.
Considérons-nous l’esprit qui anime ces fresques, ici encore nous sommes loin de la naïveté et de la douceur propres aux quattrocentistes. On dirait qu’un siècle de fer a succédé à l’âge d’or. La passionologie de ces maîtres charmans n’est que jeux d’enfans, comparée aux drames de Michel-Ange ; ils savent rendre les sentimens tendres, élégiaques, mais qu’est leur science en regard de ces corps qui se tordent, de ces membres disloqués, en regard du spectacle de la passion déchaînée ! De leur sentimentalisme souvent un peu banal, Michel-Ange se défend comme d’une atteinte à la dignité de l’art et à la hauteur de son style : le jeu de la physionomie est facile à saisir ; lui, veut que tout le corps, dans ses parties en apparence les moins impressionnables, proclame les sentimens qui l’agitent, augmentant ainsi l’illusion de la sincérité.
Et tous ces accessoires si chers aux primitifs, le paysage, les fabriques, les traits anecdotiques, la richesse du costume, du mobilier, avec quelle aisance Michel-Ange les sacrifie ! Pour la première fois, l’homme, dégagé de tout décor, reconquiert ici sa force, en vrai roi de la création, et il ne faut pas que n’importe quel détail oiseux le rapetisse. Le paysage même, lorsqu’il a fallu l’employer comme support des figures, est réduit à sa plus simple expression : le tertre verdoyant sur lequel reposent Adam et Eve, et, sur ce tertre, un tronc d’arbre sans branches, voilà en quoi consiste, aux yeux de Michel-Ange, le monde végétal ! Assurément le cœur saigne quand on pense aux détails exquis ainsi proscrits, les fleurs dont les primitifs avaient émaillé leur gazon, les oiseaux nichés dans les branches, toute cette poésie printanière qu’on ne retrouvera plus dans l’art italien. Mais sans ces mutilations violentes, Michel-Ange eût-il pu s’élever à de telles hauteurs ? Eût-il pu substituer aux idylles, aux exquises idylles du XVe siècle, la grandiose épopée, on serait plus tenté de dire la grandiose tragédie, des origines du monde ?
Pendant le pontificat de Jules II, en qui l’énergie s’incarnait non moins que la violence, Michel-Ange avait exécuté plus de chefs-d’œuvre encore qu’il n’avait conçu de projets. Ce fut l’inverse qui arriva sous le règne du magnifique et voluptueux successeur de Jules II, Léon X de Médicis. Ces huit années (1513-1521) se passèrent presque intégralement en élaboration de plans de toutes sortes, en tâtonnemens, en travaux commencés et abandonnés. C’est qu’au fond, ces deux tempéramens n’éprouvaient nulle sympathie l’un pour l’autre : l’un morose et misanthrope, l’autre, véritable épicurien, tout entier aux plaisirs, — je parle des plaisirs de l’ordre le plus élevé. Or, pour faire vibrer une âme telle que celle de Michel-Ange, il fallait une certaine communauté d’aspirations, et autant Léon X se rapprochait de Raphaël, dont il sut tirer le plus merveilleux parti, autant il s’éloignait du Buonarroti. Au fond, le pape avait peur de ce grand justicier, qui, à diverses reprises, s’était exprimé si durement sur le compte de ses bienfaiteurs les Médicis : « Michel-Ange, — Léon X le déclara en propres termes à Sebastiano del Piombo, en 1520, — est un homme terrible, on ne saurait s’entendre avec lui. »
La continuation du tombeau de Jules II, les travaux de la façade de l’église Saint-Laurent, à Florence, le commencement des tombeaux des Médicis, l’exécution de la statue, — assez malencontreuse, — du Christ destinée à l’église de la Minerve, telles furent les tâches diverses auxquelles Michel-Ange se consacra pendant cette période. Le sculpteur, comme on voit, éclipse complètement le peintre, et l’architecte commence à poindre. Notons que c’est par l’architecture que Michel-Ange finit, tout comme Raphaël : c’est qu’exigeant plus de réflexion et plus de science, cet art convenait mieux à des maîtres parvenus à leur maturité. Il est cruel de penser que Michel-Ange, qui venait de terminer les prodigieuses fresques de la chapelle Sixtine, dut attendre jusqu’à la fin du pontificat de Clément VII, c’est-à-dire jusqu’en 1534, pour se voir confier de nouveau des peintures !
Clément VII, si faible comme souverain, et d’un goût si indécis en tant qu’amateur, semble n’avoir fait preuve de clairvoyance que vis à-vis de Michel-Ange ; après lui avoir commandé les tombeaux des Médicis et la bibliothèque Laurentienne, il le chargea de peindre dans la chapelle Sixtine le Jugement dernier permettant ainsi à ce noble génie de se déployer sous ses trois faces, comme sculpteur, comme architecte et comme peintre.
L’achèvement des peintures de la chapelle Sixtine, c’est-à-dire la décoration des parois situées aux deux extrémités, tel fut le rôle assigné à Michel-Ange. Ces parois, toutefois, n’étaient pas nues : sur l’une le Pérugin avait peint l’Assomption de la Vierge, la Nativité et Moïse trouvé sur les eaux ; il fallait en outre sacrifier deux des lunettes peintes par Michel-Ange. La Chute des Anges rebelles, d’un côté, et de l’autre le Jugement dernier, tels furent les sujets choisis par le maître. Constatons la persistance avec laquelle Michel-Ange revient sur ce thème, les anges rebelles, en d’autres termes, la révolte des géans contre les dieux de l’Olympe. La Chute des Anges rebelles ne fut d’ailleurs pas terminée. Une mauvaise peinture de la Trinité des Monts, à Rome, en conserva quelque temps les lignes générales ; puis cette peinture disparut à son tour sans laisser de traces.
Dans l’intervalle compris entre la Pietà de Saint-Pierre et le Jugement dernier que de changemens dans la situation de la papauté en particulier et de l’Italie en général ! Reportons-nous à l’époque du premier voyage de Michel-Ange à Rome. C’était sous le règne d’Alexandre VI. Si à Florence tonnait la voix prophétique de Savonarole, à Rome toutes les licences s’étaient donné rendez-vous. La corruption des mœurs était extrême, et le dévergondage de l’esprit n’était pas moindre. Dès ce moment, le culte de l’antiquité, qui, au début, avait inspiré tant de hautes vertus, n’était plus qu’un jeu futile de l’imagination. Dans les arts, Michel-Ange et Raphaël avaient un instant enrayé le courant : les pages sublimes de la Sixtine et des Stances du Vatican ne pouvaient que réagir contre l’amollissement universel, l’effacement des caractères et la décadence du goût. Mais leurs médiocres disciples et imitateurs étaient bien vite rentrés dans l’ornière ; au moment du sac de Rome, en 1527, la frivolité sous toutes ses formes, comme idées et comme style, était parvenue à son dernier période.
Cette épreuve cruelle et d’autre part les progrès de la réformation ne devaient pas tarder à modifier, non-seulement l’esprit de la curie, mais encore les tendances de l’Italie entière. Les réformateurs s’étaient attaqués au paganisme de la civilisation italienne : les papes, sans chercher ce qu’il y avait de fondé dans leurs accusations, résolurent également de réagir contre ces élémens qui avaient peu à peu ébranlé leur pouvoir ; sans proscrire la mythologie et les souvenirs historiques de l’antiquité, ils mirent en œuvre toutes les forces du catholicisme pour ramener l’ordre et la discipline dans les esprits, pour réduire de nouveau l’art au rôle de serviteur de la religion. Michel-Ange, tel fut le premier interprète de cette révolution ; le Jugement dernier tel en fut le premier manifeste. On ne me demandera pas de revenir ici sur un chef-d’œuvre populaire entre tous. Je renonce d’autant plus facilement à cette tâche que, dans un volume publié il n’y a que peu de mois, un artiste de mérite, M. Chapon, a donné, comme complément à sa très belle gravure, une description aussi claire que minutieuse de la fresque de la Sixtine[4].
Après l’avènement du Jugement dernier, Michel-Ange pouvait passer, non plus pour un simple mortel, mais pour un Dieu. Nul artiste n’avait jamais reçu de tels témoignages de vénération de la part des grands de ce monde. Il entrait tout vivant dans l’immortalité.
Le destin a placé au seuil du XVIe siècle, comme une antithèse vivante, ces deux grandes figures, Michel-Ange et Raphaël, l’un emporté au milieu même de son triomphe, l’autre se survivant, l’un succombant avant d’avoir pu donner toute la mesure de son génie, l’autre promenant à travers les générations son indomptable activité et ne laissant aucun problème sans l’avoir abordé. Ce dut être pour le vieillard une épreuve douloureuse que d’assister ainsi, dans la pleine possession de ses facultés critiques, aux résultats, que dis-je ! aux conséquences extrêmes de ses théories. Avant son apparition, on avait vu un art qui montait, montait toujours, parce que, plus ou moins enchaîné par la timidité ou l’inexpérience des primitifs, il avait sans cesse à lutter, et, en outre, parce que, s’imposant de propos délibéré une certaine réserve, évitant de forcer les expressions, il laissait invariablement quelque problème nouveau à résoudre aux générations à venir ; en un mot un art plein de scrupules, de pudeur, de défiance. Après des merveilles telles que les fresques de la Sixtine, les Esclaves du Louvre, le Moïse, les tombeaux des Médicis, après ces sublimes audaces, les artistes pouvaient au contraire dire adieu à toute espérance : renonçant à créer, ils se voyaient condamnés à ne plus être que des copistes. Or si des générations entières ont pu vivre, sans lasser la faveur du public, sur l’imitation de maîtres calmes et sereins tels que Raphaël, l’imitation de la terribilità, — le mot n’a pas d’équivalent en français, — de Michel-Ange, ne devait pas tarder, en raison même de ce que ses conceptions et son style avaient d’excessif, à devenir intolérable. En s’élevant à ces hauteurs inaccessibles, le maître avait réduit ses élèves à l’impuissance[5]. Mais sachons faire abstraction des conséquences inséparables de toute grande conquête pour ne nous attacher qu’à ces conquêtes prises en elles-mêmes. Que de suprêmes triomphes ! L’affranchissement définitif des trois grands arts, une liberté d’expression illimitée s’alliant à la liberté absolue des mouvemens et des attitudes, tout un monde de sentimens généreux ou d’impressions pathétiques, — la majesté, la fierté, la mélancolie, la terreur, l’amour de la justice, — portés à leur maximum d’intensité ou résumés dans des chefs-d’œuvre que rien ne faisait pressentir et que personne depuis n’a su égaler !
EUGENE MÜNTZ.
- ↑ Causeries florentines. Dante et Michel-Ange. Paris, 1880.
- ↑ La Vie et l’Œuvre de Michel-Ange (volume publié par la Gazette des Beaux-Arts en 1876). — Le travail de M. Guillaume a été réimprimé dans ses Études d’art antique et moderne.
- ↑ Vasari affirme que Michel-Ange détestait de fare somigliare il vivo, en d’autres termes de « pourtraire » un contemporain, à moins que celui-ci ne fût d’une beauté parfaite. Il n’exécuta qu’un seul portrait, celui de son jeune ami, Tommaso dei Cavalieri.
- ↑ Le Jugement dernier de Michel-Ange ; préface par M. Emile Ollivier ; librairie Renouard.
- ↑ Michel-Ange entrevoyait cette loi lorsque, à la vue d’une pierre gravée du Grecghetto, il s’écria que l’heure de la mort avait sonné pour l’art, parce qu’il était impossible de faire mieux.