Message du Président des États-Unis, à l’ouverture du Congrès

PIÈCES OFFICIELLES.

MESSAGE
DU
PRÉSIDENT DES ÉTATS-UNIS,
À L’OUVERTURE DU CONGRÈS,
avec des annotations historiques[1].

« Citoyens du sénat et de la chambre des représentans,

« C’est avec plaisir que je vous offre mes salutations amicales à l’occasion de votre réunion au siége du gouvernement, pour y remplir les importantes fonctions auxquelles vous a appelés la voix de vos concitoyens. La tâche qui m’est réservée par la constitution est de vous présenter, comme législature fédérale de vingt-quatre états souverains et de douze millions d’hommes heureux, un tableau de nos affaires, et de vous proposer des mesures qui, dans l’accomplissement de mes fonctions officielles, m’ont paru nécessaires à l’accomplissement du but de notre union.

» En communiquant avec vous pour la première fois, c’est pour moi une source de véritable satisfaction, de pouvoir dire que nous sommes en paix avec toute la terre, et que notre pays offre la preuve agréable et évidente d’un bien-être général et d’un perfectionnement progressif. Si nous tournons nos regards vers les autres nations, notre grand désir est de voir nos frères de la race humaine posséder les avantages dont nous jouissons, avancer en connaissances, en liberté et en bonheur social. Nos relations à l’étranger, bien que leur caractère général soit pacifique et amical, offrent entre nous et les autres puissances, des sujets de différends d’un grand intérêt, tant pour le pays en général que pour plusieurs de nos concitoyens. L’aplanissement de ces différends sera l’objet de mes soins les plus empressés ; et malgré la difficulté de la tâche, je ne puis en appréhender un résultat défavorable. Notre pays possède tout ce qui constitue la force nationale, et est en position de soutenir ses intérêts. En remplissant les devoirs délicats imposés sous ce rapport au pouvoir exécutif, je me suis promis de ne rien demander que de rigoureusement juste et de ne me soumettre à rien d’injuste ; je me flatte que, soutenu par les autres branches du gouvernement, par l’intelligence et le patriotisme du peuple, nous serons en mesure, avec la protection de la Providence, de faire respecter nos justes droits.

» Parmi les matières en discussion entre les États-Unis et les autres puissances, les plus importantes sont celles qui, depuis plusieurs années, font l’objet de négociations avec l’Angleterre, la France et l’Espagne. L’époque à laquelle nos ministres actuels près ces gouvernemens ont quitté les États-Unis, ne nous permet pas de vous informer de ce qu’ils ont fait au sujet de ce dont ils ont été respectivement chargés. Nous reposant donc sur la justice de nos prétentions par rapport aux points en litige, et sur la bienveillance réciproque qui caractérise nos relations avec ces contrées, nous avons les meilleurs motifs d’espérer une solution satisfaisante des difficultés existantes.

» Quant à la Grande-Bretagne également distinguée dans la paix et dans la guerre, nous pouvons compter sur des années d’une concurrence paisible, honorable et généreuse. Tout, dans la condition et dans l’histoire des deux nations, est calculé pour inspirer des sentimens de respect mutuel, et porter dans l’esprit des deux peuples la conviction que leur politique doit être de conserver entre eux les relations les plus cordiales. Telles sont mes vues personnelles, et l’on ne peut douter que ce ne soient aussi les sentimens de nos commettans. Bien que ni le temps ni l’occasion ne nous aient fait connaître le développement complet de la politique que le cabinet actuel de la Grande Bretagne a dessein de suivre par rapport à ce pays, j’ai l’espoir qu’elle aura un caractère de justice et de paix ; et, si cette espérance se réalise, nous pouvons compter sur une prompte et acceptable solution des négociations.

» Relativement à l’arbitrage des frontières en litige mentionnées dans l’art. 5 du traité de Gand, cette affaire a été conduite jusqu’ici avec cet esprit de candeur et de libéralité qui doivent toujours caractériser les actes des états souverains qui ont pour but de régler, par les moyens les plus irréprochables, les discussions importantes et délicates. Les premiers documens ont été échangés entre les deux parties, et notre réplique finale se prépare. Un membre patriote de notre confédération donne à cette affaire toute l’attention qu’exige sa grande importance. L’exposé déjà fait de nos droits est tel qu’on pouvait l’attendre de la haute réputation des commissaires qui l’ont préparé ; nos intérêts à la cour du souverain qui nous a donné des marques d’une disposition amicale en se chargeant de la tâche délicate d’un arbitrage, ont été confiés à un citoyen de l’état du Maine, que son caractère, ses talens et la connaissance parfaite qu’il a de l’affaire, rendent éminemment propre à une mission d’une si grande responsabilité. Pleins de confiance dans la justice de notre cause, dans la probité, l’intelligence et la complète indépendance de l’illustre arbitre, nous n’avons rien à craindre du résultat.

» Quant à la France, notre ancienne alliée, nous avons droit d’en attendre cette justice qui convient au souverain d’un peuple puissant, intelligent et magnanime. Les effets avantageux produits par la convention commerciale de 1822, bien que limités par les stipulations de cette convention, sont trop évidens pour ne pas faire une impression salutaire sur l’esprit de ceux qui sont chargés de l’administration de son gouvernement. Si ce résultat faisait naître une disposition à embrasser dans toute leur étendue les principes salutaires qui constituent notre politique commerciale, notre ministre près cette cour a des instructions pour y donner suite et l’amener à un résultat pratique avantageux. Les réclamations de nos concitoyens pour les déprédations commises depuis long-temps sur leurs propriétés, sous le gouvernement alors existant en France et par son ordre, n’ont point encore obtenu satisfaction, et peuvent par conséquent continuer à fournir un sujet de discussions désagréables, et une collision possible, entre les deux gouvernemens. Je nourris cependant un vif espoir fondé sur la validité de ces réclamations et sur la politique de tous les gouvernemens éclairés, aussi bien que sur l’intégrité si connue du monarque français, que l’injurieux délai du passé trouvera son redressement dans l’équité de l’avenir. Notre ministre a reçu des instructions pour presser auprès du gouvernement français ces demandes avec toute la chaleur que réclame leur importance et leur justice, et dans un esprit qui prouve le respect dû aux sentimens de ceux auxquels cette satisfaction est demandée[2].

» Notre ministre, récemment envoyé en Espagne, a été autorisé à faire tous ses efforts pour faire disparaître des maux également préjudiciables aux deux nations, soit en concluant une convention commerciale sur des bases libérales et réciproques, soit en pressant l’acceptation, dans toute leur étendue, des stipulations mutuellement avantageuses de nos actes de navigation. Il a aussi des instructions pour faire un nouvel appel à la justice de la cour d’Espagne en faveur de nos concitoyens pour une indemnité des spoliations de notre commerce commises par ses ordres, appel que nos procédés libéraux et pacifiques et une juste confiance dans l’honneur de ce gouvernement nous autorisent à ne pas croire fait en vain.

» Quant aux autres puissances de l’Europe, nos relations avec elles sont sur le pied le plus amical. Dans la Russie, placée par ses limites territoriales, sa nombreuse population et son grand pouvoir à un haut rang parmi les nations, les États-Unis ont toujours trouvé une amie sûre. Bien que la récente invasion de la Turquie ait éveillé une vive sympathie pour ceux qui étaient exposés aux maux de la guerre, nous ne pouvons que penser que le résultat sera favorable à la cause de la civilisation et aux progrès du bonheur de l’humanité. Le traité de paix entre les deux puissances ayant été ratifié, nous ne pouvons être insensibles aux grands avantages qui en résulteront pour le commerce des États-Unis par l’ouverture de la navigation dans la mer Noire, dont le libre passage est assuré à tous les bâtimens marchands se rendant dans les ports russes, sous pavillon en paix avec la Porte. Les avantages dont jouissaient presque toutes les puissances de l’Europe nous avaient été refusés jusqu’ici. Une tentative faite l’été dernier dans des circonstances favorables semblait devoir être bientôt couronnée de succès ; et, bien que ces résultats soient heureusement atteints en partie, il nous semble que nos concitoyens doivent porter toute leur attention sur le besoin de facilités plus grandes encore pour la jouissance de la nouvelle carrière ouverte à leurs entreprises.

» Notre commerce avec l’Autriche, bien qu’il soit d’une importance secondaire, s’accroît graduellement, et est maintenant assez étendu pour mériter l’attention paternelle du gouvernement. Une négociation, entamée et presque terminée par la dernière administration avec cette puissance, s’est mise à fin par un traité d’amitié, de navigation et de commerce, qui sera mis sous les yeux du sénat.

» Depuis la clôture du congrès, nos relations diplomatiques avec le Portugal avaient cessé. L’état des choses dans ce pays avait produit la suspension de la reconnaissance du représentant qu’il envoyait, jusqu’à ce que l’occasion se fût présentée d’obtenir de notre organe officiel dans cette contrée les renseignemens relatifs à sa position actuelle et, autant que possible, à la condition future de l’autorité qui envoyait un représentant ; ces renseignemens nous étant parvenus, l’application de la règle établie par notre gouvernement dans ces sortes de cas ne pouvait être plus long-temps différée[3].

» Des progrès considérables ont été faits cette année pour le réglement des réclamations de nos concitoyens sur le Danemarck, pour les spoliations qu’ils ont éprouvées de la part de cette puissance ; mais tout ce que nous avons le droit de demander à ce gouvernement, dans cette circonstance, n’a point encore été accordé. Cependant, d’après la base libérale sur laquelle, avec l’approbation des réclamans, ce sujet a été placé par le gouvernement, d’après les dispositions amicales manifestées par S. M. Danoise, nous avons tout lieu d’espérer que ce sujet de discussion n’existera bientôt plus.

» Nos relations avec les états barbaresques continuent, comme depuis long-temps, à avoir le caractère le plus favorable. La politique d’après laquelle nous avons une force maritime convenable dans la Méditerranée, comme garantie du maintien de la tranquillité, restera la nôtre, et nous engagera en outre à avoir une force semblable dans la mer Pacifique pour la protection de notre commerce et de nos pêcheries.

» Les républiques méridionales de notre hémisphère n’ont pas encore réalisé tous les avantages pour lesquels elles ont fait de si longs efforts. Nous avons cependant la confiance que le jour n’est pas très-éloigné où le rétablissement de la paix et du repos intérieur, sous des systèmes permanens de gouvernement pour la garantie de la liberté et du bonheur des citoyens, couronnera d’un succès complet leurs longs et pénibles efforts dans la cause des gouvernemens républicains, et nous permettra de les saluer amicalement comme des émules dans toutes les grandes et glorieuses entreprises.

» La récente invasion du Mexique et l’effet qui en est résulté sur sa politique intérieure doivent avoir une influence déterminante sur la grande question de l’émancipation de l’Amérique méridionale. Nous avons vu l’esprit funeste des dissensions civiles réprimé et peut-être pour jamais étouffé dans cette république, par amour de l’indépendance. S’il est vrai, comme de fortes apparences l’indiquent, que l’esprit d’indépendance est l’esprit dominant, et si un sentiment semblable l’emporte dans les autres états, ce dévouement à la liberté ne peut manquer d’avoir un effet convenable sur les conseils de la mère-patrie. L’adoption par l’Espagne d’une politique pacifique envers ses anciennes colonies, sera un événement consolant pour l’humanité, et pour le monde un bienfait dans lequel l’Espagne elle-même ne peut manquer de trouver une large part. Voilà ce que nous devons raisonnablement attendre.

» Les réclamations de nos concitoyens sur les gouvernemens de l’Amérique du sud sont généralement en bon train d’arrangement. La plupart de celles que nous avions sur le Brésil sont réglées, et un décret rendu en conseil pour ordonner au ministre du trésor l’émission de bons pour leur montant, a reçu la sanction de S. M. I. Cet événement, ainsi que l’échange des ratifications du traité négocié et conclu en 1828, termine heureusement toutes les causes de différend avec cette puissance. Des mesures ont été prises pour placer nos relations commerciales avec le Pérou sur un meilleur pied qu’elles n’avaient été jusqu’ici ; et, si elles rencontrent une disposition convenable de la part de ce gouvernement, des avantages importans seront garantis aux deux nations.

» Vivement intéressés à la prospérité de nos sœurs les républiques du sud, et plus particulièrement à celles qui sont nos voisines les plus immédiates, il serait très-agréable pour moi de pouvoir dire que les traitemens que nous en avons reçus ont été tels que l’amitié généreuse ainsi que la vive et constante sollicitude des États-Unis pour leur succès nous donnaient droit de l’attendre. Mais il est de mon devoir de vous informer que les préjugés long-temps entretenus par des habitans du Mexique contre l’envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire des États-Unis, ont eu une malheureuse influence sur les affaires des deux contrées, et ont diminué pour nous les avantages que nous attendions de ses talens et de son zèle. C’est à cette cause qu’il faut attribuer en grande partie la non-réussite de plusieurs mesures également intéressantes pour les deux parties, notamment la non-ratification par le gouvernement mexicain d’un traité négocié et conclu dans la capitale et sous ses propres yeux. Dans ces circonstances, il nous parut convenable de donner à M. Poinsett le choix de revenir ou de rester, selon que, suivant son propre jugement, les intérêts de sa patrie pouvaient l’exiger. Des instructions à ce sujet avaient été préparées ; mais, avant qu’elles fussent envoyées, nous avons reçu du gouvernement du Mexique, par l’intermédiaire de son chargé d’affaires ici, une communication par laquelle on demandait le rappel de notre ministre, ce que nous avons accordé sur-le-champ ; nous avons également nommé un autre représentant d’un rang correspondant à celui de l’agent diplomatique du Mexique accrédité près notre gouvernement. Notre conduite à l’égard de cette république a eu constamment le caractère le plus pacifique, et ayant ainsi détruit le seul obstacle qu’on alléguait contre des relations amicales, je ne puis qu’espérer un changement avantageux dans nos affaires.

» Pour rendre justice à M. Poinsett, je crois devoir dire que l’accession immédiate à son rappel et à la nomination de son successeur ne doit être nullement attribuée à aucune preuve acquise que les imputations dirigées contre lui, de s’être entremis d’une manière inconvenante dans la politique intérieure du Mexique, fussent fondées, non plus qu’à un manque de confiance dans ses talens ou dans son intégrité. Je dois ajouter que la vérité de cette accusation a été affirmée par le gouvernement fédéral du Mexique, dans sa communication avec le nôtre.

» Je considère comme un de mes devoirs les plus urgens, d’appeler votre attention sur la convenance d’amender cette partie de notre constitution, qui est relative à l’élection du président et des vice-présidens. Notre système de gouvernement a été considéré par ses fondateurs comme une expérience ; ils ont en conséquence pourvu au moyen de remédier à ses défauts.

» Au peuple appartient le droit d’être son premier magistrat. Son choix, dans aucun cas, ne peut être infirmé, ni par l’intervention des colléges électoraux, ni par l’action confiée, dans certaines éventualités, à la chambre des représentans. L’expérience prouve que plus les intermédiaires chargés d’exprimer les volontés du peuple sont nombreux, plus il y a danger que le peuple soit frustré dans ses désirs. Quelques-uns peuvent être infidèles ; tous sont sujets à l’erreur : aussi, toutes les fois que le peuple peut parler lui-même avec convenance, il est plus sûr pour lui d’exprimer lui-même sa propre volonté.

» Le nombre des aspirans à la présidence et la diversité des intérêts qui peuvent influer sur leur nomination ne permettent guère d’attendre un choix en première instance ; et, dans ce cas l’élection appartient à la chambre des représentans, où, cela est évident, la volonté du peuple peut n’être pas toujours parfaitement constatée, et où, quand elle l’est, elle peut n’être pas prise en considération. D’après le mode de voter par états, le choix doit être fait par vingt-quatre votes ; et il peut arriver souvent que l’un de ces votes soit formé par un individu. Les honneurs et les places sont à la disposition du candidat heureux. Les ballotages répétés ont pu faire connaître qu’un seul individu tient le sort dans sa main. Ne peut-il pas être tenté de nommer dans son seul intérêt ?

» Mais, même sans corruption, en supposant que la probité du représentant soit à l’épreuve des motifs puissans dont elle peut être assaillie, la volonté du peuple est constamment exposée à être méconnue. L’un peut errer par ignorance de ce que désirent ses commettans ; un autre, par la conviction qu’il est de son devoir de s’en rapporter à son seul jugement sur la capacité des candidats. Finalement, en supposant même que tous soient d’une probité inflexible, tous bien instruits des vœux de leurs commettans, cependant, par le mode actuel d’élection, une minorité peut souvent élire le président ; et quand cela arrive, on peut raisonnablement s’attendre que la majorité s’efforcera de rectifier cette opération injurieuse à ses institutions. Quoiqu’aucun inconvénient majeur ne puisse résulter de cette interversion du premier principe de notre système : La majorité doit gouverner ; toujours est-il certain qu’un président choisi par une minorité ne peut jouir de la confiance qui lui est nécessaire pour remplir avec succès tous ses devoirs.

» En cela comme en toutes les autres matières d’intérêt public, la politique exige qu’il y ait aussi peu d’obstacles que possible à l’action libre de la volonté du peuple ; efforçons-nous donc d’amender notre système de manière que la place de premier magistrat ne puisse être conférée à un citoyen qu’en conséquence de la pleine et manifeste expression de la volonté de la majorité.

» Je vous recommande encore un amendement à la constitution, qui éloigne toute action intermédiaire dans l’élection du vice-président. Le mode peut être réglé de sorte que chaque état conserve son influence actuelle et relative sur l’élection ; et si le premier scrutin ne donnait pas de résultats, on pourrait remédier à cet inconvénient en renfermant le second dans le choix des deux candidats qui auraient eu le plus grand nombre de voix. En addition à cet amendement, il semblerait convenable de limiter le service du premier magistrat à un terme unique de quatre ou six ans[4].

» Si néanmoins cela n’était pas adopté, il serait utile de prendre en considération s’il ne serait pas convenable de déclarer que les membres d’un congrès qui aurait fait une semblable élection ne pourraient entrer dans les emplois publics. Les membres du congrès pouvant être nommés constitutionnellement à des emplois lucratifs et de confiance, il arrivera que, même avec le sentiment le plus consciencieux de ses devoirs, on les choisira pour les emplois auxquels on les jugera plus convenables que d’autres citoyens. Mais la pureté de notre gouvernement résulterait sans doute de l’exclusion de tous les emplois à la disposition du président, des membres qui auraient concouru à l’élection de celui-ci. La nature des fonctions judiciaires, la nécessité de conserver dans le cabinet et dans les stations diplomatiques importantes les plus grands talens et la plus grande expérience politique, pourraient engager à excepter de cette exclusion cette espèce d’emploi. Il y a peut-être peu d’hommes qui puissent, pendant long-temps, posséder des dignités et de la puissance sans être placés plus ou moins sous l’influence de sentimens peu favorables à l’accomplissement légal de leurs devoirs publics. Leur intégrité peut être à l’épreuve de sollicitations inconvenantes qui leur sont immédiatement adressées ; mais ils peuvent acquérir l’habitude de regarder avec indifférence les intérêts publics, et de tolérer des actes qui révolteraient un homme inaccoutumé à de semblables fonctions. Un emploi est considéré comme une espèce de propriété, et le gouvernement comme un moyen de favoriser des intérêts individuels, plutôt que comme un instrument créé uniquement pour le service du peuple. La corruption dans quelques-uns, dans les autres la perversion des sentimens et des principes de justice, détournent le gouvernement de son but légitime, et en font une machine pour favoriser un petit nombre aux dépens de tous les autres. Les devoirs des officiers publics sont ou du moins pourraient être tellement clairs et simples, que tous les hommes intelligens fussent en état d’être promptement à même de les remplir ; et je ne puis m’empêcher de croire qu’il y a plus à perdre en laissant trop long-temps les mêmes hommes dans les mêmes emplois, qu’à gagner par l’expérience qu’ils acquièrent. Je soumets donc à votre considération la question de savoir si l’efficacité du gouvernement ne serait pas augmentée, et si l’intégrité et l’industrie officielles ne seraient pas mieux garanties par une extension générale des lois qui limitent les fonctions à quatre ans. Dans un pays où les emplois ne sont créés que pour l’avantage du peuple, un homme ne peut avoir plus de droits intrinsèques à des fonctions officielles qu’un autre. Les emplois n’ont pas été établis pour favoriser quelques hommes en particulier, aux dépens du public. Aucun tort individuel ne peut donc être fait par un renvoi, puisqu’une nomination ou la continuation d’un emploi ne peut être l’effet d’un droit. L’individu est pourvu d’un office dans un but d’intérêts publics, et lorsque ces intérêts réclament son renvoi, ils ne doivent pas être sacrifiés à des avantages privés. C’est le peuple, le peuple seul qui a droit de se plaindre, lorsqu’un mauvais fonctionnaire est mis à la place d’un bon. Celui qui est renvoyé a les mêmes moyens de soutenir son existence que les millions d’individus qui n’ont jamais eu d’emplois publics. Les limites proposées détruiraient cette idée de propriété qui se lie si généralement aux emplois officiels, et, bien qu’elles puissent quelquefois produire une misère individuelle, elles favoriseraient ce roulement qui constitue le principe fondamental de la croyance républicaine, et donneraient au système une action vigoureuse[5].

» Aucun changement considérable n’a eu lieu pendant le recès du congrès dans la situation de notre agriculture, de notre commerce ou de nos manufactures. L’opération du tarif n’a été ni si nuisible aux deux premiers, ni si utile aux manufactures qu’on le pensait. L’importation des marchandises étrangères n’a pas sensiblement diminué, tandis que la concurrence intérieure, excitée par des spéculations illusoires, a accru la production bien au-delà des besoins de notre consommation. Les résultats en ont été l’abaissement des prix, des embarras temporaires et des pertes partielles. Mais il n’y a pas lieu de douter que ceux de nos établissemens manufacturiers qui reposent sur des capitaux, et qui sont conduits avec sagesse, ne survivent à cette crise et ne finissent même par en profiter[6].

» Régler cette conduite de manière à favoriser également la prospérité de ces trois intérêts cardinaux, est l’une des tâches les plus difficiles du gouvernement, et l’on peut regretter que les restrictions compliquées qui embarrassent les relations commerciales des nations, ne soient pas abolies d’un commun consentement, et qu’on ne permette pas au commerce de suivre les canaux vers lesquels les entreprises industrielles (toujours ses guides les plus sûrs), pourraient le diriger. Mais nous devons toujours compter sur une législation égoïste chez les autres nations, et nous sommes par conséquent forcés d’adapter nos règlemens aux leurs, de la manière la mieux calculée pour éviter des maux sérieux et mettre en harmonie les intérêts opposés de notre agriculture, de notre commerce et de nos manufactures. Sous ce rapport, j’appelle votre attention sur le tarif existant, dont, à mon avis, quelques dispositions doivent être modifiées. La règle générale à appliquer dans la graduation des droits sur les articles de production étrangère, est celle qui place nos produits en concurrence légale avec ceux des autres nations. Les seuls articles en faveur desquels on puisse faire un pas au-delà de ce point, sont les denrées de première nécessité en temps de guerre. Lorsque nous réfléchissons sur la difficulté et la délicatesse de cette opération, nous trouvons qu’il est important de ne faire de tentatives qu’avec les plus grandes précautions. Une législation variable sur une branche quelconque de l’industrie ayant une influence directe sur la valeur de cette industrie, et poussant ses capitaux dans de nouveaux canaux, produit toujours des spéculations hasardeuses, et par conséquent des pertes. En délibérant sur ces intéressans sujets, les préjugés locaux doivent disparaître dans une détermination patriotique de favoriser l’intérêt général. Toute tentative pour les rattacher aux conflits des partis existans deviendrait nécessairement injurieuse et serait déconcertée ; notre action sur eux serait contrôlée par des motifs plus élevés et plus purs. Une législation soumise à de telles influences ne peut jamais être juste, et n’obtiendrait pas long-temps la sanction d’un peuple dont l’actif patriotisme n’est ni limité par des frontières arbitraires, ni insensible à cet esprit de concession et de générosité qui donne la vie à notre lien politique et le soutient. Écartant donc toute considération de tendance à la suprématie politique du nord ; le sud, l’est et l’ouest s’uniront pour diminuer le fardeau dont l’un ou l’autre pourraient se plaindre avec justice.

L’intérêt de l’agriculture, dans notre pays, se lie si essentiellement à tous les autres, et a sur eux tous une importance si impérieuse, qu’il est à peine nécessaire d’appeler sur lui notre attention particulière ; c’est principalement parce que les manufactures et le commerce tendent à accroître la valeur des productions agricoles, et à étendre leur application à tous les besoins et à toutes les jouissances de la société, qu’ils méritent l’attention paternelle du gouvernement.

« En considérant qu’à une époque peu éloignée le fonds d’amortissement ne sera plus nécessaire, les droits sur les articles d’importation qui ne peuvent entrer en concurrence avec nos produits, seront les premiers qui devront fixer l’attention du congrès dans la modification du tarif. Les droits sur le thé et sur le café sont les plus importans. Ces articles entrent pour beaucoup dans la consommation du pays, et sont devenus un objet de nécessité pour toutes les classes ; en conséquence, une réduction sur les droits existans sera considérée comme un bienfait universel ; mais, comme toute législation qui se rattache au commerce, elle doit, pour être efficace et sans danger, être graduelle et certaine.

» Nous avons la preuve de la prospérité générale dans l’accroissement du revenu résultant de la vente des terres publiques, et par la continuation de celui des impôts et du tonnage, malgré les droits additionnels imposés par l’acte du 19 mai 1828, et les importations peu ordinaires qui ont eu lieu dans la première partie de cette même année.

» La balance du trésor, au 1er janvier 1829, était de 5 millions 972,435 dollars et 81 cents. Les recettes de l’année courante sont estimées à 24 millions 602,230 dollars, et les dépenses pour la même année à 26 millions 164,595 dollars, laissant ainsi dans le trésor, au 1er janvier prochain, une balance de 4 millions 410,070 dollars 81 cents.

» Il aura été payé sur la dette publique, pendant la présente année, la somme de 12,405,500 dollars 80 cents ; ce qui réduit toute la dette du gouvernement, au 1er janvier prochain, à 48,565,406 dollars 50 cents, y compris 7 millions de billets à 5 pour 100, souscrits par la banque des États-Unis. Le paiement à compte sur la dette publique, fait le 1er juillet dernier, a été de 8,715,462 dollars 87 cents. On craignait que l’enlèvement subit d’une somme si considérable des coffres de la banque où elle était déposée, et à une époque de gêne pécuniaire à la bourse, ne causât beaucoup de mal aux intérêts qui dépendent des opérations de la banque ; mais ce malheur a été prévenu par une avance du trésor et par les judicieux arrangemens pris par les officiers de la banque des États-Unis.

» Cet état des finances présente les ressources de la nation sous un aspect favorable à son industrie, aux principes de son gouvernement, qui a su éteindre en aussi peu de temps une partie aussi considérable que sa dette. Lorsque cette dette aura été éteinte complétement, les citoyens se trouveront soulagés du fardeau qu’ils supportent encore ; ce seront de nouveaux stimulans pour l’esprit d’entreprise particulière ; les ressources de chaque état s’en accroîtront et pourront se porter, soit sur l’éducation, soit sur d’autres objets d’utilité publique.

» D’un autre côté, de grands moyens resteront à la disposition du gouvernement fédéral, pour favoriser la prospérité générale par tous les moyens permis à son autorité. Après l’extinction de la dette publique, il n’est pas probable qu’une modification du tarif, d’après des principes satisfaisans pour les peuples de l’Union, laisse de long-temps ou même jamais le trésor du gouvernement sans un excédant considérable au delà de ce qui sera nécessaire pour le service courant.

» Le temps approche donc où les fonds affectés au paiement de la dette deviendront disponibles ; leur emploi deviendra un sujet grave de délibération pour le congrès, et sa prompte décision sur cette matière est de la plus haute importance.

» Quant aux difficultés qui jusqu’ici ont exigé des moyens particuliers pour notre perfectionnement intérieur, quant à celles que l’expérience nous apprend devoir arriver, toutes les fois que la puissance est exercée sur ces matières par le gouvernement général, nous espérons qu’on adoptera quelque plan qui conciliera les intérêts divers des états et donnera encore plus de force aux liens qui les unissent. Chaque membre de l’Union, en paix comme en guerre, trouve des avantages dans l’amélioration de la navigation intérieure et dans la construction de grandes routes dans les divers États. Efforçons-nous d’obtenir ces avantages par des moyens qui soient satisfaisans pour tous. Ceux que quelques-uns de nos concitoyens ont adoptés jusqu’ici ont été décriés par les uns comme une infraction à la constitution, et par les autres comme peu convenables. Tous pensent qu’ils ont été employés aux dépens de l’harmonie dans les conseils législatifs.

» Pour éviter ces inconvéniens, il me semble que la disposition la plus juste, la plus sûre, la plus fédérale possible du surplus du revenu, serait de la partager parmi les différens états d’après leur contingent de représentans, et, si cette mesure n’était pas garantie par la constitution, de proposer aux États un amendement à ce sujet. Je regarde un appel à la source du pouvoir, dans le cas de doute réel, et lorsqu’on le juge indispensable au bien-être général, comme l’une de nos obligations les plus sacrées. La providence a confié à cette nation, plus particulièrement qu’à toute autre, la défense spéciale du grand principe de la fidélité aux constitutions écrites. S’il périssait ici, toutes les espérances qui s’y rattachent seraient détruites.

» Tout le monde convient que notre gouvernement est un gouvernement de pouvoirs limités, spéciaux, et non généraux ; c’est donc notre devoir de lui conserver le caractère que lui ont donné ses auteurs. Si l’expérience démontre la nécessité d’une augmentation de ses pouvoirs, adressons-nous pour cela à ceux pour l’avantage desquels cette augmentation doit avoir lieu, et ne minons pas tout le système par un concours qui renverse toutes les constructions. L’affaire a bien marché, elle a dépassé toutes les espérances de ceux qui l’ont commencée, et elle est demeurée un objet d’envie pour le monde entier. Nous sommes responsables envers notre pays et envers la glorieuse cause des gouvernemens nationaux (self-government) de la conservation d’un aussi grand bienfait. La grande masse de la législation relative à nos affaires intérieures devrait être abandonnée, lorsque la convention fédérale la trouve dans les gouvernemens des États. Rien n’est plus clair dans mon opinion que ce que nous devons, principalement pour le succès de la constitution qui nous régit aujourd’hui, à la vigilance et à la coopération des autorités des États. Ceci n’est pas la réflexion d’un jour, mais appartient à la conviction la plus profonde ; je ne puis donc, d’après l’idée que j’ai de son importance, vous prévenir trop fortement et trop vivement contre toute tentative sur la souveraineté légitime des États. Soutenu par sa salutaire et vivifiante influence, le système fédéral ne peut jamais succomber.

» Dans le recensement des revenus publics, l’autorisation des longs crédits sur les denrées importées d’au-delà le cap de Bonne-Espérance est la cause principale des pertes que nous avons éprouvées. Si ces crédits étaient réduits à six, neuf et douze mois ; si le gouvernement avait des magasins pour recevoir les marchandises en dépôt, comme garantie du paiement des droits, et si les droits des États-Unis à une priorité de paiement sur les biens de ses débiteurs insolvables étaient garantis plus efficacement, ce mal serait en grande partie évité. Je recommande donc à votre attention l’autorisation de construire ces magasins, ainsi que la modification à faire aux autres questions.

» Il est utile de faire remarquer que les lois relatives au recouvrement et à la garantie des revenus provenant des impôts ont été promulguées, lorsque le taux des droits sur l’importation offrait beaucoup moins d’appât pour le commerce illicite que ceux qui existent aujourd’hui. C’est une raison de croire que ces lois sont, sous quelques rapports, entièrement insuffisantes pour garantir le revenu et protéger les intérêts de ceux qui sont disposés à les observer. La tendance immorale vers un système lucratif de contrebande est trop évidente pour ne pas être signalée, et ne pourrait être trop soigneusement réprimée. J’engage donc le congrès à adopter des mesures efficaces pour prévenir ce malheur, en évitant néanmoins, autant que possible, toute atteinte qui ne serait pas nécessaire à la liberté individuelle et aux transactions loyales du commerce.

» En examinant les rapports de la trésorerie, j’ai été vivement frappé de la somme énorme qui paraît due au gouvernement par certains individus. Une grande partie de cette somme est probablement perdue par la négligence des agens chargés du recouvrement. Néanmoins une portion considérable pourra rentrer dans le trésor, en employant les moyens convenables. Mais, quel que soit le montant de chacune de ces deux parties des créances nationales, il est du devoir du gouvernement de reconnaître promptement l’état réel des choses. Cela ne peut être fait que par la prompte adoption de mesures judicieuses. On peut croire que la plus grande partie de ce qui a été perdu ne l’a été que par l’emploi de moyens inconvenans dans le recouvrement des créances publiques. On ne peut les attribuer qu’au manque de connaissances légales de la part des agens chargés de ce service.

» On peut, je crois, admettre que l’autorité chargée de surveiller les procès intentés au nom du public, fonction aujourd’hui confiée à un officier comptable du trésor, qu’on n’a pas choisi à cause de ses connaissances légales, et qui est surchargé d’autres devoirs, n’agit pas d’une manière favorable aux intérêts du public.

» Il est important que cette branche du service public soit sous la surveillance d’un homme habile qui puisse agir efficacement. Les dépenses qui résulteraient de cette modification du département exécutif seraient justifiées par les principes de la plus stricte économie. Je demande donc que les fonctions assignées aujourd’hui à l’agent du trésor, en tant qu’elles se rattachent à la surintendance et à la direction des procès intentés au nom des États-Unis, soient transférés à l’attorney général, et que cet officier soit placé sur le même pied, à tous égards, que les chefs des autres départemens, c’est-à-dire qu’il ait des appointemens convenables et des subordonnés en nombre suffisant pour remplir ses nouveaux devoirs. La capacité de l’attorney général, employé à diriger la conduite des maréchaux et attorneys de districts, hâterait le recouvrement des sommes dont on poursuit la rentrée, et éviterait beaucoup de frais au gouvernement. Ses attributions pourraient en outre s’étendre à la surveillance de tous les procès criminels intentés pour offense envers les États-Unis. En faisant ce changement, il faudrait néanmoins bien prendre garde de ne pas diminuer la puissance nécessaire au département du trésor d’une de ses plus grandes garanties, consistant dans le contrôle de tous les comptes, avant qu’ils deviennent l’objet d’un procès.

» D’après ce que je viens d’exposer, il serait peut-être utile d’examiner si les dispositions de l’acte du congrès qui autorisent à faire grâce de l’emprisonnement aux débiteurs du gouvernement, pourraient s’étendre, sans nuire à l’intérêt public, jusqu’à la remise de la dette, lorsque la conduite du débiteur serait à l’abri de l’imputation de fraude. Une politique un peu plus libérale que celle qui prévaut aujourd’hui à l’égard de ces malheureux, serait un bienfait de toute justice pour la contrée. Être encore exposé à des poursuites lorsqu’on a épuisé tous les moyens de se libérer, c’est une situation désespérante pour un débiteur, si ses ressources ne sont que partielles ; le manque de pouvoir de la part du gouvernement pour lui accorder des délais ou lui remettre sa dette, engage le débiteur à recourir à la fraude pour conserver des secours à sa famille ; il tombe alors dans l’apathie, devient un membre inutile et quelquefois dangereux pour la société, ou bien un témoin vivant de la rigueur et de l’inhumanité de sa patrie. L’expérience prouve qu’une dette oppressive empêche toute espèce d’entreprise, et la république doit prendre soin d’étendre sa puissance bienfaisante sur le malheur et la pauvreté.

» Depuis la dernière session du congrès, on a découvert sur le trésor de nombreuses fraudes que je crois de mon devoir de porter à la connaissance de la cour de ce district, pour qu’elle les poursuive criminellement ; c’est mon opinion, celle du conseil qui a été consulté à ce sujet, que ces cas tombent sous la pénalité de l’acte du dix-septième congrès, portant punition des fraudes commises envers le gouvernement des États-Unis. Soit défaut dans les lois, soit dans l’administration, tous les efforts pour mettre l’accusé en jugement, en vertu des dispositions de cet acte, ont été sans résultat, et le gouvernement a été obligé de recourir aux dispositions vagues de la loi commune. Il est de mon devoir d’appeler votre attention sur les lois destinées à protéger le trésor. S’il est vrai qu’il n’existe aucune disposition légale au moyen de laquelle ceux qui abusent indignement du dépôt qu’on leur confie puissent être punis pour la violation flagrante de leurs devoirs, en s’appropriant frauduleusement les fonds publics, il est temps de remédier à une omission aussi dangereuse, ou, si la loi a été détournée de son but primitif, si les criminels que ses dispositions devraient atteindre ont été garantis par des subtilités légales, on doit rendre cette loi tellement claire par des amendemens, qu’elle puisse déjouer l’intrigue et la malversation, et atteindre le but qu’on lui avait donné en la promulguant.

» Dans l’un des cas en question, le plus flagrant, la cour a décidé que la poursuite se trouvait arrêtée par le statut qui prescrit par deux ans les poursuites contre la fraude. Dans ce cas, toutes les preuves de la fraude sont restées entre les mains de l’accusé jusqu’à l’expiration des deux ans. Assurément la loi ne peut protéger un homme lorsqu’il garde en sa possession toutes les preuves de son crime, et encore moins un officier public qui continue à frauder le trésor et à cacher ses opérations pendant la courte période de deux ans. Je vous recommanderai donc une modification dans la loi, telle qu’elle donne à la partie lésée et au gouvernement deux ans après la découverte de la fraude, ou après que l’accusé a quitté ses fonctions pour commencer les poursuites.

» Avant de quitter ce sujet, j’appellerai l’attention du congrès sur une enquête générale et minutieuse relativement à la condition du gouvernement, dans le but de déterminer les emplois à supprimer, les dépenses à retrancher, les améliorations qu’on peut faire dans l’organisation de ses diverses parties, pour assurer la responsabilité des agens publics, et porter efficacité et la justice dans toutes ses opérations. »

[7] Le rapport du secrétaire du président de la guerre vous mettra au courant de la condition de notre armée, de nos fortifications, de nos arsenaux et des affaires indiennes. La discipline de l’armée, l’instruction et l’équipement de la milice, l’éducation donnée à West Point, enfin l’accumulation des moyens de défense applicables à la force navale, tendront à prolonger la paix dont nous jouissons, et que tout bon citoyen, et plus spécialement ceux qui ont éprouvé les misères d’une guerre même couronnée de succès, doivent ardemment désirer de perpétuer. Les renseignemens obtenus sur les branches subordonnées de ce service présentent une régularité et un ordre qui lui font beaucoup d’honneur : officiers et soldats semblent pénétrés de la véritable direction de leurs devoirs, et se conforment aux prescriptions de l’exacte discipline avec cet enjouement qui appartient à la profession des armes. Il n’est donc nullement nécessaire de recourir à des mesures législatives, pour obvier aux inconvéniens spécifiés dans le rapport ci-dessus mentionné. Cependant il est utile que j’en signale quelques-uns à votre attention particulière.

» L’acte du congrès du 2 mars 1821, pour réduire et fixer l’établissement militaire, n’ayant point été exécuté quant à ce qui regarde le commandement d’un des régimens d’artillerie, ne peut plus être considéré comme un guide, par le pouvoir exécutif, pour nommer à ce commandement, un acte explicatif désignant la classe d’officiers dans laquelle on choisirait pour remplir ce grade ; une autre classe d’après la liste militaire existant avant l’acte de 1811, ou d’après celle qui a été fixée par cet acte, lèverait cette difficulté. Il est également important que les lois qui règlent la paie et les émolumens des officiers en général soient plus spéciales qu’elles ne le sont aujourd’hui. Par exemple, celles qui ont rapport au payeur et au chirurgien général leur assignent un salaire de 2,500 dollars, mais se taisent sur les allocations qui, dans certaines exigences du service, peuvent sembler indispensables à l’accomplissement de leurs devoirs. Cette circonstance a paru autoriser les administrations précédentes à leur faire diverses allocations, mais on n’a observé, à ce sujet, aucune règle uniforme. De semblables inconvéniens existent pour d’autres cas dans lesquels les comptables publics, en faisant au-delà de ce que la loi prescrit, opèrent d’une manière inégale, produisent la confusion, et exposent les officiers à l’odieuse imputation de réclamer ce qui ne leur est pas dû.

» Je recommande à vos soins paternels, comme l’un de nos plus sûrs moyens de défense, l’académie militaire ; cette institution a déjà eu la plus heureuse influence sur le caractère moral et intellectuel de notre armée, et ne sera pas moins utile à ceux de nos gradés qui, par diverses circonstances, ne peuvent continuer la profession des armes, et rentrent dans la vie civile. Leurs connaissances dans l’art militaire seront employées avantageusement dans le service de la milice, et assureront, jusqu’à un certain point, à cette classe de troupes, les avantages qui, sous ce rapport, appartiennent aux armées permanentes.

» Je vous demanderai aussi d’étendre les bienfaits de la loi sur les pensions à tous les soldats de la révolution, qui, ayant concouru à l’établissement de nos libertés, ne sont plus en état de subvenir à leurs besoins. Ces restes de la guerre de l’indépendance ont les droits les plus forts à la gratitude et à la bienveillance du pays. La loi est défectueuse en ce qu’elle n’embrasse pas dans ses dispositions ceux qui, à la suite de la dernière guerre, n’ont pu pourvoir à leur existence par un travail manuel. Un tel amendement n’ajouterait que peu de chose à la liste des pensions, et est réclamé par les sympathies du peuple et par les considérations d’une profonde politique. On s’apercevra qu’une addition considérable à la liste des pensions a été faite par ordre de la dernière administration, qui, dans ce cas, s’est écartée des règles suivies jusqu’alors. Ne considérant pas cet ordre comme un acte législatif, j’en ai suspendu les opérations aussitôt que j’ai été informé qu’elles étaient commencées. Néanmoins, avant cette époque, et en vertu de ce nouveau réglement, cent cinquante-quatre pensions avaient été demandées, et quatre-vingt-sept étaient déjà admises au 27 mars, date de la révocation de ce réglement. Quant à leur montant, il n’était réglé ni par la mesure ni par la convenance des services rendus. Outre ce déficit, les allocations régulières faites d’après les règles suivies jusqu’alors par ce département, dépassent les estimations du dernier secrétaire d’environ cinquante mille dollars pour lesquels une allocation vous est demandée.

» J’appelle votre attention particulière sur cette partie du rapport du secrétaire de la guerre, qui se rattache aux fonds déposés pour la tribu des Indiens Seneca ; vous remarquerez que, sans le secours du pouvoir législatif, le pouvoir exécutif ne peut remédier aux embarras occasionnés par la diminution des dividendes de ce fonds, qui s’élevait originairement à 100,000 dollars, et qui, dernièrement, a été converti en 3 p. o/o des États-Unis.

» La condition et la destinée ultérieure des tribus indiennes qui se trouvent dans les limites de quelques-uns de nos États sont devenues des objets d’un grand intérêt et d’une grande importance. La politique du gouvernement a été long-temps d’introduire parmi eux les arts et la civilisation, dans l’espoir de les retirer graduellement de leur vie errante. Cette politique était en concurrence avec une autre, entièrement incompatible avec le succès de la première. Nous professions le désir de les civiliser et de les fixer ; et, en même temps, nous n’avons manqué aucune occasion d’acheter leurs terres, et de les repousser ainsi dans la vie sauvage ; par ce moyen, ils ont été non-seulement retenus dans leur condition vagabonde, mais nous les avons conduits à nous considérer comme injustes et indifférents sur leur sort. Ainsi, bien que prodigue dans les dépenses faites à ce sujet, le gouvernement a constamment déçu sa propre politique, et les Indiens, en général, reculant de plus en plus vers l’ouest, ont conservé leurs habitudes sauvages. Néanmoins, une partie des tribus indiennes du Sud s’étant beaucoup mêlée avec les blancs, et ayant fait quelques progrès dans les arts de la vie civilisée, a récemment essayé de former un gouvernement indépendant dans les limites de la Géorgie et de l’Alabama. Ces deux États voulant être seuls souverains de leurs territoires, ont étendu leurs lois sur les Indiens, ce qui a engagé les derniers à réclamer la protection des États-Unis.

» Dans ces circonstances, la question qui se présentait était celle de savoir si le gouvernement général a le droit de soutenir ces peuplades dans leurs prétentions. La constitution déclare qu’aucun État nouveau ne sera formé ou érigé dans la juridiction d’un État quelconque sans le consentement de la législature. Si le gouvernement général n’a pas le droit de permettre l’érection d’un État confédéré dans le territoire d’un des membres de cette union, contre sa volonté, encore moins peut-il permettre à un gouvernement étranger et indépendant de s’y établir. La Géorgie est devenue membre de la confédération qui s’est formée dans notre union fédérale comme État souverain, réclamant constamment ses droits sur certaines limites définies originairement dans la charte coloniale, reconnues subséquemment dans le traité de paix, et dont elle a depuis continué à jouir, à l’exception de celles dont elle s’est volontairement dépossédée en transférant une partie de son territoire aux États-Unis, par les articles de cession de 1802. L’Alabama a été admis dans l’union sur le même pied que les États originaires, avec des frontières qui lui ont été assignées par le congrès. Il n’y a aucune disposition constitutionnelle, conventionnelle ou légale, qui donne à ces États moins de pouvoir sur les Indiens de leurs territoires que n’en possèdent le Maine ou New-York. Le peuple du Maine permettrait-il à la tribu Penobscot d’ériger un gouvernement indépendant dans son territoire ? et, s’il ne le permettait pas, ne serait-il pas du devoir du gouvernement général de l’aider à résister à une pareille mesure ? Le peuple de New-York permettrait-il à chaque reste des six nations habitant son territoire de se déclarer peuple indépendant sous la protection des États-Unis ? Les Indiens sont-ils en droit d’établir une république séparée sur chacune de leurs réserves dans l’Ohio ? Et, s’ils étaient disposés à le faire, serait-il du devoir de ce gouvernement de les protéger dans cette tentative ? Si l’on abandonne le principe qui doit évidemment dicter les réponses à ces questions, il s’ensuit que le but de ce gouvernement est renversé, et qu’une portion de ses devoirs consiste à détruire les États que le but de son établissement était de protéger.

» Sous l’influence de cette opinion, je fis savoir aux Indiens habitans des parties de la Géorgie et de l’Alabama que leur tentative pour y établir un gouvernement indépendant ne serait point appuyée par le pouvoir exécutif des États-Unis, et je les engageai à émigrer au-delà du Mississipi, ou à se soumettre aux lois de ces États.

» Notre conduite envers ces peuples intéresse profondément notre caractère national. Leur condition présente, comparée avec ce qu’ils furent jadis, appelle puissamment notre sympathie. Nos ancêtres les ont trouvés possesseurs incontestables de ces vastes régions. Par la persuasion et la force, ils les ont repoussés de rivière en rivière, de montagne en montagne, jusqu’à ce que quelques tribus se soient éteintes et que les autres n’aient laissé que quelques restes pour conserver peu de temps encore leurs terribles noms. Environnés par les blancs, par les arts de la civilisation, qui, en détruisant les ressources du sauvage, le condamnent à la faiblesse et à la décadence, le sort du Mohegan, du Naragansett et du Delaware, est presque semblable à celui du Choctan, du Chérokée et du Creek. Nul doute que ce ne soit là leur sort futur, s’ils restent dans les limites des États. L’humanité et l’honneur national demandent tous les efforts possibles pour éviter une telle calamité. Il est trop tard pour examiner si les États-Unis avaient le droit de les comprendre avec leur territoire dans les limites des nouveaux États, limites qu’ils pourraient soumettre à leur contrôle. Il n’est plus possible de revenir là-dessus, un État ne peut être démembré par le congrès ou restreint dans l’exercice de son pouvoir constitutionnel. Mais les peuples de ces États, et ceux de tous les États unis par des sentimens de justice et de respect pour notre honneur national, vous soumettent la question intéressante de savoir si l’on peut faire quelque chose de compatible avec les droits des États pour conserver cette race malheureuse.

» Comme moyen d’obtenir ce résultat, je soumets à votre considération la convenance de désigner un vaste district à l’ouest du Mississipi, hors les limites du territoire d’aucun État, qu’on garantirait aux tribus indiennes aussi long-temps qu’elles l’occuperaient, chaque tribu ayant un contrôle distinct sur la portion qui lui serait assignée. On leur garantirait la jouissance d’un gouvernement de leur choix, qui ne serait soumis à d’autre contrôle de la part des États-Unis que celui qui serait nécessaire pour conserver la paix sur la frontière et entre les diverses tribus. La bienveillance nationale leur fournirait les moyens de s’instruire dans les arts de la civilisation ; et, en faisant régner entre elles l’union et l’harmonie, on produirait chez elles un bien-être général qui perpétuerait leur race, et attesterait l’humanité et la justice de ce gouvernement.

» L’émigration serait volontaire ; car il serait aussi cruel qu’injuste de forcer les aborigènes à abandonner les tombeaux de leurs pères, et à aller s’établir sur une terre étrangère. Mais ils devraient être bien informés que s’ils restent dans les limites des états, ils doivent se soumettre à leurs lois.

» En retour de leur obéissance, comme individus, ils seraient incontestablement protégés dans la jouissance des possessions qu’ils auraient améliorées par leur industrie. Mais il me paraît absurde de supposer que, dans cet état de choses, on puisse leur accorder des droits sur des portions de territoires où ils n’ont ni habité, ni fait d’améliorations, seulement parce qu’ils les ont vues du haut des montagnes, ou parce qu’ils les ont traversées à la chasse. En se soumettant aux lois des États et en recevant, comme les autres citoyens, protection pour leurs personnes et leurs propriétés, ils se confondraient à la longue dans la masse de notre population.

» Nous n’avons pas besoin en temps de paix de plus de vaisseaux de guerre qu’il n’en faut pour protéger notre commerce. Ceux qui ne sont point employés dans ce but restent nécessairement dans les ports, où, faute de cales couvertes suffisantes, ils s’endommagent rapidement, et deviennent bientôt inutiles, quoiqu’on prenne les meilleures précautions pour les conserver. Tel est déjà le sort de plusieurs de nos plus beaux bâtimens, qui, quoique non terminés, exigeraient des sommes immenses pour être rétablis dans l’état où ils étaient au moment où on les a confiés à leur élément. D’après cette considération, il ne peut y avoir le moindre doute que notre meilleure politique ne soit d’arrêter la construction des navires de premier et de second rang. Nous devons nous appliquer à amasser des matériaux pour la guerre, si le cas en échéait, plutôt qu’à grossir le nombre des bâtimens que nous pouvons mettre à flot en temps de paix, comme preuves de notre puissance navale.

» Le soin particulier que nous prenons d’emmagasiner d’avance, dans les chantiers de la marine, des bois de construction, et d’autres matériaux façonnés par d’habiles ouvriers, et propres à être mis promptement en œuvre pour leurs diverses destinations, nous mettra, dans tous les temps, à même de construire des vaisseaux aussi parfaits que possible, et nous sauvera d’énormes frais de réparation pour tous les bâtimens autres que ceux employés à protéger notre commerce. Les véritables motifs à alléguer pour l’établissement de ces chantiers sont si expressément indiqués dans le rapport du bureau de la marine, qu’en les recommandant à votre attention, je crois inutile de rien faire autre chose que d’exprimer l’assentiment complet que je leur donne. Le chantier de ce district, étant déjà très-abondamment pourvu de tous les matériaux nécessaires à la construction des navires, pourra servir à l’approvisionnement des deux autres chantiers choisis par le bureau de la marine pour y concentrer des matériaux de même genre. D’après la facilité et la sûreté des communications entre ces dépôts, il sera inutile de pourvoir, en ce qui les regarde, aux dépenses de matériaux semblables, surtout des métaux et des bois qu’on emploie dans la construction des vaisseaux.

» Par le rapport ci-joint du secrétaire d’état de la marine, vous connaîtrez l’état et l’utile emploi de cette branche de notre service militaire pendant la présente année. La marine est le boulevard sur lequel repose le plus fermement la sécurité de notre pays contre l’agression étrangère ; et elle est digne, sous ce rapport, de l’attention spéciale du gouvernement. C’est dans cet esprit que nous continuerons de nous attacher aux mesures adoptées depuis la fin de la dernière guerre, mesures qui ont amené l’agrandissement graduel de notre marine, et qui sont comme les fruits de l’expérience nationale. Vous verrez cependant que, malgré l’active sollicitude que vous avez manifestée pour l’organisation parfaite de cette arme, malgré la générosité des allocations que vous a suggérées cette sollicitude, le but, sous beaucoup de points de vue importans, n’est pas encore atteint.

» Une autre amélioration sera obtenue au moyen de la suppression du bureau de la marine, tel qu’il est maintenant constitué, et de son remplacement par des bureaux semblables à ceux qui existent dans le département de la guerre. Chaque membre du bureau, placé désormais à la tête d’un bureau séparé, sentira peser sur lui le poids de cette responsabilité salutaire qui ne peut être divisée sans perdre beaucoup trop de sa force. Leurs services deviendront encore plus précieux, lorsqu’ils seront appliqués séparément aux intérêts si grands et si variés de cette marine, dont les motifs les plus puissans porteront chacun d’eux à avancer la prospérité. Par suite de ces dispositions nouvelles, toutes les branches de cet important service prendront un caractère plus simple et plus précis, et une économie scrupuleuse présidera aux dépenses du trésor public.

» Je recommanderai aussi la réunion du corps des soldats de marine avec l’arme de l’infanterie et l’arme de l’artillerie, comme un des moyens les plus propres à remédier aux défauts de son organisation ; car bien qu’il ne soit guère plus nombreux qu’un régiment d’infanterie, ce corps a, outre son lieutenant-colonel commandant, cinq lieutenans-colonels brevetés qui reçoivent la paie entière et les émolumens du rang de leurs brevets, sans rendre des services proportionnés. Les détails du service de la marine peuvent être aussi bien exécutés par l’infanterie ou l’artillerie de ligne, puisqu’ils n’exigent pas d’instruction particulière.

» Avec toutes ces améliorations, et celles que peuvent conseiller encore un zèle vigilant et de mûres réflexions, il ne faut pas douter que la marine, énergiquement dirigée, ne devienne bientôt ce que la nation américaine veut qu’elle soit. Le rapport du secrétaire d’état, auquel je me réfère pour d’autres détails intéressans, vous démontrera tout ce qu’a fait cette marine pour détruire la piraterie dans les mers de l’Inde occidentale, tous les succès qu’elle a obtenus chaque fois que ses escadres ont dû protéger la sureté du territoire américain. Parmi ces détails, je recommanderai à l’attention du congrès les considérations relatives à l’inégalité de solde entre les officiers de la marine et ceux de l’armée de terre. Une telle inégalité ne doit point exister entre ces braves défenseurs du pays ; et puisqu’elle existe, le congrès aura à décider s’il n’importe pas de la faire disparaître.

» Le rapport du directeur général des postes tend à montrer les résultats satisfaisans de l’administration de ce département. Des abus ont été réformés ; le transport de la poste s’est fait avec plus de rapidité, et les recettes ont augmenté considérablement. Sous le point de vue politique, ce département est surtout d’une haute importance, parce qu’il facilite la diffusion des lumières. Il est, au corps politique, ce que les veines et les artères sont au corps humain ; car il porte avec promptitude et régularité, dans les parties les plus éloignées de l’État, la connaissance exacte des opérations du gouvernement, et il rapporte au gouvernement le vœu et les pensées du peuple. Au moyen de ce mécanisme, nous sommes sûrs d’avoir la pleine et entière jouissance des bienfaits de la presse libre.

» Dans cette revue générale de nos affaires, il se présente un sujet de haute importance, en ce qui touche l’organisation actuelle de l’ordre judiciaire. Sans doute, il est désirable que l’action du gouvernement fédéral soit uniforme dans les différens États de l’Union ; et comme tous ces États sont entre eux sur le pied d’une parfaite égalité, chacun d’eux a droit d’espérer que les bienfaits conférés aux habitants des autres États s’étendront jusqu’à lui. Le système judiciaire, dans les États-Unis, n’est complétement en vigueur que dans quinze États seulement. Les cours de circuit, qui forment une partie importante de ce système, n’ont été accordées qu’imparfaitement à trois nouveaux États, et ont été refusées tout-à-fait aux six autres. L’effet de cette demi-mesure a été de priver les habitants de ces États des avantages qui résultent pour leurs concitoyens de la juridiction de la cour suprême, au criminel et au civil. Il n’est pas douteux qu’il faille porter remède à cet état de choses, autant que le remède pourra se concilier avec la prospérité publique ; mais on ne saurait se dissimuler que l’organisation de notre système judiciaire ne soit une tâche difficile et délicate. Étendre les cours de circuit à toute l’Union, et en même temps éviter que leur multiplication n’encombre la cour suprême d’appel, voilà le résultat qui serait à désirer. Peut-être ce résultat pourrait-il s’accomplir en divisant les juges de circuit en deux classes, et en composant alternativement la cour suprême de chacune d’elles, le grand juge restant toujours président.

» Si l’on se déterminait à étendre le système des cours de circuit à ceux des États qui ne jouissent pas encore de ces avantages, il serait nécessaire de réviser la disposition actuelle des circuits. Et, en tout cas, si le système actuel ne doit pas recevoir une application plus large, je ne vous en recommande pas moins la révision.

« Les mesures à prendre pour faire le relevé du cens du peuple des États-Unis, et pour assurer l’accomplissement de cette œuvre dans le temps convenable, réclameront bientôt toute l’attention du congrès[8].

» Le grand et continuel accroissement des affaires dans le département d’état a depuis long-temps appelé l’attention du pouvoir exécutif. Il y a treize ans, dans le dernier message de M. Madison au congrès, cette question faisait le sujet d’une recommandation pressante, qui a été répétée par ses deux successeurs. Mon expérience, moins longue que la leur, m’a convaincu de la justesse de cette recommandation. L’accroissement dont je parle provenait de plusieurs causes, dont la moindre n’est pas la grande extension de la famille des nations indépendantes, et l’augmentation proportionnelle de nos relations extérieures. Le remède proposé était l’établissement d’un département de l’intérieur ; mesure qui ne parut pas entrer dans les vues du congrès, à cause de sa tendance supposée à augmenter graduellement et imperceptiblement le penchant déjà trop fort du système fédéral à exercer une autorité qui ne lui était pas déléguée. Je ne me sens pas disposé à faire revivre cette recommandation. Mais je n’en suis pas moins fortement préoccupé de l’importance qu’il y a d’organiser ce département, de telle façon que le secrétaire d’état puisse accorder plus de temps à nos relations extérieures. Persuadé que le bien public pourra gagner quelque chose à l’avertissement qu’il m’a paru convenable de donner à ce sujet, je le recommande respectueusement à toute votre attention.

» Le privilége de la banque des États-Unis expire en 1836, et il est probable que les détenteurs de ses billets demanderont le renouvellement de ce privilége. Pour éviter les inconvéniens qui résulteraient de la précipitation dans une mesure à laquelle se rattachent des principes importans et de si grands intérêts pécuniaires, je crois, pour être juste envers les parties intéressées, ne pouvoir trop tôt soumettre cet objet aux méditations de la législature et du peuple américain. La constitutionnalité et l’avantage de la loi qui a créé cette banque ont été mis en question par une grande partie de nos concitoyens : tous sont tombés d’accord qu’elle avait manqué son but important, d’établir une circulation de valeurs solides et uniformes.

» Dans ces circonstances, si l’on juge qu’une telle institution soit essentielle aux opérations fiscales du gouvernement, je demanderai à la sagesse des législateurs de décider si l’on ne pourrait pas imaginer une banque nationale fondée sur le crédit et les revenus du gouvernement, qui éviterait toute difficulté constitutionnelle, et en même temps assurerait au gouvernement tous les avantages qu’il espérait tirer de la banque actuelle.

» Je ne puis terminer cette communication sans mettre sous vos yeux les justes réclamations des représentans du commodore Decatuco, de ses officiers et de son équipage, relativement à la reprise de la frégate Philadelphia, sous batteries meurtrières de Tripoli. Toute déplacée que soit, en général, l’intervention du pouvoir exécutif sous un gouvernement tel que le nôtre, où chaque citoyen a le droit d’adresser directement ses réclamations au congrès, cependant, envisageant le caractère particulier de cette affaire, je crois de mon devoir de la recommander à votre examen favorable. D’ailleurs, la justice de cette réclamation se rattache à d’autres demandes dont on a depuis reconnu le bon droit ; elle est fondée sur un acte d’audace patriotique et chevaleresque, qui donna la vie et l’assurance à notre marine encore au berceau, et contribua, autant que tout autre exploit de son histoire, à élever notre caractère national. Le temps est venu d’imprimer à ce haut fait le sceau de la reconnaissance publique : ne refusons pas une récompense qui peut être, à l’avenir, un aiguillon puissant pour le courage de nos marins.

» Je vous recommande maintenant, mes concitoyens, à la protection du Dieu tout-puissant, avec une confiance entière en sa divine Providence pour le maintien de nos institutions libres, et je le supplie avec ardeur de me faire trouver dans l’harmonie et la sagesse de vos conseils un remède à toutes les fautes que je suis exposé à commettre dans l’accomplissement des pénibles devoirs qui me sont imposés.

Andrew Jackson.
Washington, 8 décembre 1829.

  1. Les lettres que nous avons reçues de New-York, en même temps que cette pièce officielle, nous apprennent qu’à aucune autre époque de l’histoire des États-Unis, le message du président n’a été attendu avec une plus vive impatience. Cela se conçoit aisément ; les partisans, comme les adversaires du général Jackson, espéraient également trouver dans cet écrit de quoi justifier leur participation ou leur opposition à l’élection de celui qui vient aujourd’hui, pour la première fois, devant les représentans de la nation, faire, pour ainsi dire, sa profession de foi politique. La foule qui se pressait dès le point du jour à la porte du bureau qui reçoit les bulletins officiels, était innombrable. À onze heures du matin, plus de quinze mille exemplaires du message avaient été distribués, et cependant la foule, loin de diminuer, s’accroissait à chaque instant. Nous ne pouvons encore dire exactement quelle influence ce discours exercera par la suite sur les dispositions des partis ; l’expérience seule nous l’apprendra. Cependant, à en juger par les lettres que nous venons de recevoir des divers points de l’union, il paraît que tout le monde s’accorde à dire qu’il est empreint d’un caractère de simplicité, et présente un intérêt patriotique que personne ne serait tenté de désavouer. À cette impression du moment succéderont sans doute de vives discussions suscitées par un examen plus attentif ; nos correspondans nous promettent de nous les faire connaître avec soin, et nous nous empresserons de les mettre sous les yeux de nos lecteurs.
  2. Les réclamations faites à la France par les États-Unis ont pour objet une indemnité due aux commerçans américains pour saisies illégales de leurs navires ou de leurs marchandises, faites dans tous les ports français en vertu d’un décret impérial daté de Bayonne le 17 avril 1808.
  3. Voici cette règle dont la conséquence rigoureuse étonnera en Europe un grand nombre de ceux qui croient devoir admettre le principe: « C’est qu’aux yeux du gouvernement américain, il n’y a qu’un pouvoir légitime, celui qui émane du peuple; à cet égard, la légitimité de D. Miguel lui a semblé incontestable. C’est la volonté populaire qui l’a placé et le maintient sur le trône.
  4. Voici comment l’élection du président est prescrite par l’article 11 de la constitution :

    « Chaque État nommera, d’après le mode indiqué par la législature, un nombre d’électeurs égal au nombre total de sénateurs et de représentans que l’État envoie au congrès ; mais aucun sénateur ou représentant, ni aucune personne salariée ou employée par le gouvernement des États-Unis, ne peut être nommé électeur.

    « Les électeurs s’assembleront dans leurs États respectifs, et ils voteront par ballotage pour deux individus dont l’un au moins ne sera pas du même État qu’eux. Ils feront une liste de toutes les personnes qui ont obtenu des suffrages, et du nombre de suffrages que chacune d’elles aura obtenus. Ils signeront et certifieront cette liste, et la transmettront scellée au siége du gouvernement des États-Unis, sous l’adresse du président du sénat, qui, en présence du sénat et de la chambre des représentans, ouvrira tous les certificats et comptera les votes. Celui qui aura obtenu le plus grand nombre de votes sera président, si ce nombre forme la majorité des électeurs ; si plusieurs ont obtenu cette majorité, et que deux ou un plus grand nombre réunissent la même quantité de suffrages, alors la chambre des représentans en choisira un pour président par la voie du ballotage. Si nul n’a réuni cette majorité, la chambre prendra les cinq personnes qui en ont approché davantage, et choisira parmi elles le président par la voie du ballotage. Mais en choisissant ainsi le président, les votes seront pris par État, la représentation de chaque État n’ayant qu’un vote. Un ou plusieurs membres des deux tiers des États au moins devront être présens, et la majorité de tous ces États sera indispensable pour que le choix soit valide.  .  .  .  .  »

    En examinant avec attention cet article de la constitution, on est forcé de reconnaître, avec le général Jackson, qu’il peut arriver que l’élection du président, au lieu d’être l’expression de la volonté populaire, ne soit que le fruit des intrigues ourdies dans le sein du congrès, ou du moins le résultat de l’erreur de quelques-uns de ses membres. L’élection de 1825 en est une preuve incontestable. On se rappelle qu’à cette époque, John Quincy Adams l’emporta dans le congrès sur Andrew Jackson lui-même, qui avait obtenu un plus grand nombre de suffrages que lui dans le corps électoral.

    L’idée de modifier cet article de la constitution de manière que l’élection du président soit toujours l’expression libre et franche de l’opinion publique, n’est pas nouvelle ; on peut même dire que depuis quelques années elle s’est fait un grand nombre de partisans dans presque tous les États de l’Union. Dès 1816, M. Rufus King, sénateur de l’État de New-York, et l’un des membres de la convention qui a rédigé la constitution, l’a soutenu avec beaucoup de chaleur.

    Nous ne doutons pas que le paragraphe 3 de la 1re section du 1er article, ne soit modifié par le congrès, et qu’il n’en résulte un bien ; mais peut-être eût-il mieux valu que cette proposition fût faite par un autre que par celui qui souffrait personnellement de l’intervention d’un tiers entre le peuple et lui.

  5. Toute cette partie du message du président sera sans doute le sujet de longues et vives discussions dans les journaux américains. Elle touche en effet à une question administrative d’un haut intérêt. Déjà quelques feuilles, que nous avons sous les yeux, ont commencé l’attaque. Voici, en peu de mots, comment elles s’expriment :

    « Non, sans doute, un emploi public ne peut être considéré comme une propriété dans toute la rigueur de l’acception de ce mot. Ainsi, par exemple, nous pensons que du moment où un fonctionnaire public remplit mal ses devoirs, l’autorité chargée de le surveiller, doit s’empresser de le priver de son emploi pour le confier à des mains plus habiles ou plus intègres. Mais, nous croyons aussi, que le fonctionnaire qui remplit ses devoirs avec autant de talent que de zèle, et qui n’a jamais cessé de répondre à la confiance du peuple et de l’autorité, doit avoir des garanties contre l’ambition des intrigans qui, au bout de quatre ans, accourront de toutes parts comme une nuée d’oiseaux de proie pour se disputer son emploi. Car, en conscience, peut-on admettre que ce seront des hommes de mérite qui viendront briguer de modestes, souvent même de pénibles fonctions, lorsqu’ils sauront que ni le zèle, ni l’intégrité, ni les lumières, ne pourront les maintenir plus de quatre ans à un poste qu’ils n’auront occupé que le temps nécessaire pour manquer une autre carrière, qui du moins leur aurait assuré des ressources pour le temps de la vieillesse. Espérons que cette mesure ne sera pas adoptée.

  6. On sait que l’établissement du nouveau tarif a été provoqué par un petit nombre d’états manufacturiers. Nous pensons que la dernière administration a commis une faute en cédant aux exigences d’une si faible partie de la population qui depuis long-temps réclame du congrès l’exclusion des marchandises étrangères, afin d’obtenir le monopole des marchés américains, c’est-à-dire afin de faire payer à toutes les autres classes de la société un impôt énorme qui ne profite qu’à quelques particuliers qui s’enrichissent en vendant à leurs concitoyens des objets souvent mal fabriqués, et toujours beaucoup plus chers que ceux que l’on pourrait tirer des autres pays commercans.

    Il nous semble qu’il est peu sage au gouvernement des États-Unis de vouloir forcer le produit des manufactures nationales par des prohibitions, des droits et des monopoles, avant qu’il n’y ait effectivement une augmentation de consommation réelle résultant de l’accroissement de la population le long des côtes et dans l’intérieur, avant que le prix du travail ne soit plus également établi, et avant surtout qu’il n’y ait un système plus régulier de commerce et d’agriculture. Nous dirons plus : il serait peut-être beaucoup plus avantageux pour les États-Unis, pendant long-temps encore, de se contenter de produire des matières brutes, et de laisser l’Europe continuer à être l’atelier où les objets doivent être manufacturés ; car l’expérience a toujours prouvé que les nations qui donnent à leurs manufactures la plus grande extension, ne le font jamais sans introduire parmi leur population, les vices, les maladies, les dérèglemens de toute espèce dans les basses classes du peuple. En preuve de cette assertion, nous pourrions citer l’Angleterre.

  7. Comme nous nous proposons de reproduire dans nos prochains numéros les débats du congrès, nous aurons l’occasion de revenir sur ce rapport du secrétaire de la guerre. Il nous fournira probablement les moyens de présenter un tableau exact des ressources militaires des États-Unis.
  8. Lorsque ce nouveau recensement aura lieu, il sera curieux de voir si cette assertion, faite par notre correspondant de Virginie, que la population des États-Unis double tous les vingt-cinq ans, est exacte. Voyez l’article ayant pour titre : de l’avenir des États-Unis.)