Librairie de Sauvaignat (p. 36-38).


 
Le soir ramène le silence.
...........
Je suis, dans le vague des airs,
Le char de la nuit qui s’avance.
(LAMARTINE.)




LA NUIT.


La lune du Lacombe argente les deux rives :
Pas un bruit de roseaux ni de feuilles plaintives.
Au camp muet s’éteint le cri du négrillon ;
Dans le foyer bruit l’invisible grillon.
Oh ! c’est l’heure pieuse où l’âme recueillie
S’enivre de silence et de mélancolie,
L’heure où le will-poor-will, tendre et plaintif oiseau,
Sous le magnolia qui s’incline sur l’eau,

Sous le saule qui pleure ou l’yeuse isolée,
Comme une âme souffrante, une ombre inconsolée,
Jette aux brises des nuits ce triste et lent accord
Qui meurt dans le lointain et qu’on écoute encor...
Sur le bayou, tenant une pagaie oisive,
Calme, je laisse errer ma pirogue en dérive,
Et je rêve, et je prie, et jusqu’au point du jour,
Je me berce enivré de doux songes d’amour.



Juin 1837.