Mes souvenirs (Stern)/Première partie/XI

Daniel Stern ()
Calmann Lévy, éditeurs (Bibliothèque contemporaine) (p. 151-165).




XI


L’hôtel Biron. — Le couvent du Sacré-Cœur. — Le père Varin. — Madame Eugénie de Gramont. — Madame Antonia. 



L’année suivante, ma mère, obligée de retourner à Francfort, et rendue attentive, par les observations de mon frère, aux inconvénients sans nombre pour une aussi jeune fille que je l’étais, de toutes ces dissipations, de toutes ces splendeurs du Bundestag, décida de me laisser à Paris dans un pensionnat. Celui des Dames du Sacré-Cœur était estimé alors le plus comme il faut de tous. Je ne crois pas qu’on eût d’autres motifs de le choisir. En ce qui me concernait, je ne fis pas une observation. La volonté de ma mère et de mon frère aîné ne me paraissait pas chose discutable. D’ailleurs la vie mondaine que l’on redoutait pour moi avait eu des prises si superficielles sur mon âme et sur sa simplicité qu’elle n’y laissait aucune trace. J’entrai sans répugnance au couvent du Sacré-Cœur. Rien n’avait été négligé pour m’en rendre le séjour agréable. Mes parents avaient demandé pour moi des privilèges : on les avait accordés sans trop de peine. Les congrégations dirigées par les jésuites savent faire ployer la règle dans toute occasion importante : j’en étais une.

Appelée par mon nom et par ma fortune à quelque grand mariage; destinée, on pouvait le croire, à faire quelque figure dans le monde, j’étais une influence à ménager, à conquérir, pour la plus grande gloire de Dieu et pour l’avantage de l’ordre. Il n’y avait donc pas lieu de se montrer récalcitrant, ni de trop débattre les conditions que mettait ma mère à mon entrée dans le pensionnat. J’eus ainsi une chambre pour moi seule, au lieu du lit au dortoir ; un piano, pour moi seule, dans cette chambre, avec le privilège d’y prendre mes leçons de musique et d’y recevoir, sous la surveillance d’une religieuse , un vieux maître en perruque, un professeur du conservatoire, M. Adam. Il fut entendu aussi que je sortirais non-seulemenl à mon tour, et selon l’ordre établi, mais toutes les fois qu’on me demanderait, soit chez ma grand’mèreLenoir, soit chez la princesse de La Trémoïlle, soit chez ma sœur de mère, madame Auguste Ehrmann. Les réserves tant soit peu hérétiques de ma mère touchant les abstinences ne furent pas non plus discutées ; et de la sorte, sauvegardée contre la rigidité de la vie monastique, le 28 du mois d’avril de l’année 1821, moi qui avais vu de prés déjà Satan, ses pompes et ses œuvres, je franchis, docile et résignée, sans retourner la tête, le seuil de la maison du Seigneur.

Il faut dire que cette maison, comme le monde d’où l’on me retirait brusquement, avait un air de grandeur.

J’ignore si les changements projetés dans les alignements du faubourg Saint-Germain doivent le faire disparaître, mais à l’heure où j’écris[1], l’hôtel Biron est debout encore dans toute sa fierté et tel qu’il s’élevait, un siècle auparavant, sur le plan majestueux de l’architecte Gabriel. Entre sa cour d’honneur et ses jardins célébrés jadis comme une des merveilles de Paris, et qui s’étendent le long du boulevard des Invalides, sur le vaste espace compris entre la rue de Varennes et la rue de Babylone, à l’ombre de s«s quinconces de tilleuls et de marronniers, entourée de ses dépendances seigneuriales, avec son haut perron et ses abords imposants, la demeure du maréchal Biron « qui poussait la galanterie à son der- nier période[2] », devenue l’asile des dames du Sacré-Cœur de Jésus et du Sacré-Cœur de Marie, garde dans son aspect beaucoup plus de l’orgueil de sa condition d’autrefois que de l’humilité de son état nouveau. L’appropriation aux exigences d’une institution monastique et scolaire n’avait guère plus modifié l’intérieur que l’extérieur de l’hôtel Biron. Les classes et les parloirs du rez-de-chaussée, l’escalier monumental, les dortoirs du premier étage conservaient l’or donnance et les nobles proportions de leur destination première. Les glaces ôtées ou voilées, le crucifix suspendu aux rinceaux dorés des salons avertissaient, à la vérité, qu’on était dans un lieu de pénitence ; mais l’impression qu’on recevait en y entrant, l’air qu’on y respirait, libre et sonore, n’inclinaient le cœur ni à la servitude volontaire ni à la modestie des vertus chrétiennes. Les religieuses, non plus, sous leur voile noir, avec leur croix d’argent sur la poitrine et leur long rosaire au côté, ne se piquaient pas d’oublier leur origine. La plupart étaient d’ancienne maison, quelques-unes d’un sang illustre. Elles ne prenaient leurs élèves, à de rares exceptions près, que dans les familles nobles de la cour ou de la province ; et, sans qu’il fût précisément question de différence de rang ou de supériorité de race dans l’éducation qu’elles donnaient, le ton général en était au plus haut point aristocratique. Ce ton ne me déplaisait pas. Bientôt aussi, malgré l’indifférence religieuse où j’avais été élevée dans la maison maternelle, je me laissai aller au charme mélancolique de la vie des cloîtres. Ce charme agit sur les jeunes âmes d’autant plus qu’elles ont en elles plus de facultés poétiques et une plus fervente ardeur d’aimer[3]. Il m’enveloppa si bien qu’il faillit me retenir.

— Mais je n’en suis pas encore là, et je reviens à la première heure de mon entrée dans les classes de l’hôtel Biron.

J’en vois d’ici le tumulte. On était en récréation. La religieuse qui présidait aux amusements déclara, en me nommant aux élèves, qu’en l’honneur de la nouvelle elle accordait une prolongation d’un quart d’heure. Une acclamation bruyante lui répondit. On m’entoura, on me fit fête. On m’ouvrit les rondes : Nous n’irons plus au bois ; La tour, prends garde, etc. On me mit au courant des jeux que je ne connaissais pas ; on me bombarda de questions : Quel âge avez-vous ? Dans quelle classe entrez-vous ? Combien de temps resterez-vous ici ? L’une des élèves ayant dit aux autres que j’allais avoir ma chambre à moi, les étonnements n’eurent pas de fin. À mesure qu’on se familiarisait, malgré mon extrême réserve, on me faisait des décla rations d’amitié. On louait mon air doux ; on pronostiquait que j’allais être d’agréable compagnie. Avant la fin de la récréation, on m’avait inventé un surnom qui n’avait rien de fâcheux . Ma future camarade de classe, Marie de Menou[4], ayant spontanément découvert l’anagramme de mon nom de famille, elle m’appela aussitôt d’un nom barbare et fier, qui sentait son héroïne de roman du Nord : la belle Yngivalf. Assez déconcertée d’un accueil et d’un succès qui contras- taient étrangement avec mes succès du Bundestag, ne sachant s’il y avait dans cette appellation, la belle Yngivalf, plus de sympathie ou de moquerie, j’éprouvais un certain malaise à la vue de cet essaim bourdonnant de jeunes filles, mal attifées dans leur uniforme de mérinos amarante singulièrement bigarré, selon les classes, de rubans jaunes, verts, bleus ou blancs, les cheveux mal peignés retenus dans de vilains filets noirs, mal chaussées, mal tenues enfin des pieds à la tête. J’éprouvais encore un autre embarras qui me venait, celui-là, de ma modestie.

On m’avait demandé dans quelle classe j’allais entrer. Je n’en savais rien. Je me figurais, je ne sais pourquoi, que les élèves du Sacré-Cœur étant nécessairement très-savantes, je me verrais reléguée parmi les petites filles, dans les classes inférieures ; je rougissais à l’avance de la confusion qui m’attendait et j’en dormis fort mal à l’aise la première nuit. Mais, à ma grande surprise, dès le lendemain matin, sans aucun examen préalable, la maîtresse générale, madame Eugénie de Gramont, en venant s’informer elle-même de la manière dont j’avais passé la nuit, me remit de sa main, avec un grave sourire, la ceinture en ruban noir, qui distinguait, au-dessus de toutes les autres, la classe supérieure. Cette classe où les élèves étaient censées avoir achevé leur éducation, et où elles ne faisaient plus qu’entretenir dans leur mémoire les choses apprises, se composait de cinq grandes jeunes filles, de quinze à dix-huit ans : Marie de Menou, Anaïs de Vence, Sophie de La Myre, Elisa de Montarby, une autre encore dont j’oublie le nom : je fus la sixième. J’y soutins mon rang sans effort et l’honneur de l’enseignement laïque. Sur ces cinq nobles demoiselles, élevées par de nobles dames, deux seulement écrivaient correctement l’orthographe. Ce fut un grand soulagement. Le bel aspect des lieux, les jardins, le verger en fleurs, la propreté, la gaieté de ma chambrette, dont la fenêtre ouvrait sur un massif de tilleuls, les cérémonies du culte, les promenades, les cantiques en l’honneur de Marie, les prévenances de mes maîtresses, la déférence que me témoignèrent bientôt mes compagnes, me réconcilièrent avec les côtés moins aimables de ma vie nouvelle. Il y en avait plusieurs. Sous le rapport de l’hygiène, par exemple, il régnait au Sacré-Cœur une négligence qui ne paraîtrait plus croyable aujourd’hui, et qui n’existe jamais, au même degré, ailleurs que dans les institutions religieuses. Le dédain professé des choses de ce monde et le mépris de la chair apparaissent là dans toute leur absurdité. Je le dirai, non par rancune, car je n’ai emporté de mon séjour au couvent que les meilleurs souvenirs, mais par devoir d’avertissement: on ne saurait rien se figurer de plus insuffisant, de plus négligé, que la nourriture et les autres soins du corps dans les pensionnats tenus par des nonnes.

Un médecin, choisi pour sa dévotion encore plus que pour sa renommée, le docteur Récamier, avait, au Sacré-Cœur, la haute direction de l’infirmerie, et l’on ne pouvait s’empêcher de remarquer, sans toutefois en rien conclure, qu’il mourait entre ses mains un nombre disproportionné de jeunes élèves. Il ne paraissait pas d’ailleurs s’inquiéter de notre régime. Nos repas ne péchaient pas seulement par l’absence d’aliments substantiels et d’une boisson salubre — nous ne mangions à l’ordinaire que du bœuf bouilli, des haricots blancs, des choux, du lard, etc… nous ne buvions que de l’eau ou du mauvais vin frelaté — ils étaient encore accommodés de telle sorte par les sœurs converses, les viandes en étaient si desséchées par la cuisson ou si arrosées d’une graisse nauséabonde, que, malgré nos jeunes appétits, la répugnance l’emportait le plus souvent et nous réduisait au pain sec. La paresse, l’économie, l’esprit de communauté avaient part peut-être également à la désespérante monotonie de nos repas. Je vois d’ici les vastes tourtes à la viande qui paraissaient invariablement sur notre table le jeudi, et qui se faisaient à la veille des jours maigres, pour utiliser, en les hachant menu ensemble, jusqu’aux derniers restes des viandes qu’on nous avait servies durant la semaine. Je crois sentir à mes lèvres la saveur brûlée d’un clair chocolat, préparé, pour notre déjeûner du dimanche, et, selon le même principe, d’un mélange indescriptible des chocolats de toutes qualités, de tous prix, de toutes saveurs, vanille, canelle, salep, fleur d’oranger, etc…, que les parents envoyaient, chacun selon ses moyens ou ses goûts, à leurs enfants. C’était bien le plus indigeste breuvage et le plus déplaisant du monde. Mais ce qui, bien plus encore que la mauvaise cuisine des religieuses, répugnait à mes instincts délicats, c’était leur peu de souci de la propreté personnelle. Nos classes et nos dortoirs étaient bien tenus, balayés et frottés suffisamment ; quant à nos personnes, il n’en allait pas de même.

Une idée d’indécence s’attachant pour les religieuses au corps humain, il faut en détourner les yeux et la pensée autant que le permet l’infirmité de notre nature déchue. On ne prenait de bains au Sacré-Cœur que par ordonnance du médecin, en cas de maladie. On avait chaque matin dix minutes pour se débarbouiller, se brosser, se peigner. Hiver comme été, en toutes circonstances, de l’eau froide, une toute petite cuvette, une serviette si grossière qu’on en évitait autant que possible le contact ; de miroir, on n’en voyait qu’à la sacristie[5].

J’entre dans ces détails qui me dispensent de toutes réflexions ; j’ajoute, pour l’enseignement du médecin et des mères de famille, un fait qui n’est pas, je crois, sans intérêt. Le changement total que la vie du couvent apportait dans mes habitudes produisit instantanément un effet physiologique très-singulier. Depuis deux: ans déjà la nature avait opéré en moi la crise par laquelle la constitution des jeunes filles achève de se former pour la maternité. À partir du jour où je quittai la maison maternelle, sa douce liberté, ses soins exquis, il se fit en moi un arrêt subit de ce mouvement régulier de la circulation. Je ne me rappelle pas en avoir souffert ; seulement j’engraissai d’une manière anormale, malgré la détestable nourriture dont je viens de parler. Les religieuses ou bien n’y prirent pas garde ou bien ne voulurent point me parler d’un phénomène de la vie physique qu’en d’autres temps peut-être on eût attribué à quelque puissance démoniaque. Le médecin ne fut pas appelé. Ce fut tout aussi bien par le fait, puisque, un an après, jour pour jour, à peine rentrée sous le toit maternel, tout reprit son cours régulier, sans que cette étrange suspension eût causé en moi aucune perturbation organique.

On se tromperait néanmoins, si l’on inférait de ce qui précède que je souffrais, au Sacré-Cœur, une contrainte quelconque.

Je m’étais très-vite pliée, accoutumée, je le croyais du moins, à la règle du couvent. Qu’était-ce donc que cet arrêt de vie qui se faisait en moi ? une révolte de la nature physique quand la nature morale gbéissait ? une protestation de l’instinct persistant contre la raison persuadée ? Ce phénomène s’est reproduit dans tout le cours de mon existence d’une manière très-constante et vraiment extraordinaire. Douée d’une volonté forte et d’un grand empire sur moi-même, je résistais aisément, en apparence, aux violences du sort ou des passions ; je gardais tous les dehors de la tranquillité ; mais la nature domptée dans mon âme s’exaltait dans les phénomènes inconscients de la vie végétative ; elle se vengeait par le trouble de mes sens, du calme mensonger de mes pensées[6].

— Mais revenons à l’hôtel Biron.

On a vu que, en y entrant, je n’y apportais guère d’instruction religieuse, moins encore de pratiques dévotes. J’avais fait ma première communion, de la manière que j’ai dite, et j’avais coutume de faire mes Pâques : mais, soit négligence de ma grand’mère, soit tout autre motif, je n’avais pas reçu le sacrement de Confirmation[7]. En me recevant dans leur pensionnat, les dames du Sacré-Cœur se chargèrent de m’y préparer, et l’on me remit tout aussitôt à la direction du confesseur des élèves, le père Varin. Le père Varin ne ressemblait aucunement à l’abbé Rougeot. C’était un jésuite de la plus fine trempe, aussi insinuant, pénétrant, compliqué, que le bon séculier était simple et ingénu. Après avoir sondé, avec des précautions infinies, l’état de mon âme et de mes croyances, après avoir reconnu, sans doute, en moi je ne sais quel obscur levain de protestantisme, avec une sincérité d’esprit à outrance, sur laquelle il ne pouvait avoir qu’une influence indirecte, le père Varin s’appliqua, de toute sa souplesse, à détourner, à tromper mes curiosités intellectuelles. Il éluda mes questions ; m’exhortantà me défier des pièges de Satan, du désir de savoir et du besoin de comprendre, écartant ou voilant, dans l’explication des mystères, tout ce qu’il voyait être inacceptable à mon bon sens, ou bien incompatible avec la fierté de mes instincts, il me jeta au pied du crucifix, dans les bras de Marie, dans ce qu’il appelait le sein de Dieu, où toute raison devait s’abîmer.

Une autre influence encore, involontaire celle-là, mais pénétrante et persuasive à son insu, assoupit les curiosités de mon esprit : ce fut la tendre affection que me témoigna et m’inspira madame Antonia. Madame Antonia était la sœur cadette de notre maîtresse générale, madame Eugénie de Gramont. Elle faisait la classe supérieure et présidait aux soins de la chapelle. Jamais je n’ai rencontré aucune femme qui m’ait paru plus attrayante, de ce mystérieux attrait que le poëte germanique appelle l’Éternel féminin. Madame Antonia n’était pourtant pas belle, du moins de cette beauté qui se peut définir ; ses traits n’avaient rien de régulier, son visage était couturé par la petite vérole ; mais la grâce était dans toute sa physionomie, dans tous ses mouvements : une grâce ineffable, qui passait de son regard à son sourire ; de son sourire au geste lent et triste qui ramenait son voile à son front ; de son geste à sa voix, pâle comme son visage, quand elle murmurait au pied de l’autel, au son de la cloche du soir, la salutation angélique. D’un sang fier, et qui montait à sa joue en subites et vives rougeurs, mais ployée sous je ne sais quel poids invisible, madame Antonia passait dans nos classes, elle glissait plutôt qu’elle ne marchait au milieu de nous, enveloppée d’un mystère que nous eussions voulu, mais que nous n’osions pas deviner, tant elle nous inspirait de respect. Sa sœur Eugénie, altière dans sa petite taille bossue, avec ses yeux gris et secs, avec sa voix fêlée, ses longs doigts osseux et son dur accent de commandement, la traitait de haut ; les autres religieuses lui parlaient peu. Il était souvent question de son départ pour une maison de province. La pensée qu’elle pouvait nous quitter me désolait, et pourtant je ne lui parlais guère non plus, si ce n’est pour lui répondre à la classe. Mais ce peu avait sufli pour lui gagner toute mon affection. Elle aussi, elle avait, en me reprenant, une douceur d’accent très-sensible. Quand il lui fallait me louer devant mes compagnes, on eût dit qu’elle en rougissait pour moi d’une timidité pleine de candeur ; et quand, après les offices du soir, je m’oubliais en prières à la chapelle, il ne se passait jamais un long temps sans qu’un frôlement de robe, un soupir, un murmure, ne vînt m’avertir d’une présence bien chère, d’une union intime et tout émue dans l’amour du divin Sauveur.

  1. 28 juin 1866.
  2. Du Coudray.
  3. On dirait qu’aux approches d’un temps où la vie monastique n’aura plus de raison d’être, et où les couvents catholiques disparaîtront, ce charme, comme tout ce qui va finir, a exercé une action plus vive. Il faut relire les aveux de madame Roland, de Lamennais, de George Sand, d’Ausonio Franchi, de Lacordaire.
  4. Depuis comtesse de Luppé.
  5. Il y avait cependant au couvent du Sacré Cœur de grandes dames qui avaient mené, avant d’y entrer, la vie du monde et connu toutes les recherches de l’élégance. Madame de Marbeuf, la veuve du gouverneur de l’île de Corse, me contait un jour toute la peine qu’elle avait eue à se déshabituer de la propreté. « Ma sœur, est-ce que je sens la crasse ? » demandait-elle incessamment, dans ses premières inquiétudes, à sa voisine de table ou de récréation. Mais on finit par se résigner à tout, me disait-elle, même à la crasse !
  6. J’ai observé à ce sujet le phénomène curieux du rêve : les personnes et les choses que je parvenais, par un effort énergique de ma volonté, à écarter entièrement de ma pensée pendant le jour, s’en emparaient avec d’autant plus de violence pendant la nuit ; mes actions étaient depuis longtemps conformes à la réflexion, que mes rêves appartenaient encore au seul instinct.
  7. « Au train dont vont les choses, écrit madame Roland dans ses Mémoires en racontant sa préparation au sacrement de Confirmation, ceux qui liront ce passage demanderont peut-être ce que c’était que cela. »

    Le train des choses n’a pas été aussi précipité que madame Roland le supposait. Il n’est pas encore nécessaire à l’heure où j’écris d’apprendre au lecteur ce que c’est que la Confirmation.