Maximes et Réflexions (Goethe, trad. Sklower)/00

Traduction par S[igismond]. Sklower.
Brockhaus et Avenarius, libraires-éditeurs (p. i-iv).

AVERTISSEMENT DU TRADUCTEUR.




Des nombreux ouvrages de Goethe, ses chefs-d’œuvre et quelques-uns de ses romans ont seuls été traduits en français. On peut donc en France apprécier et admirer le poète et le romancier ; mais le moraliste, le savant, le philosophe, le grand critique, sont encore presque entièrement ignorés. Et cependant, que de productions remarquables dans tous les genres ne doit-on pas à l’inépuisable fécondité de ce génie universel ? Quelle région du monde physique et du monde moral n’a-t-il pas explorée ? Sur quels points n’a-t-il pas promené son immense curiosité ? Que de vues ingénieuses, originales et profondes semées dans une foule d’écrits qui intéressent la science, l’art et la littérature ? En attendant que quelqu’un se charge d’entreprendre un travail plus étendu, nous publions ce recueil de maximes et de réflexions, qui nous paraît propre à donner, par la multiplicité et la variété des sujets qui y sont indiqués, une idée assez complète des opinions de Goethe sur toutes les questions morales, politiques, religieuses, philosophiques et esthétiques qui ont occupé sa vaste intelligence.

Ces réflexions ont un intérêt d’actualité. La plupart d’entre elles, en effet, ont rapport aux idées et aux mœurs contemporaines. Il est curieux de voir comment notre époque est appréciée et jugée par un de ses plus illustres représentants. Elles ont été écrites dans la vieillesse de l’auteur, et elles s’adressent, pour la plupart, à la génération présente. Les jeunes artistes, en particulier, et les jeunes poètes, pourront y puiser d’utiles directions et de salutaires conseils. Il nous a paru que c’était rendre un service à la jeunesse française que de mettre sous ses yeux les avis d’un homme qui, à l’autorité d’une expérience presque séculaire, joignait celle du génie, la seule qui soit respectée de nos jours.

On trouvera, en outre, dans ce livre une foule d’observations fines et piquantes, souvent d’une grande justesse, sur le caractère des différents peuples de l’Europe, et des jugements littéraires du plus haut intérêt.

Nous ne dirons qu’un mot de cette traduction ; d’abord elle n’est pas complète. Nous avons cru devoir retrancher plusieurs de ces maximes et de ces réflexions qui devaient emprunter leur sens et leur importance à la circonstance qui les a dictées ; des allusions dont les personnes elles-mêmes qui ont connu le plus intimement Goethe, ne pourraient nous donner la clef, et des observations critiques sur des auteurs peu connus. Par compensation nous avons cru pouvoir ajouter à ce recueil quelques uns des jugements les plus remarquables échappés de la bouche de Goethe dans les dernières années de sa vie. Pour ce qui est de la traduction en elle-même, outre le style toujours vif et précis de l’auteur, le laconisme de l’expression aphoristique et sentencieuse, la forme énigmatique dans laquelle il s’est plu à envelopper sa pensée, la terminologie philosophique dont aucun écrivain allemand n’est exempt, et dont Goethe lui-même abuse quelquefois, tout en la critiquant, étaient autant de difficultés contre lesquelles nous avions à lutter, et que nous n’osons nous flatter d’avoir complètement surmontées. Du moins, nous avons la conscience de n’avoir rien négligé pour rendre ce travail le moins imparfait qu’il était possible.

Au reste, si cette traduction a quelque mérite, nous nous plaisons à reconnaître qu’elle le doit à la coopération du savant traducteur de l’Esthétique de Hegel, M. Ch. Bénard, et à sa connaissance approfondie de la philosophie allemande.