Maison de la Bonne presse (p. 63-69).


CHAPITRE XVI


L’auto venait de sortir de Paris et roulait maintenant sur la route dans la nuit froide et calme éclairée par la clarté lunaire.

Il s’agissait de la propre auto de Sturner, une confortable et puissante limousine.

— Une véritable « buveuse d’air » ! comme diraient les Arabes, expliqua Fredo, assis à l’intérieur du luxueux véhicule en face des deux jeunes femmes. Elle est capable de soutenir, en effet, en cas de besoin, le 100 à l’heure. Mais un pareille vitesse est en somme dangereuse, et généralement Sturner se contente du 60 de moyenne, ce qui est déjà raisonnable. Avec cela un chauffeur épatant, à la fois audacieux et prudent, et précieux surtout lorsqu’il s’agit de voyager la nuit : il est en effet nyctalope. Ceci dit pour vous enlever toute appréhension, Mesdames, au cas où vous en éprouveriez.

— Combien y a-t-il d’ici à…

Miss Ligget s’interrompit soudain en regardant Maud, puis reprit :

— À l’endroit où vous nous conduisez ?

— Dans les trois cents kilomètres… répondit Fredo. De jour, ce serait l’affaire de cinq heures. Mais je ne crois pas que nous puissions être là-bas avant 2 heures du matin, ajouta-t-il après avoir consulté sa montre.

Edith Ligget étouffa un bâillement.

— Cela va être folâtre. J’en ai sommeil d’avance.

— Et qui vous empêche de dormir, belle demoiselle ?

— Sturner nous a fait manger trop vite, et mon dîner ne descend pas, avoua prosaïquement la belle Américaine.

— Désirez-vous quelques gouttes d’alcool ? Vous savez que j’ai cela sous la main, ainsi qu’une collation assez substantielle, dans le cas où nous éprouverions le besoin de manger en route ?

— Pour l’instant, je n’ai besoin de rien.

— Une cigarette ?

— Merci. Ce n’est pas le moment.

— Mais je puis tout de même fumer ?

— Tant que vous voudrez. Quel est notre itinéraire ? s’informa encore Edith.

— Coulommiers, Arcis-sur-Aube… commença Fredo.

Puis, comme tout à l’heure Miss Ligget, il s’interrompit en regardant Maud assise à côté de son amie, et acheva :

— Après, je ne sais plus..

Jusque-là, Maud était restée silencieuse, se bornant à écouter.

Intérieurement, elle nota les deux noms qu’elle venait d’entendre.

Malgré qu’elle fût peu familiarisée encore avec la géographie de la France, elle savait que les deux localités en question se trouvaient à l’est de Paris. Donc, on allait vers l’est. La chose était utile à savoir, et deux noms qu’elle venait d’entendre pouvaient constituer par la suite des jalons précieux.

Car l’idée que son sosie allait mourir était décidément insupportable la jeune femme, qui se sentait de plus en plus décidée à tout faire pour contribuer à sauver Miss Strawford. Et, avant tout, il fallait connaître le nom de l’endroit où on la conduisait, et où se trouvait la captive.

La chose serait probablement difficile, car il était évident que, sans se défier positivement d’elle, ses complices ne la croyaient pas encore absolument sûre. À ce sujet, les réticences de Fredo et d’Edith étaient significatives ; et ce ne devait pas être sans motifs qu’on la faisait voyager en pleine nuit, et qu’on lui avait imposé d’autre part la compagnie de Miss Ligget.

Mais loin de rebuter Maud, les difficultés de la tâche ne faisaient que l’animer d’une sorte d’ardeur angoissée. La jeune femme sentait toutes ses facultés tendues vers le but à atteindre. L’idée qu’elle avait déjà réussi à arracher une victime à ses complices l’encourageait encore. Elle avait sauvé Aramond : il fallait qu’elle aidât tout au moins à sauver Miss Strawford.

La tâche lui apparaissait d’ailleurs sans risques, puisqu’il lui suffirait de chercher à savoir le nom de la localité où se trouvait la véritable Mary. Ce nom connu d’elle, le reste regarderait les amis de la prisonnière.

Oui, Miss Strawford pouvait encore être sauvée. La sensation, presque intolérable de remords et d’angoisse que jusque-là éprouvait Maud se fit moins oppressante. Et, comme Fredo lui offrait une cigarette, elle parvint même à lui sourire, en refusant :

— Merci, cela ne me dit rien ce soir.

— Vous êtes également fatiguée, Mistress ?

— Un peu, oui, je l’avoue.

— Décidément, constata Fredo après avoir allumé sa cigarette, décidément, notre voyage menace de manquer d’entrain.

Edith Ligget étouffa un autre bâillement, puis se renfonça dans son encoignure :

— Ma foi, vous voudrez bien m’excuser, mais je vais essayer de dormir.

— Moi aussi… dit Maud.

— Faites donc, Mesdames. Pour moi, je me contenterai de vous envier, car je n’ai jamais pu fermer l’œil à bord d’une auto, pas plus qu’en chemin de fer, du reste.


Le silence s’établit alors à l’intérieur du puissant véhicule, qui continua à rouler à bonne allure dans la nuit.

Miss Ligget dut s’endormir réellement.

Quant à Maud, l’eût-elle voulu qu’il lui eût été impossible de dormir. Elle ne put donc que simuler l’attitude du sommeil, se contentant d’entr’ouvrir imperceptiblement les yeux de temps à autre pour regarder Fredo assis en face d’elle, et qui, à demi étendu sur la banquette, semblait rêver en fumant. Il ne sortait de son immobilité que pour baisser de temps à autre la glace de la portière qui se trouvait de son côté, afin de renouveler l’air alourdi par la fumée de tabac.

Au bout d’un certain temps, Miss Ligget fit un mouvement, ouvrit les yeux, les referma, puis les rouvrit, baîlla et se redressa. Elle jeta un coup d’œil sur Maud, qui continuait à simuler le sommeil, puis se mit à causer avec Fredo, mais d’une voix d’abord si basse qu’il fut impossible à Maud le sens des phrases échangées.

Puis, sans y prendre garde, ainsi qu’il arrive, les deux interlocuteurs élevèrent peu à peu la voix, ce qui permit à Maud de noter intérieurement deux nouveaux noms de localités prononcés par Fredo : Brienne-le-Château, qu’on avait dépassé, et soulevant, dont on approchait, et où l’on devait bifurquer.

Après quoi, le sujet de la conversation dut changer.

— En somme, dit Miss Ligget à Fredo, vous n’êtes pas très malheureux, là-bas…

— J’en conviens.. répondit Fredo. D’autant plus que je commence à me faire des relations dans le patelin, où il est visible qu’on a de la sympathie pour moi. On me demande à chaque instant des nouvelles de cette pauvre Madame (ici un nom que Maud ne comprit pas). Et puis, fréquente les « huiles », ma chère. Il y a trois jours, je faisais encore poker au Français avec le sous-préfet. Je serre la main au lieutenant de gendarmerie et le commissaire de police me salue avec déférence. Vous pensez si en dedans je me tords… Tout de même, ce que les hommes sont bêtes… conclut Fredo en haussant les épaules, et sans s’expliquer autrement. J’en viens même, reprit-il, à recevoir journellement des invitations que je m’empresse naturellement de décliner.

— Pourquoi ?

— Parce que si je les acceptis il me faudrait les rendre, ce qui m’obligerait malgré tout à la présenter à pas mal de monde. Or, moins elle sera vue, mieux cela vaudra.

— Et elle a déjà été beaucoup vue ?

— Il a pu arriver de temps à autre que des promeneurs l’aient aperçue dans le jardin, mais de trop loin pour pouvoir distinguer ses traits. De tout près, il n’y a que…

À ce moment, un secousse du véhicule fit faire à Maud un mouvement involontaire, et les deux interlocuteurs baissèrent de nouveau la voix.

Mais, peu à peu, ainsi que tout à l’heure, leur voix redevint distincte, et Maud finit par pouvoir de nouveau comprendre les paroles prononcées par Fredo :

—… elle constitue, au contraire, notre meilleure sauvegarde contre la méfiance et les soupçons. Car, comment seulement supposer qu’il peut exister quelque chose de mystérieux et de répréhensible dans la vie d’un homme qui emploie les services de la plus curieuse des matrones et de la plus redoutable des bavardes du patelin ? Joignez à cela qu’elle est bête et crédule à souhait ? Quant au conte que vous savez, pourquoi le public n’y ajouterait-il pas foi ? La situation que nous avons imaginée n’est-elle pas parfaitement vraisemblable ? Les mesures de surveillance, d’ailleurs de moins en moins étroites, que vous savez, ne sont-elles par justifiées par l’état de la prétendue malade ? Il est vrai que celle-ci y met du sien, ajouta Fredo. Et je reconnais qu’avec un captive moins dociles, des difficultés eussent à la longue été inévitables.

— Oui… dit Miss Ligget. Et, sous ce rapport, votre tâche aura été facile.

— Trop facile… assura Fredo, dont le visage s’assombrit un peu. Jamais prisonnière n’aura donné moins de mal à son geôlier. Grâce aux fausses lettres qui lui ont été communiquées, et où l’écriture de son fiancé était si bien imitée, pas une seconde ne lui est venu à l’idée que nous pouvions la tromper en lui affirmant que son chéri était de nouveau entre nos mains, et que son existence à lui nous répondait de sa docilité à elle. Et c’est sans aucune difficulté que nous avons obtenu qu’elle écrivit à ses hommes d’affaires les lettres que vous savez « Que m’importe l’argent ? Prenez toute ma fortune, mais qu’il vive… » C’est par acquit de conscience que je la fais encore surveiller ; mais je suis persuadé qu’on pourrait laisser toutes les portes ouvertes devant elle sans qu’elle songe seulement à en profiter, tellement elle redoute de voir son fiancé « trinquer » pour elle. Et c’est en toute tranquillité que par deux fois j’ai pu m’absenter pour me rendre à Paris. Vous me connaissez, Miss… dit encore Fredo. Eh bien ! il m’en coûte chaque fois d’avoir à me présenter devant cette créature si douce et si résignée, qui ne se révolte pas, qui ne maudit personnes qui n’élève jamais la voix, et que je vois souvent en train de prier, agenouillée devant son crucifix. Car, savez-vous ce qu’elle m’a lorsqu’elle a su qu’elle ne pourrait sortir pour se rendre à l’église ? Elle m’a demandé un crucifix. Je lui ai fait acheter un crucifix…

Le visage de Miss Ligget s’était soudain durci.

— Il ne fallait pas… dit l’Américaine, les dents serrées. Non, il ne fallait pas lui donner de crucifix…

Fredo la regarda avec un peu de surprise :

— En quoi le fait vous gêne-t-il, belle demoiselle ?

— Parce que c’est une consolation pour elle, et qu’elle n’est pas assez malheureuse ! s’écria Edith dans une sorte d’explosion.

— Pas si haut ! Vous allez réveiller notre amie… invita Fredo. Moi que me figurais que vous étiez croyante… ajouta-t-il.

— Je n’ai jamais cru à rien, et c’était par tactique que je l’accompagnais à l’église. À côté de cela, j’ai tout fait pour venir à bout des croyances qui, je le sentais, seraient pour elle une consolation dans le malheur. Mais je n’ai pas réussi. Cette religion maudite est comme ancrée en elle, et c’est elle qui l’empêchera de mourir désespérée, la rage au cœur, le blasphème à la bouche, comme j’aurais voulu qu’elle meure…

D’indignation, Maud faillit se redresser et crier : « Taisez-vous ! C’est odieux, ce que vous dites là… » Elle se retint à temps, et resta immobile, les yeux toujours clos, dans l’attitude d’un tranquille sommeil. Mais à présent Miss Ligget lui inspirait une véritable horreur, et à côté de la belle Américaine Fredo lui paraissait presque sympathique.

Il y eut un instant de silence. Puis d’un ton plus calme Edith Ligge reprit :

— Avec tout cela, j’ignore encore comment elle mourra.

Ce ne fut qu’au bout de quelques secondes que Fredo demanda :

— Sturner ne vous l’a pas dit ?

— Il a parlé de maladie, je crois…

Fredo devait hésiter, car ce ne fut de nouveau qu’au bout de quelques secondes qu’il répondit :

— Au point où nous en sommes, il n’y a plus d’inconvénients à vous mettre au courant de la chose. Il s’agit d’ailleurs d’une idée à moi, et dont je suis assez fier. Il est nécessaire, vous vous en rendez compte, que sa mort n’inspire absolument aucun soupçon. Donc impossible de songer à un trépas accidentel, encore bien moins aux apparences d’un suicide.

— Alors ? interrogea Miss Ligget, tandis que Maud écoutait anxieusement.

— Alors, comme vous l’a dit Sturner, elle succombera tout prosaïquement, et en apparence tout naturellement, aux suites d’une maladie.

— D’une maladie ?

— D’une maladie authentique, parfaitement. Vous savez que l’étude de la chimie m’a toujours intéressé. Puis j’ai fini par me spécialiser dans la microbiologie. Bref, dans la pièce qui là-bas me sert de laboratoire, je cultive amoureusement plusieurs variétés de microbes, que je cherche à perfectionner, ou, si vous préférez, à rendre plus malfaisants encore que naturels.

— C’est possible ?

— En matière de science, tout est possible, souvenez-vous-en, belle demoiselle. Une chose certaine est que la typhoïde que je communiquerai à qui vous savez sera à évolution ultra-rapide et emportera d’autant plus inévitablement la malade que présentement l’état général de celle-ci laisse plutôt à désirer.

— Comment les choses se passeront-elles  ? s’informa froidement la belle Américaine.

Le cœur serré par une angoisse encore imprécise, Maud redoubla d’attention.

— Comment les choses se passeront ? répéta Fredo. Le plus simplement du monde. Je profiterai du congé de deux jours que va prendre la personne placée près de Miss Strawford à la fois comme surveillante et femme de chambre. En l’absence de cette femme, c’est moi qui porterai ses repas à la prisonnière semi-volontaire ; ce qui me permettra d’assaisonner certains aliments, et surtout la boisson, des bacilles typhiques que vous savez, en m’entourant, naturellement, de toutes les précautions nécessaires, afin de ne pas être moi-même la victime de la maladie en question, et aussi de ne pas la répandre autour de moi.

— Ensuite ?

— La période d’incubation, je vous l’ai dit, étant considérablement abrégée, dès le surlendemain au plus tard se manifesteront les symptômes de la phase aiguë. Naturellement, je fais appeler un ou même plusieurs médecins. Comme les symptômes sont manifestes, et que, d’autre part, le ou les docteurs apprennent que depuis quelque temps — ce qui est réel — la malade était faible et languissante, dormait mal et perdait l’appétit, ils diagnostiquent avec ensemble la typhoïde et ordonnent le traitement pratiqué en pareil cas, lequel traitement n’empêche d’ailleurs pas la malade de succomber au bout d’une semaine tout au plus. Une fois morte, on ne peut que l’enterrer. Après quoi, inconsolable, et ne pouvant supporter la vue des lieux où ma bien-aimée a vécu ses derniers jours, je quitter le patelin et disparais pour toujours — et le tour est joué. Car nulle part, vous vous en doutez bien, nul n’entendra plus jamais parler de la personnalité sympathique autant que distinguée dont j’ai si brillamment, j’ose le dire, créé le rôle.

— Pas mal… fit pensivement Miss Ligget. Mais des pièces en règle seront nécessaires pour la déclaration officielle du décès.

— Vous pensez bien que je les ai… répondit Fredo. Sans la possession de ces papiers, l’affaire restait peut-être possible, mais nous n’avions aucune sécurité. Tandis que, grâce à eux, Miss Strawford a civilement cessé d’exister dès qu’elle est entrée là-bas ; et lorsqu’elle aura réellement succombé, nul n’aura jamais l’idée d’aller chercher sa dépouille dans le cimetière de ce trou reculé de province, sous une pierre tombale portant un nom qui n’est pas le sien.

— Pas mal… répéta Edith. Et quand comptez-vous opérer ?

— Sa femme de chambre prend son congé demain soir. J’inaugurerai donc les opérations après-demain matin, à la première heure, en transformant en bouillon de culture la tasse de chocolat tiède que Miss Strawford a coutume d’absorber tous les matins pour son premier déjeuner.

— Dommage que nous devons repartir demain dans la nuit… dit Miss Ligget. J’aurais aimé assister à l’inauguration, comme vous dites. Mais à l’heure où vous commencerez à opérer, nous serons arrivées à Paris, ou bien près de l’être…

Alors Maud sent un froid mortel glacer ses veines.

Ainsi le délai sur lequel elle comptait lui est refusé ; et avant même son retour à Paris, peut-être, le crime sera en fait consommé. Même en admettant qu’on arrivât un peu avant, et qu’elle parvint à communiquer immédiatement soit avec Simpson, soit avec la rue Portalis, il serait trop tard pour songer à tenter quoi que ce fût d’utile pour le salut de Miss Strawford.


À ce moment, le véhicule stoppa assez brusquement ; et, craignant d’exciter les soupçons de ses complices par les apparences d’un sommeil trop profond, Maud se décida au simulacre du réveil.

D’ailleurs, cet arrêt, évidemment anormal, avait interrompu la conversation d’Edith et de Fredo.

Ce dernier avait ouvert la portière et s’informait près du chauffeur. Renseignements pris, il s’agissait d’une simple panne de pneu.

Quelques instants suffirent pour remplacer la roue et l’on repartit.

Une heure environ s’écoula encore, pendant laquelle l’auto roula avec la même régularité. Puis, à un moment donné, Maud remarqua qu’on franchissait presque coup sur coup deux passages à niveau. Après avoir traversé un village, on bifurqua à gauche, pour s’engager sur une route plus large, semblait-il, que celle qu’on venait de quitter. Et Fredo prononça avec satisfaction :

— Enfin la grande route… On va pouvoir refaire un peu de vitesse.

— Et nous sommes encore loin ? interrogea Edith.

— Une trentaine de kilomètres.

Deux villages et plusieurs passages à niveau furent encore traversés, puis un autre village et un autre passage à niveau.

— Nous approchons… dit alors Fredo.

Il avait à côté de lui un sac de voyage qu’il ouvris et dont il tira d’abord deux épaisses voilettes. Il en tendit une à chacune des deux jeunes femmes en disant :

— Je vous prierai, Mesdames, de bien vouloir voiler de cet écran vos traits charmants. Il importe, en effet, que là où nous nous rendons, nul ne se doute de l’extraordinaire ressemblance qui existe entre Mrs Clawbony et son sosie. Du reste, pour plus de précaution, reprit-il en s’adressant à Maud, durant votre séjour chez moi vous serez censée être souffrante, et obligée de garder la chambre, où Miss Ligget vous montera vos repas. Vous comprenez ?

La jeune femme baissa affirmativement la tête. Décidément, on n’avait pas confiance en elle, et elle allait être à peu près séquestrée, durant tout le temps qu’elle passerait près de la prisonnière.

Cependant, Fredo poursuivait :

— Vous voudrez bien, d’ailleurs, excuser ce que mon hospitalité aura de rudimentaire, car je n’ai à vous offrir pour vous deux qu’une chambre et qu’un lit. La chambre est quelconque, mais le lit assez confortable, et, d’ailleurs, une nuit est bientôt passée. Sur ce, Mesdames, veuillez me permettre de changer de figure…

Tout en parlant, il prenait dans son sac de voyage une fausse barbe blonde, qu’en un clin d’œil il ajusta sur son visage. Puis il rejeta ses cheveux en arrière, mit devant ses yeux un pince-nez de cristal, et à la personnalité de Fredo se trouva substituée celle de Henri Govaërts, le nouvel habitant de Mouzonville.