Manuel pratique de la culture maraîchère de Paris/04

CHAPITRE IV.

Des expositions et des situations locales.

Quoique le maraîcher qui s’établit puisse très-rarement choisir le terrain le mieux placé et le mieux exposé, nous devons cependant donner ici une idée des avantages et des inconvénients des diverses expositions et situations locales.

Par situations locales nous entendons

1o Un marais dont les abords sont faciles ou difficiles, plus ou moins loin de la halle ;

2o Un marais sur un lien élevé, exposé à tous les vents, avec des puits fort creux, ou un marais dans un lieu bas avec des puits peu profonds ;

3o Un marais placé sur un terrain horizontal ou placé sur un terrain incliné. Nous allons dire notre façon de penser sur ces diverses situations.

1o Un marais dont les abords sont faciles, avec une charrette et le moins loin possible de la halle, sera toujours le plus recherché, si d’ailleurs son terrain est bon ; il économisera beaucoup de temps, mais il sera vendu ou loué le plus cher. Le marais dont les abords sont difficiles avec une charrette, placé sur les derrières ou au fond d’une ruelle non pavée, vaut nécessairement moins, mais le transport des marchandises coûte plus de peines et plus de temps.

2o Nous ne conseillerons jamais à un maraîcher de s’établir sur un lieu élevé exposé à tous les vents et où les puits sont très-creux. Un air modéré est utile à la végétation des légumes, mais les vents violents leur sont nuisibles sous une infinité de rapports, surtout sous celui de leur belle apparence et, par conséquent, de la vente. Ensuite l’eau tirée d’un puits creux coûte trop cher, quels que soient les moyens employés pour la faire monter.

3o Un marais placé sur un terrain horizontal est le plus avantageux, d’abord en ce que sa culture est moins fatigante, ensuite en ce qu’on peut diriger l’eau des arrosements au moyen de tuyaux dans toutes ses parties sans dépense extraordinaire.

Un marais en pente, pour peu qu’elle soit sensible, offre plusieurs inconvénients : pendant l’été, au temps des arrosements, il faut une surveillance active pour que l’eau des tonneaux les plus bas ne se perde pas, et pour que celle qu’on jette sur la terre s’imbibe à l’endroit où on la répand.

Malgré ces deux inconvénients, si un maraîcher était forcé de s’établir sur un terrain en pente, nous lui conseillerions de choisir la pente au levant ou au couchant de préférence à celle du midi, à moins qu’il ne fasse absolument que des primeurs ou que le terrain soit assez argileux pour ne pas craindre la chaleur et la sécheresse de l’été. Quant à la pente au nord, il ne faut pas penser à y faire des primeurs ; mais les légumes d’été et d’une partie de l’automne y viendront très-bien. Voyons maintenant les expositions.

En jardinage, le mot exposition a un sens assez restreint. Un mur, par exemple, dirigé de l’est à l’ouest forme deux expositions, l’une au midi et l’autre au nord : au midi, la température est plus chaude ; au nord, elle est plus froide ; mais l’effet de ces expositions ne se fait plus sentir à 5 ou 6 mètres du mur.

Un marais à peu près carré peut avoir quatre expositions s’il est clos de murs ; l’une regarde le levant, l’autre le midi, l’autre le couchant et l’autre le nord, et chacune d’elles a des propriétés qui lui sont propres et que nous allons expliquer, en commençant par celle du midi, qui est la meilleure, après avoir dit quelle est la hauteur des murs qui doivent ou peuvent clore un marais.

Une hauteur 1 mètre 94 centimètres à 2 mètres 27 centimètres est suffisante pour l’exposition du levant, du midi et du couchant ; cependant, si le mur de l’exposition du midi est plus haut, si c’est, par exemple, un bâtiment, l’exposition en serait trop brûlante dans l’été : quant à l’exposition du nord, c’est tout le contraire ; plus le mur est bas, moins elle est mauvaise.

À l’exposition du midi nous établissons une côtière ou plate-bande, large de 2 mètres 27 centimètres, et aussi longue que le mur où, à la faveur de ce même mur, nous plantons de la romaine élevée sous cloche dès le mois de février, et nous y semons en même temps des carottes, ou des radis, ou des épinards, ou du persil parmi les romaines ; et toutes ces plantes deviennent bonnes à être vendues trois semaines ou un mois avant celles plantées en plein marais ; et dès le mois de mars nous y contre-plantons nos premiers choux-fleurs de pleine terre élevés sous châssis.

L’exposition du levant ainsi que celle du couchant peuvent avoir aussi chacune leur côtière, mais moins large que celle du midi, et recevoir les mêmes plantes ou semis quinze jours ou trois semaines plus tard, et, comme le soleil ne les favorise que la moitié de la journée, l’une du matin à midi, l’autre de midi au soir, les plantes n’y croissent pas aussi rapidement ou n’y sont pas aussi précoces qu’à l’exposition du midi. Nous devons faire observer, en passant, que, s’il gèle la nuit et que le soleil luise en se levant, les plantes à l’exposition du levant sont exposées à être brûlées par ses rayons.

L’exposition du nord, à cause de sa fraîcheur, ne peut être de quelque utilité dans un marais que dans l’été, pour recevoir les semis ou les plants qui aiment la fraîcheur en cette saison, comme l’épinard, le cerfeuil, la pimprenelle, la poirée, les choux, etc. Il vaudrait mieux qu’un marais n’eût pas de murs de ce côté, ou qu’il n’en eût qu’un très-bas ; mais, quand le mur existe, c’est contre lui qu’on élève des hangars pour serrer les coffres à coulisses, les panneaux de châssis et les paillassons quand ils ne servent plus.

Outre les expositions plus chaudes que les murs procurent, ceux-ci ont encore l’avantage de donner la possibilité d’établir des espaliers de vigne ou d’arbres fruitiers dont le produit n’est pas à dédaigner.

Beaucoup de marais à Paris n’ont pas de murs ; mais les maraîchers les remplacent, incomplètement il est vrai, par des brise-vent en paille de seigle, hauts d’environ 1 mètre 50 centimètres. Ces brise-vent forment des abris qui ne produisent qu’une partie des bons effets d’un mur, ils ne peuvent hâter la végétation avec la même rapidité ; mais leur protection n’est pas à dédaigner, et on se trouve bien de les employer, même d’en faire de moins élevés dans différentes parties du marais pour favoriser certains semis ou la croissance de certains légumes. Nous reparlerons des brise-vent dans le chapitre VII.

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