Manuel des principes de musique (Fétis)/07
CHAPITRE VII.
DE LA DISPOSITION DES SIGNES DE DURÉE, ET DE LA MESURE DU TEMPS DANS LA MUSIQUE.
76, Dans les anciens temps, les notes de diverses valeurs et les signes de silence étaient écrits sur la portée à la suite l’un de l’autre, suivant les idées du compositeur, sans aucune séparation entre eux. On mettait seulement, au commencement du morceau, un signe qu’on appelait signe de mesure ou de proportion, qui indiquait si une certaine unité de temps devait être divisée en deux parties ou en trois. Les chanteurs et les instrumentistes devaient calculer, d’après les signes de mesure et de proportion, la quantité de notes et de signes de silence qui appartenaient à chaque unité de temps : cela était difficile.
Postérieurement, on a rendu plus facile la lecture de la musique en renfermant, entre deux barres verticales, toutes les notes et tous les signes de silence qui appartiennent à chaque portion de temps qui doit être divisée en deux, en trois, ou en quatre parties. Tout ce qui est renfermé dans l’espace des deux barres verticales s’appelle proprement en musique une mesure. Les chanteurs et les joueurs d’instruments, ayant sous les yeux tout ce qui appartient à chaque mesure, n’ont d’autre calcul à faire que celui de chacune des divisions de ces mesures.
77. Les valeurs de notes, renfermées dans l’espace d’une barre verticale à une autre, se divisant en un certain nombre de parties appelées temps de la mesure, un signe placé au commencement du morceau de musique, près de la clef, est nécessaire pour indiquer si la division des valeurs doit être faite par deux temps, ou par trois, ou par quatre. Ce signe s’appelle signe de mesure.
On appelle mesure binaire celle qui doit être divisée en deux parties ; mesure ternaire, celle qui doit être divisée en trois parties, et mesure quaternaire, celle qui doit être divisée en quatre.
79. La ronde est considérée, dans la musique moderne, comme un signe d’unité de mesure. La valeur de cette ronde est renfermée entre les deux barres verticales dans la mesure à deux temps, dont le signe est et dans la mesure à quatre temps, représentée par le signe . Ces signes, comme tous ceux de la mesure, sont placés près de la clef.
Les temps de cette mesure sont indiqués par des mouvements
égaux de la main, dont le premier se fait en baissant et le second
en levant.
Les temps de cette mesure sont indiqués par des mouvements de la main, dont le premier se fait en baissant, le deuxième en allant vers la gauche, le troisième vers la droite, le quatrième en levant. Dans ces mouvements, la main décrit une figure à peu près semblable à celle-ci :
La division de la mesure en deux temps peut se faire, lors même qu’elle ne renferme pas la valeur d’une ronde, pourvu qu’on trouve à chacun des deux temps une division binaire de ses parties. Ainsi, il y a une mesure à deux temps qui ne renferme que la valeur de deux noires ou d’une blanche entre deux barres, et qu’on indique par les chiffres parce que la noire a la valeur du quart d’une ronde, et qu’il y a deux de ces quarts dans une mesure.
Les temps de cette mesure sont indiqués par des mouvements de la main semblables à ceux de la mesure à deux temps simples.
80. Dans les mesures ternaires ou à trois temps, le contenu entre les barres verticales est composé de trois quarts de la ronde, représentés par les chiffres près de la clef, ou de trois moitiés de cette même ronde, indiquées par les chiffres , ou de trois unités de ronde, indiquées par les chiffres , ou enfin de trois huitièmes de cette même ronde, représentés par les chiffres
81. Les temps des mesures ternaires sont indiqués par des mouvements de la main dont le premier se fait en baissant, le deuxième en allant vers la droite, et le troisième, en levant. Dans ces mouvements, la main décrit une figure à peu près semblable à celle-ci :
82. Dans la mesure à chaque noire a la valeur d’un temps ; dans la mesure à chaque croche a la même valeur ; dans la mesure à il faut une blanche pour la valeur de chaque temps ; enfin dans la mesure à la ronde n’a que la même valeur.
83. De même qu’il y a des mesures binaires et des mesures ternaires, il y a des temps binaires et des temps ternaires dans chaque espèce de mesures.
Les temps binaires sont ceux dans lesquels on n’admet que les valeurs de notes qui se divisent par deux, comme la blanche divisée en deux noires, ou quatre croches, ou huit doubles croches, etc. ; les temps ternaires sont ceux où il y a des valeurs de notes divisibles par trois : par exemple, une blanche pointée qui se divise en trois noires, six croches, douze doubles croches, etc.
84. Il y a des mesures binaires à temps binaires : ce sont les mesures à deux et à quatre temps, marquées , , ; des mesures ternaires à temps binaires ; ce sont les mesures , , ,
Il y a des mesures binaires à temps ternaires ; ce sont :
1o La mesure qui contient douze quarts de ronde divisibles en quatre temps, de la valeur de trois noires chacun. Cette mesure est indiquée près de la clef par les chiffres
2o La mesure qui contient douze huitièmes de ronde divisibles en quatre temps, de la valeur de trois croches chacun. Cette mesure est indiquée près de la clef par les chiffres
3o La mesure qui contient douze seizièmes de ronde, divisibles en quatre temps, de la valeur de trois doubles croches chacun. Cette mesure est indiquée près de la clef par les chiffres
4o La mesure qui contient six quarts de ronde, représentée par une ronde pointée divisible en deux temps de la valeur de trois noires chacun. Cette mesure est indiquée près de la clef par les chiffres
5o La mesure qui contient six huitièmes de ronde, représentée par une blanche pointée divisible en deux temps, de la valeur de trois croches chacun. Cette mesure est indiquée près de la clef par les chiffres
6o La mesure qui contient six seizièmes de ronde, représentée par une noire pointée divisible en deux temps, de la valeur de trois doubles croches chacun. Cette mesure est indiquée près de la clef par les chiffres
Il y a aussi des mesures ternaires à temps ternaires ; ce sont :
1o La mesure qui contient neuf quarts de ronde, représentée par trois blanches pointées divisibles en trois temps, de la valeur de trois noires chacun. Cette mesure est indiquée près de la clef par les chiffres
2o La mesure qui contient neuf huitièmes de ronde, représentée par trois noires pointées divisibles en trois temps, de la valeur de trois croches chacun. Cette mesure est indiquée par les chiffres
3o La mesure qui contient neuf seizièmes de ronde, représentée par trois croches pointées, divisées en trois temps de la valeur de trois doubles croches chacun. Cette mesure est indiquée par les chiffres
85. Quelquefois la première mesure d’un morceau de musique est incomplète et commence par une seule note, par deux, par trois, qui n’ont pas la valeur de tous les temps dont cette mesure devrait être composée.
Ces dispositions irrégulières de la mesure supposent qu’un silence égal à ce qui manque pour la compléter précède la première note, en sorte que les exemples qu’on vient de voir ne sont que des abréviations de ceux-ci :
86. Souvent un son commence dans une mesure et ne finit que dans la mesure suivante. Si ce son doit avoir la durée d’une ronde, on place une blanche au deuxième temps de la première mesure, une autre au premier temps de la deuxième, et l’on réunit les deux notes par une liaison. Si le son ne doit avoir que la durée de trois quarts de ronde, on met la blanche dans la première mesure, et un point ou une noire liée après la barre verticale. Il en est de même pour toutes les autres valeurs de notes.
Ces prolongations d’un son d’une mesure dans la suivante ou
d’un temps sur un autre se nomment syncopes.
- ↑ Cette figure de note, dont l’usage est fort rare, équivaut à la valeur de deux rondes, lorsqu’elle n’est pas suivie d’un point, et de trois rondes lorsqu’elle est pointée.