Manuel des expressions vicieuses les plus fréquentes/D

Imprimerie MacLean, Roger et Cie (p. 20-22).


D


DAME (La). — Dans nos journaux, presque toutes les annonces de naissances sont ainsi conçues : « La dame de M. un tel, forgeron, peintre en bâtiment, ferblantier, etc., a mis au monde un fils ou une fille. » Dame signifiait jadis la maîtresse ou la belle d’un chevalier ou preux quelconque : or, comme les Don Quichottes ou noblereaux brillent ici par leur absence, il sied mal de se donner ainsi, en imagination, le luxe de la dame, nos moyens, par le temps qui court, nous permettant à peine d’avoir femme ! — Dans une autre sphère, la manie de la distinction porte un grand nombre à abuser du mot madame. Le commis marchand, l’épicier, ou autre industriel qui croirait décheoir s’il n’avait un domestique pour son intérieur, se garde bien de dire, lorsqu’il veut en référer à sa moitié par la voie de sa servante : « Demandez ceci ou cela à ma femme. » Oh ! non ; pour lui, madame est une appellation beaucoup plus recherchée ! Cette manie poussée un peu plus loin, on ne manquerait pas de dire madame la cordonnière, madame la charretière ! Nous l’avons dit quelque part ailleurs : quand on prend du galon !

DÉBITER.— Se dit souvent au lieu de dépecer une volaille, découper des viandes.

DÉFONCER.— Ne dites pas défoncer, mais enfoncer une porte.

DÉFRANCHISER. — C’est le verbe anglais, to disfranchise, qui a été ainsi francisé, quoique nous ayons déjà en français le verbe désaffranchir, qui vaut certainement mieux.

DÉFRAYÉE. — Beaucoup se méprennent sur la signification de ce mot, et le font synonyme de faire face, ou de subvenir à certaines dépenses. Il ne doit s’employer que dans le sens de payer les frais, la dépense de quelqu’un. Exemple : Défrayer des amis, c’est-à-dire, les traiter à ses dépens, au lieu où on les a rencontrés ou conviés.

DÉMANCHER. — L’on dit souvent : il s’est démanché le bras, la jambe, et il se l’est fait ramancher. Pour être exact, il faut dire : jambe démise, bras démis.

DÉMENCE. — Maison en démence. Beaucoup se servent fréquemment de ce mot pour signifier maison en ruine.

DEMIARD. — Ce mot n’étant pas français, ne serait-il pas sage de le remplacer par demi-chopine ?

DEMOISELLE. — On n’entend que cela : « M. un tel, madame une telle et leur demoiselle sont allés ici ou là. » En ce cas, demoiselle signifie une étrangère au service des conjoints ci-dessus, c’est-à-dire une demoiselle de compagnie, et non leur fille.

DÉPUTÉ. — En français, ce substantif est synonyme d’envoyé, de représentant du peuple. On l’emploie donc à tort, et cela fréquemment, dans ces cas-ci : député-shérif, député-adjudant, député-greffier, désignations inexactes qui devraient être remplacées par celles de sous-shérif, de sous-adjudant et de greffier-adjoint.

DÉTECTIVE. — Si l’on n’y prend garde, ce mot anglais aura la préséance sur le nôtre : agent de police secrète, car nos journaux désignent presque toujours ainsi l’employé de ce service, qui est chargé de quelque perquisition.

DINDE. — En France comme au Canada, se dit abusivement du coq-d’Inde, et alors on fait ce substantif masculin.

DIPPER.Puisette ou puiselle, espèce d’écuelle au bout d’un manche. Le nom français de cet ustensile de cuisine semble n’être connu que d’un petit nombre.

DIRECTORY.Almanach des adresses.

DISCOUNT. — Le mot français escompte est rarement employé. En ce pays, les affaires commerciales se font presque toujours en anglais ; de là vient que ce mot et beaucoup d’autres sont ignorés de bien des marchands et commis de notre origine. Ne feraient-ils pas bien de travailler à les connaître ?

DISGRÂCE. — En anglais ce mot a le sens de honte, de déshonneur ; mais dans notre langue il signifie n’être plus en faveur. Ainsi, au lieu de : « Ce serait une disgrâce pour Québec de cesser d’être le château-fort de la nationalité franco-canadienne, » il faudrait : ce serait honteux ou déshonorant.

DRAFT. — Soit dans les transactions commerciales ou autres, le plus souvent on se sert de ce mot anglais au lieu de traite. Nos charpentiers disent aussi draft pour plan de navire, et drafter au lieu de tracer un plan de navire.

DUMMY. — Se dit au jeu de whist lorsqu’il manque un quatrième pour faire cette partie. Le jeu du manquant est alors mis à découvert sur la table, et c’est ce qu’on appelle en français faire la partie de whist avec un mort.