Manuel des expressions vicieuses les plus fréquentes/A

Imprimerie MacLean, Roger et Cie (p. 1-4).

A


ABROGATION, RÉVOCATION. — Il arrive souvent que l’on applique ces deux mots à la même fin, témoin le Vocabulaire de M. l’abbé Caron, qui, au mot Rappeler (page 61) réédite l’erreur commise par nous en 1867. Abroger s’applique particulièrement aux lois, et révoquer aux emplois, employés, fonctions et fonctionnaires. Dans quelques cas, cependant, révoquer est synonyme d’annulation. Exemple : Révocation de l’édit de Nantes, d’un testament. — Voir Rappeler.

ACCULER. — Corruption du verbe éculer.

ADONNER (S’). — Ne doit se dire que dans ce sens : s’adonner à une passion, à un vice ; mais on le substitue souvent aux mots « par hasard » dans cette phrase : « Je m’adonnais à passer par là ».

ADRESSER. — Ne dites pas adresser une assemblée, une réunion ; c’est le verbe haranguer dont il faut se servir en ce cas ; mais adresser la parole à une assemblée est une locution très française.

AFFIQUOTS. — Corruption d’affiquets, qui signifie un petit ornement de femme, tel que bracelet, collier, etc.

AIGREFIN. — Selon le dictionnaire, ce substantif désigne l’escroc, le chevalier d’industrie ; mais bien des gens faussent son acception en s’en servant pour désigner une personne d’une faible constitution.

ALLÉGUÉ. — Ce participe est souvent transformé en substantif, et cela inutilement, vu que nous avons le mot allégation.

ALLSPICE. — Poivre de la Jamaïque.

ALLUSION. — Signifie Parler d’une chose indirectement. De fait, l’allusion est un jeu de mots ou de pensée ; mais, dans une de ses acceptions anglaises, ce mot est synonyme de mention. Exemple : The fact alluded to — le fait mentionné, dont il a été question ou dont on a parlé.

AMARRER. — Terme de marine très répandu parmi les classes ouvrières, car, généralement, elles disent amarrer au lieu d’attacher des souliers, une coiffure, etc.

AMENDEMENT. — Faire une proposition, une motion en amendement. Cette manière de dire est anglaise et incorrecte. Pour être exact, il faut dire : Faire une proposition, une motion par voie ou sous forme d’amendement ; ou bien : comme amendement.

AMONT. — Terme de batelier qui désigne le côté d’où descend un fleuve, une rivière. Il désigne aussi l’endroit d’un fleuve, d’une rivière qui est au-dessus de la ville, du pont ou du port que l’on indique. Il n’a point d’autre acception, et l’on a, par conséquent, tort de dire : amont la côte, pour : en montant.

AMOUR (Être en). — Ne doit se dire que des femelles des animaux, car cela signifie Être en chaleur. Qui n’a pas entendu dire un tel est en amour avec une telle, au lieu de dire : Sont amoureux ou épris l’un de l’autre.

ANGLIFICATION. — Mot anglais très usité parmi nous, mais auquel on devrait substituer celui d’anglicisation, qui correspond beaucoup mieux au verbe angliciser.

ANGLIFIER. — Verbe de création canadienne. Le verbe français correspondant est angliciser.

ANNEAU. — On donne à tort ce nom au petit cercle d’acier, de cuivre ou d’argent servant à tenir plusieurs clés ensemble. Clavier est le mot propre.

APOLOGIE. — Discours ou écrit pour défendre, justifier une personne, une action, un ouvrage ; mais il arrive à beaucoup de nos écrivains et orateurs de n’employer ce mot que dans une de ses acceptions anglaises, lorsqu’ils se croient tenus d’offrir des excuses ou de faire amende honorable.

APPARTEMENT. — Beaucoup se méprennent sur la signification de ce mot, qu’ils croient synonyme de chambre. Un appartement peut embrasser tout un étage. C’est donc de logement qu’il est synonyme.

APPLICATION. — Comme ce mot a beaucoup d’acceptions, nous nous bornerons à démontrer dans quels cas on lui prête, mais à tort, la même signification en français qu’en anglais. S’agit-il de faire une demande, une requête, on dit : j’ai fait ou je vais faire application. En consultant le dictionnaire, l’on se convaincra que l’on fausse l’acception de ce mot en l’employant ainsi.

APPOINTEMENTS, APPOINTER. — En anglais, ces deux mots signifient Nomination à quelque emploi ; mais, dans notre langue, appointements signifie le traitement d’un employé, et appointer, donner des appointements. Ces deux mots sont très-souvent employés dans leur signification anglaise.

APPROPRIATION. — Ce mot désigne l’action de s’approprier, d’accaparer une chose. C’est donc à tort qu’on le voit figurer dans les documents et journaux publics, pour désigner une somme d’argent affectée à quelque objet, ou un crédit voté par la législature ou par des corporations. Pour être exact, il faut dire : vote d’argent, vote d’un crédit, ou bien : somme affectée ou destinée à quelque fin. La même faute se répète pour le verbe approprier, qui a une acception de plus que son substantif ; exemple : une somme appropriée (c’est-à-dire proportionnée) aux besoins, aux circonstances. Il y a donc erreur chaque fois qu’on lit ou qu’on entend dire qu’une somme a été appropriée, au lieu de affectée, votée, appliquée ou destinée à des travaux ou autres fins.

ARGENTS. — C’est à tort que nous écrivons souvent ce mot au pluriel, et cette erreur vient encore de l’anglais, qui dit moneys, mot qui signifie deniers ou espèces.

ARRÊCHE. — Ne dites pas une arrêche mais une arête de poisson.

ARUPIAUX. — Quel est le Français nouvellement débarqué sur notre sol qui pourrait dire que ce mot est la corruption d’oreillon, inflammation de la glande parotide ou du tissu cellulaire et des glandes lymphatiques qui l’environnent ?

AUBELLE. — Corruption d’aubier qui signifie partie tendre et blanchâtre qui est entre l’écorce et le corps des arbres.

AUDIENCE. — En anglais, une des acceptions de ce mot signifie auditoire, réunion de personnes ; mais que de fois n’avons-nous pas entendu dire, même par des gens qui auraient dû savoir beaucoup mieux : « Il y avait une belle audience à la représentation de telle pièce, » au lieu de : « l’auditoire était nombreux et choisi. » Voir Salle.

AUTANT, (En). — Cette locution vicieuse et d’un usage très fréquent chez un bon nombre de nos écrivains, est due à la traduction littérale du mot inasmuch. C’est en tant que ou d’autant que qu’il faut dire.

AVANCÉ. — Nous faisons encore erreur en employant substantivement ce participe. C’est faire une assertion qu’il faut dire, et non un avancé.

AVISER. — S’emploie souvent à tort au lieu de conseiller.

AVOCASSER. — Ne doit se dire qu’en mauvaise part ; mais beaucoup s’en servent dans le sens de plaider en faveur d’une cause, d’un principe.