, Léon Wouters
Union des Villes et Communes belges (p. 144-147).


41. LE BIBLIOTHÉCAIRE.

411. Conception de la fonction.

Le Bibliothécaire a pour fonction d’organiser et d’administrer la Bibliothèque.
xxxxxLe Bibliothécaire est une combinaison d’éducateur, d’homme d’étude, d’homme d’œuvre, d’administrateur, d’organisateur. Le but suprême qu’il doit se proposer c’est de faire connaître les possibilités du livre. Le Bibliothécaire sera animé d’un triple esprit : 1°) L’esprit qui anime l’intellectuel : se souvenir constamment que le livre et, par conséquent, la Bibliothèque, relève du domaine des forces scientifiques, esthétiques, morales, spirituelles. 2°) L’esprit technique : faire que toute action, toute opération, soit effectuée sans cesse avec le maximum de technicité selon les meilleures méthodes, avec la meilleure matière, le meilleur outillage, le meilleur personnel, afin d’atteindre le maximum de rendement. 3°) L’esprit social : rendre sensible et présente la préoccupation sociale, vouloir l’utilité pour le grand nombre, travailler à l’amélioration de la société.
xxxxxLe chef d’une bibliothèque est aidé de collaborateurs : Bibliothécaire-adjoint, rédacteurs, copistes, gens de service.

412. Qualités requises du Bibliothécaire.

Le Bibliothécaire aura une culture générale sérieuse et une formation professionnelle. Il aura des qualités morales notamment le tact, un bon tempérament qui dérive en grande partie d’une bonne santé, entretenue hygiéniquement, la patience, l’initiative, l’ordre, la méthode, l’exactitude, la mémoire, le désintéressement.
xxxxxToutes les qualités générales requises par un travail intellectuel sont demandées au Bibliothécaire : L’attitude résolue ; être décidé à réussir, à triompher des difficultés. — La persévérance : achever ce qu’on a commencé. — La continuité : l’uniformité dans les efforts, la régularité. — La concentration dans le travail. — L’enthousiasme qui n’est autre chose que l’intérêt intensifié ; le « feu sacré ». — L’ambition : désirer intensément atteindre un résultat c’est se rapprocher du résultat. — La largeur de vue : tolérance, curiosité intellectuelle, désir de progrès.
xxxxxLe Bibliothécaire remplira son rôle social en faisant remplir pleinement sa fonction à la Bibliothèque elle-même. Il sera un agent actif de la culture intellectuelle dans son milieu. Il aura l’amour de son métier et sera l’auxiliaire de la science le « Servus Servorum Scientiæ ». Le « Serviteur des Serviteurs de la Science ». Il aura aussi l’amour du progrès de sa Bibliothèque : enrichir toujours ses collections, perfectionner leur agencement, les faire connaître, les faire utiliser.

413. Formation professionnelle.

Le Bibliothécaire acquerra une formation professionnelle. Ce sera le résultat de la fréquentation d’un cours de bibliothèque, d’exercices pratiques, éventuellement d’un stage, et toujours de lectures. En Belgique, des examens ont été organisés. En 1897, pour les candidats bibliothécaires à la Bibliothèque Royale ; en 1910, pour les candidats bibliothécaires pour les Universités de l’État ; en 1921, pour les candidats bibliothécaires des Bibliothèques publiques. Pour ces derniers, des cours sont organisés par l’État et par des Institutions privées. Les diplômes officiels sont délivrés par les Jurys d’examens institués par l’État. La formation du Bibliothécaire, une fois commencée, il aura à la continuer indéfiniment car il aura à se perfectionner et à se tenir au courant.
xxxxxLe Bibliothécaire suivra le mouvement universel en faveur des bibliothèques. Il suivra ce mouvement en Belgique mais aussi dans le monde, notamment en Amérique, en Angleterre, en Italie, en France, en Allemagne, dans les Pays Scandinaves et tout près de chez lui en Hollande et en Suisse. Il aura à cœur que la Belgique profite de toutes ces expériences universelles, qu’elle ne soit pas en retard sur l’étranger, qu’elle apporte, elle aussi, sa contribution au Progrès universel.

414. Connaissances du Bibliothécaire.

Le bibliothécaire doit être un érudit. Quel programme d’étude lui assigner sinon celui d’approfondir et développer le programme scolaire, collégiaire, universitaire lui-même. Il doit avoir des notions étendues d’histoire (les événements dans le temps), de géographie (les choses dans l’espace), de sciences (la réalité même en ses trois divisions : la Nature, l’Homme, la Société), de littérature et d’art (ils expriment les impressions, émotions, réactions humaines au contact des choses et des idées). Le Bibliothécaire doit avoir une idée des applications des sciences à la vie pratique et ne pas être incapable de s’élever jusqu’à la compréhension des grandes synthèses philosophiques. Le bibliothécaire doit être un encyclopédiste. Il doit s’intéresser à l’ensemble des connaissances humaines. Dans une société au travail intellectuel spécialisé comme la nôtre, la Bibliothèque, avec l’École et l’Université, est la seule Institution qui présente l’ensemble des connaissances et qui se préoccupe de leurs liaisons.

415. Travaux du Bibliothécaire.

Le bibliothécaire saura « travailler ». La conception du travail s’est modifiée en ces dernières années sous l’empire de certaines idées : organisation, sériation et division du travail, efficacité, rendement maximum (efficiency). Le travail intellectuel, après le travail manuel, a été influencé graduellement par ces mêmes préoccupations.
xxxxxLe bibliothécaire doit lire. Sans doute cette lecture ne doit être faite au détriment de ses fonctions qui ont à s’exercer dans l’intérêt des lecteurs. Le bibliothécaire est tout d’abord un agent chargé de faire fonctionner un service et ses fonctions ne doivent pas être conçues par lui comme une sinécure, une retraite intellectuelle. Mais cette réserve faite, il doit lui-même donner l’exemple de l’étude et de la lecture.

416. Assistance au lecteur.

Le bibliothécaire, en tous temps, prêtera assistance au lecteur surtout au lecteur inexpérimenté. Afin d’être le plus utile, il s’efforcera de bien connaître l’état intellectuel et les besoins du milieu où la bibliothèque est placée. Une distinction sera faite entre l’assistance intellectuelle et l’assistance morale. La première consiste à aider le lecteur à mieux se diriger vers ce qu’il cherche réellement. La seconde tend à se substituer à lui dans sa direction morale et à l’influencer dans un certain sens. — Le personnel des bibliothèques publiques donnera sa pleine assistance intellectuelle, technique, mais s’abstiendra de toute assistance morale qui pourrait porter ombrage à la liberté de conscience du lecteur ou transformer la bibliothèque en auxiliaire d’une propagande politique, philosophique ou religieuse. Une bibliothèque publique doit être essentiellement une institution impartiale et neutre.