Malte-Brun - la France illustrée/1/3/15

Jules Rouff (1p. 21-22).

Trévoux (lat. 45° 56’ 37" ; long. 2° 26’ 19" E.). — Trévoux (Treviæ, Trivium, Trevurtium), à 44 kilomètres sud-ouest de Bourg, chef-lieu de sous-préfecture avec tribunal de première instance et société d’agriculture, peuplé de 2,889 habitants, était autrefois la ville principale de la principauté de Dombes, siège d’un bailliage, d’une châtellenie, d’une chambre des monnaies, d’un parlement et relevait du diocèse de Lyon.

Trévoux est, selon toute apparence, une ville d’origine romaine ; elle fut fondée à l’endroit où l’un des grands chemins qu’Agrippa avait fait construire dans les Gaules se partageait en trois branches, et dut à cette circonstance son nom de Tres viæ, Trivium. Ce ne fut longtemps qu’un village célèbre par la victoire que l’empereur Sévère y remporta sur son compétiteur Albinus. Au XIIIe siècle, un château y avait été construit par les sires de Thoiré et de Villars ; un de leurs successeurs, Henri, archevêque et comte de Lyon, second fils d’Étienne II, voyant Beauregard, l’ancienne capitale de la contrée, démantelée et ruinée par les dernières guerres soutenues contre la maison de Savoie, eut la pensée de déclarer Trévoux ville franche et de promettre les franchises et privilèges les plus étendus aux nouveaux habitants qui viendraient y résider. À cet appel répondirent de nombreux émigrants des pays environnants ; s’il faut en croire les historiens du temps, tous n’étaient pas d’une moralité exemplaire ; mais ces attaques venant de chroniqueurs, moines pour la plupart, et tous fervents catholiques, s’expliquent par ce fait que les juifs formaient une partie notable de la nouvelle population. Ce qui est beaucoup moins vague que les reproches lancés contre elle, c’est que dès lors Trévoux changea de face ; le village devint une ville où l’industrie et le commerce allèrent se développant de jour en jour. On sait que Louis II, duc de Bourbon, devint, en 1391, l’héritier du dernier seigneur de Beaujeu, Édouard II, dont il avait été le constant défenseur ; ce prince, pour arrondir ses petits États, acheta d’Humbert VII, sire de Villars et de Thoiré, les châtellenies de Trévoux, d’Ambérieu et du Chastelar ; c’est de la réunion de ces domaines à l’héritage d’Édouard II que fut formée la principauté de Dombes, dont Trévoux devint la capitale.

La constitution de ce petit État éveilla la jalousie des princes ses voisins. Un chef de bandes, le comte de Vergy, auquel on ne peut supposer l’intention d’avoir agi pour son propre compte, et qui fut en cette occasion l’instrument du comte de Savoie ou du duc de Bourgogne, envahit la Dombes avec 1,000 chevaux et 3,000 hommes de pied ; mais il fut repoussé par Jean de Levis, marquis de Châteaumorand, commandant l’armée du duc de Bourbon.

Le successeur de ce prince, Jean Ier, avait été fait prisonnier à Azincourt ; le comte de Savoie et le duc de Bourgogne, jugeant le moment favorable, se liguèrent ouvertement pour tenter une nouvelle expédition contre la principauté dont ils rêvaient le partage. Leurs troupes couvraient le pays ; Trévoux, pris par escalade, avait été livré au pillage ; Marie de Berry, duchesse de Bourbon, qui gouvernait la province en l’absence de son époux, s’était retirée à Beauregard et ne pouvait guère opposer à ses puissants ennemis que des protestations courageuses, mais inutiles, lorsqu’une heureuse diversion de Charles Ier, comte de Clermont, qui menaçait la Franche-Comté avec une armée nombreuse, rappela le duc de Bourgogne à la défense de ses propres domaines ; il fut suivi par le comte de Savoie, et la guerre de Dombes se termina par un traité qui fixa ses limites et consacra son indépendance. Trévoux, depuis cette époque, ne fut le théâtre d’aucun événement politique d’un intérêt général ; sa paix intérieure ne fut troublée que par les persécutions exercées à diverses reprises contre les juifs et suscitées tantôt par le fanatisme des habitants, tantôt par la cupidité des seigneurs.

Après avoir été possédé par les différentes branches de la maison de Bourbon, et avoir même été réuni un instant, sous François Ier, au domaine royal, Trévoux ne fut définitivement annexé à la couronne qu’en 1762, par l’échange que fit de la Dombes le comte d’Eu contre le duché de Gisors.

Parmi les industries qui s’étaient développées à Trévoux, l’imprimerie avait pris surtout un essor particulier ; c’est ce qui engagea les jésuites à y fonder, en 1700, leur Journal de Trévoux ; la même cause détermina Louis XIV, quelques années plus tard, à y établir une imprimerie d’où sortit, en 1704, la première édition du Dictionnaire universel, connu sous le nom de Dictionnaire de Trévoux.

Pendant longtemps Trévoux resta la petite capitale d’un État indépendant au milieu de la France. Nous avons dit qu’il avait son hôtel des monnaies ; il avait aussi son parlement et des lieux de réunion particuliers pour les députés des trois ordres ; de plus, un conseil souverain établi à Paris près la personne des princes de Dombes. L’autorité de ces petits souverains était aussi illimitée que celle des rois de France ; ils avaient sur leurs sujets droit de vie et de mort, ils pouvaient les anoblir et les imposer à discrétion. Leur revenu fixe s’élevait à 200,000 livres, auxquelles le pays ajoutait chaque année un don de 20,000 livres, et le rapport de l’hôtel des monnaies grossissait annuellement ce chiffre de plus de 100,000 livres.

Il ne reste à Trévoux de son passé que quelques pans des murailles qui l’entouraient, quelques débris des tours de son vieux château ; le palais de justice, fondé en 1696, par le duc du Maine ; un hôpital dû à Marie-Louise d’Orléans et plusieurs églises sans caractère bien remarquable et dont la plus ancienne est la paroisse collégiale, dédiée à saint Symphorien. Les constructions modernes de Trévoux se réduisent à un beau quai et à un pont suspendu sur la Saône.

C’est la patrie des frères Bacheville.

Les armes de Trévoux sont : d’argent, à la tour de huit pans de gueules couverte en pointe, au chef d’azur à trois fleurs de lis d’or, traversées chacune d’une cotice de gueules. On les trouve encore : d’argent, à une tour de gueules, ouverte, ajourée et maçonnée de sable, au chef de France.