Malte-Brun - la France illustrée/0/5/2/4/3

Jules Rouff (1p. liii-liv).
LA FRONDE.

Alors éclata la Fronde, espèce d’intermède entre Richelieu et Louis XIV, récréation turbulente que se donna la France entre la férule du grand cardinal et le sceptre du grand roi. Que voulait-on ? Qui le savait bien ? Il y eut au début la cabale des importants. Ce nom s’appliquerait assez bien à toute la Fronde. Noblesse et parlement, hommes d’épée et hommes de robe voulurent se donner de l’importance et prendre une petite revanche de la royauté. Condé voulait qu’on écrivît en vers burlesques la guerre qui se fit alors et à laquelle pourtant il fut lui-même entrainé. « Les troupes parisiennes (celles du parlement), qui sortaient de Paris et revenaient toujours battues, étaient reçues avec des huées et des éclats de rire. On ne réparait tous ces petits échecs que par des couplets et des épigrammes. Le coadjuteur de l’archevêque de Paris, Paul de Gondi, qui plus tard succéda à son oncle et fut le fameux cardinal de Retz, avait un régiment que l’on nommait le régiment de Corinthe, parce que le coadjuteur était archevêque titulaire de Corinthe. Ce régiment ayant été battu par un petit parti royaliste, on appela cet échec la première aux Corinthiens, en faisant allusion aux épîtres de saint Paul à ces derniers. Vingt conseillers au parlement avaient fourni chacun quinze mille livres pour contribuer à la levée de la cavalerie dite des portes-cochères ; ils furent impitoyablement appelés les quinze-vingts. Les cabarets étaient les tentes où l’on tenait les conseils de guerre, au milieu des plaisanteries, des chansons et de la gaieté la plus dissolue. » (Voltaire.) Le coadjuteur de Retz, futur archevêque de Paris, était le boute-feu de la sédition. Il allait prendre séance au parlement avec un poignard dans sa poche, dont on apercevait la poignée, et l’on criait : « Voici le bréviaire de notre archevêque. » Les plus grands capitaines, Turenne, Condé, furent successivement jetés dans la révolte. Mazarin, deux fois obligé de s’exiler, ne perdit jamais courage et finit par avoir le dessus. Les Parisiens se lassèrent ; le jeune roi, réduit naguère avec sa mère, à Saint-Germain, à coucher presque sur la paille, et fort mécontent de ce début de son règne, entra au parlement en grosses bottes, le fouet à la main. « Messieurs, dit-il, on sait les malheurs qu’ont produits vos assemblées ; j’ordonne qu’on cesse celles qui sont commencées sur mes édits. Monsieur le premier président, je vous détends de souffrir des assemblées, et à pas un de vous de les demander. » Ainsi finit la Fronde (1654).

Mazarin ne mourut qu’après avoir conclu avec l’Espagne le traité des Pyrénées, lequel, complétant le traité de Westphalie, achevait de donner la paix à la France en l’agrandissant de l’Artois, de la Cerdagne et du Roussillon (1659).