Malte-Brun - la France illustrée/0/5/2/3/3

PHILIPPE LE BEL. ÉTATS GÉNÉRAUX.

Le règne de Philippe le Bel (1285-1314) commence les funérailles du moyen âge. Le caractère de ce roi concourut avec les circonstances pour introduire des changements d’un aspect tout moderne. Non seulement il accrut le domaine royal comme ses prédécesseurs, y ajoutant la Navarre et la Champagne par un mariage, la Marche et l’Angoumois par un arrêt du parlement ; Lyon, Montpellier et une partie de la Flandre par transaction ou par conquête ; mais encore il affranchit les couronnes par la lutte violente et victorieuse qu’il engagea avec la papauté, et, pour attirer à lui la nation dans une entreprise si périlleuse, il convoqua les premiers états généraux (1302). Il organisa le parlement et se servit des hommes de loi comme du meilleur instrument pour ruiner la féodalité ; de sorte que, soit dans les états généraux, soit dans le parlement, les roturiers participèrent au gouvernement. Il eut grand besoin d’argent, et, s’il recourut quelquefois aux moyens les plus tyranniques, il en imagina un qu’on ne peut que louer : il rendit, la liberté aux serfs qui purent l’acheter. Mieux eût valu la donner, mais c’était déjà beaucoup pour l’époque. Il attaqua le droit de battre monnaie dont jouissaient les seigneurs. C’est sous son règne, à Courtrai (1302), que la noblesse française, déjà battue par les roturiers sur le terrain des affaires et des lois, commença à se laisser battre aussi sur les champs de bataille. Philippe le Bel vengea Courtrai en conduisant à Mons-en-Puelle soixante mille fantassins. L’infanterie des vilains répara le désastre de la cavalerie féodale. Le besoin d’argent poussa Philippe le Bel à la terrible exécution des templiers : c’était un ordre orgueilleux, riche et dangereux, qui réunissait la puissance de la religion à celle des armes ; mais Philippe les traita avec toute la cruauté que l’Église avait coutume de déployer contre les hérétiques.

Malgré la réaction féodale qui éclata à la mort de Philippe le Bel, ses fils poursuivirent son œuvre. Louis X continua de vendre la liberté aux serfs du domaine royal et proclama ce beau principe que, « selon le droit de nature, chacun doit naître franc. »

Philippe V convoqua trois fois les états généraux, donna à des roturiers des lettres de noblesse, permit aux bourgeois des villes de s’organiser militairement. Il songeait même à établir l’unité de poids et de mesures « pour que le peuple marchandât plus sûrement. »

Charles IV, sans écouter ni les supplications des nobles ni les prières du pape, oncle de la victime, fit pendre un puissant baron du Midi, le sire de L’Isle-en-Jourdain, qui croyait que sa baronnie le mettrait à couvert du châtiment dû à ses crimes.

Avec le dernier fils de Philippe le Bel s’éteint la première branche des Capétiens (1328).