Maison rustique du XIXe siècle/éd. 1844/Livre 5/ch. 3

Texte établi par Jacques Alexandre Bixiola librairie agricole (Tome quatrièmep. 67-78).
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CHAPITRE III. — Plantation des forêts.

La formation des bois et forêts a lieu de 2 manières : par l’ensemencement des graines ; par la plantation de jeunes plants déjà formés.

L’ensemencement est naturel, ou artificiel. La plantation est toujours un fait de culture et ne peut être qu’artificielle.

L’ensemencement naturel a produit originairement toutes les forêts, et il peut suffire à réparer leurs pertes naturelles pendant un temps indéfini. Elles conservent, dans cette condition et pendant cette période, le nom de forêts naturelles.

Les semences qui tombent des arbres lors de leur maturité assurent donc, sans le secours de l’art, l’entretien naturel et la perpétuelle durée des forêts. Ces arbres s’appellent porte-graines. Il faut, dans l’exploitation économique des bois, savoir ménager cette ressource précieuse. Les arbres porte-graines garantissent en outre contre l’ardeur du soleil, les sécheresses, les vents, les gelées et la crue des herbes nuisibles, les plants régénérateurs provenant des graines qu’ils ont produites et répandues sur la terre.

* Sommaire des sections de ce chapitre *
Sect. ire. Forêts naturelles. 
 ib.
Sect. ii. Forêts artificielles. 
 68
Art. Ier. Des semis. 
 ib.
§ 1er. Choix des essences. 
 ib.
§ 2. Bonté des semences
 ib.
§ 3. Choix et préparation des terres. 
 69
§ 4. Quantité de semence. 
 ib.
§ 5. Recouvrement des graines. 
 70
§ 6. Règles pour les semis des espèces. 
 ib.
Art. II. Des plantations. 
 72
§ 1er. Des différentes sortes de plants. 
 ib.
§ 2. Préparation du sol. 
 73
§ 3. Modes divers de plantation. 
 ib.
§ 4. Époque des plantations. 
 74
§ 5. Soins à donner aux jeunes plants. 
 75
Culture, clôture, assainissement, ébourgeonnement, émondage. 
 ib.
§ 6. Plantation des terrains élevés, stériles, en pente, et des dunes. 
 76
§ 7. Repeuplement des clairières et terrains vagues ; des abris. 
 77
Art. III. Frais de semis et de plantations. 
 78


Section 1re . — Forêts naturelles.

L’ensemencement naturel se fait différemment dans les forêts de bois feuillus, et dans les bois d’arbres résineux, et veut ainsi être particulièrement étudié et conduit dans l’un et dans l’autre cas.

Les bois feuillus ou à feuilles caduques portent, ou des semences pesantes qui tombent directement autour de leurs pieds, ou des semences légères que les vents emportent à une certaine distance, on enfin des semences ailées qui se disséminent facilement au loin.

Les semences pesantes ont besoin d’être plus enterrées que les semences légères.

La connaissance de ces propriétés des graines apprend quelle est, pour chaque espèce, l’étendue des repeuplemens naturels en jeunes plants qu’il est permis d’attendre des arbres porte-graines, et par conséquent quel est le nombre de ces arbres à conserver, lors des exploitations, pour faire tourner au profit des repeuplemens naturels tous les avantages offerts par la nature.

Pour aider les porte-graines à bien effectuer les ensemencemens, il y a seulement quelques soins à prendre, tels que la préparation du terrain à recevoir la semence, une légère culture, la mise en défense du canton et d’un semis artificiel qu’il peut être nécessaire de pratiquer dans les intervalles laissés par les ensemencemens naturels.

Lorsque ces arbres ont rempli leurs fonctions, ou les abat successivement, avec un profit plus considérable, et sans crainte qu’en tombant ils ne détruisent la recrue.

Quant à l’ensemencement naturel des bois d’arbres résineux, il faut se régler d’après le principe de la différence essentielle des propriétés des forêts de pins, de celle des forêts de sapins et d’épicéas situées sur les montagnes.

On a lieu de craindre, sur les montagnes et dans les forêts d’épicéas que l’on éclaircit, que les vents ne renversent les réserves dans des cantons entiers ; maison ne doit pas avoir cette crainte à l’égard des réserves de pins sauvages. Tous les ans, celles-ci répandent en plus ou moins grande quantité dans les champs, leurs semences ailées auxquelles elles donnent, dès qu’elles sont levées, les abris et l’ombre que la nature légère du sol des forêts de pins leur rend si nécessaires.

Pour favoriser le repeuplement naturel des forêts de pins sauvages, il convient de n’abattre annuellement qu’un tiers de la coupe, sauf, pour avoir la même quantité de bois, à entamer trois coupes à la fois. L’année suivante, on exploite dans la même proportion, tant sur ces trois coupes que sur une nouvelle coupe annuelle. Quand, par suite de ce procédé, la première coupe se trouve ensemencée, on y enlève peu à peu les arbres à semence, avant que leur exploitation puisse nuire au jeune bois. En suivant d’année en année l’ordre établi pour la première coupe, l’on parviendra a les repeupler sans frais considérables pour les ensemencemens, surtout si on a eu égard aux années fertiles en graines pour mettre les coupes en défens.

Les ensemencemens naturels ne sont qu’un secours léger et incertain pour le repeuplement naturel des forêts d’épicéas, qui sont souvent plusieurs années sans produire de graines fertiles. On les favorisera, autant que possible, en évitant que les coupes ne livrent passage aux vents de l’ouest, et en leur donnant une forme demi-circulaire, puisque les terrains exploités doivent être ensemences par la partie de la forêt qui est encore en massif, et non à l’aide de baliveaux. Mais il faudra surtout avoir recours aux ensemencemens artificiels.

Quand les forêts de sapins se trouveront à peu près également mêlées d’épicéas, il faudra leur appliquer le mode d’aménagement indiqué pour ces derniers. Mais, vu les propriétés diverses de chacune de ces espèces d’arbres, et les différentes qualités de leurs graines, inégales en pesanteur et en durée, il faut les traiter suivant la méthode indiquée pour les pins, d’après laquelle on ne doit pas faire de coupes à blanc-étoc, et prendre successivement le bois dont on a besoin dans un canton déterminé, mais en en favorisant le repeuplement.

Le repeuplement des forêts de mélèzes sera au contraire soumis aux principes indiqués pour celui des forêts d’épicéas.

Section ii. — Forets artificielles.

Les forets artificielles proviennent de semis ou de plantations faits par la main des hommes.

Les endroits qui sont privés de la ressource des ensemencemens naturels, ainsi que tous les terrains vides destinés à la culture des bois, rentrent dans le domaine de l’art, auquel il appartient de les peupler. Cet art forme le premier et principal objet de la science forestière. Ses moyens sont : 1° les semis ; 2° les plantations.

Art. ier. — Des semis.

Les semis artificiels ont pour objet de remplacer les arbres à semences. Ces semis auront un succès aussi heureux et plus uniforme que les ensemencemens naturels, s’ils sont bien dirigés. Les méthodes les plus simples et les moins coûteuses sont, dans tous les cas, les plus sûres, si elles imitent la marche de la nature et sont employées avec la prudence convenable. Ainsi, pour les semis artificiels, on doit s’occuper principalement : 1° de choisir les essences convenables ; 2° de s’assurer de la bonté des semences ; 3° de s’en procurer une quantité suffisante ; 4° de choisir et préparer convenablement le terrain ; 5° de saisir le temps propre aux ensemencemens ; 6° d’enterrer la semence de manière à ce qu’elle ne soit ni trop ni trop peu recouverte ; 7° enfin, d’examiner si l’entreprise doit se faire en grand ou en petit.

§ 1er . — Choix des essences.

Les semis en grand doivent toujours se faire avec des espèces de bois dont le mérite est reconnu dans l’économie forestière, et qui conviennent le plus aux besoins du pays et à la nature du terrain. Il serait contre toute raison d’infester les forêts des essences les moins utiles, et de négliger celles qui ont toujours eu ou qui promettent un succès et des avantages assurés. Les bois résineux seront confiés aux sols légers, sablonneux, couverts de bruyère, en ayant égard à la distinction qui doit être faite entre les pins proprement dits, les sapins, les épicéas, les mélèzes, et entre les résineux indigènes et les résineux exotiques. Le pin du lord, par exemple, s’élève dans les terrains bas, frais et profonds de l’Amérique septentrionale, et le Pinus pungens croit sur des plateaux secs et élevés. Il faut au mélèze une atmosphère humide et une température fraîche qu’on lui procure en l’élevant d’autant plus au-dessus du niveau de la mer. Comme il retrouve l’une et l’autre dans les lieux bas et très-humides, marécageux même, l’expérience a prouvé qu’il s’accommodait très-bien de cette sorte d’exposition. Il ne faut pas un aussi bon fonds aux arbres à racines traçantes et superficielles, qu’à ceux dont les racines pivotantes et perpendiculaires vont chercher la nourriture à une grande profondeur. Il faut placer à l’abri des vents violens qui régnent au bord de la mer et désolent certaines contrées, les arbres dont la cime branchue et le feuillage épais donnent trop de prise à leur action. Les bois propres au chauffage auront toujours l’emploi de leurs produits assuré dans les pays de minerai et de hauts fourneaux, et à la portée de diverses usines dont les produits se traitent parle feu, comme les verreries. Les bois blancs, donnant de la volige, seront employés aux emballages de ces établissemens, et, portés près des rivières et des canaux, ils pourront arriver sans trop de frais vers les points où la consommation en sera assurée. Les bois qui donnent des cercles et des échalas seront d’un revenu certain dans les pays de vignobles. Les pins donnant de la mâture, des pièces propres aux constructions navales, et des produits résineux, à la portée des ports de mer, offriront une source de richesse à des contrées frappées d’une stérilité immémoriale.

§ II. — Bonté des semences.

Le succès de tout semis dépend essentiellement de la bonté des semences ; il y a 3 conditions principales pour qu’une graine soit bonne et propre à germer.

La 1re  est d’avoir pris complètement sa forme sur la mère plante, et d’avoir reçu, par une fructification convenable, un germe fertile. Chaque graine, bien mûre et bien formée, doit avoir 3 pièces essentielles, savoir : une enveloppe extérieure et une intérieure, une amande, et un germe qui est le rudiment de la plante future.

La 2e condition est d’être parvenue à un degré convenable de maturité. La maturité se reconnaît lorsque le fruit, la capsule ou le cône qui la renferme a acquis tout son développement ; qu’elle contient elle-même et à l’état sain les parties huileuses et farineuses qui lui sont propres ; que l’amande en est bien formée et de la couleur et odeur qui lui sont propres ; et, pour la plupart des bois,lorsque cette semence se détache naturellement de l’arbre.

La 3e condition dépend d’une bonne méthode de récolte et de conservation.

De la récolte. — Les semences doivent être récoltées fraîches et mûres, et être à l’instant étendues spacieusement dans des endroits aérés, où on les remue souvent pour les faire sécher, leur donner un dernier degré de maturité, et empêcher par là qu’elles ne s’échauffent et ne se corrompent, — On doit avoir recours à ces moyens, soit que la graine doive être semée tout de suite, soit qu’elle doive être conservée.

Dans ce dernier cas, la conservation, Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, IV.djvu/83 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, IV.djvu/84 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, IV.djvu/85 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, IV.djvu/86 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, IV.djvu/87 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, IV.djvu/88 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, IV.djvu/89 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, IV.djvu/90 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, IV.djvu/91 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, IV.djvu/92