Maison rustique du XIXe siècle/éd. 1844/Livre 5/ch. 1

Texte établi par Jacques Alexandre Bixiola librairie agricole (Tome quatrièmep. 1-15).
Chapitre 2  ►

CHAPITRE 1er. — des pépinières.

* Sommaire des sections de ce chapitre *
Sect. ire. Choix et préparation des terrains. 
 ib.
§ 1er. Nature, fertilité, profondeur du sol. 
 ib.
Sect. ii. Des semis. 
 2
§ 1er. Avantages et inconvéniens. 
 ib.
§ 2. Disposition du terrain. 
 3
§ 3. Époque des semis. 
 ib.
§ 4. Manière d’effectuer les semis. 
 ib.
Sect. iii. Des marcottes. 
 4
§ 1er. Avantages et inconvéniens. 
 ib.
§ 2. Des divers marcottages. 
 5
Sect. iv. Des boutures. 
 ib.
§ 1er. Avantages et inconvéniens. 
 ib.
§ 2. Boutures des tiges. 
 ib.
§ 3. Boutures des racines. 
 7
Sect. v. Des greffes. 
 ib.
§ 1er. Avantages et inconvéniens. 
 ib.
§ 2. Description des principales greffes. 
 8
§ 3. Choix des sujets. 
 9
§ 4. Choix des greffes. 
 ib.
§ 5. Temps propres à effectuer les greffes. 
 10
§ 6. Manière d’assurer le succès des greffes. 
 10
Sect. vi. De la taille des jeunes arbres. 
 ib.
§ 1er. Habilage. 
 ib.
§ 2. Taille en crochet. 
 ib.
§ 3. Du recepage. 
 12
§ 4. De l’élagage. 
 13
Sect. vii. Des transplantations. 
 ib.
§ 1er. Du repiquage. 
 ib.
§ 2. De la transplantation. 
 14
Sect. viii. Des assolemens dans les pépinières. 
 ib.


Section 1re. — Choix et préparation des terrains.

§ 1er. — Nature, fertilité, profondeur, exposition et situation du sol.

Nature du sol. — Le terrain qui convient le mieux à l’établissement d’une pépinière, est celui que nous avons déjà désigné sous le nom de terre franche, ou sous celui de terre sablo-argileuse. Trop compact, il serait peu favorable à la végétation de la plupart des arbres ; il rendrait les travaux de culture matériellement difficiles, exigerait des labours et des binages trop fréquens, et, chose également fâcheuse, en retenant outre mesure l’humidité et en se pénétrant difficilement de la chaleur, il retarderait les progrès de la végétation. — Trop léger, il aurait l’inconvénient non moins grave de nécessiter, dans plusieurs circonstances, des arrosemens trop abondans et trop multipliés.

Fertilité du sol. — Aux yeux du pépiniériste, la richesse du sol n’est jamais trop grande. Plus les arbres végètent avec vigueur, mieux et plus tôt il en trouve le débit : or, c’est en renouvelant le plus possible les productions de chaque parcelle de ses cultures qu’il cherche à en augmenter le revenu. — Les propriétaires ont le plus souvent des intérêts différens. A moins qu’ils ne puissent planter en des fonds excellens, ils trouvent, comme la théorie l’indique et comme la pratique le démontre tous les jours, du désavantage à acheter des arbres sortis d’un terrain trop fécond ; en effet, ces mêmes arbres, qui ont pris, pendant leurs premières années, un développement proportionné à la nourriture abondante qui leur était fournie, lorsqu’ils changent de position, surtout après une transplantation qui diminue nécessairement le nombre et l’action vitale de leurs racines, ne trouvent plus les alimens suffisant pour fournir, je ne dirai pas seulement à leur luxueux accroissement, mais au seul maintien de l’existence dans toutes leurs parties. — Il est donc désirable que le sol d’une pépinière soit d’une fertilité moyenne. — Mieux vaudrait certainement qu’il fût trop fertile que trop pauvre.

Profondeur du sol. — Il est indispensable, pour la culture des grands végétaux ligneux, que la couche de terre végétale ait une certaine profondeur. En général, plus cette profondeur est considérable, mieux ils réussissent. Cependant, 5 à 7 décimètres (de 18 po. à moins de 2 pi.) peuvent rigoureusement suffire.

Exposition et situation.Quoique l’exposition et la situation dussent à vrai dire varier en raison de l’espèce et de l’état particulier de chaque culture, on doit préférer, en général, celles qui sont naturellement a britées contre les vents violens qui pourraient briser ou déraciner les arbres, les vents froids qui arrêteraient la marche de la végétation, et les vents desséchans qui pourraient l’entraver d’une manière fâcheuse au moment de son développement ; — celles qui ont le moins à redouter, dans le midi, la sécheresse produite par une excessive évaporation, et, dans le nord, l’humidité froide qu’on ne peut éviter dans les localités trop couvertes ; — celles enfin qui procurent les eaux les plus abondantes et de meilleure qualité dans le premier cas, et qui se prêtent le mieux à l’absorption et à l’écoulement des eaux surabondantes dans le second.

Quelles que soient les terres qu’on veut transformer en pépinières, la première chose à faire est de les défoncer convenablement au moyen de la pioche ou du pic et de la bêche. Ce que j’ai déjà dit de la profondeur du sol doit servir de guide dans cette opération. — S’il est de bonne nature, on se rappellera que les labours les plus profonds sont les meilleurs, et qu’une faible augmentation de dépense produira plus tard une notable augmentation dans les produits. — Si le sous- sol est de mauvaise qualité, il faudra, au contraire, éviter de l’entamer, ou, tout au moins, de le ramener en trop grande épaisseur à la surface, à moins de nécessité absolue. — Enfin, comme les meilleures terres, pour devenir productives, ont besoin d’être plus ou moins longtemps exposées au contact immédiat de l’air, et à l’action directe des divers météores atmosphériques, le défoncement devra être fait généralement le plus longtemps possible avant l’époque des semis ou des plantations.

Quoi qu’il en soit, le terrain ayant été ainsi remué, ameubli, débarrassé des pierres et des racines qui pourraient nuire à sa fertilité, ou gêner plus tard les travaux de labours, de plantations ou d’arrachages, il ne reste plus qu’à le diviser de manière à faciliter chaque sorte de culture et à éviter pour les ouvriers toute perte de temps.

Le professeur Thouin, dont le beau nom doit trouver si souvent place dans un ouvrage de pratique, proposait pour cela d’établir dans les pépinières six carrés principaux destinés : le premier aux semis, — le second aux repiquages, — le troisième aux transplantations, — le quatrième aux sauvageons et autres porte-greffes, — le cinquième aux marcottes, — et le sixième aux boutures.

Lorsque la qualité variée du sol ne conduit pas à adopter une division moins régulière, mais plus en harmonie avec les habitudes des différens végétaux, chacun de ces carrés peut encore être subdivisé en deux, trois ou quatre parties d’étendue calculée d’après les besoins de l’agriculture et de l’horticulture du pays, consacrées alternativement à la propagation particulière des arbres forestiers à feuilles caduques, des arbres verts, des arbres fruitiers, et des arbres et arbrisseaux d’ornement.

Nous n’aurons pas à nous occuper ici de ces derniers, et je ne devrai parler des autres qu’autant qu’ils font ou devraient faire partie de la culture des champs.

Section II. — Des semis.

§ Ier. — Avantages et inconvéniens

Les semis ont sur les marcottes et les boutures l’avantage à peu près incontesté de produire des individus d’une plus belle croissance et d’une plus grande longévité ; — ils servent à propager la plupart des espèces de nos arbres forestiers. — Les graines récoltées sur des variétés donnent naissance à de nouvelles variétés parfois préférables à celles dont elles proviennent. Une fois qu’elles se sont écartées des types, elles tendent à varier continuellement de nouveau. — C’est ainsi que nous avons obtenu et que nous obtenons encore divers fruits améliorés inconnus de nos ancêtres.

Les espèces présentent à la vérité moins souvent, mais elles présentent cependant de loin en loin la même singularité. Chacun sait que dans une pépinière forestière les semences d'un même arbre produisent souvent un certain nombre de plants assez différens des autres pour constituer de véritables variétés, et que, parmi ces variétés auxquelles on ne fait pas toujours assez attention, il en est qui se recommandent pas des qualités particulières, telles que la précocité ou le retard de leur végétation, le développement plus rapide ou plus considérable de leurs diverses parties, la qualité même de leur bois, leur existence plus robuste, etc.

Les semis ne servent qu'à multiplier les espèces et les races, ou, comme nous venons de le voir, à créer des variétés. Celles qui existent déjà, moins nombreuses du reste et moins importantes parmi les arbres forestiers que parmi les arbres fruitiers, ne peuvent se transmettre qu'au moyen des marcottes, des boutures et des greffes. - Il est même de véritables espèces qu'on peut fort bien multiplier de graines et qu'on aime mieux cependant propager de marcottes, comme le tilleul, le platane, etc., ou de boutures, comme le saule, le peuplier, etc., parce que la grande facilité de ce mode de multiplication fait oublier les inconvéniens qu'il peut présenter, et parce que la rapidité plus grande des résultats l'emporte sur la meilleure qualité des produits.

§ II. — Disposition du terrain.

Le tarrain destiné aux semis de la plupart des arbres forestiers est ordinairement divisé en planches de 1 mètre 1/2 à 2 mètres de large, séparées par des sentiers de 2/3 de mètre. - Dans les localités humides, il est bon d'élever ces planches et de les bomber légèrement au-dessus du sol des allées ; - dans les lieux naturellement secs, de les abaisser au contraire un peu au-dessous.

Ces précautions prises, et le sol ayant été convenablement ameubli par les précendes labours, on unit la surface au moyen du râteau.

§ III. — Époque des semis.

Diverses graines perdent très promptement leurs propriétés germinatives lorsqu'elles ne sont pas défendues du contact immédiat de l'air et de la lumière peu de temps après l'époque de la maturité. De ce nombre sont celles de l'orme, du bouleau, du charme, du hêtre, du châtaignier, du chêne, du frêne, de l'érable. - Il est donc nécessaire de les seer ou de les stratifier le plus tôt possible.

Quand on peut semer les graines dès qu'elles sont bien mûres, on évite les embarras, de la stratification ; mais les semis présentent d'un autre côté, dans ce cas, l'inconvénient assez grave, pour certaines semences, de les laisser exposées, long-temps avant la germination, à l'influence fâcheuse de l'humidité froide et excessive de l'hiver, et surtout, lorsqu'elles offrent un certain volume, à la voracité d'une foule d'animaux. La stratification d'ailleurs, pour les espèces et dans les cas où la suppression du pivot est nécessaire, permet, comme je le dirai tout-à-l'heure, de faire cette opération sur la radicule même à une époque où, selon moi, elle offre le moins d'inconvéniens.

Dans les pépinières forestières, on stratifie : - soit en plein air : on dispose alors les graines par lits alternatifs avec du sable fin, et on les recouvre ensuite d'une couche de terre assez épaisse pour prévenir les effets de la gelée (fig. 2) ; - soit dans des pots, des terrines ou tout autres vases, en employant comme précédemment le sable, et en renfermant ces vases en un lieu protégé également contre l'excès de la chaleur et du froid, de la sécheresse et de l'humidité.

Le premier mode peut être utilisé pour de grandes quantités de graines, le second devra toujours être préféré pour de petites. Il procure seul les moyens de hâter la germination lorsque la température extérieure est assez froide pour l'empêcher au commencement du printemps, et d'avancer ainsi très-sensiblement le développement du plant pendant la première année.

Pour les graines qui ne conservent pas leurs propriétés germinatives, le moment des semis ou de la stratification varie en raison de celui de la maturité : - celles de l'orme, par exemple, tombent dans l'entier développement des feuilles. Dans le centre de la France, on peut les mettre en terre dès le mois de mai, et obtenir ainsi de jeunes arbres avant le retour de l'hiver. Divers autres végétaux sont dans un cas à peu près semblable. - Les graines des arbres forestiers de la famille des amentacées, tels que le bouleau, le charme, le hêtre, le châtaignier, le chêne, ne mûrissent qu'à la fin de l'été ou dans le courant de l'automne. - On sème le plus ordinairement les deux premières espèces ; on sème ou on stratifie les trois autres avant le moment des gelées.

Mais, pour les graines qui se conservent bonnes plus long-temps, l'époque des semis doit être en général déterminée d'après la nature du sol et la disposition particulière du climat. - Ceux d'automne sont préférables dans toutes les terres qui ne pèchent pas par un excès d'humidité, parce que la plupart des semences des grands végétaux ligneux, si elles n'ont pas été long-temps humectées, rompent difficilement leurs enveloppes, et qu'un printemps sec peut retarder les sols saturés d'eau, surtout à des expositions plus que d'autres sujettes aux froids tardifs, il est nécessaire d'attendre le printemps.

§ IV. — Manière d'effectuer les semis.

La plupart des semis des pépinières se font par planches et à la volée. - C'est le moyen le plus expéditif. - On répand les graines à la main, le plus également possible, à des distances proportionnées au développement plus ou moins considérable que doivent prendre les jeunes plants.

Pour les graines volumineuses et pour celles d'une grosseur moindre, telles que les pépins, qui ont été stratifiées et qui doivent être répandues, en partie germées, avec le sable auquel elles sont mêlées, dans le but de les espacer plus convenablement, ou afin de ménager leurs radicules naissantes, on sème en de petits rayons creusés parallèlement entre eux, à la binette ou au plantoir.

Enfin pour certains végétaux délicats, pendant leur grande jeunesse, tels que divers arbres verts, on choisit des pots ou des terrines.

Les semences d'une certaine finesse veulent être peu recouvertes. Il en est, comme celles du bouleau, de l'orme, qu'on trouve de l'avantage à abriter seulement par de la mousse.

Celles de la grosseur des semences de l'érable, du frêne, etc., peuvent être enterrées au râteau ou à la pelle, à la profondeur d'un centimètre (3 à 4 lig.) environ.

Les châtaignes, les glands doivent être de 2 à 3 centimètres (1 pouce) et plus, selon la nature du sol.

En général, il ne faut pas perdre de vue que la profondeur nécessaire pour assurer le succès du semis est, toutes choses égales d'ailleurs, moins grande dans les terres compactes que dans les terres légères et dans celles qui sont humides et froides, que dans celles qui jouissent de la propriété contraire.

Le plombage, complément des semis, consiste à comprimer légèrement le sol sur les graines, de manière qu'elles se trouvent de toutes parts en contact avec l'humidité qu'il contient. Cette opération se fait dans les pépinières, soit avec le dos d'une pelle ou la batte, qui permet de ne fouler le sol qu'autant qu'on le juge à propos, soit avec les pieds. - Pour les semis en pot, on emploie simplement le revers de la main.

Presque tous les arbres forestiers de nos climats lèvent et réussissent de préférence, pendant leur première année, à une exposition fraîche, ombragée et dans un terrain maintenu constamment un peu humide à l'époque de la germination. Lorsqu'on ne trouve pas dans les pépinières une situation qui présente naturellement ce double avantage, on cherche à en approcher le plus possible en abritant la surface du sol par une couverture légère de terreau ou de fumier de vieilles couches, qui a le double avantage de diminuer les effets de l'évaporation, et d'empêcher les pluies de batte le sol ; - en donnant quelques arrosemens, lorsque le besoin s'en fait impérieusement sentir, cas, du reste, assez rare au printemps.

Depuis le moment de la germination jusqu'à celui des repiquages, le principal soin à prendre est d'empêcher l'envahissement du terrain par les mauvaises herbes. - Quelquefois on éclaircit le plant. - On arrose, si faire se peut, après le coucher du soleil, pendant les sécheresses excessives. - On couvre de paille longue, aux approches de l'hiver, pour empêcher l'effet des premières gelées sur les tiges imparfaitement aoûtées, ou sur les racines des espèces délicates.

Section III. - Des marcottes.

§1er. - Avantages et inconvéniens.

Bien qu'on fasse un usage fréquent des marcottes dans les pépinières, on les emploie rarement en grand pour les arbres forestiers. Je viens de dire que presque tous se multiplient le plus souvent de graines, et nous verrons bientôt que, parmi ceux qui se prêtent le moins à ce mode de propagation, la plupart réussissent aussi sûrement et plus facilement de bouture. Enfin, pour les arbres fruitiers, on a recours à peu près exclusivement aux greffes.

Cependant, dans certains cas, les marcottes peuvent être utilisées concurremment avec l'un ou l'autre de ces moyens, et parfois à l'exclusion de tous les autres sur quelques arbres exotiques assez robustes pour supporter nos hivers, mais qui ne donnent pas, ou qui donnent encore rarement et en petite quantité de bonnes graines dans nos climats. - A ce double titre, nous devons nous en occuper ici.

Dans l'acception la plus étendue de ce mot, une marcotte est une tige à laquelle on fait pousser des racines ; ou une racine à laquelle on fait pousser une tige avant de la séparer de l'individu dont elle fait partie, pour la planter ensuite comme on plante les végétaux venus de semis.

§II. - Des divers marcottages.

D'après cette définition, les drageons et les rejetons sont de véritables marcottes naturelles. - Sans le secours de l'art, il est des arbres, tels que l'acacia, certains peupliers, des pruniers, le broussonétier, etc., etc., qui donnent successivement naissance à un si grand nombre de ces rejetons qu'ils envahissent bientôt à eux seuls tout un terrain. - Mais il en est d'autres qui n'en produisent ordinairement que lorsqu'ils y sont amenés par des moyens artificiels. - Leurs racines incisées, blessées sur divers points, à une petite profondeur dans le sol, se couvrent de nodosités qui donnent naissance à des bourgeons adventices, comme on le remarque fréquemment sur l'orme, le planera, l'alisier, l'aylanthe glanduleux et beaucoup d'autres.

Le marcottage simple, par butte ou en cépee (fig.3), est, après celui-ci, le plus facile, et dans beaucoup de cas le plus avantageux de tous, pour les arbres robustes qui se prêtent facilement au recépage. - Il se borne à rabattre, avant le printemps, la tige principale tout près du collet, et à recouvrir de terre le tronc ainsi mutilé. Les nombreux bourgeons qui se développent par suite de cette opération s'enracinent presque aussitôt à Leur base, et peuvent être séparés et plantés, pour la plupart, dès l'année suivante. Beaucoup de pépiniéristes recourent de préférence à ce moyen pour obtenir les sujets de cognassier qu'ils destinent à recevoir les greffes de poiriers. - On peut l'employer avec succès pour les mûriers, et notamment le mûrier multicaule ; pour le cyprès distique qui donne encore fort peu de bonnes graines en France, et qui reprendre difficilement de bouture ; pour le gincko, dont j'ai lieu de croire qu'on obtiendrait ainsi des individus mieux disposés à s'élever verticalement, et pour beaucoup d'autres arbres étrangers ou des variétés d'arbres indigènes qu'on est dans l'usage de multiplier de greffes, et dont il peut être préférable, dans certains cas, d'obtenir des individus francs de pied.

Le marcottage simple, par provins ou en archet (fig. 4), présente à peu près les mêmes avantages. Cependant il demande plus de temps et occupe plus de place sur le terrain. On l'emploie communément pour la vigne, pour regarnir les clairières des bois, et, dans les pépinières, pour remplacer, sur les végétaux d'une reprise difficile, les marcottages par cépées.

Des branches de 1 ou 2 ans, ainsi disposées, manquent rarement de s'enraciner à l'époque de la sève descendante. - Cependant il arrive parfois qu'une seule année ne suffit pas, et parfois encore on est dans l'obligation de provoquer l'émission des racines en tordant, en comprimant par des liens ou en incisant de diverses manières les portions de tiges qui doivent les produire.

Ces opérations préparatoires, dont la fig. 5 donne une idée suffisante, constituent le marcottage compliqué. - Plus de détails me feraient passer du domaine de la grande dans celui de la petite culture, et ne se rattacheraient plus, par conséquent, qu'indirectement à mon sujet.

A plus forte raison, je ne ferai qu'indiquer le marcottage qui se fait en des paniers, des pots ou autres vases, parce que le temps, les appareils et les soins qu'il exige le rendent peu propre à la multiplications de toutes autres espèces que celles dont le rareté fait le prix.

Section IV. - Des boutures.

§ Ier. - Avantages et inconvéniens.

Si les boutures ont ainsi que les marcottes l'inconvénient de diminuer progressivement la vigueur des individus et la fécondité des espèces, et si, à cet inconvénient, qui n'est pas toujours également appréciable, elles joignent celui de ne réussir que sur un certain nombre de végétaux, on doit reconnaître qu'elles ont d'un autre côté l'avantage incontestable d'offrir pour ces derniers un moyen de multiplication aussi prompt que facile et assuré.

D'après la définition la plus complète qu'on en ait donnée, la bouture est une partie de végétal qui, séparée de l'individu auquel elle appartenait, manque d'un des organes essentiels au maintien de la vie, de racines ou de bourgeons. La culture peut lui faire produire les unes et les autres.

On fait des boutures avec des tiges ou des fragmens de tiges, des feuilles et parfois même des pédoncules et des fruits; on en fait aussi avec des racines : mais les seules qui offrent de l'avantage pour la multiplication en grand des végétaux qui nous occupent ici, sont celles de la première et de la dernière sortes.

Les arbres qui réussissent le mieux par ce moyen sont ceux dont le bois est tendre, le tissu parenchimateux abondant, et l'écorce marquée plus ostensiblement de ces sortes de taches arrondies auxquelles M. De Candolle a donné le nom de lenticelles, et qu'il désigne comme autant de points marqués par la nature pour le développement des racines adventices.

On multiplie habituellement de bouture divers arbres forestiers des terrains humides, tels que les saules, les peupliers, etc., etc.

On a conseillé de bouturer aussi les arbres fruitiers, afin de les disposer à se mettre plus tôt à fruits, et de faire acquérir à la pulpe de ces derniers plus de volume et de saveur ; mais, soit difficulté d'exécution, soit force d'habitude, aucune expérience concluante n'a été faite à cet égard.

Quant aux arbres résineux, je ne pense pas qu'il y ait jamais avantage à employer pour eux un pareil mode de multiplication : non qu'on ne puisse assez bien réussir, même en pleine terre ; mais parce que, d'après la disposition particulière de leur tige, on obtiendrait rarement des individus d'une belle venue.

§ II. — Boutures des tiges.

Epoque la plus favorable. Deux conditions principales sont on peut dire indispensables au succès des boutures faites en plein air. La première, relative aux végétaux à feuilles caduques, c'est qu'ils aient achevé le cours de leur végétation annuelle ; la seconde, relative au sol, c'est qu'il soit pénétré d'une humidité suffisante. - Aussi, sauf le cas où les gelées se font sentir et où des pluies excessives rendent la terre malsaine ou d'une culture difficile, on peut bouturer depuis le milieu de l'automne jusqu'aux approches du printemps. On préfère généralement cette dernière époque.

Dans le choix du terrain , il faut nécessairement avoir égard aux habitudes propres à chaque espèce de végétal. Toutefois, comme le but qu’on se propose avant tout, est, d’une part, de faciliter la formation et l’extension des jeunes racines, et de l’autre, tant qu’elles ne sont pas encore développées, de maintenir la vie dans la bouture en l’empêchant de se dessécher faute d’eau ou par suite d’une trop grande évaporation, on doit, dans tous les cas, choisir un sol léger, un peu humide, à une exposition ombragée et abritée des vents desséchans. — Une autre considération, moins générale peut-être, mais néanmoins d’un grand intérêt, c’est que , toutes choses égales d’ailleurs, beaucoup de boutures qui manqueraient dans les localités cultivées depuis long-temps en pépinières, réussissent fort bien dans une terre neuve et renouvelée par des cultures d’un autre genre.

Préparation des boutures. On fait des boutures avec des bourgeons, c’est-à-dire du bois d’une seule année de végétation ; avec des rameaux ou du bois de deux ans ; enfin avec des branches de différens âges et de différentes grosseurs. La seconde et la troisième méthode sont préférables pour les végétaux ligneux de nos contrées.

Les boutures de rameaux s’effectuent de trois manières principales. — Elles sont simples, — à talon, — ou eh crossette.

Les boutures simples (fig. 6) sont des fragmens de rameaux de 2 à 3 décim. (8 à 10 p.) dépouillés de toutes les ramilles latérales et coupés obliquement par le gros bout.

Les boutures à talon (fig. 7) diffèrent de ces dernières, parce que, au lieu de couper le rameau sur lui-même, on laisse à sa base une partie de l’empâtement qui l’unissait à la branche, en l’éclatant avec précaution.

Dans les boutures à crossette (fig. 8), le talon est remplacé par un crochet de vieux bois de quelques centimètres (1 ou 2 p.) de long.

Les boutures simples et à talon sont le plus fréquemment employées par les pépiniéristes. — La seconde sorte offre plus de chances de succès que la première, mais elle peut avoir d’assez graves inconvéniens pour la vie des mères, en occasionant sur les branches

principales une foule de plaies irrégulières qui deviennent souvent cancéreuses.— Dans plusieurs jardins, afin d’éviter cet inconvénient on recèpe des arbres d’un certain âge de manière à les transformer en cépées, qu’on rabat ensuite périodiquement comme les taillis et qui fournissent une immense quantité de rameaux. — Les boutures en crossette se pratiquent avantageusement non seulement sur la plupart des végétaux sarmenteux et notamment les vignes, mais encore, dans le midi, sur le figuier et l’olivier.

Parmi les boutures de branches, les plus employées à la multiplication des arbres utiles sont celles en ramées et en plançons.

Les boutures en ramées sont de jeunes branches (fig. 9) garnies de tous les rameaux auxquels elles ont donné naissance. — Après les avoir couchées horizontalement dans une fosse peu profonde, on les recouvre de terre de manière que les sommités des tiges dépassent le niveau du sol de plusieurs yeux, et on les rabat sur les deux ou trois premiers. — On emploie ces sortes de ramées pour former des mères d’olivier qui donnent, pendant un grand nombre d’années, beaucoup de jeunes plants francs de pied et tout disposés à se mettre promptement à fruit. — On peut les utiliser sur le tilleul , le platane, l’osier et divers autres arbres.

Les boutures en plançons ne sont autre chose que des branches de 2 à 3 et 4 mètres (6 à 9 et 12 pieds) et plus, qui se façonnent de deux manières : — tantôt on les étête par le sommet et on supprime tous les rameaux latéraux ; — tantôt on laisse ceux de la sommité pour former la tête du nouvel arbre. — Dans l’un ou l’autre cas on amincit triangulairement la partie qui doit être fixée en terre. — 11 est des localités où l’on ne connaît pas d’autres moyens pour multiplier en place la plupart des peupliers et des saules.

Lorsque les arbres sont d’une reprise difficile, il est nécessaire de provoquer la formation d’un bourrelet par l’un des moyens que j’ai déjà indiqués pour les marcottes, fig. 5. — Le plus simple est de ligaturer la branche, vers le commencement de l’été, avec un fil de fer de manière à arrêter en partie la sève descendante au point où l’on désire obtenir des racines.

Plantation des boutures. Les boutures simples et à talon se mettent en terre au plantoir ou en des tranchées parallèles, dans lesquelles on les place à des distances et des profondeurs proportionnées à leur volume ; puis on remplit ensuite successivement chacune de ces tranchées avec la terre extraite de la tranchée suivante, de manière à laisser aux boutures deux ou trois yeux au moins à l’air libre.

Les crossettes, ainsi que les ramées, se Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, IV.djvu/21 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, IV.djvu/22 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, IV.djvu/23 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, IV.djvu/24 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, IV.djvu/25 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, IV.djvu/26 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, IV.djvu/27 Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1844, IV.djvu/28 nablement défoncé et labouré le sol. — Si l’on n’était pas trop pressé par le temps, il serait sans nul doute avantageux d’adopter un assolement de trois ou quatre ans analogue à ceux dont on fait usage sur les défrichemens et dans lesquels l’avoine et les blés alternent avec des racines alimentaires qui exigent de fréquens binages et des buttages.

Dans quelques parties de l’Angleterre, d’après Sang, lorsqu’on veut améliorer le terrain appauvri d’une pépinière, au lieu de le fumer pour lui confier directement des graines forestières, on profite de l’engrais répandu pour obtenir une première récolte de plantes potagères ou fourrageuses. On a remarqué que les fèves, les pois, les ognons, les choux, les raves et particulièrement les laitues, sont en pareils cas les meilleures cultures intercalaires. — La conséquence nécessaire de cette excellente coutume est d’interrompre de loin à loin la succession des végétaux ligneux.

Le même auteur a, je crois, entièrement raison, lorsqu’après avoir recommandé de choisir pour l’emplacement d’une pépinière de petite étendue un terrain qui puisse être partiellement et alternativement occupé par des cultures de jeunes arbres et de légumes, il ajoute que c’est un moyen à la fois sûr et profitable de faire prospérer les unes et les autres.

Dans l’état actuel de nos connaissances, il serait difficile de dire précisément quels arbres doivent se succéder de préférence, quoiqu’il soit bien démontré que tous ne réussissent pas aussi bien les uns après les autres. — Il en est, comme le chêne, qui paraissent nuire assez généralement aux cultures qui leur succèdent ; — d’autres, comme l’ormeau, qui semblent détériorer beaucoup moins le sol. — Quelques-uns réussissent assez bien, même dans les terres usées ; — quelques autres ne prospèrent au contraire que dans des terres neuves ou renouvelées, et je connais tel pépiniériste, habile observateur, qui attribue surtout à l’application suivie d’une telle remarque le succès complet de ses boutures de cognassier.

La théorie et l’observation tendent également à faire croire que, pour l’assolement des pépinières, il est avantageux,comme pour celui des champs, d’avoir égard aux rapports naturels des végétaux ; — d’éloigner le plus possible sur le même terrain le retour des mêmes espèces, des mêmes genres, des mêmes familles ; — de faire succéder les petits aux grands arbres ; — les essences à racines traçantes à d’autres essences à racines pivotantes ; — de changer successivement la destination de chaque carré, de manière que les transplantations fassent place aux repiquages, et ces derniers aux semis, etc., etc.

Du reste, cette partie de la science du pépiniériste est encore peu avancée. Je craindrais de rencontrer trop d’exceptions si je cherchais à déduire de faits épars et particuliers des principes ou trop généraux ou trop précis. Un ouvrage de pratique doit finir là où commence le doute.

Oscar Leclerc-Thouin.