Maison rustique du XIXe siècle/éd. 1844/Livre 4/ch. 24

Texte établi par Jacques Alexandre Bixiola librairie agricole (Tome troisièmep. 425-445).
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CHAPITRE XXIV. — De la boulangerie.


Sect. ire. De l’art en général en France. 
 ib.
Sect. ii. Théorie de la fabrication du pain. 
 426
Sect. iii. Des levains. 
 ib.
§ 1er. Des levains de pâte. 
 ib.
1° Préparation des levains. 
 ib.
2° Apprêt des levains. 
 ib.
§ 2. De la levure. 
 428
Sect. iv. Du pétrissage. 
 ib.
§ 1er. Délayure. 
 ib.
§ 2. Frase. 
 ib.
§ 3. Contrefrase. 
 ib.
§ 4. Bassinage. 
 429
§ 5. Du sel. 
 429
Sect. v. Des diverses sortes de pâtes, pesées, façons. 
 ib.
§ 1er. Pâtes diverses. 
 ib.
§ 2. Pesée de la pâte. 
 ib.
§ 3. Façon de la pâte. 
 430
§ 4. Pâte en pannetons. 
 ib.
Sect. vi. Du four. 
 ib.
Sect. vii. Du chauffage du four. 
 431
Sect. viii. De l’enfournement. 
 432
Sect. ix. Du défournement. 
 433
Sect. x. Des différens instrumens de la boulangerie. 
 ib.
Sect. xi. Des pains de luxe. 
 434
§ 1er. Pains de gruau. 
 ib.
§ 2. Pains à café. 
 ib.
§ 3. Pains de luxe, pâte ordinaire. 
 435
Sect. xii. Pain de munition. 
 ib.
Sect. xiii. Du biscuit. 
 ib.
Sect. xiv. Du pain de seigle. 
 436
Sect. xv. Du pain de pomme de terre. 
 ib.
Sect. xvi. Du pain de riz. 
 438
Sect. xvii. De l’introduction dans le pain de substances nuisibles. 
 ib.
§ 1er. Sulfate de cuivre. 
 439
§ 2. Alun. 
 440
§ 3. Sulfate de zinc. 
 ib.
§ 4. Carbonnate de magnésie. 
 441
§ 5. Carbonnates alcalins. 
 ib.
§ 6. Produits divers. 
 ib.
Sect. xviii. Des pétrins mécaniques. 
 ib.
§ 1er. Pétrin Fontaine. 
 442
§ 2. Pétrin David. 
 443
§ 3. Pétrin Lasgorseix. 
 ib.
§ 4. Pétrin Ferrand. 
 ib.
Sect. xix. Diverses espèces de fours. 
 444
§ 1er. Four à chauffage extérieur. 
 ib.
§ 2. Four aérotherme. 
 ib.
Sect. xx. Frais généraux d’une boulangerie à Paris. 
 445


Section Ire.De l’art en général et de sa position en France.

Quand on a cultivé les céréales, quand on a perfectionné la mouture, le but final c’est de les réduire en pain. L’art de la boulangerie est donc connue le corollaire de l’agriculture et de la meunerie. En France surtout, où la masse se nourrit principalement de pain, où, sur les petites comme sur les grandes tables, la qualité du pain est chose essentielle, la boulangerie est non-seulement un art de 1re nécessité, dont l’exercice mérite encouragement et protection, mais sa connexité est telle avec la prospérité publique que l’administration du pays a voulu le réglementer et le soumettre à un régime de surveillance tout particulier. Dans la plupart de nos grandes villes, c’est l’autorité municipale qui taxe le prix du pain ; c’est elle qui accorde ou qui refuse l’autorisation d’ouvrir un fonds de boulangerie ; c’est elle qui, la loi de 1791 à la main, vérifie le poids du pain et juge les infractions aux réglemens qu’elle a faits.

Nous n’examinerons pas si ce régime de soumission a été plus favorable au public et au développement de l’art en lui-même que la libre concurrence, les opinions à cet égard peuvent être différentes et également bien fondées ; le fait existe, la boulangerie est sous la dépendance de l’administration, et rien n’annonce, malgré les progrès que nos institutions ont faits vers les libertés de tous genres, que cet état de choses doive cesser. Néanmoins, sans chercher à enlever à l’adminisiration cette prérogative à laquelle elle tient tant et que le public aussi (il faut bien le dire, que ce soit un préjugé ou non) considère généralement comme nécessaire, on est en droit de s’étonner que le gouvernement, qui attache tant d’importance à réglementer, ail jusqu’ici montré si peu de soucis pour assurer les progrès d’un art si essentiel. Où sont, en effet, les écoles qu’il a ouvertes ? Où sont les livres spéciaux qu’il a fait publier ? Où sont les savans qu’il a appelés à scruter les mystères de cette fermentation panaire restée encore mal expliquée au milieu des progrès immenses que la chimie a faits de nos jours ? Où sont les signes de considération particulière pour des hommes qu’il tient sous un régime à part ? Allez à Paris, dans les quartiers les plus obscurs, dans les tavernes les plus dégoûtantes, c’est là que vous trouverez le personnel des garçons boulangers ! c’est là que vous verrez la misère et le vice unis à l’ignorance la plus complète ! Etrange insouciance des hommes qui gouvernent ! Faisons des vœux pour que le pain, le plus important de tous les objets alimentaires, occupe autrement que comme objet de police l’administration qui veut le conserver sous sa main. Les savans ne manquent pas au pays ; qu’elle les encourage ! qu’elle les indemnise de leurs travaux, qu’elle leur ouvre des amphithéâtres ! et l’obscurité qui règne encore sur bien des points de l’art de la panification cessera au profit de la moralité et de la santé publiques.

Section II. — Théorie de la fabrication du pain.

La farine de froment contient de l’eau, de l’amidon et du gluten dans les proportions qui sont à peu près celles-ci :

Humidité 
10  
Gluten 
10
Amidon 
73
Matière sucrée 
04
Matière albumineuse 
03
 
  100

Toutes ces parties étant délayées et assimilées, au moyen d’une certaine addition d’eau, forment une pâte qui, soumise à une température ordinaire, éprouve bientôt une véritable fermentation dont les produits sont de l’alcool, de l’acide acétique et du gaz acide carbonique qui tend à se dégager ; c’est alors que le gluten, poussé par le gaz, s’étend comme une membrane visqueuse, soutient la pâte, établit une espèce de voûte dans l’intérieur de laquelle se forme une grande quantité de petites cavités, véritable réseau qui, saisi et retenu dans cet état par la chaleur du four au moment de la cuisson, constitue la légèreté et la qualité digestive du pain.

On voit ainsi que le gluten est l’agent mécanique du pain, au moyen duquel la levée de la pâte s’opère, et l’on devine aisément pourquoi les céréales qui ne contiennent pas autant de gluten que le froment fournissent un pain plus mat, qui lève mal et se cuit mal, et pourquoi aussi la fécule de pommes de terre, qui ne contient pas de gluten, est si difficile à panifier, quoi qu’on ait tenté jusqu’ici pour activer et soutenir sa fermentation.

L’action mécanique qui constitue la levée du pain est bien constatée, mais les savans ne sont pas bien fixés sur la nature de la réaction qui se développe dans la pâte par l’état d’association où se trouvent les élémens de la farine.

On se demande s’il est nécessaire, pour devenir aptes à donner par la cuisson un pain savoureux et facile à digérer, que les élémens de la farine soient modifiés par la fermentation, ou bien s’il suffirait, pour obtenir ce pain, de développer dans la pâte, par un moyen quelconque, les gaz dont l’action expansive fait lever le pain, et si l’altération qu’on laisse développer aujourd’hui dans la pâte n’a réellement d’autre but que le dégagement de ces gaz ?

La théorie n’a pas résolu encore ce problème ; mais, tout en reconnaissant que la fermentation est aujourd’hui le seul moyen par lequel on obtient une bonne panification, on serait pourtant tenté de croire que cette fermentation n’est pas la condition obligée,et que l’action mécanique obtenue par le développement du gaz suffirait pour diviser convenablement la pâte, la rendre légère et lui permettre d’être pénétrée uniformément par la chaleur, eu un mot pour faire du bon pain[1].

Section III. — Des levains.

Que la fermentation soit nécessaire à la bonne panification ou que le dégagement du gaz suffise, toujours est-il que, dans l’état actuel de l’art, on se sert de levain pour faire lever la pâte. Sans levain la pâte fermenterait, mais ne boursoufflerait pas et le pain obtenu serait mat, pesant et de mauvaise qualité.

Cet agent est de deux sortes : le levain de pâte fermentée et la levure de bière ou ferment. Les boulangers emploient ces deux agens ensemble ou séparément, ainsi que nous le verrons par la suite.

§ 1er. — Des levains de pâte.

La préparation et le bon emploi du levain est un des points de l’art de la boulangerie qui demande le plus de soin, le plus d’intelligence et le plus d’expérience.

De la préparation des levains.

Distinguons d’abord l’apprêt du levain de ses préparations : Préparer un levain, c’est le confectionner selon les différentes sortes de pain qu’on doit faire, selon la température et selon l’espace de temps que l’on a devant soi. Un levain a son apprêt lorsque la fermentation est assez avancée pour produire son effet sur la pâte. Cet effet varie suivant que l’apprêt est plus on moins avancé. Les boulangers désignent les différens degrés d’apprêt par les noms de levain jeune et levain vieux.

Pour avoir de bon levain propre à bien faire la pâle, il faut le préparer à plusieurs fois. Les boulangers, à Paris, procèdent ainsi :

Levain de chef. A la 3e fournée, au plus tard, c’est-à-dire de minuit à 2 heures, selon l’ouvrage, ils mettent de côté un morceau de pâte de 8 à 12 livres, suivant l’importance de a cuisson. Avec cette quantité on fait ordinairement de 5 à 8 fournées de 60 pains de 4 livres. On place ce morceau de pâte dans une petite corbeille revêtue en dedans d’une toile qui se replie sur la pâte. En hiver on le pose plus près du four afin que le froid n’arrête pas sa fermentation. On le laisse reposer ainsi environ 6 à 7 heures et jusqu’à ce qu’il ait pris un volume à peu près double et qu’il offre une surface bombée et lisse ; il doit repousser légèrement la main quand on le presse, offrir encore de la ténacité et répandre une odeur spiritueuse agréable ; enfin il doit conserver sa forme et être plus léger que l’eau lorsqu’on le verse dans le pétrin. Tel est le levain de chef ; c’est la base de toutes les autres préparations de levain.

Levain de première. Sur les 8 heures du matin, c’est-à-dire environ 9 heures après avoir réparé le chef, on le renouvelle en préparant le levain de première. On commence parfaire au bout du pétrin ce qu’on appelle une fontaine ; c’est une espèce de retranchement pratiqué à une des extrémités du pétrin avec une certaine quantité de farine, laquelle est amoncelée, élevée en forme de coffre et bien foulée, afin que ce retranchement ne se rompe pas et retienne l’eau qu’on y verse. On verse dans cette fontaine la totalité de l’eau qu’on veut employer, 2 bassins (un demi-seau environ) ; on place ensuite très doucement le levain de chef au milieu ; on l’arrose en jetant de l’eau dessus avec la main ; puis on le délaie bien dans la masse d’eau versée. Ce délayage opéré, on y ajoute à peu près la moitié de la farine nécessaire pour porter le levain au double du chef ; on pétrit, puis on reprend en 2 fois l’autre moitié de farine restante et l’on pétrit encore. Ce levain se fait très ferme et demande à être travaillé avec force et vivacité ; ensuite on le roule et on le met en fontaine en tête du pétrin, en ayant soin de le couvrir d’une toile ou d’un sac. L’eau employée doit être plus ou moins chaude, selon la saison.

Levain de seconde. Vers 2 heures de l’après midi on renouvelle le levain de première en préparant le levain de seconde. On procède à ce renouvellement absolument comme pour le levain de première, c’est-à-dire en le mettant dans une fontaine ; on en double aussi le volume en coulant 3 bassins 1/2 à 4 bassins d’eau. La frase et le travail que l’on doit donner sont les mêmes que pour le levain de première ; seulement la pâte ne devra pas être tout-à-fait aussi ferme. Les bons boulangers attachent beaucoup d’importance à la bonne préparation du levain de seconde. En général, il eu est de la pâte des levains comme de celle du pain, plus elle est travaillée et plus elle acquiert de qualité.

Troisième levain ou levain de tout point. Les garçons boulangers, qui négligent parfois les levains de première et de seconde, donnent plus d’attention au levain de tout point ; c’est en effet celui qui sert immédiatement au pétrissage. Lorsque le levain de seconde est arrivé au degré convenable, c’est-à-dire vers 5 heures, 3 heures après sa confection, on le renouvelle en procédant à la préparation du levain de tout point. On opère absolument comme pour le levain de seconde, en doublant la quantité d’eau et la quantité de farine, et de telle sorte qu’il fasse le tiers de la 1re fournée, en été, et la moitié en hiver.

De l’apprêt des levains.

Ainsi que nous l’avons déjà dit, l’apprêt des levains est la conséquence de leur préparation. On ne peut guère déterminer le temps que chaque levain met à s’apprêter, c’est-à-dire à atteindre un état de fermentation tel qu’il est nécessaire, ou de le renouveler ou de l’employer à la composition de la pâte à cuire. Cet apprêt dépend des vicissitudes de l’atmosphère. Dans l’été le levain a moins besoin d’apprêt que dans l’hiver. Dans cette dernière saison on emploie plus de chef ; on coule l’eau plus chaude, on travaille la pâte moins longtemps, on la place sous des toiles sèches, enfin on excite la fermentation, tandis que, pendant l’été, on la tempère par des moyens tout opposés.

Il faut donc avoir soin de couler l’eau suivant les saisons, froide, tiède ou chaude. A Paris, le plus ordinairement, le levain de chef prend son apprêt de minuit à 8 heures du matin ; le levain de première, de 8 heures du matin à 2 heures après midi ; le levain de seconde, de 2 heures à 5 heures du soir ; et le levain de tout point, de 5 heures à 6 heures 1/2 ou 7 heures du soir.

Le levain produit sur la pâte des effets qui varient suivant que sa fermentation est plus ou moins avancée. On désigne ce degré de fermentation par les noms de levain jeune et levain vieux. On se sert encore d’une autre expression : fort levain ; mais elle se rapporte seulement à la quantité de levain qu’on introduit dans la pâte, et non pas au degré de fermentation du levain, comme quelques auteurs l’ont indiqué à tort.

Le levain jeune est plus long-temps à imprimer à la pâte le degré de fermentation convenable. Lorsque la direction de l’ouvrage le permet, l’emploi du levain jeune est favorable à la blancheur et à la qualité du pain.

Le levain vieux est celui qui a passé son apprêt, c’es-à-dire dont la fermentation est trop avancée. Il faut éviter de l’employer dans cet état ; il gâterait tout l’ouvrage. Nous indiquerons plus loin le moyen de le raccommoder, chose du reste assez difficile.

Le moyen d’avoir de bon pain, ce serait d’employer de forts levains jeunes ; mais les garçons boulangers se gardent bien, quand ils le peuvent, d’en agir ainsi, parce que ce serait pour eux un surcroît de besogne.

§ II. — De la levure.

Quelques boulangers emploient la levure de Mère comme auxiliaire à la fermentation , dans ce cas, ils ajoutent au levain de tout point une livre environ de levure ; (à Paris la levure ne s’emploie que sèche) puis, à chaque fournée, on en introduit de la même manière environ une demi-livre.

Au surplus, les diverses méthodes d’employer la levure dépendent beaucoup de la quantité de fournées que fait le boulanger, et de l’heure a laquelle il doit commencer à pétrir. Ceux qui ne cuisent, à Paris, que 5 à 6 fournées ne se servent pas généralement de levure. Nous devons dire, d’ailleurs, que l’usage de la levure est aujourd’hui presque entièrement abandonné à Paris, parce que la qualité en a été très souvent falsifiée, et qu’alors elle ne produisait plus l’effet sur lequel on devait compter. C’est précisément dans l’hiver que l’emploi de la levure serait le plus utile, et c’est à cette époque que les brasseurs en font le moins , et que, pour en fournir en quantité suffisante, ils y introduisent différentes substances , telle que la fécule de pomme de terre, par exemple, qui en neutralisent plus ou moins les effets.

Quelques boulangers ont aussi un genre de travail qu’on appelle travail sur levure, voici en quoi il consiste : A la dernière fournée, on garde un morceau de pâte de 10 à 15 livres, suivant l’importance de la cuisson. Vers une heure, c’est-à-dire à l’heure où les autres boulangers font les seconds levains, ceux qui travaillent sur levure font leur premier levain ; ils versent la quantité d’eau et de farine nécessaires pour le rendre deux fois plus fort que le chef. Ils y ajoutent une quantité proportionnelle de levure, pour achever la fermentation, de manière que, 2 heures après, on puisse procéder au levain de tout point, qui est le double du précédent, et auquel on ajoute la quantité de levure nécessaire pour pouvoir commencer à pétrir une heure après ; à chaque fournée ensuite, on ajoute une nouvelle quantité de levure proportionnée.

Cette méthode de fabrication a pour résultat de donner du pain plus léger, un peu plus blanc, plus bouffant ; mais le pain a besoin d’être mangé tendre. Il ne conserve pas sa saveur le lendemain, et, sous ce rapport, il ne convient pas dans les quartiers habités par les ouvriers, ou par des consommateurs qui par économie ne mangent que du pain de la veille.

On cite, d’ailleurs, fort peu de boulangers à Paris qui travaillent de cette manière.

Section IV — Du pétrissage.

Lorsque le levain de tout point est prêt, on procède au pétrissage. Cette opération peut se diviser en quatre temps, qu’en termes de boulangerie l’on désigne sous les noms de : 1° délayer ; 2° fraser ; 3° contre-fraser ; 4° découper et battre.

§ 1er. — Délayure.

Cette opération doit se faire promptement ; voici comme on y procède :

Le levain étant en fontaine, on verse dessus toute l’eau destinée à la fabrication de la pâte ; alors, avec les deux mains ouvertes, on presse la masse jusqu’à ce qu’elle soit bien divisée et bien dissoute. Il faut avoir soin que cette dissolution soit bien égale , et qu’il ne reste aucuns grumeaux.

§ II. — Frase.

Quand le levain est ainsi bien délayé, on tire dans cette délayure la moitié environ de la quantité de farine qui doit composer la pétrissée. On la mêle avec promptitude et sans retirer les mains du mélange, et cela jusqu’à ce que toute cette farine soit absorbée, bien séchée, bien mangée comme disent les boulangers. Ensuite on tire encore les deux tiers de la farine restante, que l’on a soin de travailler comme les premières fois de manière à la bien serrer ; puis on tire enfin le tiers restant pour finir la pâte et la rendre bien égale.

C’est de la frase bien faite que dépend le bon pétrissage.

§ III. — Contre-frase.

Lorsque la pâte a reçu assez de farine et que la frase est bien desséchée, on ratisse exactement le pétrin pour réunir toutes les pâtes et en former une seule masse, puis on contre-frase ; cette opération consiste à relever la pâte de droite à gauche, à la tête du pétrin, en la retournant en gros pâtons.

Ensuite, on découpe la pâte en dessous et en dessus et on lui donne le tour en la jetant par pâtons à l’extrémité droite du pétrin, puis on la reprend de même pour la reporter à gauche.

Le boulanger curieux de son ouvrage donne un troisième tour et bat sa pâte ; c’est fourrer les deux mains dans la pâte, l’empoigner, la soulever, la plier sur elle-même, puis la tirer et la laisser tomber avec effort. On jette les parties de la pâte battue sur celles qui le sont déjà, cette opération est favorable au développement de la pâte, en y facilitant l’introduction de l’air.

Quand cette opération est terminée, on ratisse encore exactement son pétrin, puis on relire la moitié de toute la pâte, et on la met dans une corbeille pour servir de levain à la fournée suivante.

On sépare ensuite le pétrin, au moyen d’une planche, en 2 compartimens que l’on nomme fontaines. La 1re, en tête du pétrin, à la gauche du pétrisseur, dans laquelle on place la partie de pâte qu’on a retirée pour servir de levain, et la 2e, au quart du pétrin, à droite du pétrisseur, où l’on place la partie de pâte destinée à la fournée, pour de là être pesée et tournée.

§ IV. — Bassinage.

L’opération du bassinage a pour but de faire absorber à la pâte une plus grande quantité d’eau.

Quelquefois on l’emploie pour arrêter la fermentation ; elle a la propriété de décharger le levain et de rafraîchir la pâte.

Pour procéder au bassinage, on jette de l’eau sur la pâte, en ayant soin delà découper en dessus, puis on lui donne plusieurs tours.

Le bassinage est une excellente opération dont les garçons boulangers sont fort avares, parce qu’elle augmente leur peine. Les pétrins mécaniques doitent en faire adopter l’usage en la rendant moins pénible.

§ V. — Du sel.

A Paris, la boulangerie emploie du sel dans le pétrissage, moins pour donner du goût à la pâte, que pour lui donner ce qu’on appelle du soutien. Le sel a aussi la propriété de retarder la fermentation. Les boulangers ont remarqué que, plus on faisait les pâtes douces, plus l’emploi du sel était nécessaire ; avec des pâtes fermes, on pourrait à la rigueur s’en passer.

Le mieux, pour employer le sel, serait de le faire dissoudre dans l’eau destinée à être coulée sur le levain, mais les garçons boulangers n’ont pas cette précaution, et le jettent par poignée sur le levain avant de couler l’eau ; il est juste de dire que le sel, à la grosseur ordinaire, a le temps suffisant de fondre pendant l’action du délayage des levains.

La quantité de sel employé par les boulangers de Paris est d’à peu près une livre par sac de farine de 159 kil.

En Provence, en Languedoc et dans presque tout le midi de la France, ainsi qu’en Espagne et en Italie, on en emploie des doses bien plus fortes. En Angleterre, on met par sac de farine du poids de 12.5 kil. jusqu’à 2 kil. de sel, et quelquefois moitié sel et moitié alun.

Le boulanger doit avoir soin aussi de s’assurer si le sel qu’on lui fournit n’est pas falsifié.

Nous reviendrons, dans un chapitre spécial, sur les différentes substances qu’on a cherché à introduire dans le pain, et sur les effets qu’elles ont produits.

Section V. — Des diverses sortes de pâte, de leur pesée et de leurs façons.
§ 1er. — Pâtes diyerses.

La boulangerie de Paris distingue trois sortes de pâtes : — Pâte ferme. — Pâte bâtarde. — Pâte douce.

Pour la pâte ferme, on coule la même quantité d’eau que pour les autres sortes, mais il y entre proportionnellement plus de farine. Le boulanger qui emploie ce genre de pâte prétend avec raison qu’elle fait moins de déchet au four, que le pain a plus de saveur, plus de vertu nutritive, et qu’il se conserve mieux rassis.

Dans les pâtes douces, au contraire, il entre moins de farine ; aussi a-t-on le soin de les travailler davantage, ce qui est un inconvénient pour les garçons boulangers qui évitent, en général, les occasions de se donner de la peine. Il est vrai de dire que la pâte douce exige moins de temps pour cuire que la pâte ferme, mais aussi elle demande plus de soins et de surveillance de la part du boulanger ; car, si elle n’est pas prise dans son apprêt, elle éprouve au four une évaporation qui ne permet plus au boulanger de retrouver son poids.

La pâte bâtarde ainsi que l’indique son nom, tient le milieu entre les deux premières. C’est le genre de pâte le plus employé à Paris, et qui convient le mieux à la confection des diverses formes de pains qui y sont en usage.

§ II. — De la pesée de la pâte.

Lorsque la pâte est pétrie et mise en fontaine, on procède à sa division en morceaux plus ou moins gros, suivant la grosseur des pains qu’on veut fabriquer. Cette opération doit être soumise à des règles fixes et telles qu’après la cuisson qui détermine, par l’évaporation d’une partie de l’eau que la pâte contient, une déperdition au four, le pain conserve le poids fixé par les réglemens.

Cette tare varie néanmoins selon la fermeté des pâtes. Ainsi, avec des pâtes fermes, 25 décagrammes (8 onces) de tare sont nécessaires pour des pains de 2 kilog. ; tandis que pour des pains de même poids, mais de pâte douce, on est obligé quelquefois de mettre un excédant de poids de 31 à 34 décagr. (10 à 11 onces). Les pâtes bâtardes les plus ordinaires à Paris exigent de 28 à 30 décagr. (9 onces à 9 onces 1/2) pour les pains dits courts, forme la plus généralement adoptée à Paris, lesquels ont environ 16 po. de longueur.

La forme du pain influe beaucoup sur sa déperdition au four. En général, plus les pains sont en croûte plus ils perdent de leur poids ; plus le volume du pain est petit, plus aussi l’évaporation est grande.

Les boulangers appellent petit poids la tare mise dans la balance au moment du pesage de la pâte.

Il serait trop long de détailler ici les circonstances qui influent plus ou moins sur l’évaporation de la pâte ; voici à peu près les proportions généralement adoptées :

Pour des pains ronds de 6 kilogr., 61 décagr. (1 livre 1/4).
Pour ceux de 4 kilogr., 49 décagr. (1 livre).
Pour ceux de 3 kilogr., 43 décagr. (14 onces).
Pour ceux de 2 kilogr., 28 décagr. (9 onces).

Pour ceux de 1 kilogr., 18 à 19 décagr. (6 onces).

§ III. — De la façon de la pâte ou de la tourne des pains.

Dès que le peseur quitte la pâte, il la jette au façonneur qui, de suite, la soulève d’une main et la foule de l’autre ; il l’étend, la represse sur elle-même, l’assemble, la tourne en rond, pour lui donner la forme qu’il désire, puis la saupoudre légèrement de farine pour qu’elle ne s’attache ni au pétrin ni aux mains.

Quand on fait plusieurs espèces de pains dans la même fournée, on tourne toujours les plus gros pains les derniers.

Tourner le pain est une opération facile pour les pains ronds, mais elle exige du savoir-faire pour les pains fendus ou à grigne.

Chaque ouvrier prétend avoir une manière à lui pour faire fendre le pain à grigne. A Paris, les grignes manquent peu, parce qu’en général on travaille sur levains jeunes et sur des farines de bonne qualité ; mais dans beaucoup de localités, où l’ouvrage est moins fort, moins bien suivi et les levains plus négligés, 1 la grigne est presque toujours nulle. Le pain aloi’s est ce qu’on appelle grincheux.

Voici la forme des pains les plus ordinaires à Paris :

Pains fendus (fig. 493). Ces pains se distinguent en pains courts et demi-longs ; ils se tournent de la même manière. « Pour les mouler, dit le Guide du Boulanger, on relève les extrémités de la pâte deux fois en serrant ces extrémités ensemble et par-dessus ; puis on retourne sens dessus-dessous, de manière que la moulure se trouve dessous et la partie la plus lisse dessus. On commence à fendre avec le talon de la main ; on appuie fortement le bras dessus ; on prend le derrière du pain à deux mains en le tirant à soi, de manière que la moulure se retrouve dessus et la fente dessous ; on l’empoigne par les deux bouts pour l’enlever et la poser dans le panneton, de manière qu’en le jetant sur la pelle pour mettre au four la grigne se trouve en dessus (fig. 494).

Fig. 493. Fig. 494.

« Pain sans grigne ou à grignon. Il se tourne comme le pain à grigne, avec la différence seulement que la fente se met sur le côté.

« Pain rondins. Ce pain est le plus souvent demi-long ; il n’est pas fendu.

« Pain rond (fig. 495, 496 et 497).On empoigne à deux mains le morceau de pâte destiné à former un pain rond ; on le saupoudre de farine ; ou appose la main droite dessus ; on relève de la main gauche les parties extérieures, toujours en les retirant et les serrant de la main droite. Après, on le jette dans le panneton, la moulure en dessous. Dans ce cas on ne peut pas, lors de l’enfournement, le renverser sur la pelle, il faut le faire sauter en mettant la moulure en dessus ; on verse alors sur la pelle. Cette manière est plus facile.

Fig. 495. Fig. 497. Fig. 496.

§ IV. — De la pâte en pannetons.

La pâte, pesée et tournée, se met dans des pannetons ; c’est là qu’elle fermente et prend son apprêt avant d’être mise au four.

On ne peut guère déterminer le temps qu’il faut pour l’apprêt de la pâte ; c’est la saison, le volume et l’espèce de pain, la température du fournil et les entraves qu’on oppose ou les facilités qu’on apporte à la fermentation qui doivent servir de règle.

Section VI. — Du four.

Fig. 498.

Forme du four. La grandeur des fours varie mais la forme est assez constante ; elle ressemble ordinairement à une poire, à un œuf, fig.498 ; l’expérience jusqu’à présent a prouvé que cette forme était la plus avantageuse et la plus économique, pour concentrer, conserver et communiquer de toutes parts la chaleur nécessaire. C’est un hémisphère creux aplati, dans lequel on distingue plusieurs parties : l’âtre, la voûte, le dôme ou la chapelle, la bouche ou entrée, l’autel, les ouras, enfin le dessus et le dessous du four

Dimensions. La grandeur du four est relative à la quantité de pain qu’on veut fabriquer. A Paris, la plus grande dimension des fours est de 3 mèt. 1/2 (10 à 11 pi.), la plus petite de 3 mèt. (9 pi.) de largeur sur 33 à 50 centimèt. (1 pi. à 1 pi. 1/2) de hauteur. Le four de ménage a ordinairement 2 mèt. (6 pi.) de largeur sur 42 centimèt. (16 po.) de hauteur.

Atre. L’âtre ou plancher du four doit être de niveau sur la largeur, mais sur une profondeur de 11 pi. ou doit le tenir élevé d’un pouce et demi de plus dans le fond qu’à la bouche. On se sert pour le dallage de l’être de carreaux de 8 po. de large et de 4 po. d’épaisseur ; ceux du sieur Jomeau, rue Bourtibourg n° 24, à Paris, sont ceux qu’on emploie de préférence.

Chapelle. La chapelle ou voûte doit être la plus basse possible ; pluselle est près del’àtre, plus le four est tendre à chauffer. Quelques constructeurs ne mettent que de 11 a 12 po. de distance entre l’âtre et la chapelle. Elle doit dans tous les cas suivre très exactement la pente de l’âtre et se trouver partout à égale distance. Pour la construction de la chapelle on emploie une brique faite exprès qu’on appelle planchette, et qui est environ de la même longueur et delà moitié d’épaisseur d’une brique ordinaire. Les meilleures sont celles de Bourgogne.

Ouras. Pour aider à la combustion du bois, on ménage à peu près aux deux tiers de la profondeur du four, et à 18 po. de chaque paroi latérale, 2 conduits nommés ouras, qui passent sur la voûte même du four et viennent aboutir dans la cheminée au-dessus et de chaque côté de la bouche. Aujourd’hui on place ans le four 3 ouras savoir : 2 à l’extrémité du four sur les côtés, et le 3e au centre de la chapelle, à 4 pi. environ de la bouche. Le but de cette innovation est de rendre encore plus facile la combustion.

En effet, quand le bois est allumé, on ferme une trappe ou registre qui bouche hermétiquement la cheminée au-dessous des ouras. Par ce moyen, la flamme et la fumée sortent par les ouras, et le tirage est tellement fort que la flamme du bois placé sur la bouche même du four est attirée jusque dans le fond par l’effet des ouras. Il résulte de cette combinaison un autre avantage, c’est que le four ne peut plus tirer la langue et par conséquent la flamme se détacher et mettre le feu à la suie de la cheminée comme cela arrivait assez fréquemment.

Bouche ou entrée. La largeur de la bouche est proportionnée à la grandeur du four ; celle des fours ordinaires de Paris a 27 po. environ. Il est très essentiel que cette entrée soit garnie d’un bouchoir qui ferme très hermétiquement. Ce bouchoir est une forte plaque de fonte bien ajustée dans une feuillure qu’on tient aussi longue que possible pour que la chaleur s’échappe moins. Une mauvaise fermeture laisserait échapper la vapeur que produit la cuisson, vapeur qu’on appelle buée et qui, lorsqu’elle est concentrée, retombe sur le pain, lui conserve son poids et lui donne la couleur et le goût de noisette qui le rend si agréable. Si cette buée sortait du four, il y aurait diminution dans le poids et dans la qualité du pain.

Autel. C’est la tablette sur laquelle pose le bouchoir lorsque le four est ouvert. Cette tablette est faite en pierre de taille ; elle a environ 9 po. de longueur.

Dessus du four. C’est pour la plupart du temps une place perdue pour le boulanger, qui pourrait l’utiliser pour le chauffage de l’eau ou pour sécher le bois ; mais toutes les localités ne permettent pas d’en tirer ce parti.

Dessous du four. On ménageait ordinairement dessous le four une voûte qui servait à mettre le bois pour le faire sécher ; mais quelque épaisseur que l’on donnât à cette voûte, il en résultait toujours une grande déperdition de chaleur. Maintenant les boulangers, quand la localité le permet, suppriment cette excavation ; le dessous de leur four est entièrement plein.

Chaudière. On la place ordinairement dans le massif du four, et l’on obtient ainsi, sans frais, de l’eau constamment chaude. Elle est placée à une hauteur convenable pour qu’au moyen d’un robinet on puisse la verser dans les seaux et la porter au pétrin.

Détail de la figure. A, plan du four ; B, Bouche ; C, autel ; D, conduit pour introduire les cendres chaudes sous la chaudière ; E, chaudière ; F, cheminée de la chaudière correspondant dans la cheminée du four ; G, porte pour faire du feu sous la chaudière.

Section VII. — Du chauffage du four.

A Paris on met le feu au four quand on commence à tourner la 1re fournée.

Toutes les matières combustibles peuvent servir à chauffer le four, pourvu qu’elles donnent une flamme claire et vive pour échauffer la chapelle et qu’elles fassent aussi de la braise pour échauffer l’âtre.

Le bois est le combustible que jusqu’ici on a préféré ; il ne faut pas qu’il soit trop vert ni trop sec ; il faut choisir celui qui flambe aisément et long-temps, et qui n’est pas sujet à noircir. De tous les bois c’est celui de hêtre qui est le meilleur ; mais il est généralement cher et les boulangers de Paris achètent de préférence du bois de bouleau ou des bois de sapin provenant de la démolition des bateaux ; mais l’usage de ce bois de bateaux n’est pas très répandu ; on lui reproche de dégrader les fours, parce que, ordinairement, ces bois sont garnis de chevilles et de clous ; la braise qui en provient est aussi moins bonne que celle du bouleau.

Il est essentiel de ne point employer de bois peints pour le chauffage du four, ils pourraient communiquer à la pâte leurs propriétés malfaisantes.

Il ne suffit pas pour chauffer un four d’y jeter du bois et de l’y laisser consumer ; il faut que ce bois soit arrangé de manière à répandre la chaleur également dans toutes les parties du four.

On distingue dans le four la chapelle, le fond, la bouche et les 2 côtés qu’on nomme les quartiers. Il faut que toutes ces parties soient également chauffées.

« Pour commencer le chauffage, dit le Manuel du Boulanger, on choisit une bûche tortueuse et on la place au fond du four ; on la prend tortueuse parce que, devant servir d’appui aux autres, il ne faut pas qu’elle porte de toutes ses parties sur l’âtre, autrement la flamme ne pourrait circuler tout autour. Sur cette 1re bûche on en place 2 autres que l’on croise par les bouts, et sur le milieu de ces dernières, on en met 2 autres disposées de manière que leurs extrémités aboutissent dans les 2 côtés du four. Le bois ainsi arrangé se nomme la charge ; on y met le feu avec un tison enflammé qu’on place à l’endroit qui occupe le fond du four vis-à-vis de la bouche. Quand une partie du bois qui sert de soutien est converti en braise on tire cette braise avec le rouabe, de manière à la placer en tas sur les rives du four. Ainsi amoncelée cette braise se conserve ; autrement elle se consumerait.

« Pour chauffer les autres parties du four, on fait une seconde charge, qu’on appelle charge à bouche, à la distance d’environ un tiers de sa profondeur, et on forme le foyer en plaçant une bûche en travers et 6 à 7 autres bûches fendues en long , par-dessus. Quand cette charge est aux deux tiers brûlée, avec le petit rouable on l’approche de la bouche afin de chauffer cette partie du four, qui est toujours celle où il se fait le plus de déperdition de chaleur.

« Pour les autres fournées on opère de la même manière ; seulement on emploie du bois plus menu et en moindre quantité.

« On juge ordinairement qu’un four est chaud quand la chapelle est blanchâtre. Comme ce signe n’est pas toujours certain, nous ne le donnerons pas pour règle positive, et nous renverrons encore aux conditions de localité, à la position du four, à la quantité et à l’espèce de pâte, à sa forme et à son volume, et surtout à l’expérience.

« Dans tous les cas, il vaut mieux que le four attende après la pâte que la pâte après le four, parce qu’on peut avec quelques morceaux de bois seulement entretenir la chaleur du four, et qu’il y a de grands inconvéniens à suspendre ou arrêter l’apprêt de la pâte.»

Le Guide du Boulanger, par Vaury, présente le tableau suivant de la règle du chauffage.

Coterets de bouleau de 19 po. de tour sur 2 pi. de long. 1re fournée. 2e fournée. 3e. 4e.
1re charge du four et autour 19 coterets. Le bois brûlé on tire la braise. Charge de bouche à 2 pieds du bouchoir, 3 coteret Casser le bois de la grosseur de 4 pouces de tour ; 4 morceaux chaque tas ; 7 tas tout autour du four ; 3 tas à bouchure. id. id.
La consommation du bois n’est pas une charge tout entière pour le boulanger, qui retire une grande partie de la valeur de ce bois par la vente de la braise. On estime que pour une cuisson on 6 fournées on consomme 10/30es de voie de bois qui, calculée à raison de 29 fr. 50 c. rendue dans le magasin du boulanger, donne pour la consommation de 5 fournées 
 9 fr. 83 c.
Une voie de bois brûlé produit 34 boisseaux de braise qui se vend, taux moyen, 40 c. le boisseau, soit pour 10/30es 
 4     53    
—————
Différence par jour 
 5     30    

Soit, par an, 1934 fr. 50 c, somme à laquelle s’élèverait la dépense réelle du bois, pour un boulanger cuisant à Paris 6 fournées de pain par jour.

C’est à tort qu’on a prétendu que le boulanger payait entièrement son bois avec le produit de la biaise. Dans les quartiers où le boisseau de braise se vend plus cher que 40 c., les loyers sont aussi plus considérables ; il serait injuste de calculer autrement que nous ne l’avons fait.

Section VIII. — De l’enfournement et du temps que le pain doit rester au four.

Lorsque le four est chauffé au degré voulu, que la braise est tirée hors du four, le geindre l’écouvillonne et commence l’enfournement du pain. A cet effet, on a placé sur un des côtés le porte-allume afin d’éclairer le four. L’ouvrage doit être combiné de manière que le four se trouve chaud au moment où le pain a pris assez d’apprêt pour être enfourné.

L’enfournement doit s’opérer d’abord par les plus gros pains et ensuite par les plus petits. On place les pains en rangées droites du fond à la bouche, en ayant soin qu’ils se touchent légèrement afin qu’ils ne perdent pas leur forme ; puis on continue l’enfournement par équerre. On arrive ainsi à la place où a été posé le porte-allume, que l’on reporte d’un autre côté et qu’on enlève ensuite lorsque les pains arrivent à la bouche. Alors on ferme le four ; mais on a soin de l’ouvrir 20 minutes après pour s’assurer comment va la cuisson et si le pain prend de la couleur.

Dès que le pain est mis au four la pâte se gonfle, le gaz se dégage, l’air qu’elle contient se dilate et c’est ainsi que se forment dans l’intérieur du pain les cavités qui indiquent que la pâte a été bien travaillée. C’est à la couleur que la croûte acquiert que l’on juge du temps qu’il faut que le pain reste au four. Ce temps ne peut être fixé d’une manière absolue, il dépend de la grosseur des pains et de la nature de la pâte ; mais en général on estime que les pains de 2 kilog. doivent rester au four 35 minutes, et ceux de 4 kilogr. de 50 à 60 minutes.

Parmentier fixe ainsi quelques signes auxquels on reconnaît la cuisson.

1° En ouvrant le four on en voit sortir une vapeur humide qui se dissipe progressivement.
2° La surface du pain doit avoir contracté une couleur jaune brunâtre.
3° En frappant le dessous du pain avec le bout du doigt, il doit bien résonner.

Ces signes caractéristiques annoncent qu’il est temps de défourner le pain.

Section IX. — Du défournement.

On commence toujours par tirer du four le pain le plus cuit ; comme on a soin de placer au fond les pains les plus gros et à la bouche les plus petits, ceux-ci , exigeant pour cuire moins de temps que les autres, se retirent tout naturellement les premiers ; mais lorsque la fournée est composée de pain d’égale grosseur, on les tire du four dans le même ordre qu’on les y a introduits, en commençant par le côté par lequel on a commencé à enfourner.

Pour cette opération on déplace d’abord plusieurs pains de la bouche que l’on met au fond, ou à la rive droite, afin d’avoir un passage facile pour arriver aux pains qui occupent le 1er quartier où l’on a commencé l’enfournement ; quand il y en a assez de retirés, on avance le porte-allume pour éclairer cette partie du four et pour y placer les pains posés d’abord à la bouche.

Cette opération dure ordinairement 10 à 15 minutes pour un four de 10 à 11 pieds de surface intérieure, selon l’habileté du brigadier.

A mesure qu’on tire les pains du four, on les place dans des paniers avec ménagement les uns contre les autres ; si on n’avait pas cette précaution, les pains tendres et chauds se déformeraient.

Il faut aussi éviter de retirer du pain du four sans être assuré de sa cuisson ; car, remis au four, il perd sa couleur vive, sa croûte se ride et n’est plus légère ; il est donc essentiel de ne défourner qu’a propos.

Section X. — Des différens instrumens de la boulangerie.

Allume et porte-allume. On donne le nom d’allumé a de petits morceaux de bois bien sec et fendu longitudinalement, nue l’on allume pour éclairer le four pendant qu’on défourne les pains. Le porte-allume est une espèce de caisse de tôle de 1 pied de long sur 6 pouces de large et 3 de hauteur ; à la surface sont plusieurs traverses sur lesquelles pose l’allume qui, à l’instant qu’elle se consume, dépose sa braise et sa cendre dans la boite inférieure. Le porte-allume se dirige avec la pelle dans tous les endroits du four qui doivent être éclairés.

Bassin. Vase de fer-blanc ou de bois , de forme ronde, garni d’une anse de fer ; il sert à mesurer l’eau ; sa capacité est d’environ 10 pouces de diamètre sur 8 de hauteur. Il contient 1/4 de seau, ou 4 litres.

Chaudière. La chaudière est destinée à chauffer l’eau pour pétrir ; sa grandeur est relative à la quantité de pâle qu’on emploie. On la construit ordinairement dans une des parois du four. Ces chaudières doivent être en cuivre étamé, plus larges que profondes, et garnies d’un robinet a l’extrémité inférieure.

L’autorité exige qu’elles soient toujours tenues dans un état complet de propreté, et qu’elles soient à cet effet fermées d’un couvercle en cuivre étamé.

Pétrin. Le pétrin ou huche doit être fait de bois dur, et le moins poreux possible. M. Parmentier veut que sa forme soit demi-cylindrique, mais nous n’en connaissons pas à Paris qui soient construits ainsi. La forme à peu près générale est celle d’une auge plus étroite à sa partie inférieure qu’à son ouverture ; sa longueur est ordinairement de 12 pi. sur 2 pi. à 2 pi. 1/2 de largeur dans le haut, et de 18 à 20 po. dans le fond.

Les bouts se distinguent dans la pratique en tête et queue. La tête est à gauche du pétrisseur, la queue à main droite.

Le pétrin est garni de 2 planches qui se posent transversalement de bas en haut et qui servent de cloisons mobiles ; l’une est pour tenir en tète les levains en fontaine ; l’autre les pâtes en queue avant et pendant la pesée.

Nous parlerons plus loin des pétrins mécaniques.

Coupe-Pate. Plaque de fer poli, munie d’une douille en bois et destinée tant à enlever la pâte qui adhère aux parois du pétrin ainsi qu’aux mains, qu’à découper la pâte et à la diviser par parties lorsqu’on la tourne.

Corbeilles (fig. 499 et 500). Elles servent à porter la farine au pétrin et à mettre les levains ; elles sont garnies d’une toile à l’intérieur. Fig. 499. Fig. 500.

Couche. La couche est une armoire garnie de 5 à 6 tiroirs placés les uns au-dessus des autres. Lorsque la pâte est tournée on la place dans ces tiroirs, en commençant par ceux du bas, sur des oiles plus ou moins longues et plus ou moins larges que l’on nomme aussi couches.

Dans cette espèce d’armoire la pâte conserve mieux sa chaleur en hiver ; ce moyen fait aussi gagner un peu de place dans les fournils qui sont souvent de trop petite dimension. L’usage des couches est aujourd’hui presque totalement abandonné à Paris.

Écouvillon. Longue perche à l’extrémité de laquelle sont adaptés des morceaux de grosse toile qu’on mouille dans un baquet rempli d’eau et avec lesquels on nettoie le four et principalement l’âtre dès qu’on en a enlevé les cendres.

Etouffoir. Grand cylindre vertical en tôle, de 3 à 4 pi. de hauteur sur 2 à 2 1/2 de diamètre, hermétiquement terme par un couvercle de même métal, et muni de 2 anses pour le rendre plus facile à transporter. C’est dans ce cylindre que l’on dépose la braise pour l’éteindre.

Fourgon (fig. 501 et 502). Longue perche terminée à la plus grosse extrémité par une tige de fer aplatie, longue et étroite, servant à remuer le bois en combustion et à le pousser vers les parties diverses du four.

Grattoir. Instrument en fer propre à ratisser les angles du pétrin.

Fig. 501.

Fig. 502.

Pannetons. Petites corbeilles en osier, de grandeurs et de formes diverses, garnies intérieurement de toiles dans lesquelles on dépose la pâte lorsqu’elle est pesée et touirnée, et où on la laisse fermenter et s’apprêter jusqu’au moment de l’enfournement.

Pelles (fig. 503, 504 et 505). Les pelles sont de bois et de fer ; leur largeur et leur longueur varient suivant le volume et la forme des pains et suivant les endroits du four où il s’agit de les placer. Il faut que les pelles soient solides, légères et flexibles.

Fig. 505. Fig. 504. Fig. 503.

Le Pelleton doit être dans une proportion égale avec le manche et relative à la grandeur du pain qu’on enfourne.

Les Pelles a braise sont en fer ; elles servent à tirer la braise du four et à la vider dans l’étouffoir.

Rouabes. C’est un grand crochet en fer attaché à un long manche ; il sert à ramasser la braise et à la tirer du fond à l’entrée du four. On a de grands et petits rouabes ; leur usage est absolument le même ; ils ne diffèrent que par la longueur du manche.

Section XI. — Des pains de luxe.

On appelle en boulangerie pains de luxe ceux qui ne sont pas soumis à la taxe, ni pour le poids ni pour le prix. Ces pains diffèrent entre eux, soit par la forme, soit par la manière d’en travailler la pâte. Cette dernière distinction est la seule à laquelle nous devions attacher quelque importance.

§ 1er. — Pains de gruau.

On désigne sous le nom générique de pain de gruau tous ceux qui sont confectionnés avec les farines dites de gruaux sassés, et qui par conséquent ont une blancheur bien plus grande que les pains de farine ordinaire. Ces pains garnissent aujourd’hui toutes les bonnes tables et tous les restaurans de Paris.

Les boulangers les travaillent de 2 manières, suivant la quantité qu’ils débitent.

Celui qui n’en a qu’un faible débit est obligé de les faire sur levain artificiel, lequel se prépare ainsi : Vers les 3 à 4 heures du matin, assez généralement, au moment où la 4e fournée est finie de pétrir, on délaie dans 1 litre d’eau 1/4 de livre de levure. Quand ce délayage est opéré, on y introduit 3 ou 4 livres de farine de gruau sassé, puis on pétrit le tout. On y ajoute aussitôt le même poids en pâte prise sur la fournée qu’on vient de pétrir ; on laisse reposer ce 1er levain environ 1 heure. Au bout de ce temps, on coule 3 ou 4 litres d’eau auxquels on ajoute 1 once de sel environ et 12 à 15 livres de farine de gruau, et l’on pétrit le tout de manière à faire une bonne pâte bâtarde. La quantité d’eau, de levure et de bière que nous venons d’indiquer n’est là que comme proportion, qu’il faudrait augmenter ou diminuer selon le débit.

Dans les maisons où la consommation est assez importante, on opère à peu près comme pour le pain ordinaire. On a un levain exprès, qu’on rafraîchit 2 fois seulement. Les proportions de ce levain sont environ les mêmes que pour la panification ordinaire. Ce mode e travail est toujours plus sûr que celui sur levain artificiel. Dans ce dernier cas, il arrive fréquemment, à moins des soins qu’il est presque impossible d’exiger des ouvriers, que la température agit sur le levain, pousse trop à son apprêt, et que la qualité et la saveur du pain en sont altérées.

§ II. — Pains à café.

Tous les boulangers de Paris font des pams à café en plus ou moins grande quantité. Ce pain se pétrit de 2 manières, sur levain artificiel ou sur bassinage. Dans le {{1er} cas, on opère comme nous l’avons détaillé pour le pain de gruau ; dans le 2e on agit comme il suit :

A la 4e ou à la 5e fournée, au moment où la pétrissée est terminée et qu elle est en fontaine, on prend dans le pétrin la quantité de pâte nécessaire pour faire le nombre de pains dont on a besoin. On fait un trou au milieu de cette pâte ; on verse de l’eau plus ou moins tiède, suivant la saison, et en quantité suffisante pour réduire le tout à l’état de pâte mollette ; on délaie dans celte eau la levure, aussi en quantité suffisante ; puis on découpe la pâte pendant 5 ou 6 minutes ; ensuite on la bat bien, on la souffle en enfonçant les mains dessous, en l’élevant et la lais.sant retomber avec force sans quitter les mains et de manière à permettre à l’air de s’introduire, de sécher la pâte et de la rendre plus légère. Ces sortes de pâtes s’appellent pâtes douces. Les bons faiseurs prétendent qu’une bonne pâte douce doit pouvoir se couler en bouteille tout en conservant la consistance nécessaire. La qualité du pain mollet dépend beaucoup du travail que l’on donne à la pâte.

Quelques boulangers fabriquent leur pain à café avec des farines de gruaux de qualité secondaire. Dans ce cas ils ne peuvent opérer que sur levain artificiel et leur pâte veut être tenue moins douce.

Les maisons qui ont un débit important de pains de gruau de 1e ou de 2e blancheur, opèrent au moyen du bassinage, sur la même pâte que celle qui sert à la confection de ces pains de gruau.

C’est avec la pâte du pain à café que l’on fait les pains mollets de tous poids et aussi les pains dits de soupe. Ces derniers, extrêmement minces et allongés, sont tout en croûte lorsqu’ils sont cuits.

§ III. — Pains de luxe, pâte ordinaire.

Les pains de luxe, dits navette, flûte crevée, pains de tète, etc., se font avec de la pâle ordinaire sans travail particulier ; seulement quelques boulangers ont soin de mettre à l’air la quantité de pâte nécessaire pour ces sortes de pains, afin qu’elle n’ait pas trop d’apprêt au moment de la tourner.

Les bonaparte, pain rond, giberne, artichaut se font aussi de même pâte, mais beaucoup plus ferme.

Section XII. — Pain de munition.

Passer du pain de luxe au pain de munition, c’est passer d’une extrémité à l’autre ; car le pain que l’on donne au soldat est certainement le plus mauvais qui se fabrique en France. Dans les fermes où l’on n’emploie ordinairement pour la confection du pain que des blés de 2e qualité, une sorte de criblure que les batteurs désignent sous le nom de gorges, le pain est infiniment supérieur au pain de munition.

Cependant, l’administration a des réglemens qui prescrivent de ne mélanger dans les blés destinés à la confection du pain de munition ni seigle, ni orge ; de moudre à 10 livres d’extraction, c’est-à-dire sur un quint, met. de blé (100 kilogr.) de retirer 10 kilogr. de son el de mélanger tout le reste pour la manutention du pain. Quelles sont donc les causes auxquelles il faut attribuer la mauvaise qualité du pain de munition ?

1° A certains abus auxquels, avec une surveillance sévère, on pourrait remédier.
2° Au défaut de nettoyage suffisant des blés que les agens comptables mettent en mouture.
3° A la mauvaise manipulation de la pâte.
4° A sa mauvaise cuisson.

Ces abus, on n’y remédiera pas tant qu’on n’exigera pas pour le pain un type de blancheur.

La mauvaise manipulation et la mauvaise cuisson, tant qu’on n’exigera pas que les pains soient bien cuits.

La mauvaise qualité sous tous les rapports, tant que les blés ne seront pas soumis à un mode d’épuration uniforme qui, tout en permettant à la Guerre d’employer des blés de toutes qualités et de ménager ainsi les intérêts du trésor, préserve l’armée des affections intestinales qui conduisent, à certaines époques, des régimens entiers à l’hôpital, et assure enfin aux soldats une nourriture agréable et saine.

Ainsi, dans les années où le blé noir (blé noirci par la carie) est abondant, du mauvais nettoyage préalable que l’on fait subir aux grains résulte nécessairement une farine noircie et contenant des principes vénéneux que la cuisson du pain ne détruit pas et qui attaquent la santé des soldats.

Quelques frais de plus dans l’épuration des blés et la confection du pain de munition seraient plus que compensés par les économies que l’on ferait sur les frais d’hôpital[2]

A Paris, par exception, le pain de munition se fabrique avec un assortiment de farine ainsi composé :

Deux cinquièmes farine dite deuxième : ce sont les farines immédiatement au-dessous de celles propres à la boulangerie de Paris.

Deux cinquièmes farine dites troisième : première qualité des farines bises.

Un cinquième farine dite quatrième : dernière qualité, au-dessous de laquelle viennent immédiatement les remoulages.

Ce mélange donne un pain dont la couleur est assez bonne ; mais son défaut, comme celui de toutes les autres pâtes, c’est de n’être pas assez pétri. On emploie de très grands levains, afin que le pain puisse prendre son apprêt sans qu’on soit dans la nécessité de travailler la pâte. Cette pâte n’est en effet qu’une frase mal desséchée, à laquelle on ne laisse presque pas subir de fermentation 1re, qu’on se hâte de mettre au four et qu’on n’y laisse pas cuire afin d’éprouver le moins possible de déperdition de poids. Pauvre soldat !


Section XIII. — Du biscuit.

On nomme biscuit une sorte de pain très mince et très sec, sous forme de petites galettes, et destiné principalement à la nourriture des marins pendant les longs voyages. Le biscuit doit être fait avec d’excellente farine. Voici comme il se fabrique dans la plupart de nos ports de mer. On prend un levain jeune, dans la proportion de 1/2 kilogr. de levure pour 1 kilogr. de farine. Le délayage des levains se fait comme pour le pain, mais on frase beaucoup plus court et la pâte se fait extrêmement ferme. Le pétrissage fini, on travaille la pâte par parties, en donnant à chacune d’elles la forme d’une galette ronde et aplatie ; on les dispose ensuite sur des tables ou des planches qu’on porte dans un lieu frais ou à l’air, afin qu’il ne s’opère presque point de fermentation. Cela terminé, on chauffe le four bien moins que pour cuire le pain, et dès qu’on a tourné la dernière galette, on commence à enfourner la 1re. On les perce avec un instrument de fer de plusieurs trous à la surface, afin de favoriser la cuisson et l’évaporation de l’humidité. Pour que la galette soit à son point de cuite, elle doit rester environ 2 heures dans le four, qui n’est chauffé qu’aux 2/3 de la chaleur qu’il faut ordinairement pour le pain. Au bout de ce temps, on les retire du four avec précaution et on les place dans des caisses contenant de 25 à 50 kilogr. qu’on porte dans une étuve ordinairement placée au-dessus du four. C’est là que le biscuit achève de perdre son humidité et se dessèche complètement. On ne met pas de sel dans la pâte qui sert à la confection du biscuit, dans la crainte qu’il n’attire l’humidité de l’air. Il est permis de croire que le sel, bien dépouillé par sa solution dans l’eau des muriates de chaux et de magnésie, ne produirait pas l’effet qu’on redoute.

Le biscuit bien préparé et de bonne qualité est sec et cassant ; sa couleur est jaune-brunâtre ; sa cassure est vitreuse ; sa mie sèche et blanche, elle se gonfle beaucoup dans l’eau, sans aller au fond ni se diviser en miettes. Les Anglais le préparent, dit-on, sans levain ; aussi est-il presque toujours fade, d’un blanc mat, et ne trempe pas bien.

Section XIV. — Du pain de seigle.

Le seigle contient moins de gluten que le blé ; c’est à cette différence qu’il faut attribuer l’infériorité de sa panification comparée à celle du blé. Dans certaines localités de la France et dans le nord de l’Allemagne, le peuple ne se nourrit que de pain de seigle. Pour panifier convenablement le seigle, il faut employer plus de levain que pour le blé, couler l’eau plus chaude, tenir la pâte plus ferme, y mettre moins de sel et la laisser plus longtemps au four.

En Belgique, en Hollande, en Suisse et en Allemagne, on fait du pain de seigle pur pour les chevaux qui voyagent ; ils en sont très friands.

On fait aussi, dans beaucoup de campagnes, du pain de méteil, mélangé de 2/3 de blé et 1/3 de seigle plus ou moins. Le pain se traite à peu près comme celui de seigle, en se rapprochant néanmoins des conditions nécessaires à la bonne panification du froment pur.

« On n’a pas suffisamment apprécié le mérite du pain de méteil, dit Parmentier ; il tient le premier rang après celui de froment ; il reste frais long-temps sans rien perdre de sa saveur, avantage précieux pour les habitans des campagnes qui ne cuisent pas souvent.»

Section XV. — Du pain de pommes de terre.

On a beaucoup essayé de panifier la pomme de terre. Les corps savans, les sociétés d’encouragement ont promis des récompenses aux personnes qui trouveraient des procédés pour atteindre ce but. Jusqu’à présent, rien de ce qui a été essayé n’a réussi. Est-ce un malheur pour l’humanité ? Nous ne le croyons pas. La pomme de terre, c’est du pain tout fait ; faites-la cuire dans l’eau, sous la cendre, au four, de telle manière que vous voudrez, c’est une nourriture saine aimée de tous.

Le seul avantage qui pourrait se rencontrer dans la panification de la fécule de pommes de terre serait d’épargner les frais de transport. La pomme de terre est lourde à transporter et contient un parenchyme ligneux et une eau de végétation qui forment les 2/3 au moins de son poids ; mais elle se cultive aujourd’hui partout et dans chaque village il y a de la pomme de terre ; de telle sorte qu’elle n’est jamais grevée de frais de transport bien considérables.

Dans les momens de cherté les boulangers ont essayé d’augmenter, au moyen de la pomme de terre, la masse de leurs farines. La manière la plus générale d’opérer était celle-ci : On faisait cuire les pommes de terre, on les pelait, on les écrasait avec un rouleau, de manière à les réduire en une espèce de pâte très déliée sans laisser de grumeaux. Sans attendre que cette pâte fût refroidie, on la délayait dans la totalité de l’eau qui devait servir ail pétrissage de la pâte ; les boulangers soigneux, pour éviter les grumeaux, passaient cette mixture dans un tamis de fer à mailles assez ouvertes ; puis on pétrissait comme à l’ordinaire. On avait soin de mettre ce pain un peu vert au four. On employait ainsi du 10e au 5e en farine de pommes de terre.

Dans ces mêmes années désastreuses, quelques meuniers ont trouvé un grand bénéfice à mêler dans leur farine une certaine quantité de fécule de pommes de terre ; mais les boulangers qui ont employé cette farine ont été victimes de cette supercherie, et c’est à celle cause qu’il faut attribuer, en grande partie, les désastres qui ont eu lieu dans la boulangerie de Paris, à la suite des années de cherté de 1828, 1829 et 1830 ; désastres qui sont naturellement retombés sur ceux qui en avaient été la cause. C’était justice. Conçoit-on en effet qu’un meunier abuse de circonstances difficiles pour vendre, comme bonnes, des farines dont le produit seul peut servir à le payer ? Plus le boulanger est pauvre, plus son fournisseur doit s’efforcer de lui donner de bonnes farines, c’est pour ce dernier la seule condition de succès. Or, les meuniers fraudeurs, au moyen de la fécule, travaillaient justement à la ruine du boulanger, et conséquemment à leur ruine propre. La Société d’encouragement de Paris, et le syndicat de la boulangerie, ont proposé des prix importans pour un procédé à l’aide duquel on pourrait facilement et instantanément découvrir la présence de la fécule de pomme de terre dans la farine de blé, et dans quelle proportion ce mélange aurait été fait. Plusieurs mémoires ont été présentés, et celui qui a mérité non pas le prix (la question est remise au concours de 1836), mais une médaille d’or, pour la simplicité de son procédé, est le mémoire de M. Boland, maître boulanger à Paris, rue et île Saînt-Louis.

Voici en quoi consiste le procédé de M. Roland, tel qu’il le décrit lui-même :

« Constater d’abord la qualité de la farine, en séparant, comme il a été dit plus haut, le gluten de l’amidon par les moyens ordinaires qui sont de prendre 20 grammes de farine, en faire une pâle ni trop ferme, ni trop molle. On se servira d’une tasse et d’un tube de verre. Malaxer cette pâte dans le creux de la main, sous un très petit filet d’eau. Il est indispensable d’avoir sous la main un vase conique, ou espèce de verre à pied, surmonté d’un petit tamis pour recevoir l’un l’eau de lavage qui entraîne l’amidon, et l’autre le gluten grenu qui provient d’une farine mal fabriquée. Lorsque l’eau de lavage découle limpide, il reste dans la main, pour résidu, le gluten élastique que l’on pèse.

« On laissera reposer pendant une heure l’eau de lavage contenue dans le vase conique ; il se forme à la partie inférieure du vase un dépôt qu’il faut avoir soin de ne pas troubler ; décanter, avec un siphon, l’eau qui le surmonte ; deux heures après, aspirer avec une pipette l’eau qui l’a encore surmonté.

« En examinant ce dépôt on remarquera facilement qu’il est formé de 2 couches distinctes : la supérieure, d’une couleur grise, est le gluten divisé, sans élasticité ; l’autre couche, d’un blanc mat, est l’amidon pur.

« Quelques temps après, on enlève avec précaution, en se servant d’une cuillère à café, une partie où toute la couche de gluten qui se divise ; une résistance, qu’il ne faut pas chercher à vaincre, indique la présence de la couche d’amidon, qu’il faut laisser sécher entièrement jusqu’à ce qu’elle devienne solide ; dans cet état, la détacher en masse du verre, en appuyant légèrement l’extrémité du doigt tout autour jusqu’à ce qu’il cède, en lui conservant toujours sa forme conique.

« La fécule de pomme de terre, plus pesante que celle du blé, s’étant précipitée la première, se trouve placée à l’extrémité supérieure du cône. Mais comment la reconnaître dans cette masse uniforme où la loupe, et même le microscope, ne laissent apercevoir aucune différence, du moins assez sensible, pour la constater ? Par un réactif, le seul qui agisse uniformément sur toutes les fécules, l’iode qui possède, comme on sait, la propriété de colorer en bleu foncé toutes les substances féculantes, excepté cependant dans la circonstance qui sert de base à ce procédé.

« La fécule de pomme de terre insoluble à l’eau froide, triturée dans un mortier d’agate, sa dissolution filtrée, prend, au contact de la teinture d’iode concentrée, une couleur bleue foncée. Une dissolution de fécule de blé soumise à la même épreuve se colore à peine d’une très légère teinte jaunâtre, qui se perd presque aussitôt, tandis qu’il faut plusieurs jours à la fécule de pomme de terre pour se décolorer entièrement.

« Ainsi, en enlevant avec un couteau un gramme d’amidon ou vingtième de la farine éprouvée, de l’extrémité supérieure du cône, pour le soumettre à l’épreuve ci-dessus indiquée, la coloration en bleu foncé qui se manifestera aussitôt par le contact de l’iode indiquera positivement la fécule de pomme de terre ; et la preuve qu’elle n’est pas mélangée dans la masse conique, c’est que si on enlève du même cône tronqué une deuxième couche d’amidon d’un poids égal à la première, pour la soumettre à la même épreuve, on n’obtiendra plus de coloration bleue, à moins qu’il n’y ait un excès de fécule de pomme de terre ; alors on continuera l’opération jusqu’à ce qu’elle ne se présente plus.

« Pour apprécier la qualité de fécule de pomme de terre ajoutée à la farine, la série de proportion à examiner n’est pas très considérable. Les meuniers ne commencent à trouver de l’intérêt à falsifier qu’avec une addition de 10 p. 0/0 de fécule ; s’ils voulaient l’augmenter jusqu’à 30 p. 0/0, il n’y aurait plus de panification possible dans l’état actuel de la boulangerie. C’est donc depuis 10 p. 0/0 jusqu’à 25 qu’il faut étudier les proportions de fécule ; en les indiquant par 5e on reconnaîtra néanmoins, par ce procédé, la présence de la plus petite quantité de fécule, même au-dessous de 5 p. 0/O.

« Ainsi, en enlevant du cône d’amidon 5 couches successives d’un gramme chacun, et en les éprouvant par ordre, de la manière prescrite ci-dessus, la coloration bleu foncé que donnera l’épreuve indiquera positivement l’addition de 5 p. 0/0 de fécule de pomme de terre par couche éprouvée.

« 11 est important de procéder exactement de la manière et avec les instrumens indiqués plus haut, car autrement les résultats soumis a des conditions différentes changeraient et jetteraient l’observateur dans une erreur complète. Par exemple, pour abréger l’opération, on sera peut-être tenté de triturer la farine sans séparer le gluten de l’amidon. Alors on n’obtiendra aucune coloration, quelle que soit la quantité de fécule de pomme de terre qui pourrait s’y trouver, parce que le gluten qui sert d’enveloppe à l’amidon le protège de l’action du pilon et l’empêche d’être déchiré ; l’amidon reste, par conséquent, insoluble.

« Un mortier de verre ou de porcelaine émaillée est insuffisant ; leur paroi intérieure trop unie laisse glisser la fécule sans la déchirer.

« Un mortier en biscuit, sans être émaillé, présente au contraire des aspérités trop saillantes, la chaleur qui se manifeste à la trituration, ou une autre cause qu’on ne peut expliquer, fait prendre à la dissolution de blé une couleur sinon bleue, du moins violette si foncée, qu’il y aurait du doute dans les comparaisons.

« Le mortier d’agate est le seul qu’on doive employer.

« Il faut éviter aussi d’exposer à la chaleur le dépôt qui se forme dans le verre conique pour obtenir une dessiccation plus prompte ; une température trop élevée, en dissolvant d’abord les fécules, et un commencement de fermentation, établirait entre elles une identité si parfaite qu’il serait impossible d’en reconnaître la différence.

« Il est de la dernière importance d’opérer toujours dans les mêmes conditions et avec des qualités semblables.

« En résumé, il faut séparer le gluten de l’amidon et le peser pour apprécier la qualité de la farine ; laisser reposer et sécher après décantation de l’eau le dépôt qui se forme au fond du vase conique pour ensuite le détacher en masse, en ayant soin de ne pas détruire sa forme conique. En enlever 5 couches successives, d’un gramme chacune, en commençant par la partie supérieure du cône ; les laisser sécher complètement pour les pulvériser séparément et par ordre. Triturer dans un mortier d’agate la 1re couche, ou, pour plus de facilité, une partie de cette couche, d’abord avec la molette sèche, ensuite légèrement mouillée, en ajoutant peu à i)eu de l’eau jusqu’à ce que la dissolution soit complète. Faire filtrer au papier cette dissolution. Plonger l’extrémité d’un tube de verre dans la teinture d’iode concentrée, l’agiter dans la dissolution filtrée. La couleur bleu foncé qui se manifestera aussitôt par cette combinaison indiquera la fécule de pomme de terre, et chaque couche, d’un gramme, soumise à cette épreuve, qui donnera ce résultat, constatera une addition de 5 p. 0/0 de fécule de pomme de terre sur les 20 grammes de la farine qu’on aura essayée. Lorsque la farine sera pure, la dissolution filtrée ne prendra, au contact de l’iode, qu’une très légère teinte jaunâtre qu’elle perdra quelques minutes après. »

Section XVI. — Du pain de riz.

Depuis long-temps on a essayé la panification du riz. M. Parmentier, qui dans ces questions forme autorité, a toujours regardé cette panification comme une chimère. Il prétend que l’addition du riz cuit en diverses proportions avec la farine de froment rend le pain qui en provient compacte, fade et indigeste. Pour nous, nous disons du riz ce que nous avons dit de là pomme de terre : c’est du pain tout fait ! Le froment et le seigle, cuits en grain, formeraient une mauvaise nourriture. Le meilleur moyen d’utiliser pour la nourriture de l’homme le froment et le seigle, de les rendre agréables au goût, a été de les réduire en farine, puis en pain à l’aide d’une fermentation particulière dont le gluten qu’ils contiennent les rend susceptibles ; mais la pomme de terre, mais le riz forment, par le fait seul de la cuisson, une excellente nourriture, sans exiger de manipulation, sans transformation en pâte ; il n’y a pas même pour le riz comme pour la pomme de terre la raison spécieuse de l’économie des frais de transport. Pourquoi donc s’efforcer de changer l’indication donnée par la nature, sans qu’il en résulte aucun bien pour l’humanité ?

Dans ces derniers temps (1835), M. Arnal, médecin à Paris, a beaucoup insisté pour que l’Académie de médecine reconnût et proclamât l’excellence d’un pain fait avec addition de 1/7 de riz. L’Académie goûta ce pain, le trouva bon, mais s’abstint de prononcer, et bien elle fit.

Voici quel est ou plutôt quel était le procédé de M. Arnal :

« Préparation du riz : 13 litres d’eau à l’ébullition ; répandre peu à peu la farine de riz (2 livres), en agitant bien le mélange jusqu’à ce qu’il forme bouillie et que celle-ci soit également visqueuse sur tous les points. Il faut, pour verser la farine de riz dans l’eau bouillante, prendre la précaution importante delà délayer préalablement dans une petite quantité d’eau froide.

« Pétrissage. On prend la moitié du riz un peu refroidi, jusqu’à ce que la température puisse être supportée par le pétrisseur ; on pétrit avec un levain de huit livres, pris chez lin boulanger, et on y incorpore peu à peu 6 livres de farine de froment, toujours en pétrissant ; on laisse reposer et lever cette pâte dans une corbeille.

« Lorsque le levain ci-dessus a suffisamment fermenté, au bout de 20 minutes à peu près, on verse dessus l’autre moitié du riz, qu’on a salé et mis refroidir. La pâte délayée, on y ajoute peu à peu 6 autres livres de farine de froment et on pétrit de nouveau ; enfin, on termine le pain comme par les procédés ordinaires.»

Voici le résultat d’un essai de la méthode ci-dessus :

13 livres d’eau, 2 livres de riz, 12 livres farine froment ont donné 20 livres 10 onces de pain cuit. On ne compte pas les 8 livres de levure qui ont été retirées.

Les résultats annoncés par M. Arnal dans les mêmes conditions étaient de 24 livres de pain.

On voit, par ce que nous venons de décrire, de quelles difficultés, dans la pratique, serait entourée cette préparation 1re de riz, et combien de mécomptes auraient eu lieu lorsque l’on eût été forcé de livrer ce travail à des garçons boulangers.

A l’appui de ce que nous avons dit sur la panification du riz et de la pomme de terre, nous citerons l’autorité compétente de M. Raspail. Dans un de ses ouvrages il s’exprime ainsi :

« Il ne faut pas dire : Le pain fait avec du riz sera plus ou moins nutritif, parce que le riz suffit ou ne suffit pas à la nourriture de certaines peuplades ; mais seulement il faudra demander à l’expérience de l’alimentation les moyens de décider que, dans telle localité, telle substance est plus alimentaire qu’une autre.

« Ce n’est pas le rendement, c’est-à-dire l’augmentation de poids qui peut permettre de préjuger la question ; car l’augmentation de poids est due à la partie aqueuse, et l’eau absorbée pendant le repas est tout aussi bonne pour l’alimentation que le surcroît de l’eau absorbée par la pâte. Il faut de l’eau pour favoriser la fermentation 1re ; mais une fois que la fermentation s’établit, avec une quantité d’eau donnée, le surplus n’ajoute qu’un poids absolument inerte à la masse.

« On a fait beaucoup d’expériences sur la panification depuis 60 ans ; mais on a toujours désespéré d’associer avec succès à la farine de froment le riz et la fécule de pommes de terre. Nous ne saurions blâmer les efforts que font les simples particuliers pour arriver à un résultat, car leurs succès ne pourraient que profiler aux consommateurs ; mais nous préférerions apprendre que l’esprit des observations se porte plutôt vers l’art d’augmenter la production des substances alimentaires de 1re qualité que vers les moyens d’en diminuer la consommation en les associant à des substances d’une qualité inférieure. »

On a cherché à différentes reprises à panifier la farine de haricots, de pois, et c’est toujours dans les momens de grande cherté que ces essais ont été tentés ; mais ils ont en général, plutôt pour but des gains particuliers que le profit de l’humanité. Les haricots surtout ont donné de si mauvais résultats que plus d’une fois l’autorité a été obligée de faire saisir et de détruire les farines qui avaient ainsi été falsifiées.

Section XVII. — De l’introduction dans le pain de substances nuisibles à la santé.

Tout ce que nous allons dire sur l’adultération du pain, par suite d’introduction dans la pâte de sels vénéneux, est ou extrait ou elle textuellement du savant rapport que M. Kulmann, chimiste distingué de Lille, a fait en 1831 à la Société des sciences de Lille.

§ 1re. — Du sulfate de cuivre.

Les chimistes sont assez généralement d’accord sur ce point : qu’il existe dans les céréales des traces de cuivre. C’est donc avec la plus grande circonspection qu’il faut se prononcer dans les essais faits sur le pain pour découvrir les substances qu’on a accusé les boulangers d’y introduire. Il faut, toutefois, que la santé publique puisse trouver une garantie contre les fraudes dont la cupidité et l’ignorance pourraient se rendre coupables.

Il paraît certain qu’à la suite des fatales années de 1816 et 1817, plusieurs boulangers de la Belgique et du nord de la France ont cru trouver de l’avantage à introduire dans le pain une certaine quantité de sulfate de cuivre. « Les avantages qu’ils en retiraient, dit un journal du temps, étaient de pouvoir se servir de farine d’une qualité médiocre et mêlée, d’avoir moins de main-d’œuvre, en épargnant l’emploi du levain dont la préparation exige beaucoup de travail, et une panification prompte donnée à la pâte, ce qui rend la mie et la croûte plus belles ; de pouvoir employer une plus grande quantité d’eau, ce qui fait augmenter le poids du pain, etc. »

Quoique la présence du sulfate de cuivre dans le pain à une dose aussi minime que celle qui parait "avoir été employée par les boulangers (un petit verre à liqueur dans 250 livres de pâte environ) ne puisse présenter d’inconvéniens graves sur l’économie animale, son introduction dans le pain n’en doit pas moins être considérée comme un attentat à la santé publique. En effet, l’emploi d’un agent aussi ; dangereux est laissé dans une boulangerie à la discrétion d’un garçon boulanger ; il doit en mesurer une tète de pipe pleine ; mais qui sait si la main n’a pas tremblé lorsqu’il a versé le poison ? Qui nous garantira contre les conséquences de ce raisonnement de la part du boulanger que si une portion donne de bons résultats une double portion en donnera de meilleurs ? Qui peut nous assurer que, se confiant au pouvoir magique de sou secret, il n’a pas négligé de pétrir sa pâle suffisamment et par suite le poison ne se trouve assez accumulé en certaines places du pain pour occasionner la mort ?

Heureusement la chimie nous fournit les moyens de reconnaître facilement la fraude et par conséquent d’en assurer la répression. En opérant sur du pain blanc, l’action directe du ferrocyanure de potassium se manifeste déjà, lors même que ce pain ne contient que 1 partie de sulfate sur environ 9,000 de pain, par une couleur rose produite presque immédiatement.

Résultats obtenus par M. Kulmann sur du pain blanc contenant diverses parties de sel cuivreux :

numéros. quantité
de sulfate
de cuivre
dans le pain.
Action
du ferrocyanure
du potassium.
Action
de l’hydrosulfate
d’ammoniaque.
N° 1 1
29.000
N° 2 1
15,300
N° 3 1
8.700
coloration en rose
trés apparente.
N° 4 1
7,360
coloration en rose
plus prononcée.
N° 5 1
3,590
rouge de sang. couleur brunâtre.
N° 6 1
1.875
cramoisi foncé couleur brunâtre
apparente.

Le procédé par le ferrocyanure de potassium, simple et à la portée des personnes même étrangères aux connaissances chimiques, serait insuffisant pour déterminer la présence dans le pain de très minimes quantités de sel cuivreux.

Voici la méthode analytique suivie et décrite par M. Kulmann : « Je fais incinérer complétement dans une capsule de platine 200 gram. de pain ; le produit de l’incinération, après avoir été réduit en une poudre très fine, est mêlée dans une capsule de porcelaine avec assez d’acide nitrique (8 à 10 gram.) pour former une bouillie très liquide. Je soumets ce mélange à l’action de la chaleur, jusqu’à ce que la presque totalité de l’acide libre soit évaporé et qu’il ne reste qu’une pâte poisseuse que je délaie dans environ 20 gram. d’eau distillée, en facilitant la dissolution par la chaleur ; je filtre et sépare ainsi les parties inattaquées par l’acide, et dans la liqueur filtrée je verse un petit excès d’ammoniaque liquide. Après refroidissement, je sépare par le filtre le précipité blanc et abondant qui s’est formé, et soumets la liqueur alcaline à l’ébullition pendant quelques instans pour dissiper l’excès d’ammoniaque et la réduire au quart de son volume. Cette liqueur étant rendue légèrement acide par une goutte d’acide nitrique (le plus souvent l’ébullition développe une acidité suffisante), je la partage en 2 parties : sur l’une, je fais agir le ferrocyanure de potassium, sur l’autre, l’acide hydrosulfurique ou hydrosulfate d’ammoniaque.

« En suivant ponctuellement ce procédé le pain, dût-il ne contenir que 1/70,000 de sulfate de cuivre, la présence de ce sel vénéneux serait rendue apparente. »

Le sulfate de cuivre exerce une action extrêmement énergique sur la fermentation et la levée du pain. Cette action se manifeste de la manière la plus apparente, lors même que ce sel n’entre dans la confection du pain que pour 1/70,000 environ, ce qui fait à peu près 1 partie de cuivre métallique sur 300,000 parties de pain, ou 1 grain de sulfate par 7 livres et 1/2 de pain. La proportion qui donne la levée la plus grande, est celle de 1/30,000 à 1/15,000 ; mais en augmentant davantage la dose de sulfate,le pain devient plus humide, il acquiert par là une couleur moins blanche.

En faveur de la propriété qu’a le sulfate de cuivre de raffermir la pâte, on peut facilement obtenir un pain bien levé avec des farines dites lâchantes ou humides. L’augmentation en poids du pain, par suite d’une plus grande quantité d’humidité retenue, peut s’élever jusqu’à 1/16e ou une once par livre, sans que la qualité du pain en souffre. C’est surtout en été que le besoin de raffermir les pâtes et de les empêcher de pousser plat se fait sentir. On y parvient habituellement par l’emploi du levain et du sel marin ; mais l’action d’une très petite quantité de sulfate de cuivre peut dispenser de faire entrer l’un et l’autre de ces produits dans la pâte, mais dès lors il devient nécessaire d’augmenter un peu la quantité de levure.

L’action du sulfate de cuivre est plus favorable au pain blanc qu’au pain bis ; ce dernier, humide par sa nature, le devient encore davantage pour qu’on y mette de ce sulfate.

La quantité de sulfate la plus grande qui puisse être employée sans altérer très sensiblement la qualité du pain, est celle de 1/4,000 ; passé cette proportion le pain est très aqueux, à grands yeux, et avec 1/1,800 de sulfate de cuivre, la pâte ne peut nullement lever, toute fermentation semble arrêtée, et le pain acquiert une couleur verte. En supprimant, dans ce dernier cas, l’emploi du levain et en mettant plus d’eau dans la pâte, le pain lève bien , il devient très poreux , avec de grands yeux ; mais il est humide, verdâtre et a une odeur de levain très prononcée et très désagréable.

Il me paraît évident que dans le sulfate de cuivre c’est bien moins l’acide que la base qui influe sur la panification ; car le sulfate de soude, le sulfate de fer, et même l’oxide sulfurique, ne m’ont donné dans des essais comparatifs aucun résultat analogue.

II. — De l’alun, de son emploi dans la boulangerie et des moyens d’en reconnaître la présence dans le pain.

Je ne sais à quelle époque peut remonter l’usage de l’alun dans la fabrication du pain ; cet usage paraît être fort ancien, et adopté presque généralement à Londres.

Voici ce que disent sur cet objet les différens auteurs anglais qui se sont occupés d’hygiène. M. Accum, dans son traité sur les poisons culinaires, dit que la qualité inférieure de la fleur de farine dont les boulangers de Londres font habituellement usage pour la fabrication du pain rend nécessaire l’addition d’alun, afin de donner au pain le coup d’œil blanc du pain fait avec de la belle fleur.

Cet emploi d’alun semble permettre de mêler à la fleur de la farine de fèves et de pois, sans nuire à la qualité du pain ; selon le docteur Ure, la moindre quantité d’alun nécessaire pour produire avec une farine de qualité inférieure un pain léger et poreux, est de 113 grammes pour 109 kilogrammes de fleur.

Le docteur P. Markham, dans ses considérations sur les ingrédiens que l’on emploie pour fraude sur la fleur de farine et le pain porte la quantité d’alun employé à 240 gram. sur 109 kil.de fleur.

Enfin, cette quantité d’alun est encore employée dans la proportion de 1 kil. pour 127 kil. de fleur, donnant 80 pains de 4 livres, ou 12,40 gram. d’alun par pain. (Art. boulangerie du supplément de l’Encyclopédie Britannique.)

Cette quantité d’alun paraît devoir varier selon la quantité des farines employées, et remplace en tout ou en partie le sel marin qui entre ordinairement dans la confection du pain.

Dans les diverses proportions données, la quantité d’alun varie de 1/127 à 1/974 de la farine employée, ou de 1/145 à 1/1077 du pain obtenu.

L’action de l’alun sur l’économie animale n’est pas à comparer pour son énergie à celle du sulfate de cuivre, aussi la présence d’une petite quantité d’alun dans le pain ne pourra pas facilement occasionner des accidens immédiats ; cependant il est à craindre que ce sel n’exerce une action funeste par son introduction journalière dans l’estomac, surtout chez les personnes d’une constitution faible.

Il sera facile de reconnaître la présence de ce sel dans le pain, en suivant le procédé décrit par le docteur Ure, dans son Dictionnaire de chimie, vol. IV, et qui consiste à faire agir un sel de baryte sur l’eau distillée, dans laquelle on a émietté le pain. Ce procédé ne déterminant que la présence de l’acide sulfurique, et par suite d’un sulfate quelconque, il peut être utile dans des recherches de ce genre d’avoir recours à l’incinération. La grande quantité , et surtout le volume des cendres, servira déjà d’indices. Il faut toujours avoir égard à la petite quantité d’alumine que peuvent contenir les cendres de quelques céréales. La présence de quelques traces de cette base a été reconnue dans les cendres de seigle par Schrader.

Les résultats de l’emploi de l’alun dans la fabrication du pain sont à peu près les mêmes que ceux obtenus avec le sulfate de cuivre, mais ce sel agit avec beaucoup moins d’énergie à dose égale. Ainsi, 1/3,500 de sulfate de cuivre est une bien trop grande proportion, à tel point qu’au lieu de favoriser la levée de la pâte, on la diminue. Cette même proportion d’alun ne produit encore aucun résultat apparent. Pour obtenir un effet sensible, il a fallu élever la quantité d’alun à 1/686 ; à la dose de 1/176, l’effet a été plus remarquable.

Il est possible cependant qu’une beaucoup plus grande quantité d’alun puisse, comme un excès de sulfate de cuivre, arrêter le gonflement de la pâle. L’action qu’exerce l’alun sur la pâte est absolument la même que celle du sulfate de cuivre ; il retient, pour me servir d’un terme usité par les boulangers, et fait pousser gros.

§III. — Sulfate de zinc.

Le sulfate de zinc, ou vitriol blanc, paraît aussi avoir été mis en usage par les boulangers pour faciliter la levée du pain ; peut-être ce sel a-t-il été confondu avec le sulfate de cuivre, vitriol bleu. Voici un moyen analytique que j’ai mis en usage pour déceler la présence de ce sel éminemment vénéneux.

Le zinc étant volatilisable, j’ai dû avoir recours à l’analyse par voie humide. La présence de l’acide sulfuriqne ayant été déterminée par l’action d’un sel de baryte sur l’infusion aqueuse du pain, j’ai fait évaporer une partie de cette infusion aqueuse en consistance sirupeuse, et je l’ai délayée dans de l’eau légèrement ammoniacale. La liqueur filtrée et saturée par un acide a été mise en contact avec le ferrocyanure de potassium et de l’hydrosulfate d’ammoniaque, qui donnèrent l’un et l’autre des précipités blancs de ferrocyanure et de sulfure de zinc hydratés.

Les résultats obtenus par le sulfate de zinc ont été peu sensibles et non comparables avec ceux donnés par l’emploi du sulfate de cuivre.

§ IV. — Carbonate de magnésie.

M. Edmond Davy, professeur de chimie à l’institution de Cork, a fait des expériences desquelles il résulte que 20 à 40 grains (1 ou 2 grammes environ) de carbonate de magnésie, intimement mêlés avec un pound (environ 453 grammes) de fleur de farine de mauvaise Qualité, améliorent matériellement la qualité du pain fabriqué avec ce mélange. Ce procédé parait avoir été mis quelquefois en usage (Dictionnaire de chimie du docteur Ure, v. IV, pag. 135).

Le carbonate de magnésie, en si petite quantité, doit être, pendant la fabrication du pain, converti en grande partie en acétate. Ce dernier sel, quoique jouissant de propriétés purgatives, ne se trouvera pas dans le pain en quantité suffisante pour incommoder. Dans les recherches qui auraient pour but de découvrir la présence de ce sel magnésien, il faudrait avoir égard au phosphate de magnésie qui se trouve en grande quantité dans les cendres des céréales. La présence des phosphates dans le pain fait que les vases de platine qui servent à l’incinération s’altèrent promptement.

Le carbonate de magnésie ne produit pas un grand effet sur la levée du pain ; mais dans la proportion de 1/442 il communique au pain une couleur jaunâtre qui peut modifier d’une manière avantageuse la couleur sombre que donnent au pain quelques farines de qualité inférieure.

§ V. — Carbonates alcalins.

Un grand nombre d’auteurs ont avancé que le carbonate d’ammoniaque pouvait être d’un puissant secours pour taire lever le pain et en augmenter la blancheur ; la propriété qu’a ce sel de se réduire en vapeur par l’action de la chaleur semble justifier cette assertion ; je doute cependant qu’une grande quantité de carbonate (à moins de faire l’emploi d’une très forte dose de ce sel) puisse se sublimer ainsi au four, et produire l’effet mécanique de soulever la pâte et de la rendre poreuse ; car l’acide du levain doit être le plus souvent en quantité suffisante pour convertir en acétate la totalité du sel alcalin. S’il faut admettre un effet mécanique, c’est plutôt dans le dégagement de l’acide carbonique du carbonate qu’on le trouvera.

D’autres carbonates alcalins, ceux de potasse et de soude, semblent aussi avoir été mis en usage ; je présume que c’est dans le but de retenir plus long-temps l’humidité dans le pain. Cette fraude est facile à reconnaître par l’examen des cendres, car, lorsque celles-ci proviennent d’un pain non sophistiqué, elles ne contiennent que peu de matières solubles et surtout peu d’alcali libre.

Le carbonate d’ammoniaque ne m’ayant donné aucun résultat bien remarquable, quoique j’aie fait 2 essais avec ce produit, je ne pense pas qu’il puisse être d’un grand secours pour faire du pain, à moins d’être employée une dose très forte. En se convertissant en acétate, ce sel partage peut-être avec les carbonates de potasse et de soude la propriété de conserver plus long-temps au pain son humidité.

§ VI. — Produits divers.

Un grand nombre d’autres substances, telles que la craie> la terre de pipe et le plâtre, ont encore été employées pour l’adultération du pain. L’emploi de tous ces corps parait n’avoir eu lieu que dans le but d’augmenter le poids du pain et peut-être sa blancheur. Comme ils ne peuvent présenter quelques résultats avantageux aux boulangers que lorsqu’ils sont introduits en assez grande quantité pour pouvoir influer sur le poids du pain, l’incinération seule suffira pour faire apercevoir ces sortes de fraudes par l’augmentation du poids des cendres. La nature des corps qui peuvent avoir été introduits dans le pain peut être déterminée par des moyens analytiques tort simples, dont l’exposé donnerait trop d’étendue à ce travail sans eu augmenter l’utilité.

L’emploi du blanc d’œuf, de l’eau de gomme, de la colle de poisson et d’autres substances visqueuses dans l’art du pâtissier et du confiseur, a pu porteries boulangers à faire usage dans la confection du pain de quelques substances organiques, dans le but de donner plus de liant à la pâte.

Le docteur Perceval recommande l’emploi de 30 gram. de salep par kilogr. de fleur, pour obtenir un pain plus beau et en même temps plus pesant que par le travail habituel.

Section XVIII.— Des pétrins mécaniques.

Dans l’énumération des divers instrumens qui servent à la boulangerie, nous avons décrit le pétrin ordinaire ; en voici la figure (fig. 506 ).

Fig. 506.

Le garçon boulanger, penché sur le pétrin, soulevant avec effort et à diverses reprises une lourde pâte qui exige une manipulation prompte, exerce un travail des plus pénibles. Au milieu d’une atmosphère d’au moins 20° il est obligé de travailler nu, et, presque toujours, son corps, lorsqu’il pétrit, est couvert de sueur. Qui n’a pas entendu, en passant le soir auprès d’une boulangerie, ces gémissemens du pétrisseur ? cette espèce de cri de souffrance, accompagnement obligé des efforts qu’il est obligé de faire pour élever et battre la pâte ? On plaint l’homme condamné chaque nuit à d’aussi durs travaux ; peut-être rejetterait-on le pain qui lui a coûté tant de peines, si l’on pensait à quelles impuretés le pétrissage à bras d’homme condamne la fabrication du pain. L’humanité, la propreté si nécessaire dans la préparation des alimens, recommandent donc à la fois l’usage des pétrins mécaniques. Cependant, nous le disons à regret, jusqu’ici la boulangerie de Paris, qui est certainement la boulangerie la plus avancée de France, n’a pas adopté les pétrins qui lui ont été offerts. Dans ce refus, nous faisons bien la part des préjugés, des habitudes et surtout de la crainte de mécontenter la classe des ouvriers boulangers ; mais il faut reconnaître aussi que la plupart des pétrins qui ont été essayés ne présentaient pas d’avantages sur le travail ordinaire, quant aux frais de manutention, et laissaient aussi beaucoup à désirer sur la qualité de l’ouvrage. La difficulté, à Paris, consiste, dit-on, à faire mécaniquement des pâtes propres au pain à grigne, des pâtes qui se fendent nettement et proprement. Pour des pains d’autres façons, le travail des pétrins réussit mieux. Cependant, nous ne croyons pas cette difficulté invincible, et pour la meilleure condition du garçon boulanger comme pour la satisfaction et la santé du consommateur, nous espérons que la boulangerie n’aura plus bientôt que des pétrisseurs mécaniques.

§ 1er. — Pétrin Fontaine.

Parmi les pétrins dont on se sert aujourd’hui, nous devons distinguer le pétrin fontaine.

Voici le compte qu’en a rendu l’Echo des halles et marchés dans son numéro du 8 mars 1835.

« M. Fontaine, boulanger, rue de Charonne, faisait depuis long-temps des recherches et des expériences sur un pétrin mécanique de son invention. Cette persévérance, aidée d’une connaissance parfaite de la panification, l’a conduit à des résultats qui nous ont paru des plus simples et des plus avantageux. M. Fontaine se sert exclusivement de ce pétrin mécanique, et en a fourni un à M. Tissier, boulanger, rue Saint-Martin, n° 59, qui a supprimé aussi tout autre pétrin. C’est chez ce dernier que nous l’avons vu fonctionner.

« Qu’on se figure (fig. 507) un tonneau parfaitement cylindrique, long de 3 pi. 1/2 et suspendu sur un fort châssis de bois. Dans toute la longueur de ce cylindre, une portion mou bile, qui s’ouvre pour l’introduction de la farine et de l’eau, se ferme hermétiquement pendant l’opération du pétrissage. A l’intérieur, 2 compartimens de chacun 21 po. ; c’est là que les levains sont disposés. La quantité d’eau nécessaire étant coulée et la farine ajoutée, on ferme hermétiquement et très facilement la portion qui forme porte. Alors, un seul homme, au moyen d’une manivelle armée de 2 pignons de diamètres inégaux, met le pétrin en mouvement. La rotation est de 4 tours par minute ; 15 minutes, par conséquent 60 tours suffisent pour terminer le pétrissage.

Fig. 507.

« Nous avons mis nous-mêmes la main à la manivelle de ce pétrin ; il nous a semblé exiger moins de force que ceux que nous avions vus jusqu’alors. La charge de toute la pétrissée pèse il est vrai sur les tourillons ; mais, une fois en mouvement, le cylindre, qui n’a pas moins de 34 po. de diamètre, forme volant et entraîne par lui-même et régularise la rotation. L’homme fait environ 40 tours de manivelle par minute. C’est surtout vers la fin de la pétrissée, au moment où la pâte prenait toute sa consistance, que les pétrins mécaniques, qui sont venus avant celui de M. Fontaine, exigeaient le plus de force, au point que ce n’était pas trop de 2 hommes pour achever l’ouvrage. Le pétrin Fontaine, au contraire, n’offre aucune différence sous ce rapport ; au commencement et à la fin, la pâte se manipulant d’elle-même dans l’intérieur du cylindre, pendant que ce cylindre tourne sur lui-même, peu importe qu’elle soit à l’état liquide ou à l’état solide, le poids ne varie pas.

« Pour bien concevoir le maniement intérieur de la pâte, il faut savoir que 2 barres transversales se placent dans chaque compartiment avant de pétrir. Ces barres sont en bois mi-plat de 2 po. de large. La 1re, mise immédiatement au-dessus du levain, est disposée de manière à former une pente assez rapide ; la 2e ne se place que lorsque l’eau et la farine nécessaires sont ajoutées ; sa disposition est horizontale et n’est pas déclive comme celle de la 11re. L’office de ces barres est de traverser la pâte pendant qu’elle tourne avec le cylindre dans lequel elle est enfermée, et, au moyen de la déclivité de l’une de ces barres, la pâte ne peut pas couler sans être atteinte. Ces barres, inertes par elles-mêmes, font à travers l’eau et la farine qui les rencontrent l’effet des bras de l’homme.

« Le pétrissage que nous avons vu était excellent, et, sous ce rapport, le pétrin Fontaine nous parait un des meilleurs dont on se soit servi jusqu’ici. Il offre aussi un avantage que ne présentent ni le pétrin Selligue, « ni celui de Lasgorseix, ni celui de Ferrand, c’est qu’il se nettoie avec une extrême facilité, au moins aussi facilement que les pétrins ordinaires. Il prend peu de place, 5 pi. environ, exige peu de hauteur, par conséquent peut s’établir dans les caves ; et sa construction est si simple qu’il coûte moitié moins que les pétrins Ferrand, Lasgorseix et autres, pour lesquels on ne demandait pas moins de 16 à 1800 fr.

« M. Fontaine fabrique des pétrins de petite dimension pour les fermes et autres établissemens.»

§ II. — Pétrin David

A (fig. 508) cuve en bois sur pivot ; B, cône du milieu ; C, palettes tournantes ; D, axe imprimant le mouvement à tout l’appareil ; E, manivelle et volant ; P, poche qui distribue la farine dans le pétrin.

Fig. 508.

M. Guettard, boulanger, rue Gaillon, se sert depuis plusieurs années du pétrin David. Ce pétrin, comme l’indique la figure, se compose d’un récipient ou cuvier, monté sur pivot. Au milieu est un cône ; de chaque côté un appareil de palettes disposées en double croix et montées chacune sur un axe vertical. Le cuvier tourne sur lui-même, entraîne la pâte avec lui, et les palettes intérieures, qui sont mises en mouvement au moyen d’engrenages et de roues d’angle, la frappent, la prennent, la reprennent, la tire-bouchonnent, pour ainsi dire, jusqu’à ce qu’elle ait assez de consistance. L’office du cône placé au milieu du cuvier est de repousser la pâte que la force centrifuge éloignerait des palettes , et de la forcer ainsi à être complètement soumise à leur action.

On voit, par cette seule description, que ce pétrin est plus compliqué que le pétrin Fontaine, et au’il offre aussi l’inconvénient d’exiger plus de force à la fin de l’opération qu’au commencement.

§ III. — Pétrin Lasgorseix.

A (fig. 509), auge demi-cylindrique ; B, appareil des cerceaux ; C, manivelle et volant.

Fig. 509.

Dans une auge en bois demi-cylindrique est horizontalement placé un arbre en fer garni de cerceaux légèrement inclinés. Cet appareil est mis en mouvement par une manivelle armée d’un volant. On conçoit facilement reflet de ces cerceaux ; ils fendent la pâte ; puis, lorsqu’elle commence à se lier, ils la soulèvent, la laissent retomber en rubans et l’achèvent parfaitement ; mais ils font mal le délayage des levains ou du moins ne le font pas assez vite. On a reproché à ce pétrin un nettoyage difficile, le refroidissement que les cerceaux en fer impriment à la pâte, puis la force motrice qu’il exige quand le travail s’achève. Puis enfin les difficultés des réparations en cas d’accident.

§ IV. — Pétrin Ferrand.

Entre le pétrin Ferrand et le pétrin Lasgorseix la différence est minime ; c’est aussi une auge demi-cylindrique dans laquelle tourne un axe en fer armé de cerceaux. C’est dans la disposition de ces cerceaux que la différence existe. Dans le pétrin Lasgorseix, les cerceaux sont séparés les uns des autres ; dans le pétrin Ferrand, ils forment une hélice, une vis. Ainsi, par l’effet de cette vis, la pâte est amenée à l’extrémité du pétrin ; puis, en tournant en sens inverse, la pâte est ramenée à l’autre extrémité, ainsi de suite jusqu’à l’achèvement. On conçoit que de cette manière le délayage des levains puisse s’opérer bien mieux que dans le pétrin Lasgorseix ; mais la force motrice doit être encore plus grande que pour celui-ci. En effet, toute la pâte étant accumulée sur un point, quand elle s’épaissit, le travail devient extrêmement rude. Il est aussi plus difficile à nettoyer que la machine Lasgorseix.

Pour éviter le refroidissement de la pâte par le contact du fer, M. Ferrand avait imaginé d’établir un double fond à son pétrin et d’y introduire de l’eau chaude au degré nécessaire. L’idée était heureuse, mais exigeait des soins qu’il est difficile de demander aux ouvriers boulangers. Le prix de ce pétrin passait 2,000 fr.

D’autres pétrins ont été essayés qui offraient à un plus haut degré encore les inconvéniens signalés dans ceux-ci : Cherté dans le prix, grande force motrice, difficulté dans le nettoyage. Le pétrin Fontaine est jusqu’ici celui qui nous parait réunir le plus de chances de succès.

Un temps viendra sans doute où la mécanique, aidée de la science du chimiste et du physicien, apportera dans l’art du boulanger les perfectionnemens qu’il réclame. Le pain sera plus travaillé, plus substantiel, plus proprement manutentionné ; de grandes fatigues seront épargnées pour ceux que le hasard condamne à des travaux aussi utiles et jusque-là si pénibles.

Les hommes qui s’intéressent à la santé publique et pour lesquels l’humanité n’est pas un vain mot appellent de tous leurs vœux ces importantes améliorations.

Section XIX. — Diverses espèces de fours à cuire le pain.
§ 1er. — Fours à chauffage extérieur.

Le four dont nous avons donné la description est celui dont l’usage est le plus général. Le voici (fig. 510) vu de face.

Fig 510.

A diverses époques on a essayé de construire des fours dont le chauffage ne se ferait plus dans l’intérieur même de l’âtre et dans lesquels, par conséquent, le dessous du pain ne devrait plus être en contact avec les parties de cendres et de braise qui, malgré le rouabe et l’écouvillon, restent toujours sur l’âtre dans les fours actuels. L’administration de la guerre (manutention des vivres-pain) a fait des essais nombreux en ce genre ; mais, nous devons le dire, ses efforts et ses sacrifices n’ont presque jamais été couronnés de succès ; c’est-à-dire qu’à quelques avantages nouveaux se joignaient toujours des inconvéniens qui forçaient de recourir à l’ancienne méthode. Elle s’est servi d’un four chauffé au charbon de terre ; le foyer était en avant, et la flamme, au moyen d’un tirage ingénieusement ménagé, entrait dans le four. Le chauffage s’opérait assez également, à l’exception pourtant de la bouche où la chaleur était toujours trop grande et où le pain se brûlait. Cette difficulté, qui n’était pas sans remède, mais qui nécessitait de nouveaux frais, a fait abandonner ce mode de chauffage. Ce four est maintenant chauffé au bois et à l’ancienne méthode. Le four dont cette administration se sert aujourd’hui a été construit par M. Lespinasse ; il se chauffe la bouche fermée, avec du bois placé comme dans les fours ordinaires On conçoit que, par ce moyen, le chauffage puisse se faire plus vite et plus économiquement. La Guerre fait 17 fournées de pain en 24 heures dans ce four.

§ II. — Du four aérotherme.

A (fig. 511), bouche du four ; B, bouche d’air frais ; C, bouches de chaleur ; D, porte du foyer ; V, cheminée.

Fig. 511.

Ce four est non-seulement curieux par son application à la cuisson du pain, mais encore par la manière dont il se chauffe, procédé d’autant plus digne de remarque qu’il semble détruire tout ce que nous savons sur la théorie de la combustion, et que les inventeurs, M. Lemarre, l’un de nos plus célèbres caloristes, et M. Jametel aîné, ne peuvent eux-mêmes l’expliquer d’une manière qui soit satisfaisante pour eux et pour le public ; et cependant ce four se chauffe et la combustion se fait. MM. Mouchot frères ont établi à Montrouge une boulangerie remarquable sous beaucoup de rapports, et n’ont d’autre four que le four aérotherme dont ils se plaisent à proclamer les avantages, lorsque, surtout, on peut l’appliquer à une manutention considérable et à une cuisson non interrompue.

Voici ce que nous en disions dans l’Echo des halles et marchés du 26 janvier 1835 : « MM. Lemarre et Jametel viennent de construire au Petit-Mont-Rouge, n° 52, leur four aérotherme, dont on a vu le modèle en petit à la dernière exposition des produits de l’industrie. Aucun combustible ou fumée n’entre dans le four ; la chaleur y pénètre par un courant d’air partant d’autour d’un foyer placé sous l’âtre, à la distance de 40 centimèt., et entrant dans le four à la température de 50 à 60°. Un espace vide est laissé dessous, dessus et autour du foyer. Le feu se fait avec du bois ou du coak dans un foyer large de 60 centimèt. sur 1 mèt. de profondeur. La région du feu et de la fumée est parfaitement distincte de celle de l’air, condition essentielle. Les corps solides ou autres, placés dans le four, s’y trouvent sous l’impression d’une température qui peut varier à volonté jusqu’à 400°.

« Le phénomène inhérent au four et qui embarrasse les savans eux-mêmes, c’est qu’aussitôt que le combustible, bois ou coak, est en ignition, l’ouverture par laquelle l’air s’introduit est fermée de la manière la plus exacte, lutée même, et que l’ignition continue de la manière la plus complète, quelle que soit la quantité de combustible placée dans le foyer ; on peut même fermer la clef du tuyau de la cheminée ; le feu persiste, mais avec moins d’éclat[3]

Les avantages de ce four dans une grande manutention seraient :

1° Une grande économie de combustible ;
2° Une grande économie de main-d’œuvre ; car on n’a jamais à mettre le bois dans le four, à l’allumer, à tirer la braise, à balayer les cendres ; il suffit, à chaque 3e ou 4e fournée, de jeter dans le foyer une ou deux pelletées de coak ;
3° Une propreté parfaite, le dessous du pain ne pouvant recueillir ni cendre ni charbon ;
4° Une cuisson plus régulière et plus uniforme dans toutes les parties du pain.

Des inconvéniens pratiques ont été signalés dans le principe, comme il arrive toujours dans les applications nouvelles ; mais il paraît que MM. Mouchot, boulangers instruits et progressifs, sont parvenus à faire disparaître tous ces inconvéniens et qu’aujourd’hui la cuisson du pain, dans le four aérotherme, ne laisse plus rien à désirer.

Section XX. — Des frais généraux d’une boulangerie, cuisant à Paris (taux moyen) trois sacs de farine de 159 kil. par jour.
FRAIS GÉNÉRAUX. frais
annuels
pour
3 sacs.
frais
journa-
liers
pour
3 sacs.
Pour 1 sac.
f. c. f. c. f. c.
1° Achat du fonds de commerce 
1620 4 43 1 48
2° Loyer 
1600 4 38 1 46
3° Contributions 
262 40 71 24
4° Entretien de la manutention, renouvellement du matériel 
450 1 23 41
5° Montage des farines en magasin 
273 75 75 25
6° et 7° Intérêt du capital placé en farines chez les boulangers au dépot de garantie 
468 1 28 43
FRAIS PARTICULIERS.
8° Manutention, paie des ouvriers 
4288 75 11 75 3 92
9° Distribution de pain aux ouvriers 
383 25 1 05 35
10° Combustible sans déduction de la braise 
1934 50 5 30 1 77
11° Eclairage du fournil et de la boutique 
292 0 80 27
12° Levure 
365 1  – 33
13° Sel 
273 75 75 25
14° Remoulage et fleurage 
65 70 18  6
15° Taxe de la vérification des poids et mesures 
4 32  1  –
16° Transports des farines de la balle à la boulangerie 
91 25 25  8
17° Combustible employé au chauffage de l’eau 
54 75 15 10
Total[4]. 12426 42 34 02 11 35

Observations sur le tableau ci-dessus.

1° L’acquisition a lieu sur le pied de 8,000 à 10,000 fr. pour chaque sac fabriqué journellement ; c’est en moyenne 27,000 fr, de capital à 6 p. 0/0, taux du commerce 
 1,620 fr.


2° Les loyers des boulangers varient suivant le quartier et les localités, de 1,200 à 2,000 fr. et plus, terme moyen 
 1,600 fr.


4° Le capital d’un matériel de boulangerie doit être porté à 3,000 fr. au moins. L’entretien de ce matériel, notamment du four, étant très onéreux, une allocation de 15 p. 0/0 n’est pas exagérée 
 459 fr.


6° et 7° Le boulanger qui cuit trois fois par jour est tenu à un approvisionnement de 130 sacs. Le prix moyen de la farine doit être porté à 60 fr. les 159 kilogr. ; il faut aussi compter sur cet approvisionnement 6 p. 0/0 d’intérêts, soit 
 468 fr.


8° Un gindre, 4 fr. par jour ; un aide, 3 fr. 75 c. ; un troisième, 2 fr. 75 ; un porteur de pain, 1 fr. 25. Total : 11 fr. 75 c, soit par an 
 4,288 fr. 75 c.


9° Un kilogr. de pain par jour, à 35 c, pour 3 ouvriers, 1 fr. 5 c ; plus, un petit pain le matin, usage consacré, et le pain consommé la nuit, qu’on peut évaluer à une demi-livre par ouvrier, ci 
 383 fr. 25 c.


10° Le prix du bois varie au chantier de 26 à 30 fr. la voie ; il faut y ajouter 50 c. pour le cordage, 1 fr. pour le transport. Total en moyenne 
 29 fr. 50 c.


Une voie de bois brûlé produit 34 boisseaux de braise ; la braise se vend 40 c. le boisseau. Total 
 13 fr. 60 c.


On emploie, pour 6 fournées de Paris 10/30 de voie de bois, ce qui fait 
 9 fr. 83 c.


On en retire pour les 10/30 de braise 
 4     53    
——————
Différence constatant les frais du combustible 
 5 fr. 30 c.
par jour ou 88 c. 2/1000 par fournée.


Quant aux boulangers, s’il en existe, qui vendent la braise au-dessus de 40 c. le boisseau, ils ont, à raison de leur quartier, des frais de maison plus considérables, ci 
 1,934 fr. 50 c.


11° Le prix de l’éclairage est plutôt porté au-dessous qu’au-dessus de la vérité.


12° On emploie pour 3 sacs de farine de 159 kilogr, 1 kilogr. 1/4 de levure à 80 c. le kilogr ; 1 fr. par jour 
 365 fr.


13° On emploie pour 3 sacs 1 kilogr. 1/2 de sel à 50 c., 75 c. par jour ; par an 
 273 fr. 75 c.


14° Les quantités de fleurage et de remoulage que fournissent comme son les meuniers vendeurs de farines sont insuffisantes ; d’ailleurs, la Halle n’en fournit pas, et le boulanger achète du tiers au quart de ses farines sur le carreau de la Halle 
 70 fr.


16° Le prix du transport de la Halle chez le boulanger est à la charge de celui-ci. Cette dépense est évaluée en moyenne par an à 
 91 fr. 25 c


Pommier.
  1. Rapport de M. Kuhlmann à la Société des sciences et arts de Lille, 1829 et 1830.
  2. Nous avons parlé à l’article nettoyage des grains, de l’appareil laveur-sécheur que M. de Maupou a établi à Etampes ; la Guerre ne devrait-elle pas, après s’être assurée du mérite de ce système, l’appliquer à toutes ses manutentions militaires ? Un ministre qui adopterait une telle mesure rendrait le plus éminent service au pays ; et cette victoire remportée sur les abus illustrerait l’homme qui saurait y attacher son nom.
  3. Il paraît à peu près démontré que l’air nécessaire à la combustion s’introduit sur le foyer, par l’effet même de la grande chaleur qui dilate la paroi des murailles et en élargit assez les pores pour que la quantité d’air alimentaire puisse pénétrer.
  4. Il résulte de ce tableau que les frais du boulanger sont plus considérables par chaque sac, que l’allocation que l’administration lui accorde ; mais malgré cette contradiction apparente, les chiffres que nous avons donnés doivent être maintenus. Nous ferons remarquer qu’ils sont le résultat d’une moyenne, et qu’à Paris un boulanger qui ne cuit que 3 sacs ou au dessous, ne parvient à faire honneur à ses engagemens qu’avec la plus grande difficulté, et en apportant sur les frais de tous genres la plus sévère économie.