Stock (p. 189-208).


GANDHI DEPUIS SA LIBÉRATION

POSTFACE À LA XXXIe ÉDITION




La première édition de ce livre paraissait il y a trois mois.

Depuis, trois faits nouveaux ont, sans le modifier, accentué les grandes lignes du tableau :

Le parti Swarajiste indien, constitué par le chef politique le plus important de l’Inde et ami de Gandhi, C.-R. Das, — parti qui concilie les méthodes de Non-Violence avec la participation aux Conseils législatifs, — a remporté une victoire imposante, aux élections de la fin décembre 1923.

Les frères Ali, chefs reconnus des Mahométans de l’Inde et amis de Gandhi, ayant accompli leur peine de deux années de prison, ont repris leur place à la tête du mouvement national indien ; et l’un d’eux, Maulana Mohamed Ali, est devenu le président du Congrès de toute l’Inde.

Enfin, Gandhi lui-même a été remis en liberté.

L’Europe a appris la libération du Mahâtmâ. Mais elle ne sait pas à quelles heures critiques cette libération a été donnée. On lui a caché que peu s’en est fallu que le gouvernement anglais ne vît mourir dans ses mains son prisonnier.

Il était enfermé à Yeravada, près de Poona (province de Bombay). Depuis longtemps, il s’affaiblissait ; sa maigreur était extrême. En décembre, il fut pris de douleurs abdominales, auxquelles on prêta peu d’attention ; la fièvre s’installa. La famille, qui ne pouvait le visiter, était tenue dans l’ignorance.

Au début de janvier, la quiétude officielle fut brusquement secouée. L’état devint si inquiétant qu’on appela d’urgence en consultation le colonel Maddock, « Civil surgeon », qui reconnut une appendicite grave en pleine crise. Sans l’esprit de décision du chirurgien, Gandhi était perdu. Maddock n’attendit pas d’avoir les autorisations nécessaires ; il prit sur lui d’emmener Gandhi sur-le-champ dans son auto à l’hôpital Sassoon de Poona ; il le mit sur une civière, qu’il porta lui-même avec l’aide de quelques étudiants ; et, le soir (samedi 12 janvier), il l’opéra. Au dehors, nul ne savait rien ; la famille ne fut prévenue qu’après. Mais, à l’intérieur de l’hôpital, et dans les milieux officiels, l’anxiété était extrême. La responsabilité qui pesait sur les autorités anglaises était formidable. Si le Mahâtmâ mourait, l’Inde entière se soulevait.

Seul, le Mahâtmâ gardait son calme et sa douceur. Afin d’atténuer leur périlleuse charge, au cas d’un résultat fatal, les autorités firent appeler comme témoin, une heure avant l’opération, un chef du parti libéral indien, Sastri, qui avait été un des adversaires politiques de Gandhi, mais que celui-ci estimait. Et Sastri a publié le récit de cette heure angoissante[1].

On pria Gandhi de signer un papier, où il donnait son consentement à l’opération. Gandhi mit ses lunettes, lut attentivement et, demandant la permission de changer le texte, il dicta une lettre adressée au colonel Maddock : il y remerciait courtoisement les médecins et les autorités des bons soins donnés, affirmait sa confiance en son chirurgien, et réclamait l’opération immédiate. Puis, il releva ses genoux, y posa le papier, et signa au crayon d’une main qui tremblait beaucoup. On le laissa seul, quelques instants, avec Sastri, pour préparer la salle d’opérations. Le Mahâtmâ se mit à causer tranquillement. Et voici ses paroles textuelles :

«… Mon conflit avec le gouvernement continue et continuera aussi longtemps que persisteront les motifs qui l’ont provoqué. Il ne peut y avoir aucune condition. Si le gouvernement pense que mes motifs étaient bons et que je suis innocent, s’il pense qu’il m’a gardé assez longtemps prisonnier, il peut me laisser partir : cela serait honorable pour lui… On peut me libérer, mais ce ne doit pas être pour de faux prétextes… »

(C’est-à-dire, comme il le redira explicitement, qu’il n’accepte pas sa libération pour cause de maladie.)

Il ajoute que, « tandis qu’il a un profond discord avec le gouvernement, il aime individuellement les Anglais », et que si le peuple de l’Inde fait de l’agitation après sa libération, — « ce qu’il ne désire pas » — il prie que ce soit selon l’esprit de non-violence.

Sastri lui demanda alors s’il ne voudrait pas adresser un Message à son peuple. Gandhi devait le désirer d’autant plus que, depuis son incarcération, sa voix était étouffée. Après sa condamnation, il avait envoyé au président du Congrès national indien une lettre pour ses compatriotes ; mais la lettre fut interceptée par le gouvernement, qui voulut l’amender : ce que Gandhi refusa. Tout autre, à sa place, eût donc, à l’heure d’une opération qui pouvait être mortelle, saisi cette occasion de faire savoir à son peuple ses suprêmes volontés. Mais, avec cet admirable sens de l’honneur chevaleresque, qui est un des traits les plus frappants du Mahâtmâ, et qui semble aujourd’hui presque anachronique, Gandhi refusa. Il se considérait comme lié au silence.

Il répondit à Sastri qu’il était prisonnier du gouvernement, et qu’il devait observer le code d’honneur du prisonnier. Il était censé mort civilement. Il n’avait pas de Message à donner…

À ce moment — il était dix heures du soir — la porte s’ouvrit. On vint le prendre pour le porter sur la table d’opération.

L’opération dura vingt minutes ; et un accident faillit la rendre fatale. Le patient venait d’être chloroformé, quand la lumière électrique s’éteignit. On courut chercher des lampes à huile, puis des lampes à incandescence. L’incision révéla un abcès caché, purulent et très profond. On dut laisser dans la plaie un tube de six pouces, pour vider le foyer d’infection. Gandhi supporta bien l’opération ; mais la nuit resta inquiétante.

Le lendemain, arrivèrent les fils de Gandhi, enfin prévenus, puis madame Gandhi. Et le pays entier fut, pendant quelques jours, en proie à un délire d’anxiété. Le président du Congrès de toute l’Inde, Mohamed Ali, fit décréter des prières nationales dans tout le pays pour le 18 janvier. De tous côtés, la libération de Gandhi fut demandée, même par des journaux du gouvernement. Il fallait sortir au plus tôt de la situation dangereuse où la vie menacée de Gandhi mettait ceux qui le tenaient prisonnier. Le 17 janvier, le gouverneur de Bombay fut mandé brusquement à Delhi, chez le vice-roi, lord Reading. La session de la nouvelle Assemblée législative indienne devait s’ouvrir à la fin du mois. On devait lui enlever ce sujet d’agitation. L’ordre de libération fut donné, le 4 février.

Et aussitôt, le Mahâtmâ, déchargé de ses scrupules, redevenu libre de sa voix comme de sa pensée, envoya un Message au président du Congrès de toute l’Inde (7 février)[2].

Il commence par regretter l’acte du gouvernement, qu’il ne saurait accepter comme une grâce.

« Je suis fâché que le gouvernement m’ait libéré prématurément, pour cause de maladie ; ce genre de libération ne peut me faire aucune joie, car je considère que la maladie d’un prisonnier n’offre pas de raison pour le mettre en liberté. »

Avec sa belle courtoisie, il remercie tous ceux — (sans oublier personne) — qui, à l’hôpital ou en prison, l’ont traité avec égards. Il se dit impropre, pour quelque temps encore, au travail actif. Il a besoin de semaines de repos. Il lui faut d’ailleurs un certain temps pour se remettre au courant de la situation nouvelle de l’Inde : car il est resté au secret depuis deux ans. Il n’en donne pas moins de fermes conseils, qui montrent que rien n’a changé de ses décisions premières et de son programme d’action.

Avant tout, il faut refaire l’union de toutes les forces de l’Inde. En son absence, elle a été ébranlée.

« Si peu que je connaisse la situation présente du pays, j’en sais assez pour voir que les problèmes nationaux sont bien plus embarrassants aujourd’hui qu’au temps de Bardoli. Sans l’unité des diverses races et religions, toute idée de Swaraj (home rule) est vide de sens. Cette unité, que je croyais presque atteinte en 1922, a gravement souffert, entre Hindous et Musulmans. Si nous voulons conquérir notre liberté, il faut resserrer un lien indissoluble entre les diverses communautés. Je ne vous demande pas d’actions de grâces pour ma guérison. Votre union me rendra la santé plus vite que tous les soins médicaux. Mon cœur a été accablé par ce que j’ai appris de vos dissentiments. Tant que ce fardeau pèsera sur moi, je ne puis prendre de repos. Je fais appel à tous ceux qui ont de l’amour pour moi. Unissez-vous ! Je sais que la tâche est difficile ; mais rien n’est difficile, si nous avons une foi vivante en Dieu. Hindous, mahométans, mettez fin à votre mutuelle méfiance ! C’est la faiblesse qui engendre la crainte, et la crainte la méfiance. Rejetons, l’un et l’autre, nos craintes ! Même, si l’un, seul, de nous cesse de craindre, nous cesserons de nous quereller. Je sais qu’au fond nous nous aimons comme des frères. Je vous demande de partager mon anxieuse volonté d’union… »

Quant à sa tactique de combat, elle reste la même. Deux ans de méditation solitaire n’ont fait que le convaincre davantage de son efficacité. En premier lieu, le rouet, comme seul remède contre le paupérisme. L’union des races. La disparition de « l’intouchabilité ». L’application méthodique de la Non-Violence en pensées, en paroles et en actions…

« Si nous exécutons fidèlement ce programme, nous n’aurons pas besoin de recourir à la Désobéissance civile. Mais je dois ajouter que mes méditations n’ont pas affaibli ma croyance en l’efficacité et la justice de la Désobéissance civile. Je soutiens qu’elle est une arme pour le droit, et le devoir d’une nation, quand son être vital est mis en péril. Je suis convaincu qu’elle comporte moins de dangers que la guerre. Et tandis que la Désobéissance civile, quand elle réussit, fait du bien aux deux partis, la guerre fait du mal à la fois au vainqueur et au vaincu. »

Sur la tactique du nouveau parti Swaraj, fondé par son ami C.-R. Das, il évite de se prononcer encore. Il se trouvait en face d’une situation politique nouvelle, qu’il voulait étudier, avant de la juger. Aux élections législatives de fin décembre, les Swarajstes (nationalistes indiens de gauche, partisans de la Non-Violence, mais dans le cadre des moyens parlementaires mis à leur disposition par la Constitution réformée) avaient conquis environ la moitié des 103 sièges électifs de l’Assemblée de toute l’Inde ; et dans les Conseils provinciaux, leur parti était devenu presque partout le plus fort[3]. Ils en avaient usé pour émettre aussitôt (dès la fin de décembre) une série de revendications et de résolutions : demande de suppression des lois oppressives, établissement immédiat d’un gouvernement autonome, convocation d’une conférence pour déterminer les principes d’une Constitution indienne, qui serait définitivement élaborée par la nouvelle Assemblée ; et même, fédération des peuples asiatiques pour l’émancipation de l’Asie. Gandhi ne pouvait méconnaître ces leçons des faits nouveaux. Surtout, l’estime et l’affection qu’il avait pour les chefs de ce Mouvement, comme C.-R. Das, dont il connaissait la sincérité et la foi éprouvée, lui imposaient de ne point condamner, sans un sérieux examen, cette déviation à ses principes de Non-coopération.

« Vous n’attendrez pas de moi, dit-il, une opinion sur la question délicate de l’élection des membres du Congrès aux Conseils législatifs et à l’Assemblée. Bien que je n’aie aucunement changé d’opinion sur le boycott des conseils, des tribunaux et des Écoles du gouvernement, je n’ai point de faits qui me permettent d’arriver à un jugement sur ces modifications de tactique. Je ne veux exprimer aucune opinion, avant d’avoir pu discuter avec nos illustres compatriotes qui, dans l’intérêt du pays, se sont crus tenus de recommander la cessation du boycott des corps législatifs. »

Il termine en affirmant, une fois de plus, qu’il ne combat pas les Anglais, mais leur gouvernement et leur système politique d’oppression.


Deux autres Messages, publiés au cours du mois de février, attestent que la maladie[4] ne peut avoir raison de son énergie, ni les efforts des médecins pour le tenir au repos ne sauraient l’empêcher d’accomplir son devoir de chef :

Le 16 février[5], il publie une Déclaration, au sujet des événements récents du Sud-Afrique, où le Parlement de l’Union examine un Class Areas Bill (Bill des enceintes de classes), parquant les Indiens dans d’étroites limites. Gandhi proteste contre cette violation des conventions signées en 1914, et refait toute l’histoire du mouvement Sud-Africain.

Le 25 février[6], il adresse un message aux Sikhs Akalis, qui viennent d’entrer en collision avec la police britannique et de subir une sanglante fusillade, sur l’ordre d’un administrateur anglais. — Gandhi les rappelle strictement à la non-violence.


Dirons-nous les transports de l’Inde, depuis la libération, — l’appel de Mohamed Ali, décrétant pour le 10 février un jour d’actions de grâces nationales, — l’union de toutes les confessions dans cet acte de remerciement religieux, — les meetings de 30.000 personnes à Bombay, — les grandes processions mahométanes, — les fêtes de toute l’Inde ? Des torrents d’amour se déversent sur Gandhi ; et les médecins ont beaucoup de peine à en préserver leur convalescent. Cet amour gagne jusqu’aux gardes qui le soignent, et aux Anglais mêmes : tel ce vieux retraité militaire de 82 ans, dont parle un journal anglais, et qui vient tous les deux jours à l’hôpital avec un bouquet de fleurs, entre sans qu’on puisse l’arrêter, serre chaleureusement la main au Mahatma, et s’en va, lui disant : « Allons, courage, mon vieux ! »

Lui, toujours paisible, maître de lui, s’obligeant à parler longuement aux visiteurs. Il est émacié, ratatiné : « Il semble à peine la moitié de lui-même… On a les larmes aux yeux en le voyant. » Mais qui l’entend parler, de sa voix douce et calme, avec son affectueuse courtoisie, est touché jusqu’au cœur de sa sérénité. Et qui, l’ayant déjà connu avant son emprisonnement, le revoit (comme ce jeune Parsi qui me racontait, ces jours derniers, sa visite à l’hôpital), est frappé du changement. Avant la prison, on le sentait, malgré sa force d’âme, attristé de soucis. Maintenant, il est toute lumière… « Une âme qui peut se dire vraiment en paix avec le monde[7]. »

Nous devons, une fois de plus, clore ce chapitre en pleine action, — nous réservant d’en suivre le récit, dans de nouvelles éditions du livre. Nous en restons, à l’heure où les Swarajstes indiens viennent de rejeter, à l’Assemblée, le budget proposé, — à titre de simple manifestation de principe, et afin d’avertir le gouvernement qu’il doit dorénavant compter avec eux. Ils attendent les propositions de l’Angleterre.

Ces propositions viendront-elles ? Et surtout, viendront-elles à temps ? Il ne semble pas que le ministère travailliste soit plus disposé que les précédents à accorder le Home Rule à l’Inde ; et le message de Ramsay Macdonald a déçu, non pas tant l’auteur de ce livre, qui n’a plus beaucoup d’illusions sur la politique européenne, — que de nombreux amis de l’Inde et de l’Angleterre. Nous reconnaissons que la question est tragique pour toutes les deux. L’Angleterre a ruiné l’Inde, à son profit. Mais si elle rendait à l’Inde l’indépendance politique et économique, ce serait aux ouvriers des manufactures de Manchester d’être ruinés à leur tour. Un Gandhi est des très rares hommes capables de s’élever au-dessus des intérêts d’un seul des partis en lutte et de vouloir chercher le bien de tous les deux. Mais il faut qu’en Angleterre il trouve des adversaires de sa hauteur et de sa compréhension. En sera-t-il ainsi ? Que le veuille le bon génie du peuple britannique !

En tout cas, l’Angleterre n’est plus portée à mésestimer la force de son adversaire et l’efficacité de l’arme qu’il emploie : la Non-Violence. Pour les politiques européens qui seraient tentés encore de méconnaître la valeur combative de celle-ci, je citerai, pour finir, ces extraits d’une étude du très intelligent et très positif journal libéral anglais, non suspect de sympathies gandhistes, le Manchester Guardian Weekly (15 février).

« Réfléchissons à la force extraordinaire de l’arme politique qui, dans les dernières années, est venue en usage, sous la forme de l’inertie absolue. La première démonstration dangereuse qui en ait été faite sur une grande échelle, le fut par les Suffragettes, dans leurs grèves de la faim. Le Sinn Fein était, primitivement, une organisation pour la résistance absolument passive ; elle traitait comme inexistant tout ce qui était anglais en Irlande : les tribunaux, les postes, le percepteur et l’agent de police… Aujourd’hui, le Punjab est le laboratoire où s’expérimente la force explosive de cet étrange et nouvel explosif, qui n’explose pas, mais qui peut mettre hors de combat. C’est une maxime libérale, que tout gouvernement doit reposer sur le consentement des gouvernés. Dans le monde moderne, même dans l’Inde, il commence à sembler que n’importe quel gouvernement peut être disloqué, si un nombre considérable de ses sujets s’organisent pour ne faire aucun acte positif afin de l’aider, — même pas de manger dans ses prisons. Le ministère de l’Intérieur était à bout de ressources, quand la guerre suspendit les grèves de la faim des femmes ; et le gouvernement du Penjab est-il bien sûr maintenant de ce qu’il doit faire ? Notre habitude à tous a été jusqu’ici de considérer la résistance purement passive, le simple refus d’accomplir même les rudiments de la coopération civique, comme une arme inévitablement inefficace, en dernier ressort, en face de la force accablante résolument employée. Bien que la question ne soit pas encore éclaircie, il est possible que nous ayons à réviser nos conceptions de la force politique, et à reconnaître dans des préceptes comme celui de « présenter l’autre joue » l’indication d’une action politique effective, et non pas simplement, comme a dit Bacon, un principe de « moralité abstraite et monacale ».

R. R.
Fin mars 1924.


L’auteur de ce livre, qu’il vient de réviser, après la cinquantième édition, d’après les notes de ses amis indiens, croit bon de résumer en quelques lignes les événements accomplis depuis 1924 dans le parti gandhiste, et la situation dans l’Inde, en juin 1926.

À sa sortie de prison, et après sa convalescence, Gandhi fut élu président du Congrès de toute l’Inde, pour l’année 1925. Sans modifier ses principes fondamentaux, et tout en se refusant personnellement à toute « coopération », il céda aux instances d’une section de Swarajstes, et, dans l’intérêt de la cause indienne, il permit à ceux de son parti qui le désiraient, de coopérer, en rentrant dans les Conseils législatifs du gouvernement anglo-indien. Il continua surtout à travailler pour le rétablissement de l’unité hindoue-musulmane (tâche difficile, car le gouvernement britannique fomente la discorde), à développer la fabrication du khaddar (tissu indigène), et à lutter contre l’intouchabilité : (ici, les gandhistes ont remporté une victoire signalée, dans l’État de Travancore).

À l’expiration de sa présidence, fin 1925, Gandhi fut remplacé par sa disciple, la poétesse hindoue, Mrs Sarojini Naïdu. Depuis, il a momentanément renoncé à l’activité politique directe. Retiré dans son Ashram (monastère) de Sabarmati, il se consacre à la méditation, à l’éducation des enfants, et à la direction des disciples, ainsi qu’à la propagande du khaddar. Il est un chef religieux, la plus haute autorité morale de l’Inde. Les chefs des partis Swarajstes viennent dans sa retraite lui demander conseil ; et dans ses deux revues : Navajiran et Young India, il fait entendre régulièrement sa voix, qui montre le chemin et maintient fermement les principes.

R. R.
Juin 1926.


  1. Swarajya, Madras, mardi 15 janvier.
  2. Hindu, Madras, 8 février.
  3. C. F. Andrews, dans un article du Manchester Weekly (1er février), ajoute que ce succès était d’autant plus remarquable que le parti Swaraj n’avait reçu du Congrès national la permission de prendre part aux élections que peu de jours avant le scrutin. Un très grand nombre de Non-Coopérateurs, qui voulaient suivre strictement les principes de Gandhi, étaient restés à l’écart des élections. Si toute l’armée des Non-Coopérateurs s’était entendue pour l’action électorale, leur victoire eût été écrasante.
  4. Il s’en faut que, même à l’heure présente, Gandhi soit hors de danger. (Fin mars 1924.)
  5. Bengalee, Calcutta, 16 février.
  6. Indian Daily News, Calcutta, 26 février.
  7. Dilip Kumar Roy — Combien j’aimerais à citer ici l’entretien que notre ami, le musicien hindou, D. K. Roy, eut le 2 février, à l’hôpital de Poona, avec Gandhi, sur la musique ! On y sent le grand cœur du Mahâtmâ, religieusement épris de la beauté de l’art, au point de « ne pas concevoir une évolution de la vie religieuse de l’Inde sans musique », mais comme les sages helléniques, et comme Goethe, voyant le plus grand art dans la vie la plus belle. (The Bombay Chronicle, 5 février.)