Ma vie (Cardan)/Chapitre VII

Traduction par Jean Dayre.
Texte établi par Jean DayreHonoré Champion (p. 18).

VIII

DE L’EXERCICE

Autrefois je m’adonnais à toutes les variétés d’escrime, assez (32) pour avoir une certaine considération chez les bretteurs. Je jouais de l’épée, seule ou avec le bouclier allongé, rond, grand ou petit ; et du poignard en même temps que de l’épée, de la pique, de la lance ; ou bien vêtu du manteau, l’épée à la main, je sautais assez habilement sur le cheval de bois. Sans armes je savais arracher à mon adversaire un poignard dégainé. Je m’exerçais à la course, au saut et j’y réussissais assez bien ; mais moins dans les exercices qui mettaient en jeu mes bras, à cause de leur gracilité.

J’étais mal à mon aise dans l’équitation, la nage et le tir des armes à feu ; je frissonnais de terreur au bruit de la foudre comme devant la colère des dieux.

J’étais, en effet, naturellement peureux, mais la pratique des exercices me rendit courageux, assez pour être inscrit même dans la milice.

Pendant la nuit, malgré les ordres des princes, je me promenais en armes dans les villes où je résidais. Le jour j’allais armé, et portant des semelles de plomb qui pesaient huit livres. La nuit je me couvrais le visage d’un voile de laine noire et je mettais des chaussures de feutre.

Bien des jours, ainsi armé, je m’exerçais du matin jusqu’au soir ; puis, trempé de sueur, je jouais des instruments de musique ; et fréquemment j’errais toute la nuit jusqu’au jour.

Du moment où j’exerçai (33) la médecine, j’allai à cheval ou à mulet, mais plus encore à pied. Depuis 1562 j’ai commencé à aller en voiture, à Bologne et à Rome, et je continue. Le matin je sors en voiture et je rentre à pied. Légèrement vêtu après le repas de midi, je mets des vêtements plus lourds tout le temps que je vais en voiture.