M. Hans Blum et son histoire de l’Empire allemand de 1871 à 1890

M. Hans Blum et son histoire de l’Empire allemand de 1871 à 1890
Revue des Deux Mondes4e période, tome 121 (p. 692-704).
M. HANS BLUM
ET
SON HISTOIRE DE L'EMPIRE ALLEMAND DE 1871 A 1890

Il est presque impossible de parler de M. de Bismarck comme il désire qu’on en parle ; ses plus zélés panégyristes réussissent difficilement à le contenter. M. Hans Blum vient d’en faire l’expérience. Il avait entrepris de raconter l’histoire du nouvel empire allemand depuis sa fondation ou, pour mieux dire, l’histoire de M. de Bismarck, de 1871 jusqu’au jour où le chancelier fut rendu malgré lui à la vie privée[1]. Sa préface nous apprend que M. de Bismarck daigna s’intéresser à son travail et lui vint en aide en l’honorant de ses précieuses confidences. « L’auteur de ce livre, nous dit-il, a eu le rare bonheur d’être assisté dans son entreprise par le héros du siècle, dont il a tenté de retracer l’image et la glorieuse carrière, et qu’il propose à l’admiration reconnaissante des contemporains et de la postérité. Le prince de Bismarck nous autorisa à lui adresser des questions auxquelles il répondit lui-même. Ces communications orales, faites en 1892 et 1893, sont d’une importance inappréciable, aussi bien pour l’exposition des faits que pour le jugement à porter sur maint événement. » Quoique aucun sténographe n’eût été chargé de reproduire textuellement les réponses du prince, on a pensé que l’incontestable sincérité de M. Blum était une garantie suffisante. Mais soit qu’il ait été parfois mal servi par sa mémoire ou qu’il n’ait pas été toujours assez discret, l’ermite de Friedrichsruhe a jugé à propos, sinon de lui infliger un désaveu, du moins de lui imputer des inexactitudes. Il a tiré son épingle du jeu, il a décliné toute responsabilité dans cette affaire.

Selon toute apparence, M. le docteur Blum ne se serait pas attiré ce désagrément, s’il n’avait porté contre le feu comte d’Arnim des accusations téméraires ou calomnieuses. On sait que pendant qu’il était ambassadeur d’Allemagne à Paris, M. d’Arnim avait donné au chancelier plus d’un sujet de mécontentement. Il n’avait pas la souplesse que M. de Bismarck exigeait de ses subordonnés, il se permettait d’avoir ses opinions personnelles sur la politique générale et en particulier sur la conduite à tenir avec le gouvernement français. Ce qui était plus grave, il s’adressait directement à l’empereur Guillaume pour le gagner à ses idées, et, ce qui était plus grave encore, la plupart de ses amis étaient des ennemis du chancelier.

Le 7 février 1873, il envoyait un rapport à M. de Bismarck touchant les propositions que lui avait faites M. Thiers au sujet du paiement anticipé de l’indemnité de guerre. Ces propositions furent agréées de M. de Bismarck, qui ordonna à l’ambassadeur de négocier sur-le-champ avec M. Thiers. Du 5 au 12 mars la négociation ayant paru languir, il soupçonna qu’il y avait anguille sous roche, et, s’il en faut croire M. Blum, il découvrit que M. d’Arnim tripotait avec le baron Hirsch et que, pour assurer le succès de leurs communes opérations, il était nécessaire que, conformément au traité du 29 juin 1872, le paiement du dernier milliard ne fût pas effectué avant le 1er mars 1875 ; le nouveau traité eût tout gâté. M. de Bismarck transporta aussitôt à Berlin le siège de la négociation, il traita personnellement avec l’ambassadeur de France, le vicomte de Gontaut-Biron. Le 15 mars, tout était terminé, et M. d’Arnim en fut averti par une dépêche télégraphique.

Un peu plus loin, M. Blum est revenu à la charge. Selon lui, lorsque le comte d’Arnim, rappelé de Paris, témoigna le désir d’être envoyé comme ambassadeur sur les rives du Bosphore, M. de Bismarck fut d’abord surpris de cette demande que rien ne justifiait, mais il cessa de s’étonner en apprenant que le baron Hirsch projetait, lui aussi, d’émigrer à Constantinople. Le fils du défunt a pris vertement à partie le diffamateur qui flétrissait la mémoire de son père, et il a exigé du prince de Bismarck une rétractation formelle, qui ne lui a point été accordée. Le prince s’est servi du journal que dirige M. Maximilien Harden pour faire savoir au public qu’il n’avait rien à voir dans cette querelle, que non seulement il avait refusé de lire les bonnes feuilles du Livre incriminé, qu’il avait défendu qu’on lui en parlât, qu’au surplus les récits de M. Blum n’étaient pas toujours exacts, ni suffisamment documentés. Cette hautaine et cruelle déclaration a dû causer quelque déplaisir à M. Blum ; mais il peut se rassurer. Quiconque lira son livre avec quelque attention conviendra que ses entretiens avec le prince ne lui ont pas été inutiles, que sur plus d’un point on lui avait fait sa leçon et qu’il l’a fidèlement répétée. Il suffit de prêter l’oreille, on reconnaît la voix du souffleur.

L’auteur de l’article où M. Blum est si durement gourmande confesse toutefois « que son ouvrage est bien fait dans certaines parties, et qu’il a toujours eu les meilleures intentions ». C’est la moindre justice qu’on put lui rendre. Le docteur Blum professe pour le prince de Bismarck une admiration sans bornes et sans réserve.

Qu’il s’agisse de politique étrangère, d’administration intérieure, de questions d’impôts ou de douanes, il l’approuve en tout et partout et lui pardonne d’avoir souvent froissé ses opinions. Il a quant à lui toutes les passions, tous les préjugés d’un libéral-national endurci et de ces intransigeants farouches pour qui la papauté est la grande ennemie, la femme de Babylone qui prend les rois et les peuples dans ses filets, et peu s’en faut qu’il ne voie la main des jésuites dans tout ce qui peut arriver de fâcheux à son pays. Aussi parle-t-il avec enthousiasme du Kulturkampf et des fameuses lois de mai ; mais son admiration pour son héros prévalant sur l’esprit de parti, il parle aussi avec éloge des démarches que fit M. de Bismarck pour se réconcilier avec le Saint-Siège. Le grand homme d’Etat est à ses yeux un juge omniscient et infaillible des choses humaines, dont les prévisions ont toujours été justifiées par l’événement. Il n’a jamais hésité, jamais talonné ; dans les circonstances les plus difficiles, conduit par un instinct miraculeux, il a su trouver avec une certitude surhumaine le mot de l’énigme à résoudre.

Cependant, si sûr que soit l’instinct, il se fourvoie quelquefois et les fourmis, les abeilles ont leurs incertitudes et leurs repentirs. Comme elles, les grands politiques ont tous fait leurs écoles, et c’est cela même qui les rend plus intéressans. M. de Bismarck, quoi qu’en dise le docteur Blum, attendait de sa campagne contre le Vatican des satisfactions d’orgueil qu’il n’y a point trouvées ; ce qui est admirable, c’est qu’après avoir caressé une illusion, averti de sa méprise, il ne s’est point obstiné. Aucun homme d’État n’a été plus attentif à réparer ses fautes, et il n’en est point non plus qui ait mieux su profiter des fautes de ses adversaires, Je lisais ces jours-ci, dans l’élégante traduction de M. de Heredia, la Véridique histoire de la conquête du Mexique, par un des compagnons de Fernand Cortès, Bernal Diaz del Castillo. On y voit que, comme M. de Bismarck, Cortès, qui passa pour téméraire et qui avait pour principe que qui entreprend triomphe, était prompt à reconnaître ses erreurs et à les réparer par d’ingénieux artifices. On y voit aussi qu’il fut redevable de ses plus grands succès à l’heureux parti qu’il sut tirer de l’imprudence, de l’impéritie ou de la désunion de ses ennemis. « Ayant vu la discorde et la dissension qu’il y avait entre les uns et les autres, écrivait-il à l’empereur Charles-Quint, je n’en eus pas peu de plaisir, parce qu’il me sembla que cela venait fort à mon propos et que j’y pourrais trouver la manière de les plus vitement subjuguer, suivant le dicton qui veut qu’on tire de la forêt de quoi la brûler. » Comme Fernand Cortès, M. de Bismarck a trouvé toujours dans la forêt. le bois dont il s’est servi pour la brûler, et cela suffit à sa gloire.

M. Blum ne s’est pas contenté d’attribuer à M. de Bismarck un don d’infaillible lucidité ; il le représente comme un sage au-dessus de toutes les misères, de toutes les faiblesses humaines, et qui n’eut jamais d’autre passion que l’amour du bien public. S’il arrivait que la postérité ne connût le prince que par le livre de son dernier biographe, elle tiendrait pour certain que le glorieux fondateur de l’empire allemand possédait toutes les vertus apostoliques, qu’il appartenait à la race des débonnaires, des esprits doux et concilians, et que s’il eut souvent à se défendre contre les gens malintentionnés qui l’attaquaient, il n’attaqua jamais personne. Plutarque s’y prenait autrement pour nous intéresser à ses héros ; il savait que les défauts font valoir les qualités, et il mêlait les ombres aux lumières. Quoi qu’en ait dit le journal de M. Harden, le docteur Blum a apporté dans l’exposition des faits une consciencieuse exactitude ; mais il n’a pas su peindre le grand homme qu’il admire. Personne ne reconnaîtra dans ce pastel aux couleurs effacées le fauve qui tour à tour épouvantait les forêts par ses rugissemens ou subjuguait par ses grâces félines les innocentes gazelles et les daims crédules.

Il y a cependant un trait de ce caractère puissant et compliqué que M. Blum a su rendre. Contre son dessein peut-être, M. de Bismarck nous apparaît dans son livre comme le plus défiant des hommes ; il le montre occupé sans cesse à tenir ses ennemis en échec, à déjouer leurs intrigues, à traverser leurs manœuvres, et travaillant sans relâche à sa conservation personnelle, qu’il jugeait avec raison nécessaire au bien de l’État. Si je ne me trompe, c’est sur le compte de ses ennemis que M. de Bismarck a dû s’exprimer le plus librement dans ses entretiens avec M. Blum, car dans sa retraite comme lorsqu’il était au pouvoir, il ne les oublie jamais. S’il est implacable pour certains personnages politiques qui ont pu contribuer à sa disgrâce, il en veut encore, comme au premier jour, à quiconque osa jadis lui résister. Les vieilles offenses sont demeurées à jamais gravées dans sa tenace mémoire, et l’injure reçue il y a vingt ans fait encore bouillonner son sang ; ses haines toujours fraîches étonnent l’univers par leur éternelle jeunesse.

Sans doute, M. de Bismarck a eu beaucoup d’ennemis secrets ou déclarés ; mais le docteur Blum a eu tort de prendre au sérieux certains griefs plus ou moins imaginaires dont il a pu l’entretenir. Il a servi trois empereurs ; tant que vécut Guillaume Ier, il n’eut rien à craindre pour son omnipotence, et cependant il craignait tout. Quiconque passait pour avoir quelque influence ou pour être agréable en haut lieu, se rendait aussitôt suspect à son ombrageux orgueil. Toute démarche de l’impératrice Augusta, ses amitiés, ses moindres propos lui donnaient du souci. Plus d’une fois il a fait attaquer par les journaux à sa solde « cette auguste dame, diese hohe Dame, » qu’il accusait de combattre sa politique auprès de l’empereur, de comploter contre lui avec ses confidens ou avec le marquis d’Abzac, et de vouloir lui donner un successeur dans la personne du ministre de la maison du roi, M. de Schleinitz. Le comte d’Arnim le comparait à un éléphant qui se sert de sa trompe tantôt pour déraciner un arbre, tantôt pour ramasser une aiguille. Cette image lui a paru blessante ; mais, sans le comparer à un éléphant, il est bien permis de lui appliquer ce que Retz disait du cardinal de Riche lieu, « qu’il était un très grand homme, mais qu’il avait au souverain degré le faible de ne point mépriser les petites choses ».

Si M. de Bismarck s’était fait beaucoup d’ennemis, il est juste de remarquer qu’il s’attira leur haine autant par la supériorité de son génie politique que par son despotisme, ses hauteurs et l’âpreté de ses exigences. Pour mener sa grande œuvre à bien, il devait conserver la liberté de choix, et cet éclectique ne pouvait être le prisonnier d’aucun parti. Aussi, l’un après l’autre, tous les partis se plaignirent de lui. L’opposition de gauche l’inquiétait peu, il avait appris depuis longtemps comment on mate les tribuns, et en Prusse, ce ne sont pas les votes d’une majorité hostile qui décident de la destinée des ministres. Les éloquens réquisitoires de M. Eugène Richter ont plus d’une fois ému sa bile, ils n’ont jamais troublé la tranquillité de son sommeil.

Ce qui le préoccupait davantage, c’était l’hostilité croissante du parti conservateur, dont il avait été jadis le coryphée, le paladin. Après avoir combattu ensemble victorieusement les ennemis de Dieu et du roi, on ne s’entendait plus. Ses anciens amis ne se plaignaient pas seulement qu’il leur manquât d’égards, qu’il les traitât de haut en bas ; ils ne pouvaient lui pardonner ses infidélités à leurs communs principes, ses transactions avec les libéraux ; ils le tenaient pour un renégat. Ils l’accusaient d’avoir sacrifié la vieille Prusse à la nouvelle Allemagne et de leur avoir imposé une constitution dont on a pu dire qu’elle avait été faite par un homme et pour un homme. Après 1871 leur mécontentement redoubla, et quelques-uns d’entre eux révèrent peut-être de renverser le maître superbe qui tenait tout dans ses mains et ne voulait rien lâcher. Ils se plaisaient à croire qu’il avait achevé sa tâche, qu’il n’était plus nécessaire, que naviguant désormais dans des eaux tranquilles, on pouvait reprendre le gouvernail au pilote qui avait sauvé la barque des récifs et des tempêtes. On trouve à ce sujet de curieux renseignemens dans les papiers récemment publiés de l’ancien feld-maréchal et ministre de la guerre, le comte de Roon, et particulièrement dans sa correspondance avec son neveu Moritz de Blanckenburg, un des chefs du parti conservateur et autrefois ami intime de M. de Bismarck. M. de Blanckenburg déclarait que son ambition et ses allures autoritaires le rendaient insupportable, et le traitait de grand Zarastro, qui jouait des airs de sa façon sur une flûte empruntée aux libéraux. Comme le neveu, l’oncle nourrissait des rancunes contre « l’ermite de Varzin, qui voulait tout faire lui-même et qui défendait qu’on le dérangeât ». De jour en jour les doléances étaient plus amères, les reproches étaient plus acerbes, et M. de Bismarck écrivait au comte : « À mesure que le temps s’écoule, la solitude se fait autour de moi ; les vieux amis disparaissent ou se changent en ennemis, et on ne s’en fait pas de nouveaux. À la grâce de Dieu ! »

Les étourdis, les téméraires avaient hâte d’en finir avec lui ; mais les conservateurs circonspects et réfléchis étaient forcés de reconnaître qu’il était bien difficile de le remplacer. Après le vote du septennat, M. de Roon écrivait de Rome : « À présent que la défense de l’Allemagne est assurée pour sept ans, nos amis sont disposés à croire qu’on pourrait se débarrasser de Bismarck. Sans doute il ne tiendrait qu’à nous de le rendre impossible ou tout au moins de lui créer des difficultés, si nous avions quelque chose de mieux à mettre à la place. Mais qui le remplacera ? De Moltke ? il y consentirait difficilement ; Manteuffel ? je le tiens pour impossible. Qui donc ? je n’en sais absolument rien. Quoi qu’on puisse dire contre Bismarck et contre sa politique, ce serait à mes yeux un grand malheur que la maladie ou les cabales le contraignissent à se retirer. Je le crois indispensable, jusqu’à ce que je lui aie trouvé un successeur, et je n’en connais point. Les casse-cou qui voudraient le renverser ne savent pas ce qu’ils souhaitent. Ce qui succéderait serait le chaos, tout remplaçant ferait des fautes, et les fautes commises par incapacité sont pires que les autres. »

Si difficile qu’il soit de remplacer un homme, ce n’est jamais impossible, et tel comédien en renom, qui se croyait nécessaire au succès d’une pièce, a eu le déplaisir de voir jouer le rôle par une doublure qui se faisait applaudir. Ce qui rassurait davantage M. de Bismarck, ce qui le garantissait de tout accident fâcheux, c’était le caractère de l’empereur Guillaume Ier et sa ferme résolution de ne jamais se séparer de son ministre. Et cependant, s’il se fut laissé aller à ses inclinations naturelles, il eût épousé la cause de ces conservateurs chagrins, qui s’étaient brouillés avec le chancelier. Toutes ses sympathies étaient pour eux. Il avait les mêmes opinions, la même foi, les mêmes goûts et les mêmes dégoûts ; il partageait leurs inquiétudes, et leurs griefs lui semblaient justes. Souvent même, à l’insu de M. de Bismarck, il correspondait avec eux, il leur disait : « J’ai passé de lourdes journées. Malgré mon état de faiblesse, j’ai écrit deux fois pour combattre cette nouvelle loi sur le mariage, que je juge comme vous. Il m’a été impossible de la faire rejeter, puisque le prince de Bismarck lui-même s’est prononcé en sa faveur. » Dans le fond, s’il entretenait avec ces mécontens un commerce secret, c’était dans l’espérance de les contenir, de les adoucir, de les aider à prendre leur mal en patience. Il leur disait à mots couverts : « Vous avez raison, mais il faut se plier aux circonstances. Consolez-vous en pensant que je souffre autant que vous, et résignez-vous comme moi. Il croit savoir mieux que nous ce qui nous convient : je le supporte, supportez-le. »

M. de Bismarck n’a jamais pu douter de l’obstinée fidélité de Guillaume Ier. M. Blum attribue sa constance à la gratitude qu’il ressentait pour quiconque lui avait rendu de grands services. Il y a plus, et je crois qu’à ce sentiment fort respectable se joignait une confiance fataliste dans l’homme qui était devenu son ministre lorsqu’il se déballait avec une situation désespérée et qu’il songeait à abdiquer. Par son audace et sa ruse, ce ministre, que les badauds traitaient de fou, l’avait conduit de triomphe en triomphe et lui avait fait un sort qui dépassait tout ce qu’il avait pu rêver. Il avait pour cet homme prédestiné un superstitieux attachement, comparable à celui d’un joueur pour son fétiche, et quand le chancelier, pour le mettre à l’épreuve, affectait de lui offrir sa démission, il répondait : Jamais ! Aussi est-il permis de croire que les craintes qu’inspirait le comte d’Arnim à M. de Bismarck n’avaient rien de sérieux. Peut-être quelques conservateurs crurent-ils trouver dans l’ex-ambassadeur d’Allemagne à Paris ce remplaçant que le comte de Roon déclarait introuvable. Ce qui est plus sûr, c’est que M. d’Arnim avait toutes les grandes ambitions et qu’infatué de lui-même, aucune tâche ne lui semblait au-dessus de ses forces. C’était, comme l’ont prouvé ses fameuses brochures, un homme de beaucoup d’esprit ; mais s’il avait quelquefois l’esprit qui sert, il avait plus souvent l’esprit qui nuit, et le plaisir qu’il prenait à décocher des épigrammes à son formidable rival lui a coûté cher. Il s’est perdu par sa légèreté, par son indiscrétion, par son étourderie. Il n’avait jamais été dangereux ; mais il avait tenté de l’être, et c’en était assez pour lui attirer l’irréconciliable aversion du grand politique qui n’a jamais rien pardonné ni rien oublié.

On ne peut nier qu’à la mort de Guillaume Ier, M. de Bismarck n’ait couru des dangers plus sérieux. Depuis longtemps les prophètes avaient prédit qu’il ne serait pas le chancelier de l’empereur Frédéric III. Il avait toujours traité le prince royal en suspect, il avait eu de mauvais procédés ; d’accord avec Guillaume Ier, il s’était arrangé pour le tenir à l’écart des affaires, pour ne le consulter sur rien, pour ne lui confier que des missions sans importance. On savait aussi qu’il y avait entre eux des dissentimens profonds sur toutes les questions à régler en Prusse et en Allemagne. Ce prince, tenu obstinément dans l’ombre, alliait à la douceur du caractère la fierté d’un soldat qui a fait ses preuves, et parmi ses amis, qui mal vus du chancelier, avaient, eux aussi, des griefs, plusieurs paraissaient des hommes de gouvernement, dignes d’occuper les grandes places ; tout semblait annoncer que le nouvel empereur avait une revanche à prendre et qu’il la prendrait. La destinée en avait disposé autrement ; une cruelle maladie devait l’emporter à bref délai, il était condamné à ne régner que quatre-vingt-dix-neuf jours. Cet héroïque patient, qui ne se faisait aucune illusion sur son état, savait que ses heures étaient comptées, et renonçant à tous ses projets, il ne pensait qu’à mourir en paix. Dès le 9 mars 1888, il envoyait de San Henni une dépêche au chancelier pour le remercier du dévoûment avec lequel il avait servi son père et pour lui déclarer qu’il comptait sur son assistance. Le 11, il arrivait à Leipzick, où M. de Bismarck était venu l’attendre. Il le fit monter dans son wagon-salon, l’embrassa à plusieurs reprises, et ils arrivèrent ensemble à Charlottenbourg, sans avoir dit un mot qui pût faire croire qu’ils ne s’aimaient pas.

Si M. de Bismarck avait éprouvé quelques inquiétudes, il n’avait plus sujet d’en avoir, et il ne craignit pas de s’opposer ouvertement à un projet de famille longtemps caressé, qu’il déclarait inconciliable avec sa politique. Depuis plusieurs mois, il était question de donner la fille aînée de l’empereur Frédéric III, la princesse Victoria, au prince Alexandre de Battenberg, si mal récompensé par les Bulgares des éclatans services qu’il leur avait rendus. La nouvelle impératrice désirait ardemment ce mariage, auquel s’intéressait aussi sa mère, la reine d’Angleterre. M. de Bismarck n’avait point été consulté ; le projet lui fut communiqué le 23 mars, et du même coup on lui annonça la prochaine arrivée à Berlin de l’ex-prince de Bulgarie. Il répondit qu’il ne prêterait jamais les mains à ce mariage, qui indisposerait sûrement la cour de Russie, et que, si on passait outre, il s’en irait. L’Allemagne s’émut de cet incident, mais elle ne tarda pas à se rassurer. L’empereur, qui tenait, parait-il, cette union pour une mésalliance, pria le chancelier de lui exposer ses objections dans un mémoire. Ce mémoire portait que du jour où les Bulgares apprendraient que leur premier prince venait d’épouser une fille de l’empereur d’Allemagne, ils s’empresseraient de le rappeler, que jusque-là l’Allemagne n’avait eu aucun intérêt particulier en Bulgarie, ce qui lui avait permis de tenir la balance égale entre les deux puissances intéressées, l’Autriche-Hongrie et la Russie ; que désormais elle se ferait un devoir de prendre parti pour le gendre île son souverain : « Quand on jette un bâton de maréchal par-dessus les murailles d’une forteresse ennemie, il faut l’y aller reprendre, quoi qu’il advienne et quoi qu’il en coûte. »

L’impératrice jugea sans doute que c’était prévoir les malheurs de bien loin et combattre un mariage d’inclination par des raisons bien subtiles. Toutefois, l’empereur les ayant trouvées décisives, elle se résigna et continua de faire bon visage au chancelier. Mais les sourires d’une femme offensée sont bien trompeurs, et ce fut peut-être à son instigation que le 8 juin, sans en avoir avisé le prince, l’empereur mit brusquement à pied le ministre de l’intérieur, M. de Puttkamer. Cette exécution, qui réjouit les libéraux, fut moins agréable à M. de Bismarck. Avec le temps, selon toute apparence, on lui aurait donné d’autres dégoûts, et il n’est pas impossible qu’on l’eût amené à offrir de nouveau sa démission, qui cette fois eût été acceptée. Mais huit jours après la destitution de M. de Puttkamer, l’empereur Frédéric III n’était plus.

La fortune est si capricieuse qu’on ne sait dans ce monde ce qu’il faut craindre ou désirer. « Je ne désire plus rien, me disait une femme d’esprit ; les bonheurs que j’avais souhaités et obtenus m’ont souvent été amers, et j’ai quelquefois trouvé mon compte dans les malheurs que j’avais le plus redoutés. » M. de Bismarck n’avait pas vu sans appréhension monter sur le trône un prince royal qui n’avait jamais eu à se louer de lui. L’avènement de Guillaume II le délivrait de tout souci et semblait lui promettre de longs jours de félicité et de puissance. Il savait que le nouveau roi-empereur avait un vif sentiment de la dignité personnelle ; mais les jeunes gens les plus fiers d’eux-mêmes ne s’abaissent point en déférant aux conseils d’un vieillard expérimenté, qui gouverne l’Europe depuis vingt-cinq ans. Télémaque écoutait dévotement Nestor sans se plaindre que ses récits fussent trop longs. A la vérité, Guillaume II avait éprouvé dans sa première jeunesse de vives antipathies pour le chancelier de son père. Comme nous l’apprend M. Blum, il avait reçu ses premières leçons d’histoire allemande de la comtesse Reventlow, originaire du Schleswig-Holstein, irréconciliable ennemie de la Prusse, qui considérait comme des actes de brigandage les annexions de 1866. Mais lorsqu’en 1877 le prince fut envoyé à Bonn pour y achever ses études, il y trouva un professeur, le docteur Maurenbrecher, qui se chargea de rectifier ses idées. « Lorsqu’il quitta l’université, disait plus tard ce persuasif docteur, il était devenu, grâce à moi, un fervent admirateur du prince de Bismarck. Je suis fier d’avoir obtenu ce résultat, et quand je n’aurais pas écrit, mes livres, je pourrais encore me rendre le témoignage que j’ai glorieusement employé ma vie. »

La conversion opérée par M. Maurenbrecher avait été aussi durable que complète. Dès son avènement le jeune empereur profita de toutes les occasions pour témoigner à M. de Bismarck son respect et son admiration. Lorsqu’il eut prononcé devant le Reichstag son premier discours du trône, il affecta, contre l’usage, de tendre la main au prince, et le 31 décembre 1888, il lui adressait un compliment de nouvelle année ainsi conçu : « Cher prince, l’année qui nous a apporté de si dures épreuves et des deuils irréparables est sur le point de finir. Ce qui me remplit de joie et de consolation, c’est la pensée que vous restez fidèlement à mes côtés et que vous êtes fort et robuste. C’est de tout mon cœur que j’appelle sur vous la bénédiction du ciel, et que je demande à Dieu qu’il me soit donné de travailler longtemps avec vous à la prospérité et à la grandeur de notre pays. » En vain la Gazette de la Croix, principal organe du parti féodal, s’étudia à brouiller les cartes, à jeter la zizanie entre le souverain et son conseiller, et représenta M. de Bismarck comme un homme qui ne pensait qu’à lui, qui voulait être le maître, qui entendait gouverner et régner, qui imposait à l’empereur toutes ses combinaisons politiques et l’avait forcé de transiger avec les partis du cartel, c’est-à-dire avec une majorité formée par la coalition des libéraux et des conservateurs modérés. Le Moniteur de l’Empire déclara, le 2 octobre 1889, « que Sa Majesté l’empereur et roi avait pris connaissance de certains articles récemment parus et les avait formellement désapprouvés, qu’elle ne permettait à aucun parti de se donner l’air d’avoir l’oreille de l’empereur. » L’incorrigible journal ayant renouvelé ses attaques, Guillaume II témoigna hautement le déplaisir qu’il en ressentait, et fit savoir qu’il avait donné l’ordre de bannir la Gazette de la Croix de tous les châteaux royaux.

Une seule chose, remarque justement M. Blum, pouvait donner à penser à M. de Bismarck. Si son jeune souverain se gouvernait par ses conseils et semblait ne vouloir rien changer à sa politique, il faisait d’autre part beaucoup de changemens dans le personnel. C’était comme une satisfaction donnée à son goût pour les nouveautés, à l’inquiétude de son esprit. A la cour comme dans la diplomatie, dans les ministères, dans l’armée, les anciens titulaires se voyaient supplanter par de nouveaux venus. En 1888, 65 généraux et 156 officiers d’état-major avaient été mis à la retraite ; sur les quatorze corps d’armée, huit reçurent de nouveaux commandans. Il semblait que Guillaume il voulût répandre un peu de sa jeunesse autour de lui, et les barbes grises qu’on éconduisait demandaient en vain des explications : on se contentait de leur alléguer la volonté souveraine du maître.

Le 14 août 1888, le maréchal de Moltke avait cessé d’être le chef de l’état-major général ; le comte Waldersee prit sa place, et, peu de temps après sa nomination, le bruit courut à Berlin qu’il était en désaccord avec M. de Bismarck sur des questions concernant la politique étrangère. Des journaux qu’on croyait inspirés par le général reprochèrent au chancelier de faire à la paix de l’Europe de trop grands sacrifices. On vit paraître dans cette terrible Gazette de la Croix, qui lui avait déjà donné tant d’ennuis, des articles qui poussaient à la guerre contre la Russie. L’empereur prit de nouveau parti pour le » chancelier, il blâma les articles et le comte Waldersee fut mis en demeure de les désavouer. Cependant Guillaume II ne lui avait point retiré sa confiance. On savait que presque tous les jours il conférait avec lui, qu’ils se promenaient souvent ensemble au Thiergarten. En revanche, le 30 décembre 1889, il adressait à M. de Bismarck, une fois encore, ses complimens de nouvelle année : « Je prie Dieu, lui écrivait-il, que dans ma charge de souverain, si lourde et si pleine de responsabilités, il me conserve durant de longues années vos fidèles et éprouvés conseils. » M. de Bismarck ne ressentait aucune inquiétude, et cependant il avait reçu dans le mois d’octobre un avertissement imprévu dont il se souvint plus tard. Le 23 juin 1892, il disait à un reporter de la Nouvelle Presse libre de Vienne : « Dans le dernier entretien que j’eus avec l’empereur de Russie, qui avait passé quelques jours à Berlin, je lui exposai mes vues politiques, et il me répondit : « Je vous crois et je me lie à vous ; « mais êtes-vous bien sûr de rester en place ? » Je le regardai avec étonnement. « Mais vraiment oui, Majesté, lui repartis-je, je suis certain de rester ministre jusqu’à ma mort. » Je n’avais, en effet, aucun pressentiment du coup qui se préparait ; le tsar en savait plus long que moi. »

Il était vraiment fort difficile que Guillaume II et son chancelier vécussent longtemps en bonne harmonie. M. Blum explique leur mésintelligence, qui devait aboutir à une éclatante rupture, par l’irrésistible désir qu’éprouvait Guillaume II d’agir par lui-même et d’être seul à répondre de ses actions. Il aurait dû ajouter que ce roi-empereur, dont son gouverneur, M. Hinzpeter, avait dit qu’il joignait à l’amour de l’indépendance une certaine idéalité naturelle, se faisait de ses fonctions une idée qui s’accordait mal avec celles de M. de Bismarck. Ce souverain de trente ans se regardait, il l’a dit lui-même, comme le père d’une très grande famille, et les pères de famille ont le droit comme le goût de tout régler, de se mêler de tout, de prêcher, de censurer, de moraliser leurs enfans. Il s’occupait tour à tour de protéger les ouvriers contre les patrons et les patrons contre les ouvriers, de combattre le paupérisme, de réprimer l’immoralité publique et l’ivrognerie, de réformer les écoles et les gymnases. Il pensait avoir charge d’âmes, et ces questions qui le passionnaient n’intéressaient le chancelier que dans le rapport qu’elles pouvaient avoir à la politique. C’était en effet à la politique que cet homme de fer rapportait et ramenait tout ; hors de là, il n’y avait place à ses yeux que pour une idéologie sentimentale, qui lui inspirait une superbe indifférence. N’était-il pas naturel que Guillaume II se sentit attiré vers des hommes plus sympathiques à ses idées, plus courtois, plus complaisons pour ses rêves, plus disposés à s’associera ses projets ? De jour en jour M. de Bismarck faisait une guerre plus acharnée à ces courtisans qu’il appelait des conseillers irresponsables ; de jour en jour, il se méfiait davantage de quelques-uns de ses collègues qui passaient pour être en faveur et pour s’entretenir souvent tête à tête avec le souverain.

Ce fut l’origine de la crise. M. de Bismarck exigea que les ministres prussiens, aussi bien que les secrétaires d’Etat de l’empire allemand, n’eussent, sans son assentiment, aucune communication directe avec le roi de Prusse et l’empereur d’Allemagne. Guillaume II parait n’avoir cédé qu’à moitié sur ce point ; il demanda à réfléchir et qu’un mémoire lui fût présenté. Mais un incident survint qui envenima le conflit. Les élections du 20 février 1890 avaient mis fin au régime du cartel ; les libéraux-nationaux venaient d’essuyer une cruelle défaite, et il n’y avait plus désormais de majorité possible dans le Reichstag que par la conclusion d’un traité entre les conservateurs et les catholiques. M. de Bismarck avait toujours fait preuve d’une singulière facilité à passer d’une combinaison à une autre ; il lui en coûtait peu de négocier un marché avec ses adversaires de la veille pour se procurer les secours qu’il ne pouvait plus trouver dans ses amis. Il lui tardait sans doute de se ménager une entente avec les grands partis du nouveau Reichstag. Le 1er mars 1890, M. Windthorst fut reçu par lui et ils eurent une longue conférence. On a prétendu que c’était M. de Bismarck qui avait invité le chef du parti du centre à s’aboucher avec lui ; il parait certain au contraire que ce fut M. Windthorst qui sollicita une audience par l’entremise de M. Bleichroeder. Quoi qu’il en soit, cette entrevue amena ou hâta le tragique dénoûment de la pièce.

Ou s’est demandé pourquoi l’empereur avait attaché à cet incident tant d’importance. Un mot de M. Blum, rapporté sans doute de Friedrichsruhe et qu’il a eu l’imprudence de répéter, fait bien comprendre ce qui se passa dans l’esprit de Guillaume II. « Il n’est pas invraisemblable, dit-il, que le rusé chef du parti ultramontain offrit à M. de Bismarck, en retour de certaines concessions déterminées, son appui résolu, même dans les questions où le chancelier était en désaccord avec son impérial maître. » L’empereur, qui avait l’art de s’informer, s’avisa qu’il était pour quelque chose dans cette affaire, qu’on était en train d’ourdir un complot contre lui. On s’explique dès lors son émotion, sa colère, sa résolution d’en finir, cette visite du 15 mars aussi orageuse qu’inattendue qui ressemblait à un coup de théâtre ou à une descente de justice. On conçoit aussi que M. de Bismarck, pris au saut du lit et assailli d’objurgations passionnées, ait eu quelque peine à recouvrer son sang-froid. On le somma de révéler ce qui s’était passé entre M. Windthorst et lui : il répondit qu’ils s’étaient entretenus d’affaires particulières. Une telle défaite ne pouvait être acceptée. — « J’entends que mon chancelier ne confère jamais avec les chefs de partis sans que j’en sois prévenu. — J’entends de mon côté ne soumettre à aucun contrôle les conversations que je puis avoir avec les députés, et rester maître chez moi. — Et que feriez-vous si votre souverain vous signifiait son expresse volonté ? — Je lui représenterais que son pouvoir expire sur le seuil du salon de ma femme. » Il y a des paroles inoubliables et des plaies profondes que tout pansement irrite. On venait de se brouiller sans aucun espoir prochain de raccommodement. Quelques jours après, M. de Bismarck, qui n’était plus chancelier, déposait trois roses sur le cercueil de l’empereur Guillaume Ier, ce souverain magnanime et patient à qui il avait dit plus d’une fois : Je m’en vais, — et qui lui avait répondu : Jamais !

On assure qu’en demandant une audience au chancelier, M. Windthorst lui avait tendu un piège, où le grand séducteur s’était laissé tomber. Cette aventure, qui étonna toute l’Europe, prouve que les hommes trop défians ont dans l’occasion d’aveugles confiances qui les perdent ; qu’après s’être défendus contre des périls imaginaires, ils ne savent pas toujours discerner les dangers réels. On se garde à carreau contre un comte d’Arnim, on se laisse prendre par un Windthorst. Dans le premier volume de cette Véridique histoire dont j’ai parlé plus haut, Bernai Diaz raconte le combat de Champoton, où les Espagnols ne mirent les Indiens en déroute qu’après avoir eu de nombreux blessés et quelques morts. Il termine sa narration par ce curieux détail : « Il me souvient que nous étions à batailler dans des champs quelque peu pierreux, où il y avait force sauterelles, qui, dans le combat, sautaient et venaient en volant nous donner par le visage. Et les archers étaient en si grand nombre et lançaient tant de flèches comme grêlons, qu’il semblait que ce fussent sauterelles. On ne se mettait pas à couvert des rondaches. et la flèche blessait. D’autres fois on croyait que c’étaient des flèches, et c’étaient des sauterelles. Ce nous fut un grand embarras. » Si avisés que soient les grands politiques, ils prennent quelquefois des sauterelles pour des flèches et quelquefois aussi des flèches pour des sauterelles, et ils arrivent trop tard à la parade.


G. VALBERT.

  1. Das deutsche Reich zur Zeit Bismarcks, politische Geschichte von 1871 bis 1890, von Dr Hans Blum. Leipzig und Wien, 1893.