M. André Hallays
Revue des Deux Mondes6e période, tome 56 (p. 171-186).
M. ANDRÉ HALLAYS

Chaque semaine M. André Hallays consacre à Mme de Sévigné, à son esprit, à son cœur, à sa façon d’aimer ses enfants et ses amis, des conférences dignes, c’est tout dire, d’un sujet délicieux. Nul autre aujourd’hui n’était mieux désigné pour évoquer ces délicates et pénétrantes visions de notre meilleur passé. Tout le monde, j’entends le, monde lettré, connaît l’œuvre abondante, variée, spirituelle et purement française, de l’écrivain. Tout le monde, excepté peut-être lui-même. Aux plus nombreux de ses livres il a donné pour titre : « En flânant. » C’est une erreur. Pour être de ceux-là « dont le travail est joie, » il n’en est pas moins, autant qu’un flâneur, sinon davantage, un laborieux.

Au seuil de l’un de ses derniers volumes, en 1914, M. Hallays s’excusait de publier des notes vieilles de vingt-neuf années. Voilà donc aujourd’hui quelque trente-cinq ans que ce flâneur flâne. On connaît le nombre et la variété de ses flâneries ; on devine quelles études, quelles recherches de tout genre en durent être la condition et l’accompagnement ; on sait quelles découvertes parfois, et quelles révélations, quels aspects nouveaux, ou renouvelés, des hommes et des choses, eu ont été le fruit savoureux, mûri longuement. Sous la forme, toujours aisée et légère, de ces articles, apparaît à chaque instant le fond solide et sûr d’un savoir qui n’ignore, ou ne feint d’ignorer que soi-même. Mais, de cette modestie, de cet air nonchalant et détaché nous ne sommes pas dupes. Les écrits de ce prétendu fantaisiste trahissent la volupté, l’amour de l’ordre et de la règle. Et dans la personne même de l’écrivain, dans les traits, dans les plans de ce visage énergique, à peu près, à très peu près rasé, dans ce front largement découvert, on croirait presque reconnaître la physionomie, quelquefois sévère, d’un moine robuste et studieux.

Il nous a donné, ce Bénédictin sans le savoir, outre ses fameuses et nombreuses flâneries, un livre sur Beaumarchais ; un, plus considérable, sur Port-Royal ; deux monographies (dans la Collection des Villes d’Art), l’une de Nancy et l’autre d’Avignon ; enfin un volume tout récent : L’opinion allemande pendant la guerre. Et nous en passons peut-être. Que si maintenant on recherche l’unité de ces multiples « essais, » on la trouvera sans peine dans un seul mot, un seul nom : celui de notre patrie. Opus francigenum, dirions-nous volontiers. Ou plutôt, en français, le penseur et l’écrivain lui-même pourrait reprendre, à son compte et pour son honneur, l’invocation du vieux poète, qu’il cite quelque part :


France, mère des arts, des armes et des lois,
Tu m’as nourri longtemps du lait de ta mamelle.


Avec la Grèce et Rome, M. André Hallays n’a guère eu d’autre nourrice. En lui, rien, ou si peu que rien, d’étranger, encore moins d’exotique. Parmi les études de M. Hallays, une pourtant, une seule, et déjà ancienne, traite de l’influence des littératures étrangères. L’auteur ne se déclare pas, avec la même vivacité que Jules Lemaître, dans un article demeuré fameux, l’ennemi de cette influence. Mais après l’avoir constatée au cours de toute notre histoire, s’il ne s’en alarme guère, il est encore plus loin d’en triompher. Surtout il prend soin de distinguer une sympathie, voire une admiration, qu’à mainte reprise il confesse et professe le premier, d’une soumission contre laquelle tout de lui, tout en lui protesterait. C’est vers nous, vers ceux qui sont nôtres, et le plus nôtres, que le porte son inclination naturelle ; c’est parmi ceux-là que l’instinct, le sentiment et la raison l’ont fixé d’abord et pour jamais. On peut dire de lui qu’en aucun temps aucun Français n’a plus aimé la France.


Il a tout aimé d’elle, les choses et les êtres, l’extérieur et le fond, le visage et l’âme. Paris d’abord, sa petite patrie dans la grande, n’a pas une part médiocre de sa tendresse. Enfant de Paris, à son esprit, à son langage et parfois à son accent même, on reconnaît son origine. Bourgeois de Paris, et de bonne souche parisienne, encore un titre de M. Hallays, et non le moins flatteur, si l’on songe que dans « bourgeois » il y a citoyen et qu’un certificat de bourgeoisie en vaut un de civisme. Nous l’allons montrer tout à l’heure.

Ce Parisien de naissance, d’esprit et d’éducation, a choisi de vivre en éternel voyageur, mais le plus volontiers sur la terre et sous le ciel de chez nous. Sa curiosité a pu se prêter un moment à certaine Allemagne, — naguère, — et son amour est demeuré fidèle à toute l’Italie. Sa piété nationale, de plus en plus fervente, a constamment ramené l’infatigable « compagnon du tour de France, » non pas seulement autour, mais au cœur même de notre pays. Personne mieux que lui n’en sait comprendre, et décrire, et défendre toutes les beautés. Les paysages et les monuments, les villes et les campagnes, les pierres et les marbres, les arbres et les eaux, des plus humbles choses aux plus magnifiques, il n’est rien qui ne lui soit souverain bien. De chaque région, de chaque province française il parle sur le ton et sur le mode appropriés : de la Provence, avec une chaleur passionnée ; de la Bretagne, avec une gravité triste ; de l’Ile de France, avec une profonde, intime tendresse. Une fois, la voix de M. Hallays a fait écho à la voix magique de Pierre Loti. C’était sur la demande du magicien lui-même. Il s’agissait d’implorer de concert le salut d’un merveilleux domaine, forêt et château, de Saintonge. Et dans ce rare duo, dans la rencontre de ces deux pensées, de ces deux styles, je crois me souvenir que pas un passage ne parut inharmonieux.

Les arbres, nos arbres, sont comptés par M. André Hallays au nombre de nos trésors inviolables, ou qui devraient l’être. Il verrait presque, en un groupe d’ormeaux, une famille de créatures sacrées. Pour célébrer nos bois et pour déplorer leur ruine, pour maudire leurs ennemis, la prose de l’écrivain s’anime et fait appel à la poésie du vieux Ronsard. Et les pierres, encore une fois, celles de nos cités et de leurs murailles, celles de nos châteaux, de nos églises, ne sont pas l’objet d’un moindre amour. Malheur, trois fois malheur à ceux qui les détruisent ! Et malheur, cent fois, mille fois, à ceux qui les c restaurent ! » Ceux-là, qu’ils soient architectes, ingénieurs ou archéologues, on sait de quel ton M. Hallays les traite, de quelle colère, de quelle haine il les poursuit. Dans l’ordre esthétique au moins, par nature et par définition, M. André Hallays m’apparaît comme le type achevé du conservateur. Mais à la différence — qui n’est pas petite — de ses homonymes en politique, il conserve avec énergie, au besoin avec violence. Il a la passion, j’allais écrire la fureur, une sainte fureur, de conserver. Il connaît, il dénonce tous les maux dont certains mots nous menacent : « Moderniser. On sait ce que ce mot-là cache de démolitions et de ruines… Il faut faire du nouveau. C’est en vertu de cette maxime inepte qu’on déracine les vieux ormeaux… et beaucoup d’autres choses encore. » Ailleurs, il fait bon l’entendre parler des « stupides amis du progrès, » de « nos malfaiteurs contemporains, » des « amateurs éclairés » et des « réparations dans le style. » Enfin à propos des attentats consommés par un affreux politicien contre la beauté d’Avignon : « La laideur de ce que nous créons, à Avignon comme ailleurs, devrait nous inspirer une pieuse admiration pour les œuvres de nos ancêtres. » Gardien du passé, de tout le passé de la France, autant il a foi dans la tradition, autant il doute et se défie du progrès. Ce n’est pas que par moments il craigne de se trop défier et ne doute même de son doute. Alors un scrupule le prend, qu’il nous confesse. Il n’est pas très loir de pardonner à l’automobile. Entre la Rochelle et la Palice, entre la vieille cité et son havre moderne, quand il voit la plaine autrefois déserte se couvrir de maisonnettes et toute une ville se former, il avoue, à mi-voix, qu’ « un pareil spectacle est passionnant, plus passionnant qu’une rêvasserie » de promeneur ou d’artiste. Mais l’un et l’autre bientôt se reprennent, se rassurent, et de nouveau se passionne, — et nous avec eux, — non pour des rêvasseries, mais pour la vue, réelle et précise, des beautés, de toutes les beautés de notre patrie.

Pour les yeux et pour l’âme du voyageur, il est des horizons préférés, des lieux élus. L’Alsace fut toujours au premier rang de ceux-là. Après avoir longtemps redouté Tanière tristesse d’un pèlerinage là-bas, quand c’était si loin ! — M. Hallays voulut cependant goûter ; savourer cette amertume. Elle lui fut salutaire et fortifiante. Sur place, et quelle place sacrée ! — il éprouva la vérité, la vertu des principes qui lui sont chers : la liaison des âges, des idées et des sentiments. Tout lui donna, plus émouvante que nulle part ailleurs, « cette vision du passé sans laquelle nous ne pouvons rien comprendre aux choses du présent, » et« sur la tombe de sainte Odile, de la douce héroïne qui, pour demeurer fidèle à ses vœux et mériter les promesses divines, brava les persécutions, » il entendit « la voix de la vierge chrétienne qui enseigne l’irrésistible puissance des volontés opiniâtres et des cœurs indomptables. »

Encore une fois, rien de ce qui est nôtre n’est indifférent à M. André Hallays, à ses regards non plus qu’à sa pensée. Mais les paysages français par excellence, la Touraine, l’Anjou, le Vendômois, surtout l’Ile de France ou le Parisis, voilà ceux qui touchent, qui possèdent le cœur de son cœur. Il a tracé de Blois, de Senlis et de Noyon, de Soissons et de Compiègne, des portraits délicieux. Hélas ! pourquoi faut-il que par la barbarie allemande le premier seul demeure encore tout à fait ressemblant. Le voici. « Parmi ces villes aimables, chefs-d’œuvre des siècles et de la nature, il en est peu de plus séduisantes que Blois avec son château, son fleuve et sa colline ; Blois si joliment étage sur la rive de la Loire indolente, Blois dont les toitures d’ardoises surgissent au-dessus des pierres blanches, parmi les verdures des jardins, et qui, dans un paysage harmonieusement ordonné, semble le plus délicat, le plus joyeux et le plus parfait symbole de la Renaissance. Aimer Blois, c’est aimer la France dans ce qu’elle a de plus original et de plus exquis, de plus adorablement français. »

On aime la France de même, et la même France, quand on aime Senlis, exquise entre ses sœurs, alors surtout qu’elle n’était pas telle que ses malheurs et ses blessures nous l’ont faite. Ses rues et ses jardins, ses places, ses monuments, ses maisons, tous ses aspects et toutes ses « vues, » M. Hallavs se plaît à les ordonner autour de sa flèche incomparable, de sa flèche divine. « Ah ! qu’il la fait bon regarder, » chanterait-il volontiers, « La gracieuse, bonne et belle ! « C’est en la regardant, ou ses voisines et ses pareilles, qu’il se sent et s’émeut de se sentir « en plein sol et en pleine histoire de France… au cœur de la région où la France s’est découvert une conscience, une destinée, une langue et un art. » Ailleurs, — ou plutôt devant Senlis encore, un jour de mai : « Sur l’autre rive de la Nonette, retournez-vous. Un petit pont sur une petite rivière ; quelques vergers encore blancs et roses de leurs dernières fleurs ; une rue qui monte à travers la ville, dont les toits et les pignons inégaux se dessinent doucement sur un ciel d’azur paie ; des restes de remparts constellés de fleurettes d’or ; de larges bouquets de verdure débordant de toutes parts parmi les tuiles rousses, et enfin le grand clocher dominant tout, la petite ville, la petite vallée, les campagnes qui ondulent à l’infini. Regardez, et si vous êtes de « chez nous, » vous reconnaîtrez le plus parfait, le plus élégant, le plus fin, le mieux ordonné des paysages du monde. C’est ici la France, la France de Fouquet, la France de Corot. » En est-il assez, de « chez nous, » l’auteur d’une telle page ! Et rien qu’à la lire, tous les gens de « chez nous » comme lui, sentent, n’est-il pas vrai, cette France-là leur battre doucement dans le cœur. Paysage, état d’âme. L’équation fameuse et trop souvent citée se vérifie par l’exemple d’un André Hallays. Tel paysage de notre patrie a créé l’état d’âme de notre compatriote. Je me trompe : entre l’un et l’autre il existait une harmonie préétablie. A chaque page, à chaque pas, c’est un charme de la découvrir.


Mais bientôt le cours de ses flâneries entraîne plus avant le flâneur. On sait la démarche et la méthode de l’esprit mystique : « Du dehors au dedans. » Pour les moins dévots d’entre nous elle a du bon. C’est en la suivant que M. Hallays associe à la nature, et cela naturellement, comme il fait toute chose, le génie des hommes et les hommes mêmes. « Critique de lettres et de mœurs. » Un de ses amis nous conseillait de le définir ainsi. Non pas, malgré le second terme de la définition, non pas que jamais il moralise, encore moins qu’il sermonne. Entendons seulement qu’il attache une très grande importance, un très haut prix aux idées morales. L’art pour l’art, (y compris l’art littéraire), l’art au-dessus de tout, voilà des formules, des doctrines que M. Hallays, je le gage, estime non seulement dangereuses, mais criminelles. Autant que le génie ou le talent d’un écrivain, son caractère et sa biographie, son époque et son entourage l’intéressent. Il ne le voit jamais seul ; jamais non plus il ne voit en lui que l’écrivain. Par- là, chez M. Hallays, critique littéraire, quelque chose de Sainte-Beuve se retrouve : le sens, le goût, la passion même de la vie, et de la vie intégrale, celle des choses et celle des êtres, l’une à l’autre mêlée. Sur ce point, telle ou telle petite phrase en dit long ; celle-ci, par exemple, écrite à propos de Balzac, sur les bords de l’Indre, entre Montbazon et Azay-le-Rideau : « Souvenirs de l’homme et souvenirs de l’œuvre sont ici confondus. » Ailleurs, après une promenade à Germigny-l’Evêque : « Pour connaître Bossuet, j’ai lu l’abbé Le Dieu et je me suis promené sur la terrasse de la Marne. Cela suffit. » Pour connaître M. Hallays lui-même, peut-être suffirait-il de voir en lui un Français classique, ou du XVIIe siècle (c’est la même chose), « n’y ayant pas » d’ailleurs, — comme on disait alors, — de plus vraie et plus belle façon d’être Français.

Il y en eut d’autres depuis, qui ne laissent pas de le charmer et même de l’émouvoir. M. Hallays a parlé de Beaumarchais avec bien de l’esprit. Il se peut qu’il déteste Jean-Jacques, — du moins je l’imagine, — mais Candide ne doit pas être pour lui déplaire. Une ironie délicieuse anime certain article sur Buffon, « un faux classique, » Buffon, « qui n’est point de ces hommes envers qui l’on sente impérieusement le besoin d’être juste. » Plus près de nous, une période de Chateaubriand, un vers de Lamartine ou de Victor Hugo désarme notre vrai classique et n’est pas loin de l’attendrir. Renan, je crois, trouva naguère le chemin de son esprit et de son cœur. Flaubert n’a point cessé d’enchanter son oreille. Artiste, c’est-à-dire sensible à la beauté des lignes, des couleurs et des sons, la beauté verbale est sur lui de beaucoup la plus forte. Une phrase, moins qu’une phrase, peut le ravir, et certain soir, au pays de du Bellay, pour lui-même, pour lui seul, il se plaît à répéter ces deux mots : « La douceur angevine. »

Mais « le siècle de Louis » est le centre où ses pensées et ses goûts se rassemblent. Goûts et pensées d’un moraliste, on ne saurait trop insister sur ce point. Un jour qu’il visite Maintenon, M. Hallays se rappelle certain dialogue de l’Éducation sentimentale. Frédéric et Rosanette, eux aussi, visitaient une demeure historique. C’était Fontainebleau, mais c’est la même chose. « Devant le portrait de Diane de Poitiers en Diane infernale, Frédéric se mit à considérer tendrement Rosanette en lui demandant si elle n’aurait pas voulu être cette femme.

— Quelle femme ?

— Diane de Poitiers.

Il répéta : « Diane de Poitiers, la maîtresse de Henri II. » Elle fit un petit : « Ah ! » Ce fut tout. Son mutisme prouvait clairement qu’elle ne savait rien, ne comprenait pas, si bien que, par complaisance, il lui dit :

— Tu t’ennuies peut-être ?

— Non, non, au contraire !

Et, le menton levé, tout en promenant à l’entour un regard des plus vagues, Rosanette lâcha ce mot :

Ça rappelle des souvenirs !

Cependant, on apercevait sur sa mine un effort, une intention de respect… »

« Ça rappelle des souvenirs ! Rosanette ne sait pas au juste lesquels. Mais sa formule traduit, — et avec quelle sincérité ! — le charme des vieux châteaux et des vieux jardins où flotte l’odeur des siècles. »

Des souvenirs. Lui, M. Hallays, sait très bien lesquels. Proches ou lointains, historiques et littéraires, politiques et religieux, souvenirs des œuvres et des hommes, il se les rappelle et nous les raconte tous. Celui-ci lui suggère une étude de mœurs, celui-là plutôt un « caractère. » Parfois un trait lui suffit, tant il est juste. Il dira, par exemple, en parlant de la Rochelle dans l’histoire : « Elle se trouve naturellement calviniste par indépendance et par goût de la République. » Mais ailleurs il s’arrête, il développe. Ainsi, passant par Luçon, il y compose un portrait, un grand portrait de Richelieu. A Maintenon, sous les grands arbres dont il doute qu’elle ait senti le charme, il nous fait voir, oui, vraiment voir, et vivante, la dame du lieu, « cette sulpicienne, spirituelle, glaciale et ambitieuse… Elle eut un grand orgueil et peu de vanité, une grande dévotion et peu de ferveur. Elle eut en tout beaucoup de bon sens. Elle aima sa gloire, passionnément, et son Dieu sérieusement. Elle fut charitable comme le commandait la religion qu’elle pratiquait d’un cœur soumis. Mais on ne connaît d’elle ni un mouvement de sensibilité ni un élan de tendresse. C’était une âme très haute, une intelligence très limpide, une volonté très droite. Sa sécheresse désespère. » Portrait, j’entends moral, fut-il jamais plus ressemblant ?

Par son caractère et par son style, une Sévigné, bien mieux qu’une Maintenon, a de quoi charmer, en M. Hallays le moraliste et l’écrivain. Si quelqu’un n’aime pas la marquise, prions pour lui, comme elle priait pour certains esprits de son temps, « durs et farouches, » que La Fontaine ne touchait, point. M. Hallays naguère nous conseilla cette oraison. Il se plaignait alors que la gloire de Mme de Sévigné parût pencher vers son déclin. « C’est, disait-il, une religion qui s’en va. » Et il ajoutait avec mélancolie : « Serait-ce que la mémoire de Mme de Sévigné a quelque peu perdu de son prestige, depuis que tant et tant de femmes se sont poussées au premier rang dans les lettres françaises ? Ou bien serait-ce que nous devenons chaque jour plus insensibles à la pure beauté du style, plus incapables de goûter le plaisir subtil et délicieux d’un vers de La Fontaine ou d’une phrase de Sévigné, plus étrangers à ces inutiles agréments que réprouvent « les penseurs, » et qui n’en sont pas moins le plus précieux, le plus original de notre littérature ? » Nul aussi bien que M. André Hallays, — j’en appelle à l’auditoire de la Société des Conférences, — n’avait qualité pour rendre à la mémoire de Mme de Sévigné tout son prestige, pour nous faire, à nous, trouver ou retrouver dans « la pure beauté du style, » d’un style comme le sien, un « plaisir subtil et délicieux. »

Classique, cela est bientôt dit. Mais à tout propos, à chaque page, en relisant M. Hallays, il faut le redire. Rien de curieux à cet égard comme certain article, — inattendu, — sur les représentations d’Orange. On reconnaît ici le goût classique non pas seulement en toute sa pureté, mais avec toute sa finesse : un esprit, une sensibilité qui se gardent également, l’un des idées communes, l’autre de l’émotion romantique. Entre, une tragédie de Corneille et « le mur, » le fameux mur devant lequel elle se joue, le spectateur et l’auditeur qu’est M. André Hallays ne saisit, au lieu d’une harmonie, qu’une discordance. D’un bout à l’autre, et pour des raisons auxquelles tout vrai Français finira par se rendre, cet article est un petit chef-d’œuvre de bon sens, et du sens le plus original, puisqu’il va tout droit à l’encontre de l’opinion la plus répandue.

Moraliste, s’il ne faut pas être seulement cela pour juger un Beaumarchais, il n’est pourtant pas mauvais de l’être un peu. C’est même le meilleur moyen d’être équitable envers l’homme de lettres et l’homme d’affaires que fut l’auteur des Mémoires, du Barbier et de la Folle journée. Beaumarchais eut deux réputations : une bonne et une mauvaise. Son biographe estime qu’il les mérite toutes deux. « Brillant specimen du génie français, » a dit Carlyle. Carlyle exagère, et M. Hallays, considérant Figaro, c’est-à-dire Beaumarchais lui-même, du point de vue national, le définit mieux ainsi : « Figaro a quelques-unes des qualités dont un Français tire vanité le plus volontiers, et il a quelques-uns des défauts qu’un Français se pardonne avec le plus de complaisance. Ajoutons tout de suite, pour être justes, qu’il est dénué de certaines vertus dont un Français peut s’enorgueillir. »


Ces vertus et d’autres encore, plus éminentes, elles ont fleuri naguère, au pays de France, dans un asile dont les ruines seules inspirent à M. Hallays un respect, avec un regret religieux. Pour visiter et vénérer ce qui reste de l’un et de l’autre Port-Royal, le flâneur se change en pèlerin. Au début de son pèlerinage, qui ne comprend pas moins de treize stations, il avoue qu’une secrète sympathie l’avait depuis longtemps attiré vers les choses et les gens de l’illustre et malheureuse abbaye. « Les cœurs les plus indignes sentent la beauté de ces existences si nobles, si pures, si harmonieuses, dont le rayonnement spirituel a été si puissant et si durable. Je sais que prononcer ce mot de beauté est ici presque un sacrilège. À Port-Royal, on haïssait la beauté comme une ennemie, comme une corruption. Mais qui donc maintenant louera les Arnauld, les Lancelot, les Nicole, les Pavillon, si nous ne nous en mêlons, nous, les « libertins » !… L’Eglise n’a jamais absous l’hérésie janséniste. Les hommes qui, par leur foi et par leur esprit de pénitence, sembleraient les plus aptes à comprendre et à honorer les grands solitaires et les grandes religieuses de Port-Royal, sont retenus par des scrupules d’orthodoxie. « À la vérité, l’hommage que nous leur apportons eût peut-être médiocrement flatté ces vertueux personnages. Qu’on les eût admirés sans songer un instant à les imiter, ils eussent rougi de cette honteuse aventure et s’en fussent accusés devant Dieu. Mais ils sont morts : nous les pouvons admirer en toute liberté, sans alarmer leur conscience. »

De cette libre admiration tout un volume rend témoignage. Après les deux chefs-d’œuvre, égaux et divers, de Racine et de Sainte-Beuve, nous y renvoyons ceux qui souhaitent de comprendre et de sentir le jansénisme. Ils trouveront là non point une histoire, mais plutôt une série de promenades, ou — puisque l’auteur, même ici, tient à son expression — de « flâneries » commémoratives. Tout le long du chemin, conduit par le plus attentif et le plus pieux des guides, de Saint-Etienne du Mont, à Saint-Jacques du Haut-Pas et à Saint-Médard, des Granges à Magny, de Maubuisson à Lénas, ils pourront apprécier « combien Port-Royal a enrichi le fonds moral et le fonds littéraire de la France. » Tout leur parlera, les vallons et les bois, les sanctuaires, même ruinés, peut-être surtout ruinés, et jusqu’aux pierres des tombeaux. Ils déchiffreront des épitaphes dont le style et l’accent révèlent l’esprit même des morts dont elles rappellent les mérites. Dans le masque de cire de la Mère Angélique, ils ne reconnaîtront pas sans émotion le visage sévère et glacé de la grande abbesse, avec son expression, plus forte que la mort, « d’indomptable énergie et de rude charité. » Quelques pages, ou quelques lignes seulement sur Philippe de Champagne suffiraient à montrer quel artiste est M. Hallays, ou plutôt comment il est artiste. Devant le double portrait du Louvre (la Mère Agnès et la sœur de Sainte-Suzanne), il semble moins touché par la beauté que par l’objet de la peinture, par la représentation, vivante ici, de l’idée ou du génie janséniste, et par l’assurance que cette image nous donne que dans la mémoire des hommes le souvenir de Port-Royal ne périra pas. Tout l’esprit de l’austère maison peut se résumer en ce peu de mots de la Mère Agnès : « cette règle est générale pour toutes choses, que plus on ôte aux sens, plus on donne à l’esprit. Tout le plaisir qu’on prend aux choses visibles, diminue d’autant la vie de la grâce. » Ce plaisir, et quelques autres avec, M. André Hallays n’est tout de même pas assez de Port-Royal, il est trop vivant, d’une vie trop libre et trop riche, pour s’en priver. Devant le parfait paysage des Granges, il n’a garde de ressembler à ces personnes dont parle M. Hamon et qui « sont obligées de fermer les yeux, lorsqu’elles prient dans des églises trop belles. » « Nous ouvrons les nôtres, dit-il, pour jouir des nuances de la verdure, de la douceur des ombres, de la majesté de la futaie, car le plaisir que nous prenons aux « choses visibles » nous incline à mieux comprendre la beauté des choses invisibles. » A la bonne heure ! Et ne vous semble-t-il pas que de chercher cette inclination et de s’y plaire, cela déjà peut s’appeler, sans rien ôter aux sens, donner, et donner beaucoup, à l’esprit.


Choses invisibles, choses morales et françaises, il en est de plus proches de nous que les choses du jansénisme, et qui nous touchent davantage. Celles-là, encore et surtout, M. André Hallays en a connu le goût, l’amour passionné, et chaque fois qu’il les a vues en péril, il les a passionnément défendues. Sa passion alors a pris d’elle-même une forme, une des formes naturelles à son esprit, à son talent, et qui longtemps lui fut chère entre toutes : l’ironie. Aussi bien, pour la définir, la sienne tout au moins, il n’y a qu’à le citer lui-même. Il en parle en connaisseur et par expérience. « Elle consiste à donner au discours un tour plus vif, un accent plus pénétrant, grâce à un mensonge souriant dont personne n’est la dupe. C’est ainsi que l’on pourra, sans qu’aucun ait le droit de s’y tromper, émettre des aphorismes comme ceux-ci : « Le grand souci des journaux d’aujourd’hui, c’est le souci de la vérité ; » ou bien : « Le prestige du régime parlementaire grandit chaque jour en France. » Faut-il d’autres exemples ? L’embarras ne sera que de choisir. A la Rochelle, « il n’y a pas de statue de Richelieu. Ne le dites pas : un sculpteur entendra. » A propos d’un évêché, dont « l’Administration » ne sait que faire : « Il eût été si simple de laisser les évêques dans les évêchés ! »

Cela, c’est l’ironie légère. Elle sourit, se moque tout bas. Il en est une autre, qui hausse le ton. Elle s’élève jusqu’au mépris, elle s’emporte jusqu’à la juste et sainte colère. Elle ne rit plus, elle n’est plus un mensonge joyeux ou, comme disait Renan, d’eutrapélie. Celle-là aussi, M. Hallays s’en est servi comme d’une épée. Par elle il a porté de rudes coups et combattu vaillamment pour les plus nobles, pour les plus belles causes, hélas ! et les plus sacrifiées. Il a dit quelque part : « Un satirique ne déteste jamais très profondément l’objet de ses satires. » N’en croyez pas trop le satirique que fut parfois M. Hallays. Quand il l’a fallu, il a bien su haïr. « Vous excellez dans l’entrefilet, » disait à je ne sais plus quel journaliste politique un de ses confrères de l’Académie, à l’Académie. Les « filets » de M. Hallays, au Parlement, aux Débats, ne sont pas encore oubliés, de ceux-là surtout auxquels ils furent servis. « Politiciens et faiseurs de lois, (presque le « barbouilleurs » d’André Chénier) ; cuistres à qui la France appartient… gens sincèrement convaincus que la France est née le jour que trois voix de majorité, captées, achetées ou volées, les ont faits rois d’arrondissement. » Voilà comme les traitait alors notre satirique. Dira-t-il encore qu’il ne les détestait pas ? Mais les temps sont changés ; même les gens, du moins certains d’entre eux. Il nous plaît de le croire. Il sied alors d’être généreux, et de ne point aller rechercher sur Leurs Figures des marques maintenant effacées.


C’est qu’alors il s’agissait de la France. Aussi bien, pour M. André Hallays, en tout et toujours, il ne s’est agi que d’elle. Quand elle fut attaquée, du dehors cette fois, comme il l’avait servie par pensées, par paroles, il résolut de la servir par action. Il n’en avait plus l’âge. Mais, aux âmes que vous savez, si « la valeur n’attend pas le nombre des années, » elle n’en est pas non plus atteinte. On ignore trop ce que le Hallays nouveau, le Hallays de la guerre, a valu. Engagé de la première heure, à cinquante-cinq ans, il reprit son modeste galon, — depuis longtemps pâli, — de sous-lieutenant. On l’envoya d’abord au loin, plus loin qu’il ne souhaitait, en Limousin, pour y former un régiment de territoriaux. Là, pendant sept ou huit mois, il instruisit ces braves gens. Il fit mieux encore, et, dans le vrai sens du mot, il les « éleva. » Le 30 décembre 1914, il écrivait, d’Aix sur Vienne : « Je suis au fond du Limousin dans un dépôt de territoriaux où je mène une existence sans péril et sans gloire, mais qui m’absorbe du matin au soir et me donne la consolation de me croire un tout petit rouage de l’immense machine. Depuis bientôt quatre mois, je nourris, j’habille et j’instruis des territoriaux du Nord. Je m’acquitte de ma besogne le mieux que je puis. Je suis un pauvre administrateur et un médiocre officier ; la bourgade où je suis cantonné avec tous ces Flamands est humide et boueuse ; ces pauvres gens sont tous très malheureux, ne sachant pas, depuis plus de deux mois, si leurs maisons sont debout et leurs enfants vivants. Mais je ne regrette pas le parti que j’ai pris. Tout cela s’accorde bien avec la grande tristesse de l’heure présente… Si de noires pensées m’envahissent, je songe à ceux qui pâtissent dans les tranchées, et alors mon sort me semble scandaleuse-mont doux. Si les pensées noires tardent à s’évanouir, je songe à ceux dont les enfants sont à la guerre et cette fois j’ai honte de moi-même, qui n’ai rien à sacrifier au milieu de l’universel sacrifice. »

Vers la fin de 1915, une autre, tout autre mission, un important service d’Etat-major, l’appela sur la frontière d’Alsace, à Réchésy, près de Belfort. La, pour lui et pour quelques-uns de ses amis, pareils à lui d’esprit et d’âme, tel le grand patriote Alsacien, le grand citoyen de Strasbourg, le docteur Bucher, il ne s’agissait de rien moins que de lire tout ce qui s’imprimait alors en Allemagne d’articles, de revues, de livres, et d’en extraire un rapport quotidien sur l’état et les variations de l’opinion ennemie. Labeur énorme et délicat, véritable « somme » d’informations et de documents, dont un abrégé parut depuis en cette Revue et dont plus d’un chef militaire avait d’abord admiré, nous le savons, l’abondance, l’exactitude et la clarté. Travail au jour le jour, et de tous les jours, qui dura trois ans. « Pendant trois années, a dit M. Hallays de ses camarades et de lui-même, pendant trois années nous avons réalisé ce paradoxe de mener, à quatre kilomètres des tranchées, la vie sévère et studieuse d’une congrégation de Bénédictins, tous animés du même désir de bien servir notre pays et soutenus par une confiance qui jamais n’a fléchi. Cette foi imperturbable qui nous fit travailler avec tant de passion et d’allégresse, fut chaque jour confirmée par nos lectures. Nous ne pouvions ouvrir un journal allemand sans nous répéter la parole de Méphistophélès dans la cave d’Auerbach : « Sois seulement attentif ! La bestialité va se « révéler avec magnificence. » Nous vivions trop dans l’intimité des Boches pour ne pas tout espérer de leur sottise, et nous savions que celle-ci nous sauverait de leur force… »

Bénédictin : je vous l’avais dit. M. Hallays a fini par se connaître. Il y a mis le temps. Bien plus tôt et bien mieux encore, fût-ce aux plus mauvais jours, il connut le secret et les promesses de notre destin. « Travail, » « confiance, » « passion, » « allégresse, » tous ces beaux mots ici tracés de sa main, de quelle voix il les disait, les criait à ses amis quand il venait de là-bas passer ne fût-ce qu’une heure avec eux ! Tout en lui sa parole, son accent et jusqu’à son visage, tout respirait la force, la vaillance et le don généreux de soi, de soi tout entier. Il savait toutes « les raisons de croire, » d’espérer, et nous les donnait toutes. Hallays patriote, Hallays combattant à sa manière, je réservais pour la fin ce trait de sa physionomie, n’en trouvant pas un autre qui l’achève mieux et l’honore davantage. S’il est vrai que la victoire de nos armes soit le triomphe de l’esprit sur la matière, il n’est pas moins certain que l’esprit d’un André Hallays et de ceux qui lui ressemblent n’y a point été étranger.

Cet esprit et ce cœur, c’est la guerre qui les a révélés tout entiers. Il semblé qu’elle les ait, l’un et l’autre, comment dirais-je, détendus et largement épanouis. M. Hallays parle-t-il aujourd’hui des mêmes choses dont il parlait hier, il le fait d’une autre voix et sur un mode nouveau. Dans ses discours et jusque dans ses intimes causeries, il arrive alors qu’on surprenne des échappées et comme des jours entr’ouverts sur des horizons, vers des hauteurs mystérieuses où le portaient plus rarement ses goûts et ses désirs d’autrefois. Sceptique, disaient alors quelques-uns de ceux qui s’imaginaient le bien connaître. Leur était-il assez mal connu ! Qu’ils apprennent seulement, ceux-là, comment ce croyant au passé, à tout le passé de notre France croit aussi à son avenir : « J’ai assisté à l’inauguration de l’Université de Strasbourg. Ce fut un chef-d’œuvre. Les étrangers très nombreux qui sont venus ici en criaient d’admiration. Le cadre était prodigieux. La salle, — une ignominie boche, — disparaissait sous les tapisseries de l’histoire du Roi et des tentures d’un goût magnifique et exquis. Les toges des professeurs, les uniformes des soldats, les bannières et les drapeaux formaient un tableau d’une harmonie incomparable. Des harangues nobles et décentes. De l’ordre, de la dignité, un air de victoire sans forfanterie ; l’hommage déférent de vingt nations à la France ; et, pour tout dramatiser, le sentiment, dans les paroles et dans les gestes, que la guerre continue. Et à Strasbourg ! Et devant les trois maréchaux ! Puis, devant cette Université où venait de se dérouler cette cérémonie grave et lourde de sens, ce fut le défilé de nos jeunes troupes, qui marchent, elles aussi, à l’allure poilue. Enfin, — explosion d’allégresse populaire, — le cortège des corporations avec leurs musiques, leurs bannières et les flots de petites Alsaciennes dansant et saluant. Quand on a vu cela, je vous assure qu’il est impossible de douter de l’avenir. »

Et quand on a cité cela, on aimerait de citer encore, après les écrits de M. André Hallays, ses entretiens familiers. Homme de lettres parfait, c’est-à-dire exactement le contraire de l’odieux « gendelettres, » cet « honnête homme, » se devait à lui-même d’avoir l’esprit de son siècle, — le XVIIe, — qui fut éminemment un esprit de société et de conversation. La causerie d’Hallays, ses propos de salon ou de table sont proprement un délice. Il excelle à développer une idée, à filer un raisonnement ingénieux, voire un brillant paradoxe. Possédant à fond le talent de bien dire, l’art de contredire, avec grâce, avec malice, ne lui est pas tout à fait étranger. Cela non pas tant pour briller aux dépens de l’adversaire, que pour le provoquer à la riposte et, — généreux, — la lui fournir.

Tairons-nous enfin, parce que souvent elle se cache, la sensibilité de ce cœur et cette affection, par nous dès longtemps éprouvée, dont la sûreté n’a d’égale que la discrétion et la réserve ? Plutôt que de se dépenser en banales formules, en paroles vaines, il lui plaît de ne se faire connaître qu’à des signes choisis, mais qui ne trompent pas, et qui ne manquent jamais. Aimant peu d’être loué, M. Hallays épargne volontiers la louange à ses amis. A ses amis présents ; mais, à peine ont-ils tourné le dos, qu’il se rattrape. On le sait, ils le savent eux-mêmes et parmi leurs amitiés les meilleures, les plus françaises, nulle ne leur est plus précieuse que l’amitié d’André Hallays.


CAMILLE BELLAIGUE