Méthode d’équitation basée sur de nouveaux principes/Trois nouveaux effets de main

TROIS NOUVEAUX EFFETS DE MAIN.


1° Pour combattre les résistances provenant du poids ;
2° Pour combattre les résistances produites par la force ;
3° Pour donner la position utile au changement de direction par la rêne opposée.


J’ai dit que l’emploi simultané des jambes et de la main ne pouvait donner que l’équilibre du deuxième genre, et jamais celui du premier genre, c’est-à-dire cette harmonie constante du poids et de la force qui se font opposition sans se contredire ni se heurter, cette légèreté parfaite chez le cheval ; j’ajoute que l’application seule de ces nouveaux effets nous permettra d’atteindre ce but.

Si les jambes du cavalier impulsionnent le cheval, les fonctions de la main sont multiples. C’est elle qui place, dirige, en régularisant les translations du poids, c’est la main qui sonde les causes des résistances, pour discerner si elles proviennent du poids ou de la force.

Je vais indiquer trois nouveaux effets raisonnés de la main. Les deux premiers concourent à détruire les résistances qui constatent la perte de l’équilibre, et en signalent la cause ; le troisième sert à faciliter les changements de direction, etc. Ces résistances peuvent provenir de la mauvaise répartition du poids ou du défaut d’harmonie de la force.. L’effet de la main sera différent selon qu’elle devra combattre la résistance du poids ou de la force. Pour reconnaître la cause de cette résistance, le cavalier rapprochera graduellement et lentement la main. La résistance est-elle inerte, elle procède du poids mal réparti ; dans ce cas, la main agira par un demi-arrêt[1], prompt et proportionné à l’intensité de la résistance. Si ce demi-arrêt ne suffit pas, il sera suivi d’un deuxième, d’un troisième, jusqu’à ce que cette résistance inerte ait disparu. Ces demi-arrêts, pratiqués avec une force de bas en haut, détruisent les résistances du poids sans acculer le cheval ; si la résistance provient de la force, la main agira par vibrations réitérées, jusqu’à ce que la légèreté ait reparu. Ces vibrations annuleront les résistances locales sans détruire l’ensemble des forces ; et si, à la suite de ces vibrations, la résistance persistait, ce qui indiquerait que le poids n’est pas encore justement réparti, il faudrait revenir aux demi-arrêts. Ces mêmes effets de main se répéteront avec plus d’importance encore dans les changements de direction.

Le cavalier se servira d’abord des rênes du filet séparées, et, plus tard, des rênes de bride également séparées. Mais dès que le cheval tournera facilement à droite et à gauche par l’effet de la rêne directe, le cavalier emploiera le nouvel effet (troisième effet de main). Je suppose d’abord que le cheval est parfaitement droit d’épaules et de hanches, condition indispensable : le cavalier veut tourner à droite, par exemple ; il rapprochera lentement la main pour reconnaître si son cheval est léger, ou s’il résiste. S’il est léger, le cavalier portera à droite la maintenant les rênes du filet, qui seront remplacées plus tard par les rênes de bride, pour agir seulement par la rêne gauche, rêne opposée. Pour tourner à gauche, il portera la main à gauche, pour agir seulement par la rêne droite, rêne opposée. C’est la légèreté seule du cheval, harmonie du poids et de la force, qui lui permet d’apprécier l’effet de la rêne opposée, d’y céder et de tourner en inclinant légèrement la tête de ce côté. Si le cavalier sent une résistance, celle du poids, par exemple, il la détruira par un, deux ou trois demi-arrêts successifs. Cette résistance est-elle due au défaut d’harmonie des forces, il agira par vibrations. Ces demi-arrêts et ces vibrations seront pratiqués avec la rêne directe, rêne droite, s’il veut tourner à droite, et rêne gauche, s’il veut tourner à gauche ; et dès qu’il sentira son cheval léger, il tournera à droite par l’effet de la rêne opposée, rêne gauche, et vice versâ. Comme on le voit, je me sers de la rêne directe, non pour tourner, mais seulement pour combattre les résistances, et c’est avec la rêne opposée que j’apprends au cheval à tourner. Le cavalier demandera seulement un huitième de conversion, s’arrêtera, combattra avec ces nouveaux effets de main (rêne directe) les résistances qui se seraient manifestées, et continuera avec la rêne opposée. Bientôt le cheval pourra tourner, sans sortir de son équilibre, c’est-à-dire, la tête portée du côté où il marche, la partie opposée de l’encolure demeurant convexe, et la mobilité moelleuse de la mâchoire lui permettant de céder avec la plus grande facilité à l’effet de la rêne opposée. On comprend le plaisir que le cavalier éprouve à suivre cette gradation, qui lui donne comme récompense l’équilibre parfait, en ne lui laissant plus rien à désirer. Il jouera avec les rênes flottantes qu’il fera onduler de gauche à droite ou de droite à gauche, et son cheval tournera dans toutes les directions, en conservant cette harmonie constante du poids et de la force, ce qui constitue l’équilibre du premier genre. Le cavalier doit comprendre maintenant l’importance de ces nouveaux moyens équestres, puisqu’il peut immédiatement apprécier la cause des résistances du cheval, et y remédier de suite. Il ne peut plus s’illusionner et imputer à l’animal les fautes qui lui sont personnelles. Nulle erreur n’est possible.

Que l’on compare un pareil cheval, gracieux, léger, prompt dans ses mouvements, avec ces pauvres chevaux que l’on fait tourner avec la rêne opposée, il est vrai, mais l’encolure roide, la tête mal placée, la mâchoire serré, etc., résultat infaillible de leur mauvais équilibre. Si cet inconvénient était le seul, on pourrait me dire : « Qu’importe la position des chevaux de la cavalerie, pourvu qu’ils tournent au commandement » ? Je réponds : Prenez garde ! ne voyez-vous pas que si ces chevaux étaient moins braqués, que si leur équilibre était moins mauvais, ils tourneraient plus facilement, c’est-à-dire plus promptement ? Ce que je dis des changements de direction s’applique mieux encore au travail individuel, aux voltes, demi-tours, en un mot, à tout ce qui concerne l’équitation militaire.

Ces inconvénients sont si bien appréciés que beaucoup de cavaliers emploient la rêne directe pour tourner. Mais ils n’ont pas détruit les résistances qui proviennent du poids ou de la force ; ils ont seulement donné une indication, et la résistance se continue.

Avec l’équilibre du premier genre, tous les chevaux tourneront facilement par l’effet de la rêne opposée, en conservant une bonne position de tête et une légèreté constante.

Avant de terminer cet article, je vais parler d’un certain maniement de rênes qui produit d’heureux et prompts résultats, inspire de la confiance au cheval, et confirme l’équilibre, la légèreté, l’harmonie, la régularité du mouvement.

Le cavalier retirera la gourmette, et fera produire à la bride, par une force de bas en haut, le même effet que le filet, sur la commissure des lèvres, avec un contact moindre sur les barres. (La gourmette sera replacée lorsque le cheval répondra facilement à l’effet de la bride.)

Puis, au pas, au trot, au galop, sans se presser, il déposera les rênes qu’il tenait, et saisira de la main les autres rênes. Les premières fois, le cheval accélérera peut-être l’allure, et le cavalier devra reprendre vivement les premières rênes, pour rappeler à l’ordre le cheval disposé à s’émanciper ; mais bientôt le cheval s’habituera à cet abandon momentané, y puisera de la confiance, du bien-être, et conservera la régularité de l’allure et la légèreté, pendant que le cavalier, en jouant ainsi avec les rênes du filet et les rênes de la bride, acquiert du tact, de la délicatesse, et arrive à conduire son cheval avec un fil !





  1. Le mot demi-arrêt, dont je me sers pour exprimer l’action vive et énergique de la main qui a pour but de reporter en arrière le poids dont le devant est trop chargé, ne rend qu’imparfaitement l’idée qu’il doit représenter. Ce terme indique un ralentissement. Je l’ai conservé pour ne pas changer une expression consacrée par l’usage. Je l’emploie pour désigner uniquement un déplacement de poids, avec la condition expresse de ne prendre en rien sur l’action propre au mouvement. Si le demi-arrêt se donne de pied ferme, il ne doit, dans aucun cas, amener le reculer.