À mi-voixImer (p. 164-166).


MÉSERY

 


À Madame Coigny.



Le feuillage a mainte percée
Qui laisse voir des toits moussus.
Un peu de fumée, au-dessus
S’envole, au gré du vent bercée.
 
Dans le temps des cerises mûres
— C’est aussi la saison d’amour —
Les oiseaux, joyeux, tout le jour,
Sifflent dans l’ombre des ramures.


Dans les cieux aux voûtes lointaines
Quand la nuit sème ses fleurs d’or,
Mésery paisible s’endort
Au doux chant des claires fontaines.
 
Comme le parfum de cinname,
Ton souvenir — ô Mésery,
Frais village où le ciel sourit —
Reste, pénétrant, dans mon âme.
 
Et quand j’ai satisfait ma tâche
Et que, las des plans d’avenir,
Je me complais à revenir
Aux beaux jours où l’âme s’attache,
 
Je songe à votre maison blanche
Où, pendant huit jours, j’ai trouvé
Ce que j’ai si souvent rêvé :
Un peu d’amitié simple et franche.


Et je revis dans mes pensées
Le jardin avec ses rosiers
— Que chaque soir vous arrosiez —
Les dahlias et les pensées.
 
Je trouve une douceur secrète
À revivre un passé lointain,
Et, dans l’avenir incertain,
Je rêve une tendre retraite :
 
Dans un village solitaire
— Pareil à votre Mésery —
Où la paix divine fleurit,
Un humble et petit presbytère.

Février 1884.