Mémoires sur les contrées occidentales/Livre 3

Traduction par Stanislas Julien.
(tome 1p. 131-188).

LIVRE TROISIÈME.


ROYAUME DE OU-TCHANG-NA.
(OUDIYÂNA.)

Le royaume de Ou-tchang-na (Oudyâna) a environ cinq mille li de tour. On y voit une suite de montagnes et de vallées, de plaines basses et humides et de plateaux élevés. Quoiqu’on sème diverses sortes de grains, les produits de la terre ne sont pas abondants. Il y a beaucoup de raisins et peu de cannes à sucre. Ce pays donne de l’or et du fer, et il est favorable à la culture du Yo-kin-hiang (Curcuma). Les forêts végètent avec vigueur ; les fleurs et les arbres à fruits présentent un aspect florissant. Le froid et le chaud sont modérés, le vent et la pluie viennent dans leur saison. Les hommes sont d’un caractère mou et pusillanime ; ils sont naturellement enclins à la ruse et à la fourberie. Ils aiment l’étude, mais n’y apportent aucune ardeur. La science des formules magiques est devenue chez eux un art et une profession, lis portent la plupart des vêtements de coton blanc, et s’habillent rarement avec d’autre étoffe. Leur langue parlée, malgré quelques différences, ressemble beaucoup à celle de l’Inde. La même analogie se remarque dans les caractères de l’écriture et les règles de la civilité. Ils estiment la loi du Bouddha et croient, avec respect, à la doctrine du Grand Véhicule.

Sur les deux rives[1] du fleuve Sou-po-fa-sou-tou (Çoubhavastou), il y avait jadis quatorze cents Kia-lan (Sañghârâmas), qui sont la plupart en ruines. Jadis ils renfermaient dix-huit mille religieux, mais aujourd’hui leur nombre est fort diminué. Tous ces religieux étudient la doctrine du grand Véhicule, et se livrent particulièrement à la pratique de la méditation (Samâdhi). Ils aiment à lire les textes qui traitent de cette doctrine ; mais ils sont incapables d’en approfondir le sens. Ils tiennent une conduite pure, et cultivent surtout la science des formules magiques. Il y a cinq écoles où l’on enseigne les règles de la discipline. Ce sont : 1° Fa-mi-pou (l’école des Dharmagouptas) ; 2° Hoa-ti-pou (l’école des Mahîçâsakas) ; 3° In-kouang-pou (l’école des Kâçyapîyas) ; 4° Choue-i-tsie-yeou-pou (l’école des Sarvâstivâdas) ; 5° Ta-tchong-pou (l’école des Mahâsañghikas).

Il y a une dizaine de temples des Dieux (Dêvâlayas). Les hérétiques des différentes sectes habitent pêle-mêle.

On compte quatre ou cinq villes fortifiées. La plupart des rois de ce pays ont pris pour capitale la ville de Moung-kie-li (Moungali), qui a de seize à dix-sept li de circuit. La population est fort nombreuse.

À quatre ou cinq li à l’est de la ville de Moung-kie-li (Moungali), il y a un grand Stoûpa, où éclatent beaucoup de miracles. Ce fut en cet endroit que jadis le Bouddha, remplissant le rôle de Jin-jo-sien (Kchântirĭchi)[2], coupa (une partie de) ses membres en faveur du roi Kie-li[3] (Kali-râdjâ). (Il y a ici une lacune dans le texte.)

Après avoir fait de deux cent cinquante à deux cent soixante li, au nord-est de la ville de Moung-kie-li (Moungali), il entra dans (les gorges d’une) grande montagne et arriva à la fontaine du dragon ’O-po-lo-lo (Apalâla), qui donne naissance au fleuve Sou-p’o-fa-sou-tou (Soubhavastou — lisez : Çoubhavastou), dont un bras coule au sud-ouest. Dans ce pays, il gèle au printemps et en été ; du matin au soir la neige vole en tourbillons. La neige et la pluie présentent des reflets de cinq couleurs dont l’éclat se répand de tous côtés.

Du temps de Kia-ye-fo (Kâçyapa Bouddha), ce dragon naquit dans la classe des hommes ; son nom était King-ki (Gañgî). Il était très-versé dans la science des formules magiques ; il réprimait la méchanceté des dragons et les empêchait de faire tomber une pluie violente. Grâce à sa protection, les habitants récoltaient une abondance de grains qui surpassait leurs besoins. Un tel bienfait les avait pénétrés de reconnaissance, et chaque famille lui offrait en tribut un boisseau de grains. Au bout d’un grand nombre d’années, il y en eut quelques-uns qui éludèrent cet impôt. King-ki (Gañgî) entra en colère, et fil le vœu de devenir un dragon venimeux pour déchaîner contre eux le vent et la pluie, et ruiner leurs moissons. Quand il eut quitté la vie, il devint le dragon de cc pays ; sa source laissait échapper un courant d’eau blanche qui anéantissait tous les produits de la terre.

A cette époque, Chi-kia-jou-laï (Çâkya Tathâgata) gouvernait le monde avec une bonté compatissante. Emu de pitié pour les habitants de ce royaume, qui étaient seuls victimes d’une telle calamité, il descendit en cet endroit et voulut convertir ce méchant dragon. Un génie, armé d’une massue de diamant (Vadjrapâṇi), en frappa les bords de la montagne. Le roi-dragon fut rempli de terreur ; il sortit de l’étang et vint faire sa soumission. Lorsqu’il eut entendu le Bouddha expliquer la loi, son âme devint pure, et son cœur s’ouvrit à la foi. Aussitôt Jou-laï (le Tathâgata) lui défendit de nuire aux moissons.

Le dragon lui dit : « Tout ce qui sert à ma nourriture me provient des champs des hommes ; mais, maintenant que j’ai reçu vos saintes instructions[4], je crains de ne plus pouvoir subvenir à mes besoins. Je désire recueillir, tous les douze ans, une provision de grains. »

Jou-laï (le Tathâgata), par un sentiment de compassion, consentit à sa demande. C’est pourquoi, maintenant, tous les douze ans, le pays est affligé une fois par les désastres de l’eau blanche.

A environ trente li, au sud-ouest de la source du dragon ‘O-po-lo-îo (Apalâla), sur un grand roc du rivage septentrional du fleuve (Çoubhavastou), on voit les traces des pieds de Jou-laï (du Tathâgata). Suivant le degré de la vertu de chaque homme, elles paraissent longues ou courtes. Ce sont les traces qu’y laissa Jou-laï (le Tathâgata), avant de partir, lorsqu’il eut dompté ce dragon. Dans la suite, les hommes amassèrent des pierres sur ce roc et y construisirent une maison. On y accourt de tous côtés, et on offre des fleurs et des parfums.

En descendant le fleuve, à trente il de là, on arrive à une pierre sur laquelle Jou-lat (le Tathâgata) lava ses vêtements. On y voit les raies de l’étoffe de sou Kiacha (Kachâya), qui sont aussi visibles que si elles avaient été gravées.

A environ quatre cents li au sud de la ville de Moung-kie-li (Moungali), on arrive au mont Hi-lo (Hila). Les eaux de la vallée se partagent à l’ouest, et remontent ensuite du côté de l’est. Des fleurs variées tapissent les bords des torrents, et des arbres à fruits d’espèces rares garnissent les bords de la montagne. Ici, l’on voit des sommets escarpés et des cavernes profondes ; là, des torrents qui serpentent â travers la vallée. Tantôt, on entend des clameurs, tantôt les sons d’une musique harmonieuse. Il y a des pierres carrées semblables à des couchettes, et qu’on croirait taillées de main d’homme. Elles se touchent et continuent depuis les bords de la montagne jusque dans la vallée. Ce fut en cet endroit que, jadis, Jou-laï (le Tathâgata) fit l’aumône de sa vie, après avoir entendu un demi Gâthâ.

A environ deux cents li au sud de la ville de Moung-kie-li (Moungali), à côté d'une grande montagne, on arrive au couvent de Mo-ho-fa-na[5] (Mahâvana sañghârâma). Jadis, lorsque Joulaï (le Tathâgata) menait la vie d’un Pou-sa (Bôdhisattva), et portait le nom de Sarvadarâdja[6], pour se soustraire â ses ennemis, il abandonna son royaume, et arriva secrètement dans cet endroit. Là, il rencontra un pauvre Brâhmane qui demandait l'aumône. Comme il avait perdu son trône, il n’avait rien à lui donner. Aussitôt, il ordonna à cet homme de le lier lui-même, et de le mener au roi son ennemi, espérant par là provoquer une récompense qui deviendrait, pour le mendiant, un bienfait et une aumône.

Au nord-ouest du couvent de Mo-ho-fa-na (Mahâvana)[7], on descend de la montagne, et, au bout de trente à quarante li, on arrive à un couvent appelé Mo-sou-kia-lan[8] (Masoûra sañghârâma). On y voit un Stoûpa, haut d’environ cent pieds.

A côté de ce monument, il y a une grande pierre carrée, qui a conservé les traces des pieds du Bouddha. Jadis, lorsque le Bouddha marcha sur cette pierre, il répandit un kôṭi (dix millions) de rayons, qui illuminèrent le couvent de Mo-ho-fa-na (Mahâvana) ; puis, en faveur des hommes et des dieux, il exposa les événements de ses existences passées[9]. Au pied de ce Stoupa, il y a une pierre d’un blanc jaune, qui est constamment humectée d’une substance onctueuse. Cela vient de ce que, jadis, Jou-laï (le Tathâgata) ayant entendu la droite loi lorsqu’il menait la vie d’un Pou-sa (Bôdhisattva), brisa, en ce lieu, un de ses os, et écrivit (avec sa moelle) des livres sacrés.

À soixante ou soixante-dix li à l’ouest du couvent des Lentilles (Masoûra sañghârama), il y a un Stoûpa bâti par le roi Açôka. Ce fut là que, jadis, Jou-laï (le Tathâgata) pratiqua les actes d’un Pou-sa (d’un Bôdhisattva), sous le nom du roi Chi-pi-kia (Çivika ?). Comme il cherchait à obtenir le fruit de Bôdhi (de l’intelligence), il coupa, en ce lieu, la chair de son corps pour remplacer (racheter) une colombe que tenait un épervier.

À deux cents li au nord-ouest du lieu où le Bouddha remplaça (racheta) la colombe, on entre dans la vallée de Cha-ni-lo-che (Çaṇirâdja ?), et l’on arrive au couvent de Sa-pao-cha-ti[10] (Sarpâuchadhi). On y voit un Stoûpa, haut d’environ quatre-vingts pieds. À l’époque où Jou-laï (le Tathâgata) était Ti-chi (Indra), le pays fut affligé par la famine ; les maladies et la peste se répandirent partout. La science des médecins était impuissante, et les routes étaient couvertes de cadavres. Ti-chi (Indra) fut ému de compassion, et songea à secourir et à sauver (les malheureux habitants). Alors il se métamorphosa, revêtit le corps d’un grand serpent, et étendit son cadavre tout le long de la vallée. II fit un appel au milieu des airs. Tous ceux qui l’entendirent turent remplis de reconnaissance et de joie, et accoururent à l’envi. A mesure qu’ils coupèrent (la chair du serpent), ils se sentirent revivre, et furent délivrés a la fois de la faim et de la maladie.

A côté et à une petite distance du couvent, on voit le grand Stoûpa de Sou-mo (Soûma) ; voici l’origine de ce nom. Jadis, Jou-laï (le Tathâgata), à l’époque où il remplissait le rôle de Ti-chi (Indra), fut rempli de compassion en voyant que tous les hommes étaient en proie aux maladies et à la peste. Il se métamorphosa en Serpent d’eau[11]. Tous ceux qui mangèrent de sa chair recouvrèrent la santé.

Au bord d’un rocher escarpé, situé au nord de la vallée de Chan-ni-lo-che (Çaṇirâdja ?), il y a un Stoûpa. Parmi les malades qui y viennent prier, il y en a un grand nombre qui obtiennent leur guérison.

Jadis, Jou-laï (le Tathâgata), étant un Roi des paons (Mayoûrarâdja), arriva en cet endroit avec sa troupe, qui, tourmentée par une soif brûlante, cherchait de l’eau sans pouvoir en trouver. Le roi des paons frappa le rocher avec son bec, et il en jaillit une source qui coula avec abondance, et forme aujourd’hui un étang. Tous les malades qui boivent de celle eau, ou qui s’y baignent, sont promptement guéris. Sur la pierre, on voit encore les traces des pieds des paons.

Au sud-ouest de la ville de Moung-kie-li (Moungali), il fit de soixante à soixante et dix li. À l’orient d’un grand fleuve (le Çoubhavastou), il y a un Stoûpa, haut d’environ soixante pieds, qui fut fondé par le roi Chang-kiun (Outtarasêna). Jadis, Jou-laï (le Tathâgata), étant sur le point d’entrer dans le Nirvâna, appela la grande multitude, et dit : « Après mon Nirvâna, Changhiun (Outtarasêna), roi de Ou-tchang-na (Oudyâna), devra obtenir une part de mes reliques (Çarîras). » Quand les rois furent sur le point de les partager d’une manière égale, le roi Chang-kiun (Outtarasêna) arriva après les autres, el aussitôt l’on attribua ce retard à un sentiment de mépris et de dédain.

Dans ce temps-là, les Dieux publièrent de nouveau les dernières paroles de Jou-laï (du Tathâgata). Alors ce roi obtint une part égale des reliques, Il les prit et s’en retourna dans son royaume, où il éleva un Stoûpa pour les honorer.

À côté, sur le rivage d’un grand fleuve, il y a une énorme pierre qui a la forme d’un éléphant. Jadis, le roi Chang-kiun (Outtarasèna ), s’en retournant dans ses États, fit transporter, sur un éléphant blanc, les Che-li (Çarîras — reliques du Bouddha). Quand il fut arrivé en cet endroit, l’éléphant tomba tout à coup et mourut. Il se changea aussitôt en pierre. À côté de cette pierre, le roi éleva immédiatement un Stoûpa.

À environ cinquante li, à l’ouest de la ville de Moungkie-li (Moungali), on passe un grand fleuve et l’on arrive à un Stoûpa appelé Lou-hi-ta-kia[12], qui a environ cinquante pieds de hauteur, et dont la construction est due au roi Wou-yeou (Açôka). Jadis, Jou-laï, menant la vie d’un Pou-sa (Bôdhisattva), était roi d’un grand empire sous le nom de Tse-li (Mâitrîbala). En cet endroit, il se perça le corps pour nourrir de son sang cinq Yotcha (Yakchas — Démons).

À environ trente li, au nord-est de la ville de Moung-Kie-li (Moungali), on arrive à un Stoûpa de pierre extraordinaire (Ngo-pou-to-chi-sou-tou-po[13]), qui a environ quarante pieds de hauteur. Jadis, Jou-lai (le Tathâgata) expliqua la loi en faveur des hommes et des Dieux pour les instruire et les guider. Quand Jou-laï fut parti, ce Stoûpa sortit tout à coup de terre. Les hommes du peuple l’entourent d’hommages et de respects, et ne cessent d’offrir des parfums et des fleurs.

À l’ouest du Stoûpa de pierre [extraordinaire], on passe un grand fleuve, et, au bout de trente à quarante li, on arrive à un Vihâra où l’on voit la statue de ’O-po-lou-tchi-ti-chi-fa-lo-pou-sa (Avalôkitêçvara Bôdhisattva). Les effets de sa puissance divine se répandent d’une matière mystérieuse, et ses miracles brillent avec éclat. Les disciples de la loi (les religieux) accourent en foule, et y font continuellement des offrandes.

À cent quarante ou cent cinquante li, au nord-ouest de la statue de Kouan-tseu-t’saï-pou-sa (Avalôkitêçvara Bôdhisattva), on arrive à la montagne de Lan-po-lou. Sur le passage de cette montagne, il y a un étang de dragons (Nâgahrada), qui a environ trente li de circuit. Ses flots azurés se déroulent au loin ; ses eaux sont claires et pures comme un miroir. Jadis, le roi Pi-lou-tse-kia (Viroûdhaka) ayant attaqué les descendants de Çâkya, il y eut quatre hommes qui, pour avoir résisté à son armée, se virent chassés par leurs proches parents. Chacun d’eux s’enfuit de son côté. Un de ces Çâkyas, après avoir quitté la capitale du royaume, voyagea par terre et par eau, et, se trouvant harassé de fatigue et exténué, s’arrêta au milieu de sa route. Dans ce moment, il y eut une oie qui, d’un vol rapide, s’élança au-devant de lui. Quand il l’eut apprivoisée, il monta sur son dos. L’oie s’éleva dans les airs, et vint s’abattre à côté de cet étang. Le descendant de Çâkya voyagea ainsi dans les airs, et visita au loin des royaumes étrangers. Un jour qu’il s’était égaré et ne pouvait reconnaître sa route, il se coucha à l’ombre d’un arbre et s’y endormit. La jeune fille du dragon de cet étang, se promenant au bord de l’eau, aperçut soudain le descendant de Çâkya, et, craignant de n’être pas digne de lui, elle se métamorphosa et prit une forme humaine ; puis elle le toucha doucement. Celui-ci se réveilla en sursaut, et lui adressa aussitôt ses remercîments. « Je ne suis, dit-il, qu’un pauvre voyageur exténué de fatigue ; comment daignez-vous vous attacher à moi ? » Bientôt après, il lui témoigna une vive affection et la pressa de s’unir à lui au milieu des champs[14]. « Mon père et ma mère, lui répondit la jeune fille, m’ont donné leurs instructions, et j’y obéis avec respect. Quoique j’aie eu le bonheur d’être accueillie par vous avec une extrême bienveillance, je n’ai pas encore reçu les ordres souverains de mes parents. »

— Les montagnes et les vallées, reprit le descendant de Çâkya, nous couvrent de leur ombre. Où est située votre maison ? — « Je suis, dit-elle, la fille du dragon de cet étang. J’ai appris, avec respect, que les membres de votre famille sainte errent dispersés pour échapper à la mort. Heureusement qu’en me promenant, j’ai osé vous offrir des consolations et adoucir vos fatigues. Vous m’avez ordonné ensuite de répondre en secret à votre amour ; mais je ne sais pas encore quelles seront les volontés de mes parents. Ajoutez à cela que, pour avoir accumulé le malheur sur ma tête, j’ai reçu ce corps de dragon. Les hommes et les animaux ont des voies différentes ; je n’ai jamais entendu dire qu’une telle union fût possible. »

— Si vous daignez, dit le descendant de Çâkya, consentir d’un seul mot, vous aurez comblé les vœux j’ai formés depuis longtemps.

— Je reçois avec respect vos ordres, répondit la fille du dragon ; je suis prête à vous suivre. »

À ces mots, le descendant de Çâkya prononça ce serment : « Par la puissance de toutes les vertus qui sont en moi, j’ordonne que cette fille du dragon se revête complètement d’un corps humain ! »

Par la puissance de sa vertu, la fille du dragon se métamorphosa sur-le-champ. Aussitôt qu'elle eut obtenu un corps humain, elle éprouva une joie profonde, et remercia ainsi le descendant de Çâkya : Pour avoir accumulé le malheur sur ma tête, j’avais, de siècle en siècle, parcouru une mauvaise voie[15]. Heureusement pour moi, vous avez daigné me témoigner de l’intérêt. Par la puissance de vos vertus, ce corps hideux, que je traînais depuis un nombre immense de kalpas, s’est métamorphosé en un instant. J’aurais beau le réduire en poudre pour vous remercier d’un si grand bienfait, je n’aurais pas encore épuisé ma reconnaissance. Si je n’écoutais que mon cœur, je voudrais vous accompagner dans vos voyages ; mais je suis retenue par la crainte de l’opinion publique. Je désire avertir mon père et ma mère ; ensuite, nous observerons les rites prescrits. »

La fille du dragon retourna dans l’étang et avertit ainsi son père et sa mère : « Aujourd’hui, en me promenant, j’ai rencontré un descendant de Çâkya, qui, par la puissance de sa vertu, m’a métamorphosée et m’a donné un corps humain. Il m’a montré de l’affection et désire m’épouser. J’ose vous en informer avec sincérité. »

Le roi-dragon ravi, au fond de son cœur, de la voir rentrée dans la voie des hommes, et rempli d’estime pour la famille sainte[16], accéda avec empressement à la prière de sa fille. Il sortit alors de l’étang et alla remercier le descendant de Çâkya. « Vous n’avez point dédaigné, lui dit-il, des êtres d’une espèce différente de la vôtre, et vous avez abaissé votre dignité jusqu’aux créatures les plus abjectes. Je désire, en conséquence, que vous veniez dans ma demeure ; j’oserai alors vous offrir la main de ma fille[17]. »

Le descendant de Çâkya, ayant écouté cette prière du roi-dragon, se rendit immédiatement dans sa demeure. Alors, dans le palais du dragon, il alla lui-même au-devant de son épouse, et accomplit les cérémonies prescrites ; puis, heureux de s’unir à son épouse, il s’enivra de plaisir et de bonheur. Le descendant de Çâkya, voyant les formes hideuses des serpents, éprouvait un sentiment d’effroi et de dégoût, et voulait se retirer ; mais le roi des dragons le retint. « De grâce, lui dit-il, ne nous abandonnez pas ; allez demeurer dans cette maison voisine. Je vous fournirai les moyens de vous rendre maître de ce pays et d’y obtenir un nom illustre. Tous les habitants deviendront vos sujets, et la durée de votre dynastie s’étendra jusqu’à la postérité la plus reculée. »

Le descendant de Çâkya le remercia et lui dit : « Ce n’est point là ce que je désire. »

Le roi des dragons plaça dans un coffre une épée précieuse, et mit par-dessus une pièce de coton blanc d’une beauté admirable ; puis il dit au descendant de Çâkya : « Veuillez prendre cette pièce de coton, et allez l’offrir au souverain de ce royaume. Il ne manquera pas d’accueillir ce tribut d’un étranger ; vous profiterez de ce moment pour tuer le roi, et vous vous emparerez de ses États. N’est-ce pas là un excellent projet ? »

Le descendant de Çâkya, ayant reçu les instructions du roi des dragons, alla sur-le-champ faire son offrande au roi Oudyâna, qui prit lui-même la pièce de coton blanc. Alors, le descendant de Çâkya le saisit par sa manche et le perça de son épée. Les serviteurs et les satellites du roi poussèrent de grands cris au bas des degrés du trône. Le descendant de Çâkya leur dit alors, en brandissant son épée : « Cette arme que je tiens, est un présent qu’un dragon divin a daigné me donner pour châtier ceux qui tarderont à se soumettre, et immoler ceux qui me refuseront l’obéissance. »

Tous furent saisis d’effroi, en le voyant animé d’une valeur surhumaine, et se hâtèrent de le proclamer roi. Sur ces entrfaites, il corrigea[18] les abus et fonda une bonne administration ; il accorda des distinctions aux sages et eut pitié des malheureux. Après quoi, il mit toutes ses troupes en marche, fit apprêter son char royal, et se rendit en pompe au palais du roi des dragons, pour lui faire connaître l’exécution de ses ordres. Il alla au-devant de la fille du dragon, et la ramena dans sa capitale. Mais les péchés anciens de la fille du dragon n’étaient pas entièrement effacés, et son expiation n’était pas encore complète. Toutes les fois que son époux voulait lui témoigner son amour, neuf têtes de dragons sortaient subitement de son cou. Le descendant de Çâkya, plein d’effroi et de dégoût, ne savait quel parti prendre. Il attendit qu’elle fût endormie, et les trancha d’un coup de sabre. La fille du dragon s’éveilla en sursaut, et lui dit : « Ce que vous venez de faire ne tournera pas au profit de vos descendants ; non-seulement ma vie en souffrira un peu, mais vos fils et vos petits-fils ressentiront de cruels maux de tête. » Voilà pourquoi la famille royale de ce pays est ordinairement sujette aux mêmes douleurs ; elles ne sont pas continues et éclatent de temps en temps par accès. Après la mort du descendant de Çâkya, son fils lui succéda sur le trône, sous le nom de Ou-ta-lo-si-na (Outtarasêna).

À peine le roi Chang-kiun (Outtarasêna râdjâ) avait-il hérité de la couronne de son père que sa mère perdit la vue. Quand Jou-laï (le Tathâgata) revenait de dompter le dragon ’O-po-lo-lo[19] (Apalâla), du haut des airs il descendit, dans son palais. En ce moment, le roi Chang-kiun (Outtarasêna râdjâ) était sorti pour se promener et se livrer à la chasse. Le Tathâgata profita de cette circonstance pour exposer à sa mère les vérités essentielles de la loi. Celle-ci, ayant eu le bonheur de voir le Bouddha et d’entendre la loi, recouvra aussitôt la vue. « Votre fils est de ma famille, lui dit Jou-laï (le Tathâgata) ; où est-il maintenant ?

— Il est sorti de grand matin, lui dit-elle, pour aller à la chasse ; il sera bientôt de retour. « Jou-laï (le Tathâgata) voulut partir avec la multitude qui l’accompagnait.

— « J’ai trouvé le bonheur ! s’écria la mère du roi. J’ai mis au monde un fils de la famille du Saint, et le Tathâgata a eu pitié de moi (c’est-à-dire, de ma cécité) ; de plus, il est descendu en personne dans ma maison. Mon fils va revenir dans l’instant ; je vous prie de vouloir bien rester et attendre un peu.

— Cet homme, dit l’Honorable du siècle, est de ma propre famille. Il lui suffira d’entendre (vos) instructions pour croire et comprendre ; il n’est pas nécessaire que je l’instruise moi-même pour ouvrir son cœur. Je pars. Quand il sera de retour, dites-lui que le Tathâgata sort d’ici, et qu’il va dans la ville de Keou-chi (Kouçinagarî), où il doit entrer dans le Nie-pan (Nirvâṇa), entre deux arbres Sâlas. Il convient qu’il recueille ses reliques, et qu’il leur offre lui-même ses hommages. »

À ces mots, le Tathâgata s’élança dans les airs avec toute sa suite, et disparut.

Comme le roi Chang-kiun (Outtarasêna râdjâ) était occupé à la chasse, il aperçut de loin l’intérieur de son palais, éclairé par une lueur extraordinaire, et soupçonna qu’elle provenait d’un incendie. Il quitta la chasse et s’en revint en toute hâte. Il vit alors sa mère qui avait recouvré la vue ; il en fut transporté de joie, et l’interrogea ainsi : « Combien de temps après mon départ est arrivé cet heureux prodige qui a permis à ma tendre mère de revoir le jour comme auparavant ?

— À peine étiez-vous sorti, lui dit-elle, que le Tathâgata est descendu ici. Aussitôt après avoir entendu le Bouddha expliquer la loi, j’ai recouvré la vue. En sortant d’ici, le Tathâgata s’est rendu dans la ville de Keou-chi (Kouçinagarî), où il doit entrer dans le Nirvâṇa entre deux arbres So-lo (Sâlas). Il vous invite à y aller promptement, pour recueillir une partie de ses restes (Çarîras). »

En entendant ces paroles, le roi poussa des cris de douleur, et tomba sans mouvement. Ayant repris ses sens longtemps après, il fit apprêter son char et s’y rendit en toute hâte. Quand il fut arrivé auprès des deux arbres So-lo (Sâlas), le Bouddha était déjà entré dans le Nie-pan (Nirvâna). À cette époque, les rois des différents royaumes, qui le méprisaient comme habitant un pays frontière, et attachaient une valeur infinie aux reliques, ne voulurent point lui en donner sa part. Mais, dans ce moment, la grande multitude des Dieux publia de nouveau les volontés du Bouddha. Aussitôt que les rois eurent entendu ces ordres, ils partagèrent également les reliques, en commençant par lui.

Au nord-est de la ville de Moung-kie-li (Moungali), il franchit une montagne, traversa une vallée et remonta le fleuve Sin-tou (l’Indus). Les routes qu’il eut à suivre (par terre) étaient dangereuses, et les vallées sombres. Tantôt il lui fallait marcher sur des cordes lâches, tantôt sur des chaînes de fer fortement tendues. Ici, c’étaient des passerelles suspendues au milieu des airs, là, des ponts volants jetés sur des précipices ; ailleurs, des chemins taillés au ciseau ou des échelons pour grimper. Après avoir fait environ mille li, il arriva à la vallée de Tha-li-lo (Dhalila), où existait jadis la capitale du royaume de Ou-tchang-na (Oudyâna). Ce royaume produit une grande quantité d’or et de Curcuma (Yokin-hiang). À côté d’un grand couvent, qui est situé au milieu de la vallée de Tha-li-lo (Dhalila), il y a une statue de Tse-chi-pou-sa (Mâitrêya Bôdhisattva), en bois sculpté. Elle a une couleur d’or d’un éclat éblouissant, et opère secrètement des miracles divins. Cette statue est haute d’environ cent pieds. Elle a été exécutée par les soins du Lo-han (de l’Arhat) Mo-tien-ti-kia (Madhyântika). Cet Arhat, par l’effet de sa puissance divine, enleva dans les airs un sculpteur en bois, et le fit monter au ciel des Touchitas (Tou-chi-to), afin qu’il vît de ses propres yeux la figure merveilleuse (de Mâitrêya). Après le troisième voyage, son œuvre se trouva achevée. Depuis l’existence de cette statue, un bras du fleuve de la loi s’est dirigé vers l’orient.

En partant de ce royaume, il marcha vers l’est, franchit des passages de montagne, traversa des vallées et remonta le fleuve Sin-tou (Sindh — Indus). À l’aide de ponts volants et de légères passerelles, il marcha au-dessus des précipices et des abîmes. Après avoir fait de cette manière environ cinq cents li, il arriva au royaume de Po-lou-lo (Bolor). (Inde du nord.)

ROYAUME DE PO-LOU-LO.
(BOLOR.)

Le royaume de Po-loa-lo (Bolor) a environ quatre mille li de circuit ; il est situé au milieu des grandes montagnes neigeuses. Il est allongé de l’est à l’ouest et resserré du sud au nord. Il produit beaucoup de froment et de haricots, et l’on en tire de l’or et de l’argent. Grâce aux bénéfices des mines d’or, les ressources du royaume sont très-abondantes. Le climat est constamment glacial ; les hommes sont d’un caractère violent et farouche ; ils n’ont qu’un faible sentiment de l’humanité et de la justice, et n’ont jamais entendu parler des rites. Leurs traits sont communs et ignobles. Ils portent des vêtements de laine grossière. Les caractères de l’écriture ressemblent beaucoup à ceux de l’Inde ; mais la langue parlée diffère de celle des autres royaumes. Il y a plusieurs centaines de couvents, où l’on compte quelques milliers de religieux, qui ne montrent pas une grande ardeur pour l’étude, et s’écartent souvent des règles de la discipline.

En partant de ce royaume, il revint dans la ville de Ou-to-kia-han-tch’a (Ouṭakhânḍa ?), et passa, au sud, le fleuve Sin-tou (Sindh — Indus). Ce fleuve est large de trois à quatre li et coule au sud-ouest. Ses eaux sont pures comme un miroir et roule ni avec impétuosité. Des dragons venimeux et des animaux malfaisants habitent ses humides cavernes. Si l’on passe le fleuve, en portant des pierres précieuses, des semences de fleurs et d’arbres rares, ou bien des reliques du Bouddha, la plupart du temps le bateau s’engloutit sous les flots.

Après avoir passé le fleuve (l’Indus), on arrive au royaume de Ta-tcha-chi-lo (Takchaçilâ), (Inde du nord.)

ROYAUME DE TA-TCH’A-CHI-LO[20].
(TAKCHAÇILÂ.)

Le royaume de Ta-tch’a-chi-lo (Takchaçilâ) a environ deux mille li de tour. La circonférence de la capitale est d’environ dix li. La famille royale est éteinte, et des hommes puissants se disputent le pouvoir à main armée. Anciennement, ce pays était soumis au royaume de Kia-pi-che (Kapiça) ; mais, dans ces derniers temps, il s’est mis sous la dépendance du royaume de Kia-chi-mi-lo (Cachemire). Ce pays est renommé pour sa fertilité, et donne de riches moissons. Il est arrosé par une multitude de sources et de cours d’eau ; les fleurs et les fruits y abondent. Le climat est tempéré, les hommes sont d’un caractère vif et intrépide ; ils estiment et révèrent les trois Précieux. Il y a un grand nombre de couvents, mais ils sont la plupart déserts. On n’y voit qu’un petit nombre de religieux qui tous étudient la doctrine du grand Véhicule.

À environ soixante et dix li au nord-ouest de la capitale, on voit l’étang du roi-dragon I-lo-po-to-lo (Êlâpatra). Il a une centaine de pas de circonférence ; ses eaux sont pures el limpides ; des lotus de différentes couleurs ornent ses bords de leurs teintes brillantes et variées. Ce dragon élait un Pi-tsoa (Bhikchou) qui, du temps de Kia-ye-fo (Kâçyapa Bouddha), avait détruit l’arbre I-lo-po-to-lo (Êlâpatra). C’est pourquoi, lorsque les habitants de ce pays veulent demander de la pluie ou du beau temps, ils se rendent avec des Cha-men (Çramanas) au bord de l’étang, font claquer leurs doigts, et invoquent le dragon d’une voix douce. Sur-le-champ, ils obtiennent l’objet de leurs vœux.

Après avoir fait environ trente li, au sud-est de l’étang du dragon, il entra dans les gorges de deux montagnes, et vit un Stoûpa qui avail été construit par le roi Wou-yeou (Açoka). Il avait environ cent pieds de hauteur. Chi-kia-jou-lat (Çâkya Tathâgata) avait prédit qu’à l’époque où le futur Mâitrêya paraîtrait dans le Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/241 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/242 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/243 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/244 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/245 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/246 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/247 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/248 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/249 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/250 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/251 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/252 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/253 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/254 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/255 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/256 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/257 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/258 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/259 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/260 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/261 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/262 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/263 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/264 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/265 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/266 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/267 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/268 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/269 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/270 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/271 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/272 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/273 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/274 Page:Xuanzang, Julien - Mémoires sur les contrées occidentales, tome 1.djvu/275

ROYAUME DE KO-LO-CHE-POU-LO.
(RÂDJAPOURA.)

Le royaume de Ko-lo-che-pou-lo (Râdjapoura) a environ quatre mille li de tour ; la capitale a une circonférence d’environ dix li. Il est fortement protégé par des obstacles naturels. Il y a beaucoup de montagnes et de collines ; les vallées et les plaines sont extrêmement resserrées,

et la terre ne donne que peu de produits. Sous le rapport du climat et des propriétés du sol, ce pays ressemble au royaume de Pouan-nou-tso (Pounatcha). Les mœurs respirent une ardeur bouillante ; le naturel des hommes est brave et intrépide. Ce pays n’a point de roi ; il est sous la dépendance du royaume de Cachemire. Il y a une dizaine de couvents qui ne renferment qu’un petit nombre de religieux. On remarque un seul temple des dieux. Le nombre des hérétiques est énorme.

Depuis le royaume de Lan-po (Lampâ — Lamghan) jusqu’à ce pays, les hommes ont une figure commune et ignoble ; leur naturel est violent et sauvage, leur langage vulgaire et grossier. Ils ne font aucun cas de la justice et des rites. Cette contrée n’appartient pas proprement à l’Inde ; clic a les mœurs vicieuses des barbares des frontières (Mlêtchhas).

En sortant de ce royaume, au sud-est, il descendit d’une montagne, passa un fleuve, et, après avoir fait environ sept cents li, il arriva au royaume de Tse-kia (Tchêka)[21].

  1. Il y a une faute dans le texte, où on lit laï « venir », au lieu de kia (Basile, n° 1,810) « presser des deux côtés ».
  2. En chinois, Jin-jo-sien, le Rĭchi qui supporte la honte. Dans le Dictionnaire Fan-i-ming-i-tsi, liv. X, fol. 10, Kchânti est traduit par Jin-jo-Sien répond exactement à Rĭchi.
  3. En chinois, Teou-tseng « bataille, dispute ».
  4. C’est-à-dire, vos ordres.
  5. En chinois, Ta-lin « grande forêt ».
  6. Sa-po-ta, en chinois, I-tsie-chi « (le roi) qui donne tout ».
  7. En chinois Ta-lin « la grande forêt. »
  8. Il y a une faute dans le texte ; au lieu de Mo-Sou, il faut lire Mo-Sou-lo (Masoûra), qu'une note explique par teou « pois ou lentille ».
  9. On appelle Djâtakasêna un livre sacré qui contient le recueil de ces événements. Le nom le plus usité est Djâtaka ou Djâtakamâlâ. Voy. Burnouf, Introd. au Bouddh. page 61.
  10. En chinois, Che-yo, mot à mot « serpent — remède ».
  11. Sou-mo-che. Ce mot est formé de soûma « eau », en sanscrit, et de che « serpent », en chinois.
  12. Rôhitaka ou Lôhitaka, en chinois, tch’i « rouge ».
  13. Chi est le mot chinois « pierre » ; les autres sons répondent à adbhouta « extraordinaire » (en chinois, k’i-te), et à Stoûpa. Il est regrettable que l’auteur n’ait pas donné les sons indiens qui répondent à pierre. Si le mot omis était açmâ « pierre », nous aurions Adbhoutâçmastoûpa.
  14. L’expression ye-ho « champs-s’unir », implique l’idée de s’unir d’une manière immorale, et sans observer les usages prescrits pour la légalité du mariage.
  15. On distingue trois mauvaises voies : l’état des damnés que consume le feu de l’enfer ; la condition des démons et celle des animaux. (Fan-i-ming-i-tsi, liv. VII, fol. 2 , l. 5.)
  16. C’est-à-dire, la sainte race de Çâkya.
  17. Littéralement : vous offrir l’arrosage et le balayage, c’est-à-dire, vous offrir une femme qui se dévouera à votre service.
  18. Il y a dans le texte youen-pi « il continua les abus » ; il faut évidemment khe-pi « il corrigea les abus ».
  19. Cf Burnouf, Introduction au Bouddhisme, p. 377, l. 5.
  20. Fa-hien (chap. ix) explique ce mot par tête coupée, ce qui suppose la leçon Takchaçira. Le traducteur du Fo-koue-ki l’a fait dériver de Tchyouta-sira (sic), qu’il traduit par « tête tombée ». Voyez plus bas, page 154, note 2.
  21. Inde du Nord.