Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme/100

CHAP. I  ►

DISCOURS
PRÉLIMINAIRE.


Sous le nom désastreux de Jacobins, uneApparition des Jacobins. secte a paru dans les premiers jours de la Révolution Françoise, enseignant que les hommes sont tous égaux et libres ; au nom de cette égalité, de cette liberté désorganisatrices, foulant aux pieds les autels et les trônes ; au nom de cette même égalité, de cette même liberté, appelant tous les peuples aux désastres de la rébellion et aux horreurs de l’anarchie.

Dès les premiers instans de son apparition, cette secte s’est trouvée forte de trois cent mille adeptes, soutenues de deux millions de bras qu’elle faisoit mouvoir dans toute l’étendue de la France, armés de torches, de piques, de haches et de toutes les foudres de la Révolution.

C’est sous les auspices, c’est par les mouvemens, l’impulsion, l’influence et l’action de cette secte, que se sont commises toutes ces grandes atrocités qui ont inondé un vaste Empire du sang de ses Pontifes, de ses Prêtres, de ses Nobles, de ses Riches, de ses Citoyens de tout rang, de tout âge, de tout sexe. C’est par ses mêmes hommes que le Roi Louis XVI, la Reine son épouse, la princesse Élisabeth sa sœur, abreuvés d’outrages et d’ignominie dans une longue captivité, ont été solennellement assassinés sur l’échafaud, et tous les Souverains du monde fièrement menacés du même sort. C’est par eux que la Révolution Françoise est devenue le fléau de l’Europe, la terreur des Puissances vainement combinées pour mettre un terme aux progrès de ces armées révolutionnaires y plus nombreuses et plus dévastatrices que l’inondation des Vandales.

Qu’est-ce donc que ces hommes sortis, pour ainsi dire, tout-à-coup des entrailles de la terre, avec leurs dogmes et leurs foudres, avec tous leurs projets, tous leurs moyens et toute la résolution de leur férocité ? Qu’est-ce que cette secte dévorante ? D’où lui viennent tout à la fois et cet essaim d’adeptes, et ces systêmes et ce délire de la rage contre tous les autels et tous les trônes, contre toutes les institutions religieuses et civiles de nos ancêtres ? Aussi nouveaux que leur nom même, les Jacobins ne sont-ils devenus les plus terribles instrumens de la Révolution, que parce qu’ils en sont les premiers nés et les enfans chéris ; ou bien, antérieurs à la Révolution, si elle est leur ouvrage, que furent-ils eux-mêmes avant de se montrer ? Quelle fut leur école et quels furent leurs maîtres ? Quels sont leurs projets ultérieurs ? Cette Révolution Françoise terminée, cesseront-ils enfin de tourmenter la terre, d’assassiner les Rois et de fanatiser les Peuples ?

Importance de leur histoire.Ces questions ne sont rien moins qu’indifférentes pour les Nations, et pour les hommes chargés de leur bonheur, ou du maintien de la Société. J’ai cru qu’il n’étoit pas impossible de les résoudre ; mais c’est dans ses annales mêmes que j’ai cru devoir étudier la secte, ses projets, ses systèmes, ses complots et ses moyens. C’est à les dévoiler que je consacre ces Mémoires.

J’aurois vu les sermens et les conspirations des Jacobins se borner aux désastres qu’ils ont déjà produits ; j’aurois vu des jours plus sereins se lever et annoncer le terme de nos maux avec celui de la Révolution Françoise, je n’en croirois pas moins à l’importance y à la nécessité de dévoiler les ténébreux complots auxquels nous la devons.

Les fastes affligeans de la peste et de ces grandsPour la postérité. fléaux qui, a certaines époques, ont désolé la terre, alors même que les peuples croyoient enfin respirer tranquillement, ne sont pas le simple objet d’une curiosité inutile. L’histoire des poisons révèle ordinairement les remèdes qu’il faut leur opposer ; celle des monstres nous dit par quelles armes ils ont été domptés. Quand les fléaux antiques reparoissent, et tant qu’il est à craindre de les voir reparoître, il est toujours utile de savoir quelles causes ont hâté leur ravages, quels moyens auroient pu en arrêter le cours, et quelles fautes peuvent encore les rappeler. Les générations présentes s’instruisent par les malheurs passés ; dans l’histoire des nôtres, il faut que nos neveux trouvent les leçons nécessaires pour être plus heureux.

Mais il est pour nous-mêmes des malheurs plus Pour la génération présente. pressans a prévenir ; il est pour la génération présente des illusions à dissiper, qui peuvent redoubler le fléau à l’instant même où elle s’enPremiere erreur à dissiper sur la cause de leur révolution. croira délivrée. Nous avons vu des hommes s’aveugler sur les causes de la Révolution Françoise ? Nous en avons connu cherchant à persuader que toute secte révolutionnaire et conspirante, avant cette Révolution même, n’étoit qu’une secte chimérique. Pour ceux-là, tous les maux de la France et toutes les terreurs de l’Europe se succèdent, s’enchaînent par le simple concours de circonstances imprévues, impossibles à prévoir. Il leur semble inutile de chercher des complots et des agens qui aient ourdi la trame et dirigé la chaîne des événemens. Les acteurs qui dominent aujourd’hui ignorent les projets de ceux qui les ont devancés ; et ceux qui les suivront ignoreront de même les projets de leurs prédécesseurs.

Préoccupés d’une opinion si fausse, remplis d’un préjugé si dangereux, ces prétendus observateurs diroient volontiers aux Nations diverses : Que la Révolution Françoise ne vous alarme plus. C’est un volcan qui s’est ouvert, sans qu’on puisse connoître le foyer où il s’est préparé ; mais il s’épuisera de lui-même, avec son aliment, sur les contrées qui l’ont vu naître. Des causes inconnues dans vos climats, des élémens moins propres à fermenter, des lois plus analogues à votre caractère, la fortune publique mieux assurée, vous annoncent que le sort de la France ne peut pas devenir le vôtre ; et si vous deviez un jour le partager, en vain chercheriez-vous à l’éviter. Le concours et la fatalité des circonstances vous entraîneroient malgré vous ; ce que vous auriez fait pour vous y soustraire appelleroit peut-être le fléau, et ne feroit que hâter vos malheurs.

Croiroit-on que j’ai vu dans une erreur si propre à rendre les Nations victimes d’une fatale sécurité, jusqu’à ces hommes mêmes que Louis XVI avoit placés auprès de sa personne, pour l’aider à détourner les coups que la Révolution ne cessoit de lui porter ? J’ai entre les mains le mémoire d’un Ex-ministre consulté sur les causes de cette Révolution, et en particulier sur les principaux conspirateurs qu’il devoit mieux connoître, et sur le plan de la conspiration. Je l’ai vu prononcer qu’il seroit inutile de chercher, soit des hommes, soit une association d’hommes qui eussent médité la ruine de l’Autel et du Trône, ou formé aucun plan que l’on puisse appeler conjuration. Infortuné Monarque ! quand ceux-mêmes qui doivent veiller pour vous ignorent jusqu’au nom et jusqu’à l’existence de vos ennemis, de ceux de votre peuple, est-il bien étonnant que vous et votre peuple en soyez les victimes !

Appuyés sur les faits, et munis des preuvesVérités à opposer à cette première erreur. qu’on trouvera développées dans ces Mémoires, nous tiendrons un langage bien différent. Nous dirons et nous démontrerons ce qu’il importe aux peuples et aux chefs des peuples de ne pas ignorer ; nous leurs dirons : Dans cette Révolution Françoise, tout jusqu’à ses forfaits les plus épouvantables, tout a été prévu, médité, combiné y résolu, statué : tout a été l’effet de la plus profonde scélératesse, puisque tout a été préparé, amené par des hommes qui avoient seuls le fil des conspirations long-temps ourdies dans des sociétés secrètes, et qui ont su choisir et hâter les momens propices aux complots. Dans ces événemens du jour, s’il existe quelques circonstances qui semblent moins l’effet des conspirations, il n’en étoit pas moins une cause et des agens secrets qui appeloient ces événemens, qui savoient profiter de ces circonstances ou bien les faire naître, et qui les dirigeoient toutes vers l’objet principal. Toutes ces circonstances ont bien pu servir de prétexte et d’occasion ; mais la grande cause de la Révolution y de ses grands forfaits, de ses grandes atrocités, en fut toujours indépendante ; cette grande cause est toute dans des complots ourdis de longue main.

En dévoilant l’objet et l’étendue de ces complots, j’aurai à dissiper une erreur plus dangereuse encore. Dans une illusion funeste il est des hommes qui ne font pas difficulté de convenir que cette Révolution Françoise a été méditée ; mais il ne craignent pas d’ajouter que dans l’intention de ses premiers auteurs elle ne devoit tendre qu’au bonheur et à la régénération des Empires ; que si de grands malheurs sont venus se mêler à leurs projets, c’est qu’ils ont trouvé de grands obstacles ; c’est qu’on ne régénère pas un grand peuple sans de grandes secousses ; mais qu’enfin les tempêtes ne sont pas éternelles : que les flots s’appaiseront et que le calme renaîtra ; qu’alors les Nations étonnées d’avoir pu redouter la Révolution Françoise, n’auront qu’à l’imiter, en s’en tenant à ses principes.

Cette erreur est sur-tout celle que les coryphées des JacobinsSeconde erreur sur la nature de leur révolution. s’efforcent le plus d’accréditer. Elle leur a donné pour premiers instrumens de la rébellion toute cette cohorte de Constitutionnels, qui regardent encore leurs décrets sur les droits de l’homme comme un chef-d’œuvre de droit public, et qui ne perdent pas encore l’espoir de voir un jour tout l’univers régénéré par cette rapsodie politique. Elle leur a donné un nombre prodigieux de sectateurs, dans cette espèce d’hommes plus aveugles encore que furieux, que l’on auroit pu prendre pour honnêtes gens, si la vertu pouvoit se combiner avec tous les moyens de la férocité, dans l’intention seule d’un avenir meilleur. Elle leur a donné tous ces hommes dont la stupide crédulité, avec toutes ses bonnes intentions, ne voit qu’un malheur nécessaire dans les horreurs du dix Août, et dans la boucherie du deux Septembre. Elle leur donne enfin tous ces hommes qui encore aujourd’hui se consolent de trois ou quatre cent mille assassinats, de ces millions de victimes que la guerre, la famine, la guillotine, les angoisses révolutionnaires ont coûtées à la France ; tous ces hommes qui encore aujourd’hui se consolent de cette immense dépopulation, sous prétexte que toutes ces horreurs amèneront enfin un meilleur ordre de choses.

À cet espoir fallacieuxVérités opposées à la seconde erreur., à toutes ces prétendues intentions de la secte révolutionnaire, ses vrais projets et ses conspirations pour les réaliser. Je dirai, parce qu’il faut bien enfin le dire, parce que toutes les preuves en sont acquises : la Révolution Françoise a été ce qu’elle devoit être dans l’esprit de la secte. Tout le mal qu’elle a fait, elle devoit le faire ; tous ses forfaits et toutes ses atrocités ne sont qu’une suite nécessaire de ses principes et de ses systèmes. Je dirai plus encore : bien loin de préparer dans le lointain un avenir heureux, la Révolution Françoise n’est encore qu’un essai des forces de la secte ; ses conspirations s’étendent sur l’univers entier. Dût-il lui en coûter par-tout les mêmes crimes, elle les commettra ; elle sera également féroce : il est dans ses projets de l’être par-tout où le progrès de ses erreurs lui promettra les mêmes succès.

Si parmi nos Lecteurs il en est qui concluentVraie conséquence de ces vérités. : il faut donc que la secte des Jacobins soit écrasée, ou bien que la société toute entière périsse, et que par-tout sans exception à nos Gouvernemens actuels succèdent les convulsions, les bouleversemens, les massacres et l’infernale anarchie de la France ; je répondrai : Oui, il faut s’attendre à ce désastre universel ou écraser la secte ; mais je me hâterai d’ajouter : écraser une Secte n’est pas imiter ses fureurs, sa rage sanguinaire et l’homicide enthousiasme dont elle enivre ses apôtres ; ce n’est pas égorger, immoler ses adeptes, et diriger contre eux toutes les foudres dont elle les armoit. Écraser une secte c’est l’attaquer dans ses écoles mêmes, dissiper ses prestiges, mettre au jour l’absurdité de ses principes, l’atrocité de ses moyens, et sur-tout la scélératesse de ses maîtres. Oui, anéantissez le Jacobin, mais laissez vivre l’homme. La secte est toute entière dans ses opinions ; elle n’existe plus, elle est doublement écrasée, quand ses disciples l’abandonnent pour se rendre aux principes de la raison et de la société.

La secte est monstrueuse, mais ses disciples ne sont pas tous des monstres. Les soins mêmes qu’elle prenoit pour cacher au grand nombre ses derniers projets, les précautions extrêmes dont elle usoit pour ne les révéler qu’aux élus de ses élus, nous démontrent assez combien elle craignoit de se voir sans moyens et sans force, et d’être abandonnée par la multitude de ses disciples, s’ils venoient à pénétrer dans toute l’horreur de ses mystères. Je n’en ai pas douté un seul instant : quelque dépravation qui régnât parmi les Jacobins, la plus grande partie auroit abandonné la secte, s’ils avoient su prévoir à quel terme et par quels moyens on vouloit les conduire. Et ce peuple François sur-tout, comment eût-il suivi de pareils chefs, s’il eût été possible alors de lui dire et de lui faire entendre : Voilà les projets de vos chefs ; jusqu’où s’étendent leurs complots et leurs conspirations !

Si la FranceIntérêt des peuples à connoître les projets des Jacobins., aujourd’hui fermée comme l’enfer, ne peut plus entendre d autre voix que celle des démons de la Révolution, au moins est-il encore temps de prévenir une partie des autres Nations. Elles ont entendu parler des forfaits et des malheurs de cette Révolution ; il faut bien qu’elles sachent le sort qui les attend elles-mêmes, si la secte des Jacobins prévaut ; il faut bien qu’elles sachent aussi que leurs propres Révolutions ne font pas moins partie du grand complot que celle de la France ; et que tous ces forfaits, toute cette anarchie ; toutes ces atrocités qui ont suivi la dissolution de l’Empire François, ne sont qu’une partie de la dissolution qu’on leur prépare à toutes ; il faut bien qu’elles sachent que leur Religion, ainsi que leurs ministres, leurs temples, leurs autels et leurs trônes ne sont pas moins l’objet de cette même conspiration des Jacobins, que la Religion, les prêtres, les autels et le trône des François.

Lorsque des simulacresIntérêt des Puissances. de paix sembleront mettre fin à la guerre entre les Jacobins et les Puissances combinées, il faudra bien aussi que ces Puissances connoissent à quel point elles peuvent compter sur leurs traités. Alors plus que jamais il sera important de revenir sur l’objet de ces guerres faites par une secte, qui envoyoit ses légions bien moins pour s’emparer des sceptres que pour les briser tous ; qui ne promettoit pas à ses adeptes la couronne des Princes, des Rois, des Empereurs, mais qui exigeoit d’eux le serment de broyer les couronnes, les Princes, les Rois, les Empereurs. Alors plus que jamais, il faudra réfléchir qu’avec les sectes la plus dangereuse des guerres n’est pas celle qui se poursuit au champ de Mars. Quand la rébellion et l’anarchie sont dans les élémens des sectaires, les bras peuvent bien être désarmés, mais l’opinion reste, la guerre est dans les cœurs. Une secte réduite à se cacher ou à se reposer, n’en reste pas moins secte. Elle pourra dormir, mais son sommeil sera le calme des volcans. Ils ne vomissent plus au dehors leurs torrens et leurs flammes, mais les feux souterrains serpentent, travaillent de nouvelles issues et préparent de nouvelles secousses.

L’objet de ces Mémoires n’est donc précisément ni cette paix, ni cette guerre qui se font de Puissance à Puissance. Alors même que le danger subsiste tout entier, je sais qu’il est des temps où il faut que le glaive de la mort se repose, je sais qu’il est des ressources qui s’épuisent. Je laisse aux chefs des peuples les moyens de la force à discuter. Mais je sais, quels que soient les traités, qu’il est une espèce de guerre que la sécurité de ces traités peut rendre plus funeste ; et cette guerre est celle des complots, des conspirations secrètes, dont les traités publics n’effacent pas les vœux et les sermens. Malheur à la Puissance qui aura fait la paix, sans avoir même su pourquoi son ennemi lui avoit déclaré la guerre ! Ce que les Jacobins ont fait avant d’éclater une première fois, ils le feront encore avant d’éclater de nouveau ; ils poursuivront dans les ténèbres le grand objet de leurs conspirations ; et de nouveaux désastres apprendront aux peuples que toute la Révolution Françoise n’étoit que le commencement de la dissolution universelle que la secte médite.

Voilà ce qui a fait des vœux secrets des JacobinsObjet de ces Mémoires., de la nature même de leur secte, de leurs systèmes, de leurs voies sourdes et ténébreuses, enfin de leurs conspirations souterraines l’objet plus spécial de mes recherches. On a vu le délire, la rage et la férocité des légions de la secte ; on les connoît assez comme instrumens de tous les crimes, de toutes les dévastations, de toutes les atrocités de la Révolution Françoise ; on ne sait pas assez quels maîtres, quelle école, quels vœux et quels complots les ont successivement férocisés. Il ne sera que trop long-temps facile à nos neveux de juger du fléau par ses effets. Le François qui voudra retracer le tableau des ravages, n’aura long-temps encore qu’à regarder autour de lui. Assez long-temps encore les débris des palais et des temples, les décombres des villes, les ruines d’un vaste empire éparses dans les provinces, attesteront la barbarie des modernes Vandales. L’épouvantable liste du Prince et des sujets tombés sous les décrets de la proscription, la solitude des cités et des campagnes, assez long-temps encore rappelleront le règne des fatales lanternes, de la vorace guillotine, des bandits assassins et des législateurs bourreaux.

Ces détails humilians pour la nature et flétrissans pour l’ame, n’entrent point dans l’objet de ces Mémoires. Ce que j’aurai à dire plus spécialement, ce n’est point ce qu’ont fait les légions infernales des Marat, des Robespierre, des Sieyes, des Philippe d’Orléans, ce sont les conspirations et les systêmes, les écoles, les maîtres ; c’est tout ce qui a fait les Sieyes, les Philippe, les Condorcet, les Péthion, et qui prépare encore à chaque peuple de nouveaux Marats y de nouveaux Robespierres. Ce que je me propose y c’est que la secte des Jacobins et ses conspirations connues, ses forfaits n’aient plus rien d’étonnant ; que la facilité à répandre le sang, que ses impiétés contre l’autel, et ses frénétiques fureurs contre le trône, et ses atrocités contre les citoyens, soient aussi naturelles que les ravages de la peste, afin que désormais les peuples n’aient pas moins d’attention à se préserver de l’une que de l’autre.

C’est pour atteindre cet objet important que j’ai dirigé mes recherches sur la secte et ses chefs, son origine, ses projets, ses complots, ses moyens, ses progrès, sur tout ce qu’elle a fait pour arriver à la Révolution, bien plus que sur les détails mêmes de la Révolution.

Le résultat de ces recherches et de toutes les preuves que j’ai puisées, sur-tout dans les archives des Jacobins et de leurs premiers maîtresTriple conspiration à dévoiler, et plan de ces Mémoires., a été que leur secte et leurs conspirations ne sont en elles-mêmes que l’ensemble, la coalition d’une triple secte, d’une triple conspiration dans lesquelles, long-temps avant la Révolution, se tramèrent et se trament encore la ruine de l’autel, celle du trône, et enfin celle de toute la société civile.

1.° Bien des années avant cette Révolution Françoise, des hommes qui se firent appeler philosophes conspirèrent contre le Dieu de l’Évangile, contre tout Christianisme, sans exception, sans distinction du Protestant ou du Catholique, de l’Anglican ou du Presbytérien. Cette conspiration avoit pour objet essentiel de détruire tous les autels de Jésus-Christ. Elle fut celle des Sophistes de l’incrédulité et de l’impiété.

2.° À cette école des Sophistes impies se formèrent bientôt les Sophistes de la rébellion ; et ceux-ci à la conspiration de l’impiété contre les autels du Christ, ajoutant la conspiration contre tous les trônes des Rois, se réunirent à l’antique secte dont les complots faisoient tout le secret des arrière-loges de la Franc-Maçonnerie, mais qui depuis long-temps se jouoit de l’honnêteté même de ses premiers adeptes, en réservant aux élus des élus le secret de sa profonde haine contre la religion du Christ et contre les Monarques.

3.° Des Sophistes de l’impiété et de la rébellion naquirent les Sophistes de l’impiété et de l’anarchie ; et ceux-ci conspirèrent, non plus seulement contre le Christianisme, mais contre toute religion quelconque, même contre la religion naturelle ; non plus simplement contre les Rois, mais contre tout gouvernement, contre toute société civile, et même contre toute espèce de propriété.

Cette troisième secte, sous le nom d’Illuminés, s’unit aux Sophistes conjurés contre le Christ, aux Sophistes et aux Maçons conjurés contre le Christ et contre les Rois. Cette coalition des adeptes de l’impiété, des adeptes de la rebellion, des adeptes de l’anarchie, forma les clubs des Jacobins ; sous ce nom commun désormais à la triple secte, les adeptes réunis continuent à tramer leur triple conspiration contre l’autel, le trône et la société.

Telle fut l’origine, et tels sont les progrès, les complots de cette secte devenue si désastreusement fameuse sous le nom de Jacobins.

L’objet de ces Mémoires sera de dévoiler séparément chacune de ces conspirations, leurs auteurs, leurs moyens, leurs progrès, leurs adeptes et leurs coalitions.

Je sais qu’il faut des preuves, quand on dénonce aux Nations des complots de cette nature et de cette importance ; c’est parce que je veux insister sur ces preuves et les porter à l’évidence, que je donne à cet ouvrage le titre de Mémoires. Je pouvois me contenter d’écrire l’histoire des Jacobins ; je veux que l’histoire elle-même puisse trouver dans ces Mémoires le recueil des preuves dont elle aura besoin, et des preuves sur-tout démonstratives, des preuves multipliées, extraites plus spécialement des confidences et des archives mêmes des Conjurés. Assuré de ces preuves, je ne crains pas de dire aux PeuplesConséquence de ces conspirations. : « À quelque religion, à quelque gouvernement, à quelque rang de la société civile que vous apparteniez, si le Jacobinisme l’emporte, si les projets, les sermens de la secte s’accomplissent, c’en est fait de votre religion et de votre sacerdoce, de votre gouvernement et de vos lois, de vos propriétés et de vos magistrats. Vos richesses, vos champs, vos maisons, jusqu’à vos chaumières, jusqu’à vos enfans, tout cesse d’être à vous. Vous avez cru la Révolution terminée en France ; et la Révolution en France même n’est qu’un premier essai des Jacobins ; et les vœux, les sermens, les conspirations du Jacobinisme s’étendent sur l’Angleterre, l’Allemagne, l’Italie, sur toutes les Nations, comme sur la Nation Françoise. »

Qu’on ne se hâte pas de crier au fanatisme, à l’enthousiasme ; je n’en veux ni dans moi, ni dans mes lecteurs. Je demande qu’on juge de mes preuves avec tout le sang froid qu’il m’a fallu pour les recueillir et pour les rédiger. Pour dévoiler les conspirations que je dénonce, je suivrai le même ordre que la secte a suivi pour les tramer. Je commence par celle qu’elle a formée d’abord, qu’elle poursuit encore contre toute la religion de l’Évangile, et que j’appelle Conspiration antichrétienne.