Mémoires pour servir à l’histoire de la vie et des ouvrages de Diderot/Note 3

Mémoires pour servir à l’histoire de la vie et des ouvrages de Diderot
Mémoires pour servir à l’histoire de la vie et des ouvrages de Diderot, par Mme de Vandeul, Texte établi par J. Assézat et M. TourneuxGarnierŒuvres complètes de Diderot, I (p. lxvii-lxviii).


NOTE 3.


M. Léon Godard, dans son livre plein de documents précieux, Pétersbourg et Moscou, souvenirs du couronnement d’un tzar, Paris, Dentu, 1858, a décrit en détail le palais de l’Ermitage et ses collections. Nous lui empruntons, en les résumant, quelques-uns des renseignements qui se rattachent le plus directement à notre sujet.

On sait que l’Ermitage ou l’Hermitage, comme on écrivait alors et comme on écrit encore en Russie, était la résidence favorite de l’impératrice Catherine II. C’est là qu’elle vit le plus souvent Diderot pendant son séjour à Saint-Pétersbourg. Nous reparlerons de ces entrevues ; mais il est bon de dire dès maintenant à ceux qui ont accusé Diderot de s’y être parfois mis trop à son aise qu’il ne faisait en cela que suivre le règlement formulé par l’impératrice elle-même en ces quelques lignes dont on conserve la pancarte autographe : « Asseyé-vous si vous voulès et cela ou vous plaira, sans qu’on vous le répète cent fois, la maîtresse de la maison n’aime pas les cérémonies ; que chacun soit donc ici comme chez soi. »

Le rez-de-chaussée du palais contient les collections, fort riches, de sculptures, de peintures, d’antiquités, et la bibliothèque.

Cette bibliothèque, qui n’était formée d’abord que des livres de Catherine, s’est enrichie sous son règne des bibliothèques de Voltaire, de Diderot et de d’Alembert. Elle avait fini par atteindre un total de plus de cent mille volumes. Elle a été diminuée depuis, tous les doubles et presque tous les livres techniques ayant été transportés à la bibliothèque impériale publique, mais on y voyait encore, en 1856, les deux salles dites de Voltaire et de Diderot. Il n’est guère de livres ayant appartenu à ces deux hommes qui ne soient chargés de notes marginales intéressantes et on ne peut plus curieuses au point de vue biographique et bibliographique. Mais ces notes demanderaient pour être recueillies un labeur assidu de plusieurs années, et, détachées des ouvrages auxquels elles sont jointes, elles deviendraient sans aucun doute d’une lecture difficile.

Ces notes ne sont pas les seules choses dignes d’attirer l’attention d’un Français ami de la littérature de son pays et des grands hommes du XVIIIe siècle. « Voltaire et Diderot sont représentés par de nombreux manuscrits. Il y a quatorze ou quinze volumes, les uns in-4o les autres in-8o, de Voltaire, en partie inédits. Il y en a trente-deux in-8o de Diderot, dont cinq ou six complètement inédits. Ceux-ci sont tous écrits de sa main, avec quelques passages recopiés sans doute par Naigeon et Mme de Vandeul et ensuite ajoutés au tout. »

Ce sont ces volumes que M. Godard a copiés pendant un séjour de près d’une année en Russie et qu’on trouvera reproduits dans notre édition.

Un buste de Diderot, par Mlle Collot, élève et belle-fille de Falconet, buste magistral et à la vue duquel, dit-on, Falconet brisa celui qu’il avait fait lui-même du philosophe, rappelle par sa date (1772) le bienfait de l’impératrice et la reconnaissance que lui voua son bibliothécaire.

Depuis une dizaine d’années, les bibliothèques de Voltaire et de Diderot ont été enlevées de l’Ermitage et fondues dans la bibliothèque publique.

Il y a quelques années, des missions ont été confiées à M. le comte de la Ferrière et à M. Gustave Bertrand, pour relever le catalogue des manuscrits français existant en Russie. Une commission, composée de MM. Michelant, Boutaric et Cocheris, est chargée de l’examen de ces travaux. M. Gustave Bertrand a annoncé dans la Revue des Sociétés savantes de novembre-décembre 1872 la publication du Catalogue complet des manuscrits français de la bibliothèque publique de Saint-Pétersbourg. Il est reparti depuis, croyons-nous, en Russie. Obtiendrons-nous par ces investigations de nouvelles richesses ? Souhaitons-le, sans trop l’espérer. M. de Muralt, ancien bibliothécaire de l’Ermitage, avait fait lui-même le relevé de toutes les pièces qui composent les trente-deux volumes de Diderot conservés dans cette bibliothèque. Nous avons été à même de comparer ce relevé avec les copies de M. Godard, et nous pouvons affirmer que là, au moins, sauf les notes marginales de ses livres, il ne restera rien d’inédit de notre auteur.