Mémoires posthumes de Braz Cubas/Chapitre 016

Traduction par Adrien Delpech.
Garnier Frères (p. 78-79).


XVI

Une réflexion immorale


Il me vient à l’esprit une réflexion immorale qui est en même temps une correction de phrase. Je crois avoirdit, au chapitre xiv, que Marcella se mourait d’amour pour Xavier. Ce n’est mourir, c’est vivre, qu’il faut dire. Vivre n’est pas la même chose que mourir. Tous les joailliers du monde l’affirment, et ce sont des gens qui connaissent la grammaire. Bons bijoutiers, qu’en serait-il de l’amour sans vos jouets et vos amulettes, qui sont le tiers ou la cinquième partie de l’universel commerce des cœurs ? Telle est la réflexion immorale que j’ai voulu faire, et qui est aussi obscure qu’immorale, car on ne comprend pas très bien ma pensée. J’ai voulu dire que la plus elle tête du monde n’en est pas moins belle quand on la ceint d’un diadème de perles fines ; ni moins belle, ni moins aimée. Marcella, par exemple, qui était vraiment bien jolie, Marcella m’aima…