Mémoires historiques et physiques sur les tremblemens de terre/Mémoire 6

Edition de Pierre Gosse, Junior (p. 169-237).


SIXIEME MEMOIRE.


RECHERCHES PHYSIQUES SUR LES CAUSES NATURELLES DES TREMBLEMENS DE TERRE




Difficulté du sujet. Il y a longtems qu’on a décidé qu’il étoit difficile de donner des explications satisfaisantes des tremblemens de terre[1]. C’est de la variété des circonstances, de la diversité des phénomènes & de l’insuffisance des observations que naît cette difficulté. Plusieurs causes concourrent dans de certaines occasions, & plusieurs autres agissent dans quelques rencontres. Quelquefois elles produisent leur effet séparément ; elles se combinent de mille façons différentes. Est-il étonnant que, ne pouvant saisir toutes ces combinaisons, on n’ait pas pû assigner à chaque tremblement la cause qui l’a fait naître ? Nous connoissons la surface de la terre par les voyages, son intérieur par de simples conjectures. Nous marchons à tâtons dans ces routes sombres. M. Buache vient de publier une description de cet intérieur si peu connu. C’est la charpente de la terre qu’il veut nous peindre. Je n’ai point encore vû cet ouvrage ingénieux. De pareils efforts peuvent donner des lumières : souvent réitérés & réunis ils doivent enfin produire un jour qui nous manque.

Il faut disinguer les espèces de tremblemens & les diverses causes. Distinguer avec soin les diverses espèces de commotion de la terre ; détailler les différentes causes pour reconnoître la principale[2] ; démêler les principes différens qui peuvent mettre en mouvement les parties intérieures du Globe ; appliquer ces distinctions à quelques cas particuliers ; voilà tout ce qu’on peut entreprendre & tout ce qu’on doit exiger. Confondre toutes les espèces de tremblement & vouloir s’en tenir à une seule cause, c’est errer dans la méthode & contre la vérité. C’est vouloir assujettir la nature à l’hypothèse. Il y a des tremblemens généraux, il en est de particuliers. Les uns sont accompagnés d’éruption de poussière ou de terre, d’autres d’éruption d’eau, des troisièmes d’éruption de feu, de flammes, de cendres, plusieurs sont sans aucune éruption. Les uns paroissent montrer une effervescence intérieure ; les autres décélent une inflammation intérieure. Les uns ont un mouvement d’ondulation, d’autres une agitation irrégulière. Content de rechercher toutes les causes possibles nous donnerons ensuite un détail des phénomènes principaux, en essayant l’application de quelques-unes de ces causes, pour leur explication. Divers Philosophes anciens ont déja senti la nécessité de recourrir à plusieurs causes pour expliquer des effets si composés & si considérables. Démocrite crut que l’air & l’eau étoient les principaux agens ; que quelquefois c’étoit une sorte de vent souterrain, d’autres fois un mouvement des eaux intérieures, souvent tous les deux ensemble, qui causoient ces mouvemens de la terre. Epicure à ces causes joignit l’action de l’air extérieur, qui entroit dans les cavernes, il ajouta encore l’ébranlement causé par la chûte des rochers dans les mêmes cavernes[3]. La chaleur, principal agent dans les tremblemens de terre. Le feu, la chaleur, l’effervescence, ou l’inflammation, ont toujours été regardés comme les principaux agens dans les tremblemens de terre. C’est au feu ou à l’éther qu’Anaxagore les attribuoit déjà, ainsi qu’Aristote le rapporte, pour le refuter[4]. A cette cause[5] il substitue uniquement l’action des vents souterrains, sans prendre garde que ces courrans d’air supposent un principe qui les produit & qui les entretient. La chaleur intérieure, qu’elle qu’en puisse être la cause, contribuë incontestablement à tous les tremblemens de la terre. Notre globe contient dans ses entrailles, outre une quantité suffisante de parties ignées, toutes les matières propres à les entretenir. De-là un air tempéré presqu’universel dans son sein & presque toujours uniforme dans toutes les saisons. De-là le principe d’activité, de méchanisme, d’accroissement ou de végétation, qu’on apperçoit par-tout.

Idées de quelques Philosophes modernes. Les Philosophes modernes ont assez généralement attribué au feu, ou à la chaleur ces commotions si effrayantes. Deux Ecrivains viennent encore, à l’occasion des derniers tremblemens, de proposer cette idée sous diifférentes formes. Le premier est M. le Docteur Pontoppidan, Evêque de Bergue & Vice-Chancellier de l’Université[6]. Il attribuë tous les phénomènes des tremblemens à des feux souterrains, cachés dans les antres & les cavernes, distribués par étages dans l’intérieur de la terre. Le second est M. Francken. Cet Auteur suppose aussi qu’il y a des cavités dans la terre, & que les feux souterrains en ont beaucoup produit & qu’ils les ont aggrandis. Ces parties de feu, concentrées, enflammées, ou dévelopées par diverses causes, peuvent produire des éclairs souterrains. De-là une raréfaction subite dans l’air, de-là des vapeurs actives. Le terre résistant à leur dilatation, à leur expansion & à leur cours, doit en être poussée, pressée, ébranlée. Si elles se font jour au travers de sa surface, voilà des volcans. Si elles soulèvent les mers, qui leur résistent plus que les terres, voilà la source de ces phénomènes que les voyageurs sur mer rapportent[7]. Gassendi avoit déja attribué tous les tremblemens a une inflammation souterraine[8]. Moi je ne sai s’il y a toujours du feu ou de la flamme, & si une simple effervescence ne peut pas, dans certaines rencontres, produire quelques uns de ces effets. Il s’agit d’ailleurs de développer & le principe & l’action de ces effervescences ou de ces inflammations.

Matières effervescibles & inflammables dans la terre ou Pyriteuses. Nous avons déjà remarqué dans notre premier Mémoire qu’il y avoit dans le sein de la terre une grande quantité de matières effervescibles & inflammables; souffres, nitres, fer, bitumes, pyrites. Les Pyrites en particulier, qui sont les plus communes de toutes ces matières, sont aussi les plus propres à l’effervescence, ou l’inflammation. C’est un souffre minéralisé par le fer ; de différentes figures ; dont la couleur est quelquefois d’un jaune pâle & brillant ; quand elle est mêlée avec la pierre ou la terre, sa couleur est différente. La pyrite fait du feu, quand on la frappe avec l’acier ; les étincelles qui en partent sont grandes & accompagnées d’une odeur sulfureuse ; elle se casse dans le feu ; elle y produit une flamme bleuâtre & une fumée suffoquante ; brûlée , c’est une poudre d’un rouge foncé. Toute pyrite contient beaucoup de fer. La pyrite pure & solide étoit la pierre à feu des anciens. Toutes les marcassites ne sont que des pyrites cristalisées ; elles contiennent ordinairement du cuivre avec le fer[9]. Ces matières sont tantôt séparées tantôt réunies ; minéralisées, ou amalgamées ensemble ; elles sont par couches, par lits, par filons, par filets, par mas. C’est ce que les Mineurs nous apprennent unanimement. C’est ce qu’on a vérifié par nombre d’observations, & ce qu’on a lieu de conclurre par analogie, pour les lieux ou l’on n’a point fouillé. C’est par le moyen de ces matières pyriteuses, qui s’echauffent, quand elles sont mouillées, à un certain point, que sont produites les sources chaudes, qui coulent & se maintiennent sans relâche. Tous les païs abondans en matières pyriteuses entretiennent une plus grande quantité de ces eaux thermales.

Crayes minérales. IL est aussi une craye fossile & minérale, qui fermente & s’échauffe, quand elle est suffisamment humectée, semblable à la chaux vive, qui se met en effervescence, lorsqu’on jette de l’eau dessus. Ainsi sont échauffées les fameuses eaux de Bath en Angleterre. On trouve aux environs de ce lieu des couches de cette craye ou chaux fossile. J’ai trouvé aussi de cette craye dans des vignes aux environs d’Orbe, au de-là de Bosseaz. C’est une espèce de craye dure, pesante, blanchâtre, rude au toucher, qui ne s’attache point à la langue, qui a un goût astringent & une odeur de souffre. On en trouve quelques morceaux dans tout ce quartier de vigne. De là sans doute le goût de souffre, que ce vin a durant la prémière année. On observe que ce vin a beaucoup moins ce goût qu’autrefois, apparemment parce que ces vignes, à force d’être travaillées, perdent cette chaux fossile, qui se détruira enfin dans ce lieu-là. Peut-être aussi que la terre, devenuë plus froide par-là, en rapportera moins. Imitations de la nature. On vérifie par nombre d’expériences toutes les suppositions d’inflammation, d’effervescence & d’explosion dans le sein de la terre. Par nombre d’artifices on imite, les procédés de la nature. Je ne parlerai pas de la poudre à canon, composée de souffre, de salpêtre & de charbon. Ses effets sont connus aussi bien que sa composition. Ces effets ont du rapport avec ceux de la foudre & à ceux des Volcans. Déjà nous avons vu l’expérience si connuë, de M. Lemery[10]. Les effets de l’or-fulminant & de la poudre-fulminante ne sont pas moins remarquables[11]. L’or fulminant est de l’or dissout par l’eau régale & précipité par le moyen de l’huile de tartre, faite par défaillance, ou de l’esprit volatile de sel ammoniac. Il se trouve au fond du vase, où s’est faite la précipitation, une poudre, qui étant desséchée d’elle-même, ou au bain-marie, & non pas sur le feu, est susceptible d’une subite inflammation, non seulement par le feu, mais par une chaleur légère. Elle fait un bruit plus grand que la poudre à canon. Elle brise tout ce qui est au-dessous. Un scrupule de cette poudre agit plus violemment qu’une demi-livre de poudre à canon. Un seul grain ou deux mis sur la pointe d’un couteau & allumé à la chandelle fait plus de bruit qu’un coup de fusil. Elle consume jusqu’au dernier atôme. La poudre fulminante est composée de trois parties de nitre, de deux parties de sel de tartre, & d’une partie de souffre pilées & mêlées ensemble. On en fait aussi avec du cuivre & du fer. L’explosion de ces poudres a une force étonnante. Elles font leur effort principalement en bas. Si l’on se sert de cueillères de cuivre, pour les faire fulminer, on les trouve percées après la fulmination. L’effet de l’or fulminant est le plus violent. Les minéraux en général, exposés sur le feu, dans un creuset, lorsqu’ils commencent à s’échauffer font un bruit ou une détonnation surprenante. Ce sont les parties volatiles sulphureuses, qui sortent avec impétuosité, & l’humidité qui s’échauffe & qui, frapant l’air, donnent lieu à cet éclat. Voilà une image du tonnerre & des éclairs, qui peuvent s’exécuter dans les entrailles de la terre, à peu près comme dans le sein des nuées épaisses. La Chimie nous offre encore une multitude d’autres sortes d’effervescences, ou d’inflammations. L’antimoine broyé, mêlé avec le sublimé, ou la fleur de souffre & la limaille d’acier fermentent encore avec facilité.

Autres matières qui conçoivent de la chaleur. Le foin & le fumier, humides & pressés, s’échauffent aussi & s’enflament quelquefois. Les terres remplies de pyrites mises par monceaux, exposées à l’air & aux pluyss, s’échauffent sous les yeux des Mineurs & répandent au loin leur odeur sulphureuse. Si on met de ces terres dans une chambre, bientôt elle est remplie d’exhalaisons, qui s’enflament ; si l’on apporte une chandelle allumée, elles font voir de nuit une ressemblance d’éclairs très-vifs. C’est une image de ce qui se passe dans l’atmosphère pour la formation des météores ignées.

Fossiles pyriteux ou qui renferment du soufre & du nitre. Tous les minéraux & tous les fossiles en général, qui renferment des pyrites, sont plus ou moins susceptibles d’inflammation, ou d’effervescence, par l’eau, la chaleur ou le feu. Les charbons de pierre, les lithanthraces, durent au feu d’autant plus qu’il y a plus de souffre, ou de pyrites, mêlés parmi les matières schisteuses. Cette remarque est du Docteur Lister[12]. Le charbon d’Ecosse est presqu’entièrement bitumineux ; c’est pourquoi il brûle vîte & laisse un fraisil ou une cendre blanche. Celui de Newcastle se consume lentement. Celui de Sunderland, chargé de beaucoup de pyrites, brûle beaucoup plus long-tems encore, jusqu’à ce qu’il laisse un fraisil rougeâtre, qui est une espèce d’aiman. Le D. Lister avoit un morceau de charbon d’Irlande, qu’on disoit pouvoir conserver, avec une couleur rouge, sa figure & une grande chaleur pendant vingt & quatre heures. Par son poids & sa couleur, il ressembloit beaucoup à la pyrite même. Le charbon fossile de Friénisberg, découvert il y a déjà quelques années par un Seigneur Baillif de ce lieu là[13], & dont on ne fait point d’usage, quoiqu’il soit à une si petite distance de Berne, est aussi fort pyriteux. C’est pour cela qu’il exhale une odeur de souffre. Si on le gardoit plus long-tems hors de terre, au sec, avant que de le mettre au feu, l’odeur seroit moins forte. Le charbon fossile de Bochat près de Lutri, à la Vaux, est plus bitumineux que celui de Friénisberg. Celui de Castelen est plus ligneux & plus terrestre.

Matières pyriteuses aux environs des Volcans. Il n’est point de matière aux environs des Volcans dans la terre & sur sa Surface, qui ne présentent des indices de pyrites. Les environs de l’Hécla, du Vésuve, de l’Etna, du Fuegos sont remplis de ces matières. Il en sort de toutes les éruptions de ces montagnes[14]. Voilà donc la source & le principe universel de la chaleur intérieure & de tous les phénomènes qui demandent de l’inflammation, ou de l’effervescence. C’est, aussi la source intarissable de tous les météores ignées. Aussi tous les Auteurs s’accordent à parler de pluyes, après des tonnerres & des éclairs, qui ont laissé des dépôts de souffre & de fer. Wormius en particulier nous a donné la rélation d’une pluye de souffre, qui tomba le 16. Mai 1646. à Coppenhague[15].

Lieux abondans en pyrites exposés aux tremblemens. Les lieux exposés aux tremblemens de terre, aussi bien que les montagnes ignivomes, sont surtout remplis de ces matières pyriteuses. Toute la terre au Chili & au Pérou est remplie de mines de souffre & de métaux, de nitre, & de sel[16]. Il y a aussi plusieurs Volcans dans ce païs-là. Le long des côtes de la mer les tremblemens y Sont plus fréquens, parce que les pyrites sont mouillées plus facilement par les eaux, qui les baignent sans cesse. Le D. Lister a observé que les pyrites ne sont pas en Angleterre en aussi grande quantité, ni si chargées de souffres qu’ailleurs. Il y en a un peu par-tout, mais très-dispersées. Si par hazard on en trouve quelques couches, elles sont très-minces, en comparaison de celles qu’on trouve dans les montagnes brûlantes & dans les païs sujets aux tremblemens de terre, comme en Italie, à la Jamaïque & ailleurs. C’est par cette raison que les tremblemens en Angleterre sont rares & peu sensibles.

Quatre observations des Mineurs. Les Mineurs s’accordent tous dans ces quatre points : 1. qu’il y a presque par-tout, dans le sein de la terre, des pyrites, en plus grande ou plus petite quantité, sous différentes formes ; 2. que par-tout où il y a des pyrites, il y a des vapeurs & des exhalaisons sulphureuses dans le sein même de la terre, & qui de-là l’élévent dans l’atmosphère ; 3. que ces vapeurs & ces matières peuvent prendre feu ou s’enflamer d’elles-mêmes, dans l’air, sur la terre & sous la terre ; 4. que l’eau, en certaine quantité, qui ne les noye pas, met les pyrites dans une effervescence très-active, très-chaude, très-violente. Conséquence à tirer de la dernière observation. Concluons de-là qu’il n’est point nécessaire de supposer dans tous les tremblemens de terre une inflammation & qu’il peut y en avoir, où il n’y a que de la fermentation, dont les effets doivent être plus réguliers, plus uniformes, quoique tout-aussi effrayants & quelquefois bien aussi funestes.

Si les astres concourrent aux tremblemens. Il n’est donc point nécessaire d’aller chercher dans le ciel, ou dans les astres, la cause d’un feu & d’une chaleur, dont la source intarissable est dans le sein-même de la terre. Les Babyloniens, accoutumés à faire dépendre leur destinée des astres, ne dûrent pas manquer d’y chercher aussi le principe des tremblemens de terre. C’est ce que Pline nous apprend[17]. Nous ne croyons pas devoir entièrement exclurre l’action des corps les plus voisins de la terre, celle du soleil en particulier. Si la lune & le soleil peuvent causer le flux de la mer par leur attraction sur les eaux de la terre, ou par une pression sur sa surface liquide : si l’atmosphère de la lune, dont l’existence a été démontrée[18], presse sur celui de notre terre, pourquoi ces grands corps ne pourroient-ils pas aussi influer sur les commotions de notre globe ? M. Gautier a attribue les divers tremblemens principalement à l’action du soleil[19]. C’est aller trop loin & confondre une cause, peut-être fort éloignée, mais possible, avec les causes prochaines, principales & certaines. Le soleil, échaufant l’air, le dilate, élève de la terre des vapeurs aqueuses avec des matières sulphureuses, nitreuses, & minérales. De-là les vents irréguliers, les orages, les nuées, les brouillards & tous les météores aqueux & ignées. La terre s’approche & s’éloigne du soleil, dans son cours annuel ; elle lui présente successivement divers hémisphères, dans son cours diurne. Elle reçoit par-là plus ou moins de rayons du soleil. De-là la différence des températures & la variété des vents constans & réglés. Voilà ce que l’expérience nous apprend, avec certitude, de l’influence des astres sur notre terre. Tout cela peut aussi influer sur la température de l’air souterrain & concourrir différemment avec le mécanisme intérieur. Nous ne nions donc point toute influence. Peut-être y en a-t-il encore quelqu’autre que nous ne connoissons pas encore. Nous ne prononçons point sur ce sujet, suivant l’avis d’un grand Philosophe, qu’on ne soupçonnera jamais de donner dans les qualités occultes & les chimères[20].

Idée de M. Hales sur les tremblemens de terre. Ces réflexions sur l’influence de l’atmosphère, sur l’intérieur de la terre, nous conduisent naturellement à examiner l’hypothèse que M. Hales a imaginée pour expliquer les tremblemens de terre. C’est, dans cet air extérieur, chargé de matières sulphureuses, & enflammées, que cet habile Physicien cherche le premier agent de ces commotions intérieures[21]. Il avoit prouvé[22] que du mélange d’un air pur avec un air sulphureux il en naissoit tout d’un coup une forte fermentation. Ces airs, de clairs & transparens qu’ils étoient auparavant, forment aussitôt une fumée rougeâtre, de la couleur de ces vapeurs qu’on voit quelquefois avant les tremblemens de terre[23]. Lorsque des exhalaisons sulphureuses s’élèvent de la terre, leur mélange avec l’air extérieur doit donc y produire une effervescence. Ces vapeurs, parvenues dans la moyenne région de l’air, & sublimées, acquièrent une telle rapidité, qu’elles peuvent s’enflammer. De-là les éclairs & les tonnerres. Ces vapeurs enflammées détruisent l’élasticité de l’air ; d’où le fait une grande commotion dans l’air, lors qu’il se précipite dans ces places vuides, ou qui font moins de résistance. Il doit s’y jetter avec une très-grande vitesse. Le Docteur Papin a calculé que la vitesse avec laquelle l’air entre dans un récipient vuide, lors qu’il y est poussé par la pression de toute l’atmosphère, est à raison de 1305 pieds, pendant l’espace d’une seconde, ce qui fait 889 milles par heure : vitesse près de 18 fois plus grande que celles des plus fortes tempêtes, qui est estimée être environ de 50 milles par heure. Nous voyons de-là qu’un fort ouragan peut provenir de l’affoiblissement de l’élasticité de l’air en quelque endroit. Aussi au Cap de Bonne-Espérance[24] & le long des côtes de Guinée les tempêtes sont précédées de nuages noirs, qui détruisant l’élasticité d’une grande quantité d’air, font entrer avec violence celui qui est le plus voisin dans le vuide qui se fait. Les tremblemens sont précédés de ces nuages & arrivent dans un tems calme. Le vent dissiperoit ces vapeurs. Ces nuages sont sans doute plus près alors de la surface de la terre, que ceux qui excitent les ouragans, dans l’air. Par un effet de quelque choc, subitement embrasés, tandis qu’il s’élève de la terre de nouvelles exhalaisons suphureuses, cet embrasement peut donner lieu à un reflux & à une inflammation sous la surface de la terre, non pas à une grande profondeur[25]. Le choc de cet air enflammé est par conséquent la cause immédiate des tremblemens de terre. Ainsi s’enflamme une trainée de poudre. Ainsi ces étoiles, qui paroissent tomber du ciel, ne sont qu’une suite de matière sulphureuse, qui s’allume. Ainsi une chandelle éteinte se rallume subitement par le moyen de la fumée, qui monte encore de sa mêche. La terre est pleine de fissures, qui donnent lieu à la sortie de ces exhalaisons sulphureuses & à la communication de l’inflammation extérieure. Aussi Borelli prétend-il que les feux souterrains commencent à s’allumer près de la surface.

Réflexions sur l’hypothèse de M. Hales. Il est possible que la nature ait suivi ce procédé dans le tremblement ressenti à Londres en 1750. Il se peut qu’aux causes intérieures se joigne quelquefois cette inflammation extérieure, qui, en communiquant dans le sein de la terre, ou sous sa surface, augmente l’agitation. Nous ne rejettons aucune cause possible : nous tâchons seulement de rassembler toutes celles qui sont probables. Mais il ne paroît pas que ce soit là une cause générale des tremblemens de terre. Souvent ils arrivent au milieu d’un grand vent, ou après une pluye qui auroit dissipé ce nuage & ces exhalaisons, qui doivent s’enflammer. Fort souvent, & plus souvent encore, on ne voit ni éclairs ni inflammations au déhors. Combien de fois la terre n’a-t-elle pas tremblé avec un ciel pur & serein ? Aussi ne paroît-il pas que M. Hales ait regardé cette cause comme le principe de tous les tremblemens de terre ; mais seulement de ceux qui sont occasionnés par les feux souterrains, qui ne s’étendent pas fort loin & qui semblent n’ébranler que la surface.

Effets de la chaleur sur l’air intérieur. Il est donc bien démontré que les tremblemens de terre supposent une fermentation, ou une inflammation intérieure. Suivons maintenant autant qu’il est possible, le procédé de la nature, & voyons quel effet peut produire ce feu ou cette effervescence sur l’air intérieur. Soit que l’air, perdant son ressort par les vapeurs sulphureuses, comme le prétend M. Hales, attire par le vuide qu’il laisse l’air circonvoisin ; soit que cet air dilaté par la chaleur fasse effort pour s’échaper, il doit naître de-là un cours rapide d’air, qui ne peut qu’ébranler avec violence les masses solides, qui lui font résistance. Son effort étant proportionné au dégré de vitesse qu’il a acquis & à la quantité qui est en mouvement, on comprend déjà sans peine que l’effet doit être prodigieux. Jugeons-en par la petite quantité d’air que contient la poudre allumée dans un canon.

Pourquoi l’éclat des tremblemens de terre n’est pas proportionné à leur violence. L’éclat ne doit pas toujours être proportionné à l’effort. Plusieurs matières peuvent sans affoiblir la force de l’explosion diminuer celle du bruit. C’eft ce qu’on fait encore par la poudre à canon. On fait de la poudre muette ou sourde. On ajoute pour cela à la poudre commune du borax, de la pierre calaminaire, ou du sel ammoniac, ou des taupes calcinées, ou de la seconde écorce de sureau. Que de matières pareilles ne peuvent pas, dans le sein de la terre, sans arrêter la force du ressort de l’air, en affoiblir l’éclat ? D’ailleurs l’inflammation, ou l’effervescance, peuvent être à un telle profondeur que le bruit intercepté n’en sauroit venir jusqu’à nous.

Vents souterrains. Pline attribuë tous les tremblemens de terre aux vents ou aux courants d’air intérieur[26]. Cela peut être vrai. Mais il s’agit de savoir quelle est la cause de ces courans. Seneque adopte la même idée, qu’il développe fort bien[27], en suivant le Philosophe Archelaus. Il est certain que plusieurs des causes, qui donnent lieu aux vents dans l’atmosphère, peuvent aussi les exciter dans la terre ; & ces courans d’air peuvent quelquefois produire des commotions. Un air refoulé, comprimé dans une caverne par un air nouveau, qui y entre avec force, & un air dilaté qui en sort avec véhémence, peuvent ébranler de différentes manières quelques parties de la terre. Mais ce ne peut pas être là la cause principale de ces tremblemens généraux & presqu’universels, qui parcourent tout le globe. C’est cependant à ces vents intérieurs qu’Aristote attribuë tous les phénomènes des tremblemens. Il cherche l’origine de ces vents dans le conflit des vapeurs sèches & humides, qui montent & redescendent dans le sein de la terre[28]. On ne peut nier cette circulation. De-là doit naître sans doute une agitation de l’air intérieur. De-là aussi peuvent venir quelques sécousses. Mais l’effet d’une cause aussi foible & aussi particulière ne doit jamais avoir bien de la force ni beaucoup d’étenduë. C’est par cette raison qu’il prétend que les tremblemens arrivent quand l’air extérieur est tranquille, la mer calme & que les vents sont renfermés dans l’intérieur[29]. Pour confirmer son opinion, il tire une raison des temps & des lieux[30]. Des tems ; parce que c’est au printems & en automne, la nuit plutôt que le jour, que la terre est le plus ordinairement agitée ; tems aussi, où il arrive le plus de révolutions dans l’atmosphère. Cependant cela n’est pas exactement vrai, ni pour tous les tems ni pour tous les païs. Il raisonne encore sur les lieux ; parce que les païs les plus caverneux sont les plus exposés aux tremblemens de terre. C’est dans ces antres souterrains que s’exécute ce jeu & ce combat des vents. En effet les païs dont le sol est sabloneux, graveleux ou limoneux, sont peu exposés aux tremblemens de terre ou ils y sont foibles. On prétend que l’Egypte n’en épouva jamais[31]. Tout cela est assez exactement vrai. Mais on peut en rendre d’autres raisons ; rien de tout cela ne prouve que tous les tremblemens viennent des vents intérieurs. C’étoit aussi-là l’opinion des Péripatéticiens. Epicure semble être dans leur sentiment, quoiqu’il n’excluë pas absolument les autres causes, il regarde les vents comme la principale. Lucrece entre dans ces idées & les développe[32]. Mais ces Philosophes n’ont pas fait assez attention à la petite quantité d’air qu’il y a dans le centre de la terre, où les Mineurs, pour pouvoir respirer, sont obligés d’en envoyer avec des soufflets. Ils n’ont pas pris garde non plus à la prodigieuse force qu’il faut pour ébranler une étenduë de terrein quelquefois de plus de mille lieuës. C’est donc d’une circonstance particuliere, d’un moyen, d’un instrument qui sert quelquefois, faire une cause universelle & constante.

Sentiment de Sperlingius & de quelques autres Philosophes. Un Professeur en Philosophie à Wittemberg ressuscita, dans le siècle passé, cette opinion des Peripatéticiens avec quelques changemens : C’est Sperlingius. Les vents seuls, à ce qu’il prétend, ou l’air mis en mouvement & chargé de vapeurs, peut causer tous les tremblemens. Les signes qui précédent en sont une preuve. Pour l’ordinaire l’atmosphère est tranquille, parce que les exhalaisons propres à exciter les vents sont renfermées dans les cavernes. La mer est émuë & les Vaisseaux sont agités, sans qu’il paroisse de vent sur la surface, parce qu’il souffle intérieurement. Les puits s’enflent à cause des exhalaisons abondantes contenuës dans la terre. Par la même raison l’eau devient trouble & il sort de la terre des vapeurs souffrées[33].

Wincler[34] & Thummig[35] adoptent en partie ces idées. Mais leur explication semble encore insuffisante, sans cependant pécher contre la vérité. Ces vapeurs séches, ces exhalaisons susceptibles d’une grande élasticité ; ces esprits sulphureux, ces courans d’air, qui en naissent, tout cela contribue, il est vrai, aux tremblemens de terre ; mais tout cela ne dévelope pas encore le mécanisme entier & n’explique pas tous les phénomènes.

Elasticité de l’air. C’est donc dans la force étonnante de l’élasticité de l’air qu’il faut chercher la cause de la grandeur des effets des tremblemens. On a démontré cette élasticité & cherché à calculer ses effets, M. M. Boyle[36], ’s Gravesande[37], Musschenbroek[38], Nollet[39] ont fait nombre d’expériences pour découvrir la force du ressort de l’air. Ainsi une phiole mince, remplie d’eau chaude & scellée hermetiquement, une vessie, à demi soufflée & bien liée, l’une & l’autre exposées sur le feu, sautent avec éclat. Boyle[40] en particulier a démontré par une expérience ingénieuse qu’une quantité d’air égale à une goutte d’eau, l’air extérieur comprimant étant ôté, peut, par sa propre force, être dilatée, jusqu’à occuper un espace treize mille sept cent soixante & neuf fois plus grand.

Causes de la dilatation de l’air. La cause de cette dilatation doit être cherchée dans la nature même des parties constituantes de l’air. Elles doivent être cohérentes entr’elles, mais laches ; flexibles, mais rigides à un certain point ; poreuses & par-là fort expansibles ; susceptibles d’une agitation prompte. Les parties ignées peuvent s’y imprimer avec facilité, aussi n’est-il point de matière qui augmente autant le ressort de l’air que le feu. L’air qui nous environne, surchargé de tout le poids de l’atmosphère, est comprimé, condensé, occupant un petit espace, à raison de son expansibilité. Il est ainsi dans un état violent[41] & capable d’une très grande dilatation, puisque l’élasticité croît en raison directe de la densité[42], & que l’espace, qu’il peut occuper par la dilatation, est en raison inverse de la force qui le comprime[43]. Ce dégré de densité extraordinaire, qui tient le ressort de l’air assujetti dans un état de contrainte, est nécessaire aux plantes & aux animaux, il est aussi le principe de tous les mouvemens qui s’exécutent dans l’air & qui se succédent sans cesse. De-là la formation de tous les météores & la circulation perpétuelle de l’eau & de l’air. De-là une propension permanente & un effort continuel de l’air à se dilater ; & il se dilate toutes les fois que la compression, qui l’empêche, diminue, ou que les matières qui peuvent l’étendre, en s’insinuant dans ses pores, augmentent. L’air, qui est dans l’intérieur de la terre, étant plus condensé encore que celui qui est au-dessus de la surface, il est plus susceptible de dilatation subite & d’une prompte expansion. Son effort est plus grand & ses effets doivent être plus violens. Les tremblemens ne supposent pas toûjours une inflammation. Le savant Auteur[44] du Mémoire sur les causes du tremblement de terre, inséré dans le Journal de Verdun[45], a très-bien senti que l’air elastique étoit la principale cause des tremblemens de terre. Peut-être feroit-on mieux de le regarder comme le principal instrument, & l’effervescence, ou l’inflammation des matières pyriteuses, comme la cause principale. Je ne saurois donc admettre avec cet Auteur, qui s’appuye de l’autorité de M. Hoffmann[46] que tout tremblement de terre suppose toûjours & par-tout une inflammation intérieure. Une fermentation peut suffire, en bien des cas, & toutes les explications en deviennent plus faciles. Effets de l’air dilaté. C’est à l’air, renfermé dans la poudre à canon, & dans les poudres fulminantes, à cet air subitement raréfié, ou dilaté par le feu, qu’il faut attribuer une partie des effets ; explosion, effort, éclat. Voici un fait rapporté par M. Hoffmann, copié par l’Auteur du Mémoire, que je viens de citer, & que je transcris, comme servant à donner une image des effets de la foudre & des tremblemens de terre[47]. C’est un accident extraordinaire arrivé le 7. Novembre 1698 à Zellerfeld ville de la Forêt-Noire. « Un Apoticaire, dit-il, mit dans une cornuë de verre assez épaisse, du baume de souffre térébentiné, & la plaça sur un feu de sable : & après avoir bouché les jointures du récipient, il poussa la matière avec un feu un peu vif. Aussi-tôt un bruit extraordinaire, qui se fit entendre, fit croire à ceux qui étoient dans la maison, qu’il s’étoit élevé un ouragan qui l’alloit renverser de fond en comble. Un garçon Apoticaire, qui étoit à piler des drogues dans une cour, pas bien loin de la boutique, fut jetté tout à coup contre la muraille. Un autre, qui étoit sur la porte de la cour, frappé comme d’un coup de foudre, tomba à la renverse & sans connoissance. Lors qu’il eut repris ses sens, il sentit une odeur fétide & sulphureuse ; & ayant soupçonné que cet accident n’avoit été causé que par la mauvaise manière de traiter le remède, il courut aussi-tôt au laboratoire avec un voisin que le bruit avoit attiré, & il trouva la moitié de la cornuë restée sur la table, & l’autre moitié, à laquelle le cul tenoit, jettée bien loin dans la cour à travers les fenêtres de la cuisine qu’elle avoit mises en pièces.

Ce ne furent pas les seuls effets que produisit cette explosion ; elle brisa encore la porte d’un cellier, & la jetta dans la cour avec des pots & des plats qui étoient dans la cuisine. Elle mit en pièces une autre porte de communication, entre le cellier & le laboratoire, & arracha la serrure qui étoit fort grosse. Le même cellier communiquoit, par un escalier dérobé, fait en forme de spirale, à une chambre d’en-haut, dont elle enfonça la porte, & renversa sur le pavé des tiroirs où étoient des vaisseaux, dans lesquels on mettoit les compositions.

Il y avoit dans la même chambre quelques autres vaisseaux, de même espèce, qui furent enlevés du milieu des autres, & jettés sur le pavé, & deux fenêtres furent arrachées & jettées dans la cour. La même explosion endommagea les fenêtres voisines de la porte, qui donnoit sur la ruë ; elle brisa le plancher d’une petite chambre, & renversa la porte avec la serrure & les gonds, sans épargner les fenêtres, dont elle ne fit néanmoins que casser les vitres.

Elle enfonça aussi la porte de la chambre, où l’on gardoit les eaux distillées, & une autre porte qui communiquoit de cette chambre à celle de la boutique. Les vitres des fenêtres de la boutique furent aussi cassées, & leurs chassis ébranlés, mais ils ne furent pas enlevés.

Les voisins assurèrent avoir vû sortir par la cheminée, dans le même instant qu’on entendît le bruit, une fumée extrêmement épaisse ; que le bruit avoit été semblable à celui du canon, qu’on l’avoit entendu de tous les quartiers de la Ville, & que presque toutes les maisons avoient été ébranlées, comme par un tremblement de terre.

Cet accident étonnant, continuëe M. Hoffmann, dont j’ai été témoin moi-même, fait voir quelle est la nature & la force de l’éclair & du tonnerre : & sert à nous convaincre en même tems que leurs effets ne viennent que de la violente percussion de l’air, qui est agité avec impétuosité, & chassé de la place qu’il occupe, de sorte que toute la colonne d’air, qui a un poids considérable, produit des effets surprenans sur les corps qu’elle rencontre ».

La chaleur dilate l’air. Boyle prouve par nombre d’expériences curieuses que les particules de froid condensent l’air, en s’introduisant dans ses pores, & que les particules de chaleur le dilatent, en s’insinuant dans les pores de ce fluide léger. La moindre chaleur suffit pour produire une prompte dilatation. Une expérience bien aisée le prouve. Un papier allumé jetté dans une cuvette en dilate l’air, en sorte qu’il en reste très-peu.

Mesure de cette dilatation. On s’est efforcé par diverses expériences de mesurer cette dilatation, & ces efforts n’ont pas été tout à fait infructueux. Boyle a mis sur les voyes & les Physiciens, qui l’ont suivi, sont pervenus par diverses routes à des précisions fort curieuses. L’air peut se dilater jusqu’à ce qu’il occupe l’espace qu’il occuperoit s’il n’étoit point comprimé par l’air environnant, ou par l’atmosphère qui le presse. L’air peut, selon M. Mariotte[48], se dilater quatre mille fois plus qu’il ne l’est autour de la terre, avant que d’être dans cette expansion naturelle, qu’il peut avoir au haut de l’atmosphère. M. Boyle[49] démontre que l’air peut être raréfié dans des vases de verre, jusqu’à devenir dix mille fois plus rare qu’il ne l’est ordinairement. M. Desaguliers[50] prétend que l’air, en différentes circonstances, s’étend depuis un jusqu’à trente mille. Newton, dans son Traité d’Optique[51], prouve, par le calcul, que l’air à la hauteur de quinze milles d’Angleterre, au-dessus de la surface de notre globe, est 16 fois plus rare que sur cette surface même ; & qu’à 76 milles il est environ un million de fois plus rare. L’air rendu aussi chaud que l’eau bouillante se dilate avec une force qui est au poids de tout l’atmosphère, comme 10 à 33 & même comme 10 à 35. C’est le résultat d’une expérience imaginée par Mr. Amontons, & vérifiée par M. Musschenbroek[52]. A quelle dilatation ne peut donc pas parvenir l’air souterrain échauffé ? quels efforts ne doit-il pas en résulter?

Effets de la densité de l’air souterrain. Nous avons déjà eu occasion de remarquer que la dilatabilité de l’air, son effort, ou son ressort, croît en raison de sa densité. L’expérience de l’arquebuse à vent est connuë. L’air refoulé & résserré acquiert une force capable de pousser une bale, qui perce une planche. Borelli observe que l’espace que cet air occupe est à celui qu’occupe l’air ordinaire comme un à deux mille. Les Mineurs nous apprennent que l’air est si dense dans les mines qu’il perd sa proportion avec les organes de notre corps. M. Mariotte a fait diverses observations sur la densité de l’air des caves de l’Observatoire de Paris. Toutes choses d’ailleurs égales, l’air sous terre, dans les cavernes & les grottes, doit être d’autant plus dense que ces cavités sont plus profondes & communiquent moins avec l’air extérieur. Il devient aussi plus rare à mesure qu’on s’élève sur les montagnes, où il peut même être si rare qu’on a de la peine à y respirer[53]. L’air étant donc plus dense, plus comprimé, sous la terre, les effets d’une effervescence & d’une inflammation doivent y être plus promts & plus violents. La dilatation doit avoir plus de force. L’élasticité doit se déveloper avec plus de véhémence. L’explosion doit être plus éclatante. Supposant donc des matières enflammées, ou en effervescence, à une grande profondeur sous terre, quels étranges effets ne doivent-elles pas produire par le moyen de cet air dilaté à raison de sa condensation ! Si l’on y fait attention, on ne sera plus surpris des suites extraordinaires des tremblemens de terre. Augmentez, dans cette proportion à la densité, les effets des poudres fulminantes, des matières détonnantes, ou seulement de la poudre à canon, & vous concevrez sans peine les plus grandes commotions & les bouleversemens les plus étendus. Supposant cet air dilaté en raison directe de sa densité, & l’espace qu’il occupe en raison inverse du poids qui le comprime, son élasticité sera comme sa densité[54]. Les efforts & les effets qui en doivent résulter sont inconcevables, puisqu’ils doivent encore être proportionnés à toute la masse de l’air dilaté.

Si l’eau contribuë aux tremblemens. Opinion des Anciens. Thales le Milésien, qui a fait de l’eau le principe de toutes choses, a bien pu attribuer au mouvement de l’eau les tremblemens de terre. Il supposoit que la terre se mouvoit sur les eaux-mêmes, comme un vaisseau soûtenu & agité par les flots[55]. Je ne sai si on a bien pris la pensée de ce Philosophe. Elle est insoutenable, peu digne de la réputation d’un aussi grand Astronome, qui doit avoir prédit le prémier une écclipse[56]. Cela posé, il seroit moins étonnant de sentir la terre se mouvoir que de la voir subsister[57]. Séneque considère l’eau comme un agent, comme un moyen, qui contribuë à divers tremblemens[58]. Il croit que les étangs, les réservoirs, les mers, les fleuves, les torrens souterrains, en roulant leurs eaux, peuvent diversement ébranler la terre. Sa physique est très-fondée à cet égard, mais elle n’est pas complette. Il ne saisit que quelques circonstances, peut-être les moins ordinaires. Il faut quelque chose de plus actif, de plus violent, pour concevoir, ou expliquer, les tremblemens de terre. Démocrite, au rapport de Plutarque[59], attribuoit les tremblemens aux eaux de la pluye, qui, se précipitant dans des cavernes souterraines, qui déja régorgent d’eau, ébranlent la terre par le reflux, auquel elles donnent lieu. Il est encore aisé de s’appercevoir de l’insuffisance de pareilles explications.

Des eaux intérieures. Il est incontestable qu’il y a de grands amas d’eau sous terre ; des réservoirs d’eaux, qui sont tranquilles, & des courrans d’eaux, qui circulent. Toutes les sources, qui sortent de la terre, décélent celles qui sont au dedans. Bien des faits, rassemblés par divers Auteurs, établissent l’existence des eaux soûterraines[60]. Dilatées, poussées, accumulées, enflées, arrêtées, dans leur cours, par quelque obstacle accidentel, elles peuvent, il est vrai, en certain cas, pousser la surface de la terre & l’ébranler. Des torrens intérieurs, grossis par quelque circonstance particuliere, rencontrant un obstacle, peuvent dans leur cours impétueux pousser les parois des canaux & ébranler la terre. Il est assez remarquable que les tremblemens arrivent souvent pendant, ou après des sécheresses, c’est-à-dire lorsque l’atmosphère, étant le moins chargé d’eau, la terre doit en être le plus remplie ; mais à une plus grande profondeur, au dessous de cette croute, qui est percée pour donner passage aux sources. L’Intérieur de la terre, étant ébranlé, par la dilatation d’un air échauffé, ou enflammé, cette commotion ne peut-elle pas aussi communiquer à quelque grand réservoir d’eau un mouvement d’ondulation, dont la masse, le poids & la force du choc seront capables d’ébranler à leur tour de grands terreins ? Souvent on a éprouvé, dans les tremblemens, un mouvement d’ondulation, qui ressembloit exactement à celui des eaux. Au milieu des secousses tumultueuses de Lisbonne on y a ressenti de ces mouvemens ondulatoires, dans le cours de 1755 & de 1756. Tantôt ils ressembloient au balancement d’une litiere, quelquefois à ceux d’un bateau, d’une voiture suspenduë, qui roule ; toujours ils avoient quelque chose d’alternatif & de régulier. On en a souvent éprouvé de pareil à Lima.

Conjectures sur le mouvement des eaux. Puisque nous nous sommes engagés à alléguer toutes les causes probables & possibles des tremblemens de terre, omettrons-nous celle que semble nous présenter le mouvement de rotation de la terre, combinée avec la mobilité des eaux de son sein ? Notre globe peut être envisagé comme un vase solide, rempli de canaux & de cavernes, pleines d’eau. Ce vase a deux mouvemens opposés ; l’un autour du soleil est annuel ; l’autre autour de son axe est diurne. Supposons que dans un instant un de ces mouvemens soit accéléré & dans l’autre retardé, de façon que la compensation du retard à l’accélération fasse la même somme de mouvement & par conséquent le même cours ; les eaux, qui font dans le sein de la terre, ne pouvant sur le champ changer leur mouvement & suivre celui du vase, qui les contient, doivent acquérir quelque mouvement d’ondulation, qui, venant à frapper les voutes des cavernes, doit ébranler la terre & par les canaux souterrains communiquer ce mouvement fort loin. Galilée avoit imaginé quelque chose de pareil pour expliquer le flux & le reflux de la mer ; mais son explication ne peut s’arranger avec un mouvement régulier & périodique tel qu’en celui-là. D’ailleurs les eaux extérieures sont libres & ne doivent frapper que l’atmosphère & glisser sur les terres, qu’elles ne sauroient ébranler. Les eaux intérieures au contraire, qui sont contenuës, peuvent ébranler ce qui les contient. Les tremblemens, où l’on apperçoit une ondulation, seront donc expliqués par ce moyen. Il en est, dont les ondulations vont de l’Orient à l’Occident, ou de l’Occident à l’Orient. Et si ces secousses n’ont pas toujours cette direction, c’est que les parois des cavernes & des canaux, génant & réfléchissant diversement ces eaux agitées, il en naît un mouvement composé, qui ne peut plus avoir la même direction. Combien de causes différentes peuvent accélérer ou retarder le mouvement de la terre ! Peut-être cette variété dans la marche du globe est-elle nécessaire pour agiter l’air, les eaux & la terre.

L’eau contribuë à la plupart des effervescences. Si nous considérons les diverses expériences, que nous avons rapportées, nous nous appercevrons que l’eau est un des moyens qui entre dans la plupart des effervescences. M. Lemery[61], Newton[62], Musschenbroek[63], dans leur mêlange, qui fermentoit & s’enflammoit, y mettoient de l’eau. Il la faut dans une certaine proportion. L’amalgame seroit noyé si on y en faisoit trop entrer. Il seroit sans activité, s’il n’y en entroit pas assez. Qu’on pile les matières, dont on compose la poudre à canon ; trop sèches, elles s’enflamment ; il faut les tenir humectées à un certain point. Ces matières pyriteuses, qui sont si propres à concevoir de la fermentation, doivent donc être mises en action par une certaine quantité d’eau. Cette eau ouvre les pores de ces corps sulphureux & nitreux, dissout les sels, dégage les parties ignées, met en mouvement ces principes d’activité & de chaleur. De-là naît une effervescence & si, comme dans les mortiers, où on pile de la poudre trop sèche, quelque circonstance donne lieu à une inflammation, la matière prend feu subitement.

Les lieux maritimes plus exposés aux tremblemens. On a déjà remarqué que les lieux maritimes étoient plus exposés aux tremblemens. Telles sont les côtes de l’Italie ; telles les cotes de l’Amérique-méridionale[64]. Ne rendons pas cette observation trop générale ; parce qu’on pourroit la dementir par bien des faits. Il est certain du moins que la plûpart des Volcans ne se trouvent guère que sur des montagnes voisines des mers[65], & le plus grand nombre dans des Isles. Près de Guatimàla en Amérique, il est deux montagnes, dont l’une pousse du feu & l’autre fournit une quantité d’eau étonnante. On appelle celle-ci Volcan d’eau, à cause de tant de sources & de ruisseaux, qu’elle pousse au dehors. On ne nomme que deux volcans, qui soient éloignés des mers ; l’un est en Misnie, l’autre sur le mont Apennin, tous les deux peu considérables. Si quelques montagnes sont sujettes aux tremblemens, on en voit sortir beaucoup de sources & pour l’ordinaire des sources minérales, souvent chaudes. Les eaux sont donc nécessaires pour détremper les matières effervescibles, qui sans cela demeureroient dans l’inertie.

Les eaux peuvent augmenter l’élasticité de l’air. Les eaux contribuent peut-être encore aux tremblemens par une raison très-ingénieuse, que l’Auteur du Mémoire sur les tremblemens de terre allégue[66]. L’eau ne peut être comprimée ; on l’a prouvé par diverses expériences[67]. Elle doit donc s’opposer par son poids & par l’ineptitude qu’elle a à être comprimée à la dilatation de l’air intérieur, échauffé & mis en mouvement. La force de l’air dilaté par la chaleur croît en raison de la résistance qu’on lui oppose. Ainsi l’activité du feu ou de l’effervescence doit augmenter sous terre par cette raison. Par-là même les lieux moins abondans en eau doivent éprouver des tremblemens de terre moins violens & moins fréquens, toutes choses d’ailleurs égales. Si des matières minérales fermentent ou s’enflamment sans trouver de résistance de la part de ces masses d’eau, l’air dilaté s’ouvre plus aisément un passage, s’exhale en vapeurs, sans causer de grands bouleversemens. Ces exhalaisons sublimées dans l’atmosphère y produisent les météores ignées. Aux pieds des montagnes il est pour l’ordinaire plus de reservoirs d’eau que dans les plaines. Par cette raison encore les Volcans sont plus ordinairement sur les montagnes, & plus rarement les païs de plaine sont-ils fortement ébranlés[68].

Force de l’eau reduite en vapeurs. Non seulement les eaux peuvent augmenter l’élasticité de l’air par leur résistance, mais réduites en vapeurs, elles ont encore plus d’activité que l’air, & peuvent produire de plus grands effets. Les effervescences, ou les inflammations intérieures, font, sans contredit, élever des vapeurs aqueuses, aussi bien que des exhalaisons pyriteuses, ou sulphureuses. Ces vapeurs aqueuses ont une dilatabilité[69] qui surpasse de beaucoup celle de l’air ou celle de l’eau. L’eau ne se dilate que d’une seizième, depuis le moment où elle cesse d’être glace, jusqu’à celui où elle commence à bouillir. Pour augmenter de deux tiers le volume de l’air, il faut déja une chaleur capable d’amollir le verre. Avec une chaleur bien moindre l’eau réduite en vapeurs prend un volume 13 ou 14,000 fois plus grand. Quand la vapeur, ainsi échauffée, n’a pas de l’espace pour s’étendre librement, elle fait effort contre tout ce qui lui résiste, & elle est capable des plus grands effets. Ainsi, lorsque le moule d’un fondeur de cloche n’est pas bien séché, la vapeur de l’eau, échauffée par le métal ardent, qu’on y fait couler, fait crever ce moule avec éclat & sauter en l’air les formes & toute la charge qui est dessus. La force de la poudre peut bien venir en partie de l’élasticité de l’air renfermé dans & entre les grains ; mais elle vient aussi de la dilatabilité des matières qui la composent. C’est ce qu’on peut prouver par les poudres fulminantes. Ces petites ampoules, ou ces larmes de Hollande, qu’on fait sauter, en les jettant au feu, font plus d’éclat si l’on joint à la bulle d’air qu’elles contiennent, une petite goutte d’eau. Les œufs de poissons, les marons, & tant d’autres choses, qui deviennent sur le feu autant de pétards, prouvent l’effort des vapeurs dilatées par la chaleur. On a mis en œuvre cette puissance singulière des vapeurs pour faire mouvoir toutes sortes de machines. C’est à M. Papin, Professeur en Mathématiques à Marpourg, sur la fin du siècle passé, qu’on est redevable de cette idée, qui a été mise en pratique pour diverses machines utiles. Les Anglois ont d’abord employé ces pompes à feu, ou par le moyen de la vapeur dans leurs mines de charbon, & on en continuë l’usage. Ils en ont ensuite établi une à Londres, pour distribuer les eaux de la Tamise, mais on a été obligé de les abandonner, parce que cette machine dépense trop de feu & fait trop de fumée pour une ville. C’est par le moyen d’une pareille machine qu’on desséche les mines de Condé, en Flandres. M. Belidor en a donné une description, dans son Architecture hydraulique. Le jeu assez connu de l’Eolipile, qui fait monter l’eau, par le moyen de la chaleur, souvent à plus de 25 pieds, nous fait encore connoître les efforts surprenans des vapeurs échauffées & dilatées. Il est encore bien remarquable que ces vapeurs d’eau sont susceptibles, quand elles sont renfermées, d’un dégré de chaleur excessif, qu’on n’a pas encore pu mesurer exactement, à cause des dangers, auxquels on s’expose en faisant ces expériences. On sait deja que dans la marmite de Papin elles deviennent assez chaudes, pour fondre l’étain & le plomb, ce qui a fait dire à d’habiles Physiciens[70], que l’eau, en vapeur, seroit, peut-être, capable de devenir aussi ardente que le cuivre ou le fer fondu. De tous ces faits & de toutes ces réflexions concluons que les vapeurs, élevées dans le sein de la terre, par des effervescences, ou des inflammations intérieures, arrêtées par les parois des voutes, & des canaux soûterrains, rendues plus chaudes, parce qu’elles sont enfermées, peuvent être un des plus puissans agens dans les tremblemens de terre. On n’a point encore assez fait d’attention à cette cause ni à sa puissance prodigieuse.

Idée de M. Nollet. M. l’Abbé Nollet fait sur ce sujet une réflexion, que nous transcrirons d’autant plus volontiers, qu’elle est presque l’abrégé de tout ce que nous venons de dire du concours de l’action du feu, de l’air & de l’eau dans les tremblemens de terre. « Les éruptions des volcans sont si terribles, les forces, qui remuent ainsi les entrailles de la terre sont si fort au-dessus des mouvemens ordinaires, dont nous connoissons l’origine, que ces prodigieux effets nous paroissent toujours plus grands que les causes physiques, auxquelles nous les attribuons. Cette disproportion apparente, qui ôte toujours aux conjectures les plus raisonnables une grande partie de leur vraisemblance, ne viendroit-elle pas de ce que nous n’envisageons ces causes que par parties, lorsqu’il s’agit d’expliquer un effet, qui est le produit de plusieurs ensemble ? Les matières calcinées & les flammes, que vomissent ces grands fourneaux, annoncent visiblement des fermentations & des effervescences ; un embrasement souterrain. M. Amontons a prouvé d’ailleurs que la force élastique de l’air, dilaté par la chaleur, est d’autant plus grande que ce fluide est plus comprimé. Dans ces bouleversement, qui arrivent à certaines parties de notre Globe, ne considérons pas seulement une fermentation, qui prend feu & qui fait bouillir, pour ainsi dire, les matières sulfureuses & salines qui se sont mêlées ; mais encore des volumes d’air, chargés d’une masse énorme, & qui tendent à se dilater, avec d’autant plus de force, qu’ils sont retenus. A ces deux premières causes joignons-en une troisième, qui est encore plus puissante ; c’est la dilatation des vapeurs, non seulement des matières inflammables, mais encore de l’eau, qui peut se rencontrer dans le voisinage, & qui détermine peut-être, par des écoulemens accidentels, ces éruptions qui arrivent de tems en tems. Ce n’est qu’en considérant ainsi le concours de plusieurs causes connuës & en embrassant même la possibilité de plusieurs autres, qui ne le sont point encore, qu’on peut ôter à ces grands effets l’idée de prodige, par laquelle ils s’annoncent depuis long-tems »[71].

Chutes de quelques masses dans l’intérieur de la terre. Anaximene est tombé dans le défaut, dont M. Nollet vient de parler. Il s’arrête à une cause particulière, pour expliquer tous les effets, & à une cause très-foible pour expliquer de très grands effets. Il crut que des cavernes, enfoncées, ou des chûtes intérieures de rochers, soit par vétusté, soit par les eaux, soit par des feux ou d’autres circonstances, pouvoient ébranler la terre par leur poids & faire éprouver à ses habitans ces secousses effrayantes qu’ils aperçoivent si diversement. Senéque développe fort bien cette opinion[72] & en lui donnant de la probabilité, semble en adopter les suppositions. Nous ne nions pas que ce ne puisse être la cause de quelques tremblemens particuliers ou de quelques tremoussemens dans les grands tremblemens : mais quelle proportion entre cette force & ces grands effets, qu’on cherche à expliquer ? Qui a fréquenté l’intérieur de la terre a pu appercevoir, de toutes parts, des vestiges de ces ruines, ou de ces chûtes. Dans presque toutes les cavernes, où je suis entré, j’ai vu d’énormes rochers, qui étoient tombés des voutes & qui occupoient le fonds. On en peut voir dans les cavernes de Valorbe & de Vuitte-bœuf au Païs-de-Vaud, dans celles de Boudri & de la Côte-aux-Fées, au Comté de Neufchâtel. Mais de pareilles chûtes n’auront pas causé un fort grand ébranlement au terrein qui environnoit. Pline parle de catastrophes plus terribles[73]. Lucrece n’hésite point de mettre ces bouleversemens au nombre des principales causes des ébranlemens de la terre[74]. Mais n’est-ce point, dans la plupart des cas, confondre la cause avec l’effet ? Ce sont les tremblemens, qui, pour l’ordinaire, donnent lieu à ces subversions intérieures, comme aux extérieures. Ces secousses sont donc la cause de quelques-unes des ces ruines, qu’on voit par-tout, dans l’intérieur de la terre. Je dis de quelques unes, car il en est qui ne peuvent pas venir de-là & qui semblent devoir leur origine à des inondations. Il en est peut-être qui sont aussi anciennes que le Globe. Peut-être cette terre, existant sous la forme où nous la voyons, a-t-elle été bâtie sur les ruines d’un monde antecedent. Le cahos primitif aura été les décombres du monde détruit : & dans le nouveau monde formé se trouvent par conséquent toutes les ruines de l’ancien.

  1. Est enim hæc quæstio, dit Seneque, omniuna maxima atque involutissima, in qua etiam, cum multum actum erit, omnis tamen ætas, quod agat, inveniet, &c. Quæst. Natur. Lib. VI. Cap. V. sub fin. Muret, dans ses notes sur le Chap. I. de ce même Livre VI. du Philosophe, dit aussi, vix ulla est quæstio, de qua major e contentione disputarint Philosophi, quam de terræ motu, de quo tamen nihil adhuc pro certo atque explorato statuere potuerunt.
  2. Sunt aliquot quoque res, quarum unam dicere causam
    Non satis est, verum plureis , unde una tamen sit. T. Lucret de rerum natur. Lib. VI. vs. 703 & 704.
  3. Seneca Quæst. Nat. Lib. VI. Cap. XX. Lucret. De Nat. rerum Lib. VI. vs. 534 & seq.
  4. Lib. II. Meteorologicorum. Cap. VII. Voyez aussi Seneque Q. N. Lib. VI. Cap. IX.
  5. Aristote, ibidem, Cap. VIII.
  6. Il vient de publier son ouvrage en Danois.
  7. Joachim Francken Versuch in Physischen Betrachtungen uber die Ursache und Entstehungsart des Erdbebens. Schleswig, 8. 1756. Voyez aussi Nouv. Bib. Germ. de Mr. Formey, T. XIX. I Part. p. 37 & suiv.
  8. Dans la vie d’Epicure. C’est le sentiment de Rohault, Physic. Pars III. Cap. IX. art. 25. 26. 27. & de le Clerc, Phys. Lib. III. Cap. III. art. 19 & seq.
  9. Voyez la Pyritologie de Henckel.
  10. Ci-dessus I. Memoire. Voyez aussi Newton Optique, Liv. III. Quest. 31.
  11. Gassendi. Lib. II. de Meteor. Cap. V. Lemery, Cours de Chimie Part. I. Ch. I.
  12. Listerus de fontibus medicatis Angliæ. Voyez aussi l’histoire des tremblemens de Terre arrivés à Lima, I. Partie pag. 134. & suiv. Haye 1752.
  13. Mr. Augustin Willading
  14. Voyez Misson Voyage d’Italie. Histoire de d’Islande par Anderson, T. I. Voyez aussi Memoire sur la cause des tremblem. par Mr. Thomas. Journal de Verdun, Nov. 1756. pag. 347.
  15. Museum Wormianum, Lib. I. Cap. XI. sect. I. Voyez Derham Théologie physique, Liv. I. Chap. III. p. 31.
  16. Mr. Bouguer dans son traité de la figure de la Terre remarque que la terre au Pérou est pleine de soufre & de salpetre. Don Ulloa fait la même observation dans son Voyage de l’Amérique, Tom. I. p. 471.
  17. Babylontorum Doctores existimant terræ motus hiatusque & cætera omnia, vi siderum fieri, sed illorum trium, quibus fulmina assignat. Il veut parler des planètes de Saturne, de Jupiter & de Mars. Hist. Nat. Lib. II. Cap. LXXIX.
  18. Voyez les observations de M. de Louville, Hist. de l’Ac. Roy. des Sciences, An. 1715.
  19. L’Auteur a publié des Cartes en couleur des lieux sujets aux tremblemens de terre, dans toutes les parties du Monde, selon le sistème de l’impression solaire. Folio, Paris. 1756. Aristote a déjà prétendu que la Lune influoit sur les tremblemens de terre. Voyez Meteorologicorum Lib II. Cap. VIII. p. 350. Lugdun. 1590, fol. Je ne sai si jamais, depuis lors, cette supposition a été bien vérifiée par des observations sures.
  20. M. Musschenbroek Oratio de experimentis instituendis, pag. 19. Trajec.
  21. Réflexions physiques sur les causes des tremblemens de terre, présentées à la Société Royale de Londres le 5 Avril 1750. V. S.
  22. Appendix de la Statique des Végétaux, 3 Experience.
  23. On vit un pareil nuage à Londres, avant le tremblement du 19 Mai 1750.
  24. Description du Cap de Bonne-Espérance Tom. II. Chap. XV. p. 224. & suiv. Voyez Usages des montagnes, Chap. X. p. 84. suiv.
  25. Aristote, qui attribue les tremblemens de terre aux vents, suppose aussi un reflux & une collision de l’air, qui sort avec celui qui reflue. Il suppose ce choc assez puissant pour ébranler la terre. Meteorol. Lib. II. Cap. VIII.
  26. Plin. Hist. Nat. Lib. II. Cap. LXXIX. Ventos in causa esse non dubium reor. Neque enim unquam intremiseunt terræ, nisi sopito mari, cœloque adeo tranquillo, ut volatus avium non pendeant, subtracto omni spiritu qui vehit : nec unquam nisi post ventos, conditos scilicet in venas & cavernas ejus, occulto flatu. Neque aliud est in terra tremor, quam in nube tonitruum : nec hiatus aliua, quam cum fulmen erumpit : incluso spiritu luctante, & ad libertatem exire nitente.
  27. Senec. Q. N. Lib. VI. Cap. XII. Spiritum esse qui moveat & plurimis & maximis auctoribus placet. Archelaus antiquitatis diligens, ait ita : Venti in concava terrarum deferuntur : deinde ubi jam omnia spatia plena sunt, & in quantum aër potuit densatus est, is qui supervenit spiritus, priorem premit & elidit, ac frequentibus plagis primo cogit, deinde perturbat. Tunc ille quærens locum, omnes augustias dimovet, & clausira conatur effringere. Sic evenit, ut terræ, spiritu luctante, & fugam quærente, moveantur. Itaque cum terræ motus futurus est, præcedit aëris tranquillitas &
    quies :
  28. Meteor. Lib. II. Cap. VIII. Voyez comment Seneque rapporte le sentiment d’Aristote, Q. N. Lib. VI. Cap. XIV.
  29. Aristoteles, ubi supra.
  30. Ἔτι δὲ περὶ τόπους τοιούτους οἱ ἰσχυρότατοι γίγνονται τῶν σεισμῶν, ὅπου θάλαττα ῥοώδης ἢ ἡ χώρα σομφὴ καὶ ὕπαντρος. etc. - καὶ vυκτὸς δ' οἱ πλείους καὶ μείζους γίγνονται τῶν σεισμῶν. etc. - Id. Ibid.
  31. Pline. Hist. Nat. Lib. II. Cap. LXXX. Voyez aussi Senec. Q. N. Lib. VI. Cap. XXVI.
  32. Lucret. Lib. VI. vs. 556-563. & 576-580.

    Præterea, ventus cum per loca subcava terræ
    Conlectus parti ex una procumbit, & urget
    Obnixus magnis speluncas viribus altas ;
    Incumbit tellus, quo venti prona premit vis :
    Tum, supera terram quæ sunt exstructa domorum,
    Ad Coelumque magis quanto sunt edita quæque,
    Inclinata minent in eandem prodita partem,
    Protractæque trabes impendent ire paratæ … ;

    Est hæc ejusdem quoque magni causa tremoris,
    Ventus ubi, atque animæ subito vis maxima quædam,
    Aut extrinsecus, ut ipsa a Tellure coorta
    In loca se cava Terraï conjecit, ibique
    Speluncas inter magnas fremit ante tumultu.
  33. Institutiones Physicæ, Lib. V. Cap. IX. Edit. tert. Witteberg. 1653.
  34. Phys. Part. III. Cap. IX.
  35. Instit. Philos. p. 482.
  36. Tract. de vi aër. elast. Operum Tom. I. Venet. 1697. 4.
  37. Phys. Elem. Math. Lib. IV. Pars I. T. II. pag. 577. seq. Leydæ 1742.
  38. Tome II. sur l’air.
  39. Leç. de Physiq. exp. Tom. III.
  40. Tractatus de mira aëris rarefactione, Exp. 11, Operum Tom. I.
  41. Senguerdius, de Aëre Atmos. p. 100.
  42. Musschenbroek, Essai de Physi. T. II. ch. III.
  43. Wolfius, Aëromet.’s Gravesande, T. II. Lib. IV. Cap. IV.
  44. Cet Auteur anonyme, ou pseudonyme, a donné plusieurs autres mémoires sur l’Histoire Naturelle & la Physique.
  45. novembre 1756. p. 347. & suiv. L’Auteur promet un autre Mémoire, que je n’ai point encore vu.
  46. Observations physiques & chimiques.
  47. Observ. phy. & chim. T. II. Obs. 13. & Journal de Verdun, ubi supra p. 350, 351, 352.
  48. Mémoire sur les causes des tremblemens : ubi supra.
  49. De mira aëris rarefactione. Tom. I. Operum.
  50. Cours de Physique experim. T. II. p. 127. Voyez encore Mémoire sur les causes &c. ubi supra.
  51. Lib. III. Quæst. XXVIII.
  52. Essai de Physique. T. II. Chap. III.
  53. Theol. phys. de Derham. liv. I. Ch. I. Art. 11. p. 6. & suiv. dans les nottes.
  54. Phys. Elem. Math. ’s Gravensande. T. II. Lib. IV. C. II.
  55. Senec. Quæst. nat. Lib. VI. C. VI.
  56. Plin. Hist. nat. Lib. II. C. XII. & Lib. XXVI. C. XII.
  57. Terram agitari non miraremur sed manere. Senec. ibidem.
  58. Ibid. C. VII & VIII.
  59. Plutar. de placitis Philos. Lib. III. C. XV.
  60. Voyez plusieurs de ces faits dans Varenius ; dans Kircher ; dans Fabricius ; dans la Structure intérieure de la terre ; dans l’Usage des montagnes; dans Ramazzini, des puits de Modène ; dans M. de Buffon &c. &c. &c. Seneque Q. N. Lib VI. Cap. VII. & VIII.
  61. Mémoir. de l’Acad. R. A. 1700. Chimie de Lemery, &c.
  62. Optiq. Lib. III. Quæst. XXXI.
  63. Essai de Physique, Tom. I. art. 880.
  64. Maritima maxime quatiuntur : nec montosa tali malo carent. Exploratum est mihi Alpes, Apenninumque sæpius tremiusse. C. Plin. Hist. Nat. Lib. II. Cap. LXXX. Voyez aussi Aristote. Meteorol. Lib. II. Cap. VIII. Voyez encore Journal de Verdun, Nov. 1756. p. 354.
  65. Voyez dans le Dict. Geog. de la Martiniere l’enumeration des Volcans.
  66. Journal Hist. sur les matieres du tems, Nov. 1756. p. 355.
  67. Desaguliers Cours de Physique, pag. 439.
  68. Voyez plusieurs de ces suppositions confirmées, & édaircies par des faits dans Varenius ; dans Kircher ; dans Fabricius ; dans la Structure intérieure de la terre ; dans l’Usage des Montagnes ; dans Ramazzini, des puits de Modène ; dans Mr. de Buffon.
  69. M. Nollet, Leçons de Physi. exp. Tom. IV. XIIe. leçon, Sect. 11. de l’eau considérée comme vapeur p. 71 & suiv. Amst. 1749.
  70. Boerhaave Elem. Chim. P. II. p. 327. Musschenbroek, Essai de Physique p. 434.
  71. Ubi supra
  72. Sen. Q. N Lib. VI. C. X. Anaximenes ait, terram ipsam sibi esse causam motus, nec extrinsecus incurrere quod illam impellat; sed intra ipsam & ex ipsa quasdam partes ejus decidere, quas aut humor solverit, aut ignis exederit, aut spiritus violentia excusserit. Sed his quoque ceffantibus
    non
  73. H. N. Lib. II. C. XCI. & seq.
  74. De rer. nat. Lib. VI. vs. 542.-555.
    His igitur rebus subjunctis, suppositisque,
    Terra superne tremit magnis concussa ruinis
    Subter ubi ingenteis speluncas subruit ætas :
    Quippe cadunt toti montes, magnoque repente
    Concussu late disserpunt inde tremores :
    Et meritò, quoniam plaustris concussa tremiscunt
    Tecta viam propter non magno pondere tota.
    Nec