Traduction par Édouard Chavannes.
Leroux (p. 25-96).


CHAPITRE PREMIER
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PREMIÈRES ANNALES PRINCIPALES
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LES CINQ EMPEREURS[1]
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[Hoang-ti[2] était fils de Chao-tien][3]. Son nom de famille était Kong-suen[4] ; son nom personnel [était Hien-yuen[5]. Dès sa naissance il eut une puissance surnaturelle ; dès sa tendre enfance[6] il sut parler ; dès sa jeunesse, sa vertu s’exerça partout avec promptitude ; adolescent, il fut bon et perspicace ; homme fait[7] , il eut une intelligence ouverte].

Au temps de Hien-yuen, les descendants de Chen-nong[8] s’étaient pervertis ; les seigneurs se prenaient des territoires les uns aux autres et se battaient; ils opprimaient les cent familles. Or Chen-nong ne pouvait les réduire[9]. Alors Hien-yuen s’exerça au maniement du bouclier et de la lance afin de soumettre ceux qui ne rendaient pas hommage à la cour ; les seigneurs vinrent tous avec respect et obéissance. Cependant Tch’e-yeou[10] était le plus terrible et restait invincible. Yen-ti voulut empiéter sur les droits des seigneurs ; les seigneurs se réfugièrent tous auprès de Hien-yuen. Hien-yuen alors fit appel à toute son énergie et leva des soldats ; [il se rendit maître des cinq influences[11] ; il mit en terre les cinq semences[12] ; il fit du bien aux dix mille tribus et gouverna les quatre côtés. Il dressa des ours, des léopards, des panthères, des lynx et des tigres[13] et il s’en servit lors de la bataille qu’il livra à Yen-ti[14] dans la campagne de Pan-k’iuen[15]. Il soutint trois combats et finit par avoir gain de cause.]

Tch’e-yeou fit des troubles ; il n’obéit pas aux ordres impériaux. Alors Hoang-ti appela aux armes les seigneurs et livra bataille à Tch’e-yeou dans la campagne de Tchouo-Lou[16]. Il s’empara donc de Tch’e-yeou et le mit à mort.

Puis les seigneurs élevèrent tous Hien-yuen au rang de Fils du ciel ; il remplaça Chen-nong ; ce fut Hoang-ti. Ceux qui dans le monde ne se soumirent pas à lui, Hoang-ti les poursuivit et les dompta ; ceux qui se tinrent calmes, il les laissa aller. Il fit des percées dans les montagnes ; il ouvrit des routes. Il n’avait pas un moment pour se reposer en paix. A l’est, il alla jusqu’à la mer ; il monta sur la montagne Hoan[17] et sur le Taitsong[18]. A l’ouest, il alla jusqu’au mont Kong-t’ong[19] et monta sur le Ki-t’eou[20]. Au sud, il alla jusqu’au Kiang[21] et gravit les monts Hiong et Siang. Au nord, il repoussa les Hiun-yu[22].

la montagne Tan, et donnait naissance à la rivière Tan.

Il vérifia les insignes sur la montagne Fou[23]. Puis il s’établit au pied du Tchouo-lou[24]. Il se déplaçait çà et là et n’avait pas de résidence fixe[25] ; ses soldats formaient un campement pour le protéger.

Quant aux noms de fonctions, il se servit des nuées et appela nuées ses officiers[26]. Il institua les grands surintendants de gauche et de droite pour surveiller les dix mille tribus. Les dix mille tribus vécurent en paix. Puis les (sacrifices aux) génies et aux dieux, aux montagnes et aux fleuves, et les cérémonies fong et chan furent multipliés par lui. Il entra en possession du trépied précieux ; il compta d’avance les jours en faisant des supputations au moyen de l’achillée[27].

Il leva en dignité Fong-heou, Li-mou, Tch’ang-sien et Ta hong et les chargea de gouverner le peuple[28]. Il se conforma aux nombres du ciel et de la terre, aux explications de la vie et de la mort,] aux raisons subtiles du calme et du trouble[29].

[Aux époques voulues il planta les cent espèces de céréales, d’herbes et d’arbres. Il favorisa le développement des oiseaux, des quadrupèdes, des insectes et des reptiles. Il établit partout l’ordre pour le soleil, la lune, les étoiles, les syzygies de conjonction[30], pour les flots de la mer, pour la terre, les pierres, les métaux et le jade. Il n’épargna aucune peine à son cœur, à sa force, à ses oreilles et à ses yeux. Il régla l’usage de l’eau, du feu[31], du bois et de toutes choses.]

Il eut l’heureux présage de la vertu de la terre ; c’est pourquoi son surnom fut Hoang-ti[32]. Hoang-ti eut vingt-cinq fils ; ceux qui eurent des noms de clans furent au nombre de quatorze[33]. [ Hoang-ti demeura sur la colline de Hien-yuen[34]  ; il se maria avec une femme de Si-Ling[35] qui n’est autre que Lei-tsou[36]. Lei-tsou fut première entre les femmes de Hoang-ti[37].] Elle enfanta deux fils ; les descendants de tous deux possédèrent l’empire[38]. L’un d’eux s’appelait Hiuen-hiao ; il n’est autre que T’sing-yang ; T’sing-yang alla s’établir sur les bords de la rivière Kiang[39]. Le second fils s’appelait Tch’ang-i ; [il alla s’établir sur les bords de la rivière Jo[40]. Tch’ang-i épousa une femme des montagnes de Chou qui s’appelait Tch’ang p’ou[41]] et qui enfanta Kao-yang. Kao-yang eut une vertu sainte. Hoang-ti mourut et fut enterré sur la montagne Kiao[42]. Son petit-fils, Kao-yang, qui était le fils de Tch’ang-i, prit le pouvoir. Ce fut l’empereur Tchoan-hiu. L’empereur Tchoan-hiu, qui n’est autre que Kao-yang, [ était petit-fils de Hoang-ti et fils de Tch’ang-i. Il était calme et profond dans ses desseins. Son intelligence était claire et étendue et il comprenait tout. Il cultivait les plantes de la manière qui convient à la terre. Il agissait suivant les saisons pour se conformer au ciel. Il s’appuyait sur les mânes et les dieux pour fixer la justice[43]. Il dirigeait les influences afin d’apprendre aux êtres à se perfectionner. Il accomplissait les sacrifices avec pureté et sincérité.]

[Au nord, il alla jusqu’à Yeou-Ling[44] ; au sud, il alla jusqu’au Kiao-tche[45] ; à l’ouest, il alla jusqu’au Leou-cha[46] ; à l’est, il alla jusqu’au P’an-mou[47].

Les êtres en mouvement et ceux qui sont en repos, les dieux, petits et grands, les choses qu’éclairent le soleil et la lune, tout, sans exception, fut calme et docile.]

L’empereur Tchoan-hiu engendra un fils qui s’appela K’iong-chan[48].

Tchoan-hiu mourut[49]. Alors le petit-fils de Hiuen-hiao, Kao-sin, prit le pouvoir ; ce fut l’empereur K’ou. Kao-sin, qui fut l’empereur Kou[50], était arrière-petit-fils de Hoang-ti. Son père s’appelait Kiao-ki ; le père de Kiao-ki s’appelait Hiuen-hiao ; le père de Hiuen-hiao s’appelait Hoang-ti. Hiuen-hiao, puis Kiao-ki, n’eurent ni l’un ni l’autre l’empire. Mais Kao-sin obtint la dignité impériale[51]. Kao-sin était neveu[52] de Tchoan-hiu.

Dès sa naissance [ Kao-sin fut divin et merveilleux ; il dit lui-même quel était son nom. Sa libéralité universelle favorisait tous les êtres. Il ne pensait pas à lui-même. Il avait l’ouïe fine et connaissait les choses éloignées ; il avait la vue perçante et discernait les moindres détails. il se conformait à l’ordre établi par le ciel. Il savait quels étaient les besoins du peuple. Il était bon et cependant majestueux, bienveillant et cependant digne de confiance.] [Il s’appliquait à bien se conduire et l’empire lui obéissait. Il recueillait les productions de la terre et en usait avec mesure. Il gouvernait et instruisait les dix mille tribus ; il leur était utile et leur donnait des conseils. Il observait le soleil et la lune pour les recevoir et les accompagner[53]. Il comprenait les mânes et les dieux[54] et les servait avec respect.

Son air était très imposant ; sa vertu était fort haute ;

Il agissait aux temps opportuns ; son habillement était celui des fonctionnaires.]

L’empereur Kou était ferme et juste et il embrassait le monde entier. [ (161)Tout ce qu’éclairent le soleil et la lune, tout ce qu’atteignent le vent et la pluie, se soumit à lui sans exception.]

L’empereur K’ou épousa une femme de Tch’en-fong[55]. Elle mit au monde Fang-hiun[56]. L’empereur Kou épousa une femme de Tsiu-tse ; elle enfanta Tche[57]. L’empereur Kou[58] mourut et l’empereur Tche prit le pouvoir à sa place ; il ne fut pas bon ; il mourut. Son frère cadet, Fang-hiun, prit alors le pouvoir ; ce fut l’empereur Yao[59]).

Celui qui fut l’empereur Yao n’est autre que Fang-hiun. [ Sa bonté fut comme celle du ciel ; son savoir fut comme celui d’un dieu. De près, il apparaissait comme le soleil ; de loin, comme une nuée[60]. Quoique puissant, il n’était pas arrogant ; quoique élevé en dignité, il n’était pas méprisant. Il portait un bonnet[61] jaune et un vêtement d’une seule couleur. Son char était rouge ; il montait sur un cheval blanc.]

[ Il savait mettre en lumière et favoriser les talents[62].

Par l’amour qu’il eut pour ses parents aux neuf degrés[63],

Les neuf degrés de parenté furent en harmonie ;

Il distingua[64] et dirigea les cent fonctionnaires[65],

Et les cent fonctionnaires furent éclairés et intelligents[66].

Il maintint la concorde entre les dix mille tribus.


Puis il ordonna à Hi et à Ho[67] d’observer avec attention le ciel majestueux et d’appliquer les méthodes du calcul au soleil, à la lune, aux constellations et aux syzygies de conjonction, puis d’indiquer avec soin au peuple les saisons.

Il ordonna spécialement au cadet des Hi de demeurer chez les Yu-i[68], dans le lieu appelé Vallée du Soleil levant, pour y suivre avec attention le lever du soleil et déterminer et promulguer partout ce qu’il faut faire au printemps[69]. Le jour moyen[70] et les constellations Niao[71] servent à fixer le milieu du printemps. Le peuple alors se disperse[72] ; les oiseaux et les bêtes nourrissent ou sont petits[73].

Il ordonna en outre au plus jeune des Hi de demeurer à Nan-kiao[74] pour déterminer et promulguer les occupations de l’été[75] et avec soin les faire parvenir à leur but[76]. Le jour le plus long[77] et les constellations Ho servent à fixer le milieu de l’été. La population alors[78] continue (à se disperser) ; (les plumes et les poils) des oiseaux et des bêtes deviennent rares et changent[79].

Il ordonna en outre au cadet des Ho de demeurer dans le territoire de l’ouest, au lieu appelé Vallée de l’Obscurité, pour suivre avec attention le coucher du soleil et déterminer et promulguer ce qui s’achève en automne. La nuit moyenne[80] et la constellation Hiu[81] servent à fixer le milieu de l’automne. La population a une vie calme et paisible. Les oiseaux et les bêtes se couvrent de plumes et de poils renouvelés[82].

Il ordonna en outre au plus jeune des Ho de demeurer dans la région du nord, au lieu appelé la Résidence sombre, pour déterminer et surveiller le moment où les êtres se cachent[83]. Le jour le plus court et la constellation Mao[84], servent à fixer le milieu de l’hiver. La population se tient alors au chaud[85] ; les plumes et les poils des oiseaux et des bêtes s’épaississent.

L’année a trois cent soixante-six jours ; par le moyen du mois intercalaire[86] on détermine[87] les quatre saisons. En conformité avec cela on ordonne les cent fonctions et tous les travaux sont florissants[88].

Yao dit :

— Qui est capable de continuer ces choses ?

Fang-ts’i dit :

— Votre fils, qui doit vous succéder, Tan-tchou, est fort intelligent.

Yao dit :

— Hélas, il est méchant et querelleur ; on ne peut se servir de lui.

Yao dit encore :

— Qui en est capable ?

Hoan-teou dit :

Kong-kong[89] a multiplié et répandu ses actions méritoires en tous lieux ; on peut se servir de lui.

Yao dit :

Kong-kong est un beau parleur ; mais quand on le met à l’œuvre il est mauvais ; il a l’air d’être respectueux, mais il méprise le ciel. C’est impossible.

Yao dit encore :

— Oh ! (chefs des) quatre montagnes[90], la vaste étendue des eaux débordées s’élève jusqu’au ciel ; l’immense nappe entoure les montagnes et submerge les collines. A cause de cela le peuple de la plaine est dans l’affliction. Y a-t-il quelqu’un que je puisse charger d’y mettre bon ordre ?

Tous dirent :

Koen[91] est capable.

Yao dit :

Koen enfreint mes ordres et il est funeste à ses collègues. C’est impossible.

Les (chefs des quatre) montagnes dirent :

— Il n’y en a plus d’autres[92]. Essayez-le et si vous ne pouvez pas vous servir de lui, vous le renverrez.

Alors Yao écouta l’avis des (chefs des quatre) montagnes et se servit de Koen. Pendant neuf ans[93] celui-ci travailla à son service, mais sans succès.

Yao dit :

— Oh ! (chefs des) quatre montagnes, j’ai été au pouvoir soixante-dix années. Vous êtes capables d’observer le décret céleste[94] ; succédez-moi dans ma dignité.

Les (chefs des quatre) montagnes répondirent :

— Notre vertu est mince ; nous déshonorerions la dignité impériale.

Yao dit :

— Cherchez partout quelqu’un à me proposer, peu importe qu’il soit élevé en dignité et qu’il soit mon parent ou qu’il vive à l’écart, caché et méconnu.

L’assemblée tout entière dit alors à Yao :

— Il y a un homme non marié[95] qui est au nombre des gens du peuple[96] ; il s’appelle Yu Choen[97].

Yao dit :

— C’est bien ! j’ai entendu parler de lui. Quelle sorte d’homme est-il ?

Les (chefs des quatre) montagnes dirent :

— C’est le fils d’un aveugle[98]. Son père était pervers ; sa mère était trompeuse ; son frère cadet était insolent. Il a su les faire rentrer dans l’ordre par sa piété filiale ; il les a graduellement amenés à bien agir et à ne pas se porter vers les choses mauvaises.

Yao dit :

— Je le mettrai à l’essai.

Alors Yao lui donna en mariage ses deux filles[99], pour observer quelle était sa vertu dans la manière dont il se comporterait envers ses deux filles. Choen, dans les lieux qu’arrosent les rivières Koei et Joei[100], dirigea et rendit humbles ces deux femmes[101], en sorte qu’elles observèrent les rites des épouses[102].]

Yao trouva cela fort bien ; il chargea donc ensuite Choen de mettre avec soin l’ordre dans les cinq règles et les cinq règles [103] purent être observées. Puis il (Choen) fut investi de toutes les cent fonctions[104] et les cent fonctions eurent leur rang en leur temps. — Il reçut les hôtes aux quatre portes ; ceux qui venaient aux quatre portes[105] étaient pénétrés de respect.] Les seigneurs et les étrangers qui arrivaient de loin pour être reçus étaient attentifs à leurs devoirs.

Yao envoya Choen [dans la forêt de la montagne][106], parmi les cours d’eau et les marais ; [il y eut un vent violent, du tonnerre et de la pluie,] mais Choen poursuivit sa route [sans se laisser troubler [107].]

Yao estima cette conduite sage ; il manda Choen et lui dit :

— Les entreprises que vous avez projetées ont abouti ; vos paroles ont pu produire des œuvres méritoires ; voici la troisième année[108]. Montez à la dignité d’empereur.

Choen s’excusa en alléguant son peu de mérite et ne se réjouit pas[109].

Le premier jour du premier mois, Choen reçut l’abdication (de Yao) dans le (temple de) Wen-tsou.] Wen-tsou était l’aïeul à la cinquième génération de Yao[110].

Alors l’empereur Yao étant vieux chargea Choen de le suppléer dans l’exercice du gouvernement qui appartient au Fils du ciel, afin de voir quel était le décret du ciel[111].

[Choen observa donc le mécanisme de l’évolution et la balance de jade pour vérifier l’accord entre les sept gouvernements[112]. Aussitôt après il fit le sacrifice lei à l’Empereur d’en haut[113], le sacrifice in aux six Vénérables[114], le sacrifice wang[115] aux montagnes et aux cours d’eau et rendit hommage à tous les dieux[116]. — Il recueillit les cinq insignes[117] ; il choisit un mois et un jour fastes pour donner audience aux (chefs des) quatre montagnes et aux pasteurs (des peuples)[118], et leur distribua les insignes.

Le deuxième mois de l’année, il parcourut les fiefs[119] dans l’est ; arrivé au Tai-tsong, il alluma un bûcher ; il fit le sacrifice wang aux montagnes et aux cours d’eau suivant l’ordre fixé[120]. Puis il donna audience aux chefs de la contrée orientale. Il mit l’accord dans les saisons et dans les mois et rectifia les jours ; il rendit uniformes les tubes musicaux[121] et les mesures de longueur, de capacité et de poids ; il restaura les cinq rites[122] ; les cinq (insignes de) jade[123], les trois pièces de soie[124], les deux animaux vivants et l’animal mort[125] lui furent apportés en offrande ; quant aux cinq instruments[126], lorsque tout fut fini il les rendit.

Le cinquième mois[127], il parcourut les fiefs dans le sud. Le huitième mois, il parcourut les fiefs dans l’ouest. Le onzième mois, il parcourut les fiefs dans le nord. Toutes (ces inspections) furent comme la première. A son retour, il se rendit aux temples de son grand-père et de son père défunt[128], et fit le sacrifice rituel d’un taureau.

En cinq ans il y avait une inspection des fiefs et quatre réceptions des chefs à la cour[129]. Ils faisaient des rapports complets par leurs paroles ; ils étaient clairement contrôlés par leurs œuvres ; ils recevaient des chars et des vêtements pour leurs mérites.

Il institua douze provinces[130]. Il rectifia les cours d’eau.

Il fit des images[131] pour les châtiments légaux. « On bannit[132] ceux qui sont dignes d’une mitigation de peine[133] ; il y a les cinq châtiments ; le fouet constitue le châtiment des magistrats ; la verge constitue le châtiment des instructeurs[134] ; l’amende constitue le châtiment des fautes rachetables[135]. Ceux qui pèchent par inadvertance, on leur pardonne ; ceux qui sont endurcis et persistants dans le crime, on leur inflige les châtiments. Soyez sur vos gardes ! soyez sur vos gardes ! c’est par les châtiments qu’on établit le calme. »]

Hoan-teou[136] recommanda Kong-kong. Yao dit :

— C’est impossible, car je l’ai mis à l’essai comme intendant des travaux ; Kong-kong s’est montré mauvais et pervers.

Les (chefs des) quatre montagnes proposèrent Koen pour refréner les eaux débordées ; Yao considérait que c’était impossible ; sur l’instante prière des (chefs des quatre) montagnes, il le mit à l’essai ; or il n’eut aucun succès et c’est pourquoi les cent familles ne furent pas à leur aise. San-miao[137] suscita souvent des troubles dans la province de King, entre le Kiang et le Hoai. Alors Choen revint et parla à l’empereur ; il demanda qu’on [ exilât Kong-kong sur la colline Yeou[138] pour réformer[139] les Ti du nord, qu’on bannît Hoan-teou sur la montagne Tch’ong[140] pour réformer les Man du sud, qu’on transférât San-miao à San-wei[141] pour réformer les Jong de l’ouest, qu’on laissât périr Koen sur la montagne Yu[142] pour réformer les I de l’est. Après ces quatre condamnations[143], il y eut une soumission générale dans l’empire.]

Yao était au pouvoir depuis soixante-dix ans quand il trouva Choen ; au bout de vingt ans ; étant vieux, il ordonna à Choen d’exercer à sa place le gouvernement du Fils du ciel ; il le présenta au Ciel. [Yao mourut vingthuit ans en tout[144] après avoir renoncé au pouvoir. Les cent familles s’affligèrent comme si elles avaient été en deuil d’un père ou d’une mère ; pendant trois ans on ne fit aucune musique en aucun lieu,] car on pensait à Yao. Yao savait que son fils Tan-tchou[145] était dégénéré et n’était pas digne qu’on lui remît l’empire ; c’est pourquoi donc, tenant compte des circonstances[146], il le donna à Choen. En le donnant à Choen, l’empire y trouvait son avantage et c’était un mal pour Tan-tchou ; en le donnant à Tan-tchou c’était un mal pour l’empire et Tan-tchou y trouvait son avantage ; Yao dit :

— Je ne me déciderai pas à favoriser un seul homme au détriment de tout l’empire.

Ainsi en définitive il donna l’empire à Choen.

[Après la mort de Yao, quand le deuil de trois ans fut terminé, Choen quitta le pouvoir et le céda à Tan-tchou au sud du Nan-ho[147]. Les seigneurs qui venaient rendre hommage n’allèrent pas auprès de Tan-tchou mais allèrent auprès de Choen ; ceux qui étaient condamnés à la prison ou avaient des procès n’allèrent pas auprès de Tan-tchou mais allèrent auprès de Choen ; ceux qui récitaient et chantaient ne célébrèrent pas Tan-tchou mais célébrèrent Choen. Choen dit :

— C’est le Ciel !

Alors il revint à la capitale[148] et prit la dignité de Fils du ciel.] Ce fut l’empereur Choen. Yu Choen avait pour nom personnel Tch’ong-hoa[149]. Le père de Tch’ong-hoa s’appelait Kou-seou ; le père de Kou-seou s’appelait Kiao-nieou[150] ; le père de Kiao-nieou s’appelait Keou-wang ; le père de Keou-wang s’appelait King-k’ang ; le père de King-k’ang s’appelait K’iongchan ; le père de K’iong-chan s’appelait l’empereur Tchoan-hiu ; le père de Tchoan-hiu s’appelait Tch’ang-i ; jusqu’à Choen il y eut sept générations[151]. A partir de K’iong-chan jusqu’à l’empereur Choen, tous furent sans importance et furent des hommes du commun peuple.

Le père de Choen, Kou-seou, était aveugle ; la mère de Choen étant morteD’après Hoang-fou Mi, la mère de Yu s’appelait Ou-teng., il prit une autre femme qui enfanta Siang. Siang était arrogant. Kou-seou aimait le fils de sa seconde femme et cherchait sans cesse à faire périr Choen ; Choen lui échappa, mais lorsqu’il commettait quelque faute légère il se soumettait au châtiment. Il servait scrupuleusement son père et sa marâtre ainsi que son frère cadet ; chaque jour il se montrait sincère et attentif et jamais il ne se relâchait.

Choen était un homme de la province de Ki[152].

Choen laboura sur la montagne Li[153] ; il pêcha dans l’étang de Lei ; il façonna des vases d’argile au bord du Fleuve ; il fabriqua diverses sortes d’ustensiles à Cheou-k’ieou[154] ; il profita du moment favorable pour aller à Fou-hia[155].

Le père de Choen, Kou-seou, était pervers ; sa mère était trompeuse ; son frère cadet, Siang, était insolent, Tous désiraient tuer Choen ; Choen était docile, et il ne lui arriva jamais de manquer à la conduite que doit avoir un fils, ni à l’amour fraternel. Quoiqu’ils voulussent le tuer, ils ne purent y arriver ; quand ils cherchaient à l’essayer, ils (frappaient) à côté.

Quand Choen eut vingt ans, il fut renommé pour sa piété filiale ; quand il eut trente ans, l’empereur Yao demanda qui il pourrait employer et les (chefs des) quatre montagnes lui proposèrent tous Yu Choen ; alors Yao donna ses deux filles en mariage à Choen pour voir quelle était sa conduite à l’intérieur ; il envoya ses neuf fils demeurer avec lui pour voir quelle était sa conduite à l’extérieur. Choen s’établit dans les lieux qu’arrosent les rivières Koei et Toei ; dans sa conduite privée il agit en tout avec attention ; les deux filles de Yao n’osèrent pas se targuer de leur noblesse pour être insolentes [156] ; elles servirent les parents de Choen et observèrent strictement les devoirs des épouses ; les neuf fils de Yao redoublèrent tous de vertu.

Choen laboura sur la montagne Li[157] : les gens de la montagne Li se firent tous des concessions sur les limites de leurs champs ; il pêcha dans l’étang de Lei : les gens qui étaient sur les rives de l’étang de Lei se firent tous des concessions sur les places de leurs habitations ; il façonna des vases d’argile au bord du Fleuve : les ustensiles fabriqués au bord du Fleuve furent tous sans défauts. Au bout d’un an, dans l’endroit où il habitait, il se formait un village ; au bout de deux ans, il se formait un bourg ; au bout de trois ans, il se formait une ville[158].

Yao alors gratifia Choen d’un vêtement de toile fine et d’un luth ; il lui fit construire un magasin et un grenier ; il lui donna des bœufs et des moutons[159].

Cependant Kou-seou voulut encore le tuer ; il fit monter Choen sur le grenier pour le crépir ; d’en bas, Kou-seou mit le feu au grenier pour l’incendier ; Choen alors se servit de deux grands chapeaux de jonc pour protéger sa descente[160] ; il s’échappa et put ne pas périr. Ensuite Kou-seou envoya derechef Choen creuser un puits ; Choen, en creusant le puits, ménagea un orifice secret qui était une issue latérale. Quand Choen fut entré au fond, Kou-seou et Siang jetèrent ensemble de la terre et remplirent le puits ; Choen sortit par l’orifice secret et s’échappa. Kou-seou et Siang se réjouirent, pensant que Choen était mort. Siang dit :

— C’est moi qui ai eu l’idée de ce stratagème.

Siang fit un partage avec son père et sa mère et dit alors :

— Les femmes de Choen, filles de Yao, ainsi que son luth, c’est moi, Siang, qui les prendrai. Les bœufs, les moutons, le magasin et le grenier je les donne à mon père et à ma mère.

Siang alors s’établit dans la demeure de Choen et joua de son luth. Choen vint le voir. Siang déconcerté et mécontent lui dit :

— Je pensais à Choen et je me trouve plein de joie[161].

Choen répliqua :

— Bien. Ce sont là, j’espère, vos sentiments[162].

Choen recommença à servir Kou-seou et à aimer son frère cadet et fut sans cesse plein d’égards pour eux.

Alors Yao mit Choen à l’essai dans les cinq règles et les cent fonctions[163]) ; tout cela fut bien dirigé.

[Autrefois Kao-yang[164] eut huit fils capables ; les hommes jouirent de leurs bienfaits et les appelèrent les huit Satisfaisants. Kao-sin[165] eut huit fils capables : les hommes les appelèrent les huit Excellents. Ces seize familles de génération en génération perfectionnèrent leurs qualités et ne laissèrent pas tomber leur réputation. Lorsque arriva le temps de Yao, Yao ne put point encore les mettre en charge. Choen mit en charge les huit Satisfaisants et les fit présider à la terre souveraine[166], afin de déterminer les cent occupations ; il n’y eut rien qui n’eût son temps et son rang. Il mit en charge les huit Excellents et leur fit répandre les cinq enseignements[167] dans les quatre directions : les pères furent justes ; les mères furent aimantes ; les frères aînés furent bienveillants ; les frères cadets furent respectueux ; les fils furent pieux ; à l’intérieur, ce fut le calme ; à l’extérieur, la perfection.

Autrefois l’empereur Hong[168] eut un fils incapable ; il faisait disparaître la justice ; il était dissimulé et scélérat ; il se plaisait à se livrer aux pires vices ; le monde l’appelait Chaos[169]. Chao-hao eut un fils incapable ; il détruisait la bonne foi et haïssait la sincérité ; il appréciait les discours artificieux et méchants ; le monde l’appelait Vaurien-trompeur[170]. Tchoan-hiu eut un fils incapable ; il ne pouvait rien apprendre et ne comprenait pas ce qu’on lui disait ; le monde l’appelait Soliveau[171]. De génération en génération on souffrait de ces trois familles ; lorsque arriva le temps de Yao, Yao ne put encore s’en débarrasser. Tsin-yun[172] eut un fils incapable ; il avait la passion de la boisson et de la bonne chère ; il était avide de richesse ; le monde l’appelait Glouton ; le monde l’avait en horreur et le mettait sur le même pied que les trois criminels[173]. ► Choen, allant recevoir les hôtes aux quatre portes, exila les quatre familles criminelles et les bannit aux quatre frontières, afin de soumettre à la règle les démons[174].] Alors les quatre portes furent ouvertes et on annonça qu’il n’y avait plus de criminels.

Choen[175] entra dans une grande forêt sur la montagne ; il y eut un vent violent, du tonnerre, et de la pluie ; il n’en fut pas troublé. Yao reconnut alors que Choen était digne qu’il lui donnât l’empire. Yao étant vieux chargea Choen d’exercer à sa place le gouvernement qui appartient au Fils du ciel et de parcourir les fiefs. Vingt ans après que Choen eut été mis en charge et eut administré les affaires, Yao le chargea de gouverner à sa place. Il gouverna à sa place pendant huit ans et c’est alors que Yao mourut. Lorsque le deuil de trois ans fut terminé, il céda le pouvoir à Tan-tchou. Le monde se réfugia auprès de Choen. ► Or Yu[176], Kao-yao[177], Sié[178], Heou-tsi[179], Po-i[180], K’oei, Long, Choei[181], I[182], P’ong-tsou avaient tous été, dès le temps de Yao, promus à des emplois, mais on n’avait pas encore distingué les attributions des fonctions. Alors [Choen se rendit au (temple de) Wen-tsou[183]. Il tint conseil avec les (chefs des) quatre montagnes pour ouvrir les quatre portes[184] et percevoir par les oreilles et par les yeux tout ce qui se passait dans les quatre directions. Il ordonna aux douze pasteurs[185]] de prendre pour règle la vertu de l’empereur[186], de pratiquer [la vertu réelle, d’éloigner les hommes artificieux. Alors les barbares Man et I se soumirent à l’envi.

Choen parla en ces termes aux (chefs des) quatre montagnes :

— Y a-t-il quelqu’un qui puisse me servir avec zèle et illustrer les entreprises de Yao ? Je lui donnerai l’autorité pour qu’il m’aide dans les affaires.

Tous dirent :

— Le comte Yu est intendant des travaux publics[187] ;] il est capable d’illustrer les mérites impériaux.

[Choen dit :

— Ah ! c’est bien. Yu, vous réglerez les eaux et les terres[188]. Ne songez qu’à faire tous vos efforts !

Yu salua et se prosterna et voulut céder la place à Tsi[189], à Sié et à Kao-yao. Choen dit :

— C’est bien. Allez.

Choen dit :

K’i[190], lorsque au commencement[191] le peuple aux cheveux noirs était affamé, vous, prince Millet, vous avez semé et transplanté[192] les cent céréales.

Choen dit :

— Les cent familles ne sont pas en bonne harmonie ; les cinq ordres[193] (de devoirs) ne sont pas observés. Soyez directeur des multitudes[194] et répandez les cinq enseignements. Ayez soin d’agir avec douceur.

Choen dit :

Kao-yao, les (barbares) Man et I troublent notre beau pays[195]. Ce sont des voleurs, des assassins, des ennemis et des rebelles[196]. Soyez chef (de la justice). Pour les cinq châtiments, il y a ceux qui les subissent et pour les subir, il y a trois lieux déterminés[197] ; pour les cinq bannissements il y a des limites et pour les cinq limites il y a trois emplacements[198]. Ce n’est que par le discernement[199] que vous pourrez mériter la confiance.

Choen dit :

— Qui peut surveiller mes travailleurs ?

Tous dirent :

— Choei[200] en est capable.

Alors il nomma Choei intendant des travaux publics[201].

Choen dit :

— Qui peut surveiller pour moi les lieux hauts et les lieux bas, les herbes et les arbres, les oiseaux et les quadrupèdes ?

Tous dirent :

I en est capable.

Alors il nomma I intendant des eaux et forêts[202]. I salua et se prosterna et voulut céder la place aux autres ministres ; Tchou, Hou, Hiong et P’i. Choen dit :

— Allez. Faites régner l’harmonie.]

Alors (I) prit pour assistants Tchou, Hou, Hiong et P’i[203].

[Choen dit :

— Ah ! (chefs des) quatre montagnes ! Y a-t-il quelqu’un qui soit capable de présider à mes trois cérémonies rituelles[204] ?

Tous dirent :

Po-i en est capable.

Choen dit :

— Ah ! Po-i[205], je vous nomme directeur du temple ancestral[206]. Du matin jusqu’au soir appliquez-vous à la vigilance. Soyez droit ! appliquez-vous à être pur.

Po-i voulut céder la place à K’oei et à Long. Choen dit :

— C’est bien.

Il nomma K’oei intendant de la musique pour qu’il enseignât aux enfants des princes[207] à être inflexibles mais avec douceur, indulgents mais avec énergie, fermes mais sans rigueur, indifférents aux détails mais sans arrogance. La poésie fut l’expression de la pensée ; le chant prolongea cette expression ; les notes résultèrent de ces modulations ; les tubes sonores furent d’accord avec les notes ; les huit instruments de musique purent être en harmonie et n’empiétèrent pas sur les domaines les uns des autres. L’accord fut établi par là entre les dieux et les hommes[208]. K’oei dit :

— Hé ! je frappe la pierre, je touche la pierre et les cent animaux dansent tous à l’envi[209].

Choen dit :

Long, je redoute fort les paroles calomnieuses et les tromperies corruptrices ; elles troublent et effraient mon peuple. Je vous nomme à la charge d’auditeur des paroles ; matin et soir, vous répandrez mes ordres et vous m’en référerez ; veillez à la bonne foi[210].

Choen dit :

— Vous, ces vingt-deux hommes[211], soyez attentifs ; conformez-vous aux temps ; observez quels devoirs prescrit le ciel[212].

Tous les trois ans il y avait un examen des mérites[213] ; au bout de trois examens, on faisait des dégradations et des promotions, des renvois et des nominations. Toutes les tâches furent bien exécutées.

On divisa et on repoussa les San-miao[214].]

Ces vingt-deux hommes accomplirent tous leur tâche. Kao-yao étant chef de la justice, on eut la paix ; dans le peuple, chacun fut soumis et obtint ce qu’il méritait. Po-i présidant aux rites, tous les hommes, du haut en bas (de l’échelle sociale), se firent des concessions. Choei étant directeur des travaux, les cent travailleurs firent tous leurs efforts. I étant intendant des eaux et forêts, les montagnes et les marais furent ouverts (à la culture). K’i étant préposé aux grains, les cent céréales furent abondantes en la saison voulue. Sié étant directeur des multitudes, les cent familles vécurent dans l’amitié et dans l’harmonie. Long étant préposé aux hôtes, les hommes des pays lointains arrivèrent. Les douze pasteurs étant chargés de l’administration, personne dans les neuf provinces n’osa leur désobéir[215]. Mais, c’est Yu dont le mérite fut le plus grand[216] ; il ouvrit les neuf montagnes ; il constitua les neuf lacs ; il dirigea le cours des neuf fleuves ; il détermina les neuf provinces ; chacune d’elles vint apporter un tribut suivant ce qu’elle devait et n’y trouva aucun désavantage.

Sur un espace de cinq mille li carrés, (Choen) parvint jusqu’au domaine des terres incultes[217] ; au sud, il soumit Kiao-tche et Pei-fa ; à l’ouest, les Jong, Si-tche, K’iu-seou, les Ti-k’iang ; au nord les Jong des montagnes, Fa et Si-tchen ; à l’est, les barbares Tch’ang et Niao[218]. A l’intérieur des quatre mers, tout le monde fut reconnaissant à l’empereur Choen de ses actions méritoires.

Alors Yu mit en honneur la musique des neuf reprises[219] ; il fit accourir les êtres étranges[220] ; le phénix mâle et le phénix femelle vinrent en volant[221].

Les vertus éclatantes dans l’empire commencèrent toutes au temps de l’empereur Choen[222].

A l’âge de vingt ans, Choen fut renommé pour sa piété filiale ; quand il eut trente ans, Yao le mit en charge ; quand il eut cinquante ans, il exerça par procuration le gouvernement qui appartient au Fils du ciel ; quand il eut cinquante-huit ans, Yao mourut ; quand il eut soixante-un ans[223], il remplaça Yao et prit la dignité impériale. Trente-neuf ans[224] après avoir pris la dignité impériale, il alla dans le sud inspecter les fiefs ; il mourut dans la campagne de Ts’ang-ou et fut enterré sur (la montagne) Kieou-i[225], au sud du Kiang ; c’est le lieu appelé la sépulture Ling[226]. Quand Choen eut assumé la dignité impériale, il prit avec lui l’étendard de Fils du ciel et alla rendre hommage à son père Kou-seou ; il fut plein de déférence et se montra très respectueux, observant la conduite qui convient à un fils. Il donna un fief à son frère cadet, Siang, et le nomma seigneur[227].

Le fils de Choen, Chang-kiun, lui aussi[228], était indigne ; c’est pourquoi (Choen) présenta d’avance Yu au Ciel[229] ; dix-sept ans après, il mourut. Quand le deuil de trois ans fut terminé, Yu, lui aussi, se retira devant le fils de Choen, comme Choen s’était retiré devant le fils de Yao ; les seigneurs se réunirent autour de lui et c’est après cela que Yu prit la dignité impériale. Le fils de Yao, Tan-tchou, et le fils de Choen, Chang-kiun, eurent tous deux un domaine déterminé pour y accomplir les sacrifices à leurs ancêtres[230] ; ils portaient leurs vêtements ; leurs rites et leur musique étaient conservés dans leur intégrité ; lorsqu’ils rendaient visite au Fils du ciel, c’était en qualité d’hôtes[231] ; le Fils du ciel ne les traitait pas en sujets, montrant ainsi qu’il ne se permettait pas d’agir de sa propre autorité[232].

Depuis Hoang-ti jusqu’à Choen et Yu, tous (les empereurs) eurent le même nom de famille ; mais ils se distinguèrent par les noms de leurs principautés, afin de mettre en lumière leur illustre vertu[233]. Ainsi, Hoang-ti fut Yeou-hiong[234] ; l’empereur Tchoan-hiu fut Kao-yang ; l’empereur K’ou fut Kao-sin ; l’empereur Yao fut T’ao-t’ang ; l’empereur Choen fut Yeou-yu[235] ; l’empereur Yu fut Hia-heou[236], mais il eut un autre nom de famille qui fut Se ; Sié fut Chang et eut pour nom de famille Tse ; K’i fut Tcheou et eut pour nom de famille Ki[237]. Ω Le duc grand astrologue dit : Ceux qui ont étudié disent pour la plupart que les cinq empereurs sont la haute antiquité[238]. Or le Chang chou ne traite que de Yao et de ceux qui vinrent après lui ; d’autre part, les écrivains divers[239] qui ont parlé de Hoang-ti font des récits qui ne sont pas exacts ; les maitres officiels[240] répugnent à en parler. Ce qui nous vient de K’ong-tse, à savoir les « Questions de Tsai Yu sur les vertus des cinq empereurs » et la « Suite des familles des empereurs »[241], certains lettrés ne l’enseignent point. Ω Pour moi, j’ai été à l’ouest jusqu’au Kong-t’ong[242] ; au nord, j’ai passé le Tchouo-Lou ; à l’est, je me suis avancé jusqu’à la mer ; au sud, j’ai navigué sur le Kiang et sur le Hoai[243] ; lorsque je m’adressais aux notables et aux vieillards, tous, pris chacun à part, me parlaient communément des localités où se trouvèrent Hoang-ti, Yao et Choen ; leurs traditions et leurs notions étaient certes fort diverses ; d’une manière générale celles qui ne s’écartent pas des anciens textes sont les plus proches de la vérité. J’ai examiné le Tch’oen ts’ieou et le Kouo yu[244] ; ils font voir clairement que « les Vertus des cinq empereurs » et la « Suite des familles des empereurs » sont (des textes) canoniques. En réfléchissant, à moins que l’examen auquel on se livre ne soit pas approfondi, on reconnaîtra que tout ce qu’ils exposent n’est point vide de sens. Le Chou (king) est incomplet et a des lacunes ; mais ce qu’il omet peut se trouver parfois dans d’autres récits. Si un homme de forte instruction n’y pense pas profondément et si son intelligence ne comprend pas leurs idées[245], il sera certes difficile que ce soit raconté par des gens aux vues superficielles et aux connaissances bornées. J’ai mis l’ordre dans tout cela ; j’ai choisi ce qu’il y avait de plus exact dans ces dires et c’est ainsi que j’ai composé les Annales fondamentales qui ouvrent mon livre.

  1. Les cinq empereurs correspondant aux cinq éléments sont, dans le système de Se-ma Ts’ien : Hoang-ti (terre) ; Tchoan-hiu (bois) ; K’ou (métal) ; Yao (feu) ; Choen (eau).
  2. Hoang-ti signifie l’empereur jaune ; le jaune est en effet la couleur qui correspond à l’élément terre. — On verra plus loin dans ce même chapitre que Hoang-ti est appelé quelquefois l’empereur Hong et quelquefois Yeou Hiong-che.
  3. Chao-tien est donné par Se-ma Tcheng comme étant aussi le père de Yen-ti Chen-nong. Si l’on s’en tient au texte du Kouo yu cité dans la note 00.141, Chen-nong et Hoang-ti seraient donc frères. Mais, d’après Se-ma Tcheng, Chen-nong et Hoang-ti sont distants l’un de l’autre de cinq cents années environ ; il faut donc admettre que Chao-tien n’est pas le nom d’un homme, mais celui d’un État dont les princes engendrèrent à des époques très différentes Chen-nong puis Hoang-ti ; Se-ma Tcheng confirme son dire en citant une phrase des Annales principales des Ts’in (Mém. hist., ch. V, p. 1 v°) d’après laquelle un ancêtre des Ts’in aurait épousé une fille de Chao-tien ; comme cet ancêtre des Ts’in vivait longtemps après Hoang-ti, le Chao-tien dont il est ici question ne peut donc être que le nom d’un État. — En réalité l’hypothèse de Se-ma Tcheng n’est qu’un expédient subtil pour concilier les incohérences des anciennes légendes.
  4. Se-ma Ts’ien dit que le nom de clan de Hoang-ti était Kong-suen ; mais nous avons fait remarquer que cet auteur méconnaît l’antique distinction des noms de clan et des noms de famille (cf. p: 1, note 3).
  5. Le T’ong kien kang mou (ts’ien pien, chap. a, p. 10 r°) dit : « Une concubine du prince du royaume de Chao-tien, nommée Fou pao, fut émue en voyant la lueur d’un éclair entourer la Grande Ourse et conçut ; elle enfanta l’empereur sur la colline de Hien-yuen ; c’est pourquoi son nom personnel fut Hien-yuen. — D’après le T’ong hien tsi lan (ch. I, p. 5 r°), Hien-yuen se trouvait dans la sous-préfecture actuelle de Sin-tcheng, préfecture de K’ai-fong, province de Ho-nan : D’après le Choei king tchou che (chap. XVII, p. 10 v°), Hien yuen était le nom d’une gorge de montagne dans la préfecture secondaire de Ts’in, province de Kan-sou. — Une autre interprétation que rapporte le Lu li tche, du Ts’ien Han chou (chap. XXI b, p. 15 r°) considère Hien-yuen comme un surnom qui fut donné à Hoang-ti parce qu’il inventa les vêtements longs (yuen) et le chapeau en forme de char (hien). — Cf. le P. L. Gaillard, Croix et swastika, p. 264-268.
  6. On appelle [], proprement : faible, tendre, l’enfant qui n’a pas encore soixante-dix jours.
  7. Lorsque l’homme prend à vingt ans le bonnet viril, on l’appelle homme fait.
  8. Chen-nong ou Yen-ti est le dernier des trois souverains d’après Se-ma Tcheng. Voyez plus haut, p. 12 et suiv.
  9. Ce passage donne à entendre que Se-ma Ts’ien, d’accord avec le Kouo yu (cf. n. 00.141), considère Chen-nong et Hoang-ti comme contemporains. Chen-nong, frère de Hien-yuen, était empereur ; ses parents et ses enfants qui étaient des seigneurs n’obéissaient pas à ses ordres ; Hien-yuen se chargea de les ramener au devoir. Plus tard cependant, Chen-nong fut injuste envers les seigneurs ; alors Hien-yuen le combattit, lui enleva le pouvoir et devint lui-même empereur sous le nom de Hoang-ti.
  10. Dans les Rites de Tai l’aîné, au chapitre de l’Emploi des soldats (Ta Tai li, section 75), on lit que « Tch’e-yeou fut un ambitieux sorti du peuple. » Ce texte a une certaine autorité aux yeux des critiques chinois parce que le chapitre d’où il est extrait fut, dit-on, écrit par Confucius pour répondre aux questions du duc Ngai de Lou. Cependant, d’après le texte de Se-ma Ts’ien, il semble que Tch’e-yeou n’était pas un homme vulgaire, mais un seigneur. — Tchang Cheou-kié, citant un livre intitulé Long yu ho t’ou, dit : « Quand Hoang-ti était régent de l’empire, il y avait quatre-vingt un frères appelés Tch’e-yeou ; ils avaient tous des corps de bêtes et des voix humaines, des têtes de cuivre et des fronts de fer ; ils mangeaient du sable ; ils fabriquèrent les cinq sortes d’armes de guerre, des glaives, des lances et de grandes arbalètes ; ils terrorisaient le monde ; ils massacraient et tuaient sans raison. Les dix mille familles donnèrent avec respect à Hoang-ti le mandat de remplir la tâche du Fils du ciel. Hoang-ti ne parvint pas à réprimer Tch’e-yeou par la bonté et la justice ; alors il leva les yeux au ciel et soupira. Le ciel envoya une femme sombre qui descendit et vint donner à Hoang-ti un écrit scellé sur la guerre ; il subjugua Tch’e-yeou. Dans la suite, l’empire fut de nouveau troublé ; Hoang-ti dessina alors l’image de Tch’e-yeou pour effrayer l’empire ; tous dirent que Tch’e-yeou n’était pas mort et que dans les huit directions tout allait être détruit. On voit dans cette légende que le premier écrit sur l’art de la guerre passe pour avoir été communiqué d’une manière surnaturelle à Hoang-ti.
  11. Les cinq influences sont celles des cinq éléments primordiaux.
  12. D’après Tcheng Hiuen les cinq semences sont celles des cinq céréales, à savoir : le millet glutineux (Panicum miliaceum), le millet commun (Panicum miliaceum, autre variété), une sorte de haricot (Soja hispida), le blé et l’orge, le riz (cf. Breischneider, Botanicon sinicum, n° 335).
  13. Ce passage rappelle les beaux vers où Lucrèce nous représente les anciens cherchant à employer dans les combats des animaux furieux (De natura rerum, chant V, vers 1307 et suiv.) Tentarunt etiam tauros in moenere belli, Expertique sues saevos sunt mittere in hostes ; Et validos Parthi prae se misere leones Cum ductoribus armatis saevisque magistris, Qui moderarier hos possent vinclisque tenere... Le fonctionnaire qui, à la cour des anciens souverains chinois, avait la charge de ces animaux de combat, s’appelait le fou pou-che, c’est-à-dire celui qui soumet ceux qui ne sont pas soumis. Il est mentionné dans le Tcheou li chap. XXVIII et XXX, trad. Biot, t. II, p. 147 et 209). — Il n’y a pas lieu de prendre en considération l’explication trop ingénieuse de Tchang Cheou-kié d’après qui ces noms de bêtes féroces étaient les appellations que Hoang-ti donnait à ses soldats pour effrayer l’ennemi (cf. aujourd’hui encore les soldats appelés tigres).
  14. Les Rites de Tai l’aîné écrivent « l’empereur rouge » au lieu de Yen-ti. Ce souverain régnait en effet par la vertu du feu, élément auquel correspond la couleur rouge.
  15. Pan-k’iuen, c’est-à-dire la source de la montagne Pan, se trouvait à peu de distance (1 li suivant les uns, 5 li suivant les autres) de Tchouo-lou qui fut la capitale de Hoang-ti. Tchouo-lou était situé au sud de la préfecture secondaire de Pao-ngan, préfecture de Siuen-hoa, province de Tche-li. Pao-ngan se trouve en dehors de la première grande muraille au bord d’un des cours d’eau dont la réunion constitue le Yong-ting-ho. — La bataille que Hoang-ti livra dans la plaine de Pan-k’iuen était célèbre avant le temps de Se-ma Ts’ien car il y est fait allusion dans le Tso tchoan (cité dans le T’ong kien tsi lan, chap. I, p. 5 r°) ; ainsi, quoique le Chou king et le Che king ne fassent pas mention de Hoang-ti, les légendes relatives à ce souverain sont anciennes.
  16. Voyez la note précédente.
  17. La montagne Hoan était située dans la sous-préfecture actuelle de Lin-k’iu, préfecture de Ts’ing-tcheou, province de Chan-tong. D’après la géographie Kouo ti tche, elle s’appelait aussi la montagne Tan, et donnait naissance à la rivière Tan.
  18. Le Tai-tsong est la cime orientale du T’ai-chan, dans la préfecture secondaire de T’ai-ngan, province de Chan-tong.
  19. Il existe deux montagnes appelées K’ong-t’ong dans la province de Kan-sou ; l’une est située à l’est de cette provinee, dans la préfecture de P’ing-Leang ; l’autre est située beaucoup plus à l’ouest, dans la préfecture secondaire de Sou non loin de la célèbre passe appelée Kia-yu-koan. Toutes deux passent pour avoir reçu la visite de Hoang-ti. Parmi les légendes taoïstes qui se sont accumulées autour du nom de Hoang-ti, il en est une d’après laquelle ce souverain aurait reçu du sage Koang-tch’eng-tse les enseignements taoïstes sur la montagne K’ong-t’ong : on lira le récit de l’entrevue de Hoang-ti et de Koang-tch’eng-tse dans quelques belles pages de Tchoang-tse (chap. XI ; cf. trad. Legge, Sacred Books of the East, t. XXXIX, p. 297-300).
  20. Le mont Ki-t’eou, dont le nom signifie tête de coq, paraît être une des cimes du massif appelé K’ong-t’ong ; c’est du mont Ki-t’eou que sort la rivière King mentionnée dans le Tribut de Yu (voyez plus loin Annales fondamentales des Hia).
  21. Le Kiang est le Yang-tse-Kiang. — Plusieurs montagnes en Chine portent le nom de Hiong ou Hiong-eul (proprement : oreilles d’ours). D’après les indications que nous donne le Kouo ti tche, celle dont il est ici question devrait se trouver à l’est de la préfecture secondaire de Chang, province de Chàn-si. Mais le contexte semble cependant indiquer que cette montagne devait se trouver beaucoup plus dans le sud. — Quant à la montagne Siang, elle était dans la sous-préfecture actuelle de Pa-ling, préfecture de Yo-tcheou, province de Hou-nan ; une devait donc être située sur la rive orientale du lac Tong-t’ing.
  22. Les Hiun-yu étaient les nomades qui habitaient les plaines de la Mongolie actuelle. D’après Se-ma Tcheng, on les appelait, au temps de Yao et de Choen, les Jong des montagnes ou les Hiun-yu ; au temps des Hia, les Choen-wei (au début du CXe chapitre des Mémoires historiques, Choen-wei est donné par Se-ma Ts’ien comme le premier ancêtre des Hiong-nou) ; au temps des Yn, leur pays était désigné sous le nom de Koei-fang ; au temps des Tcheou, on les appelait les Hien-yun ; au temps des Han, les Hiong-nou. — Ces nomades étaient sans doute connus des Chinois sous le nom de celle de leurs tribus qui avait la suprématie et lorsque cette suprématie passait d’une tribu à une autre, le nom par lequel on les désignait tous changeait aussi.
  23. La montagne Fou était située dans le voisinage immédiat de Tchouo-lou (cf. n. 117). — La vérification des insignes consistait à réclamer à tous les vassaux la tablette qui leur conférait l’investiture et à constater que cette tablette se raccordait exactement avec une autre dont elle n’était qu’un morceau détaché. On verra plus loin que l’empereur Yu passe pour avoir pris une mesure analogue à l’égard des seigneurs. — S’il faut en croire un passage du T’ong ming ki de Kouo Hien (auteur du 1er siècle de notre ère ; son opuscule est réimprimé dans le Han wei ts’ong chou, mais je n’ai pas pu y trouver le texte que cite ici Se-ma Tcheng), on devrait donner à cette phrase un tout autre sens : la montagne Fou serait une montagne merveilleuse située dans la mer orientale ; elle émettait une vapeur qui changeait de couleur suivant le souverain qui était appelé à régner ; elle était rouge pour Yao qui régnait par la vertu du feu ; elle était jaune pour Hoang-ti. La phrase de Se-ma Ts’ien signifierait donc que Hoang-ti se rendit sur la montagne Fou afin de vérifier que la vapeur magique était bien de la couleur çorrespondant à l’élément terre.
  24. Cf. n. 117. Tchouo-lou est ici le nom d’une montagne.
  25. Cette phrase semble témoigner d’un ancien État nomade.
  26. Cf. n. 00.118.
  27. L’achillée est la plante dont les tiges servent à la divination. Il est assez difficile de voir quelle relation il y avait entre le trépied et l’achillée qui sont toujours mentionnés simultanément dans les légendes de Hoang-ti. Sur les travaux attribués à Hoang-ti relativement au calendrier, voyez dans le Traité sur les cérémonies fong et chan, les discours tenus par Kong-suen King à l’empereur Ou (cf. ma première trad. de ce traité, p. 66). — Une tradition rapportée par le Che pen dit : « Hoang-ti, ayant reçu l’achillée magique, ordonna à Ta-nao de faire le cycle sexagénaire, et à Jong-tch’eng à de dresser le calendrier.
  28. Les noms de Fong-heou et de Li-mou ont donné lieu à une légende que Hoang-fou Mi rapporte dans son Ti wang che ki : Hoang-ti aurait vu en rêve un grand vent qui balayait toute la poussière, puis un homme qui tenait un arc énorme et gardait des brebis ; il en conclut que le ciel lui désignait ainsi les noms de ceux qu’il devait prendre pour conseillers ; en effet vent se dit fong — et poussière se dit keou ; en retranchant de ce dernier caractère la clef qui se trouve à gauche, on obtient exactement le nom de Fong-heou ; d’autre part, l’arc énorme suggère l’idée de force, li, et le fait de garder les moutons suggère l’idée de berger, mou ; on obtient ainsi le nom de Li-mou. Hoang-ti n’eut pas de cesse qu’il n’eût trouvé deux hommes répondant à ces noms. — Nous ne savons rien sur Tch’ang-sien ; quant à Ta-hong, le Traité sur les cérémonies fong et chan nous apprend que c’était le surnom d’un certain Koei-yu-kiu (cf. ma première trad. de ce traité, p. 68). S’il fallait indiquer l’origine de ces légendes, nous ferions volontiers l’hypothèse qu’elles ont dû naître du désir d’expliquer les titres de certains ouvrages d’une haute antiquité que la croyance populaire rat tachait au cycle littéraire de Hoang-ti. Ainsi, dans le XXXe chapitre du livre des Han antérieurs, nous voyons cités les treize chapitres du Fong heou, les quinze chapitres du Li mou, les trois chapitres du Koei yu kiu. Le sens de ces titres étant perdu, on imagina d’y voir des noms propres et, pour rendre compte du rapport qui existait entre ces livres et Hoang-ti, on crut que ces noms propres désignaient des officiers de ce souverain
  29. La terre et le ciel, l’obscur et le clair, la mort et la vie, le trouble et le calme sont des séries de termes antithétiques qui dérivent de la grande opposition primitive des principes yn et yang.
  30. Le mot tch’en désigne les syzygies de conjonction. Les syzygies de conjonction ont une grande importance dans le calendrier chinois, car elles sont prises comme point de départ dans le calcul des lunaisons. Le premier jour de la lunaison est le jour de la syzygie de conjonction.
  31. Il indiqua les lieux où il fallait construire des digues et ceux où il fallait laisser s’échapper l’eau des fleuves ; il détermina les endroits qu’on devait défricher par le feu et ceux où on devait s’en abstenir. Tel est le sens que Tchang Cheou-kié voit dans la phrase : « Il régla l’usage de l’eau et du feu. »
  32. Ce présage fut l’apparition d’un dragon de couleur jaune ; nous avons vu que le nom de Hoang-ti signifie l’empereur jaune.
  33. Le Kouo yu (chap. X, p. 10 r°) dit aussi : « Hoang-ti eut vingt-cinq fils qui fondèrent des familles ; ceux qui eurent des noms de clans furent au nombre de quatorze répartis entre douze clans qui sont ceux de Ki, Yeou, K’i, Ki, T’eng, Tchen, Jen, Siun, Li, Ki, Tsiuen, I. Mais il est assez malaisé d’établir, d’après le Kouo yu, quels sont les quatre fils qui n’ont que deux noms de clans ; en effet le Kouo yu dit d’une part que Ts’ing-yang (celui qui fut empereur sous le nom de Chao-hao) et I-kou eurent tous deux pour nom de clan Ki, et d’autre part il dit que ce même Ts’ing-yang et Ts’ang-lin eurent tous deux pour nom de clan Ki. Ces deux assertions sont contradictoires. Se-ma Tcheng suppose que dans la seconde il faut remplacer Ts’ing-yang par Hiuen-hiao (le grand-père de l’empereur K’ou), et dire que Hiuen-hiao et Ts’ang-lin eurent tous deux pour nom de famille Ki. Il est vrai que l’explication de Se-ma Tcheng n’est admissible que si l’on accepte, comme lui, la théorie de Hoang-fou Mi suivant laquelle Hiuen-hiao et Ts’ing-yang sont deux personnages différents ; d’après Se-ma Ts’ien, ces deux noms s’appliquent à un seul et même homme, comme on va le lire quelques lignes plus bas.
  34. Cf. n. 106.
  35. Tchang Cheou-kié : Si-ling est le nom d’un royaume.
  36. Lei-tsou passe pour avoir enseigné au peuple l’art d’élever les vers à soie. On remarquera que Se-ma Ts’ien omet les légendes qui rapportent l’invention de tous les arts à l’époque de Hoang-ti.
  37. D’après Se-ma Tcheng, Hoang-ti, pour imiter les quatre étoiles appelées les Concubines impériales, prit quatre femmes. Hoang-fou Mi donne leurs noms : § la première était originaire de Si-ling et s’appelait Lei-tsou ; elle enfanta Tch’ang-i ; § la seconde était originaire de Fang-lei et s’appelait Niu-kié ; elle enfanta Ts’ing-yang ; § la troisième était originaire de T’ong-yu et enfanta I-kou qui s’appelle aussi Ts’ang-lin ; § la quatrième était Mo-mou. Cette tradition diffère de celle qui est adoptée par Se-ma Ts’ien, puisque celui-ci nous dit que Lei-tsou enfanta Tch’ang-i et Ts’ing-yang. Elle diffère aussi de celle du Kouo yu suivant lequel I-kou et Ts’ang-lin sont deux personnages différents, et de celle de Pan Kou qui, dans le chapitre Kou kin jen piao du livre des Han antérieurs, dit que T’ong-yu enfanta I-kou et que Mo-mou enfanta Ts’ang-lin.
  38. On verra plus loin que Tch’ang-i fut le père de l’empereur Tchoan-hiu et que Ts’ing-yang fut le grand-père de l’empereur K’ou. — D’après Hoang-fou Mi, Ts’ing-yang exerça lui-même le pouvoir souverain et fut appelé l’empereur Chao-hao (cf. n. 00.102). Mais Se-ma Ts’ien ne parle pas de cet empereur dans le premier chapitre de son histoire, quoiqu’il en rappelle le nom dans divers autres endroits (cf. Traité sur les sacrifices fong et chan)
  39. Se-ma Tcheng, se fondant sur un passage du Choei king, pense que la rivière Kiang n’est autre que la rivière Lou-Kiang, cours d’eau qui se trouve dans la province de Se-tch’oan. D’après Tchang Cheou-kié, la rivière Kiang arrosait l’ancien État de Kiang qui était situé dans la préfecture secondaire de Yu, province de Ho-nan.
  40. Le Choei king tchou che (ch. XXXVI, p. 4 r°) rapporte la même légende. D’après la description que le Choei king donne de la rivière Jo, ce cours d’eau aurait passé par la préfecture de Ning-yuen, province de Se-tch’oan ; or la rivière qui arrose cette ville se réunit plus au sud, dans le territoire de la préfecture secondaire de Hoei-li, au Yang-tse ; mais on sait que les géographes chinois regardent la rivière Min, comme étant le cours principal du Yang-tse ; c’est ce qui explique pourquoi le Choei king considère comme faisant aussi partie de la rivière Jo toute la section du fleuve appelé encore Yang-tse par les géographes européens, entre la préfecture secondaire de Hoei-li et la préfecture de Siu-tcheou. — Tch’ang-i, fils de Hoang-ti, est tenu pour le premier ancêtre des princes de Chou.
  41. Dans d’autres textes, cette femme est appelée Niu-tch’ou.
  42. Hoang-fou Mi dit que Hoang-ti mourut à l’âge de cent onze ans, après avoir régné cent ans. C’est aussi la durée que les chronologies vulgaires assignent au règne de Hoang-ti. D’après les indications que donne la géographie Kouo ti tche, la tombe de Hoang-ti serait située dans la sous-préfecture actuelle de Tchen-ning, préfecture de K’ing-yang, province de Kan-sou. — Tchen-ning se trouve sur un petit affluent de gauche de la rivière Wei. — D’après un autre texte, la montagne Kiao serait située plus au nord-est, dans la sous-préfecture de Ngan-ting, préfecture de Yen-ngan, province de Chàn-si.
  43. La traduction que nous donnons de cette phrase est conforme au commentaire de Se-ma Tcheng. — D’après Tchang Cheou-kié, l’expression koei chen désignerait, non les âmes des morts, mais les dieux des montagnes et des cours d’eau.
  44. Tchang Cheou-kié : c’est l’arrondissement de Yeou. — L’arrondissement qui portait ce nom à l’époque des T’ang se trouvait au sud-est de Péking.
  45. Le Kiao-tche correspond au Tonkin actuel. — Le nom de Kiao-tche est écrit parfois [] ; avec cette dernière orthographe, il signifie « doigts du pied croisés ». D’après un auteur annamite cité par M. des Michels (Du sens des mots « Giao-chi » dans le Recueil de textes et de trad. pub. par l’École des langues orientales en 1889, p. 293-297), « le gros doigt du pied chez les Giao-chi était largement écarté. Lorsqu’ils se tenaient debout en rapprochant leurs deux pieds l’un contre l’autre, les deux orteils se croisaient. Cette fable est répétée à satiété par les commentateurs chinois. Mais M. des Michels fait remarquer avec raison que les Annamites ne présentent point cette particularité physiologique ; il revient donc à la première orthographe et explique Kiao-tche comme signifiant « le point où les zones frontières des deux pays se joignent ». Cependant on pourra objecter que, si le sens de Kiao-tche est si simple, il est bien surprenant que les Chinois eux-mêmes ne l’aient pas aperçu et qu’ils aient eu recours, pour expliquer cette expression, à la légende des orteils écartés. C’est pourquoi certains auteurs ont pensé que Kiao-tche n’avait aucun sens et n’était qu’une transcription phonétique d’un nom indigène dont on pourrait peut-être retrouver la trace dans la Cattigara de Ptolémée et dans le nom de Kesho qui désignait récemment encore Hanoï (Richthofen, China, t. I, p. 510, n. 2). — Pour ma part, considérant que le Kiao-tche est appelé Nan-kiao = le Kiao du sud, dans le Chou king, je serais disposé à voir dans le mot kiao seul une transcription phonétique et à prendre le mot tche dans son sens ordinaire de « pays au pied d’une montagne » ; ainsi le Tonkin serait appelé soit le Kiao du sud, soit le pays de Kiao qui est au pied des montagnes. — On remarquera que les limites de l’empire de Tchoan-hiu sont portées beaucoup plus au sud que celles de l’empire de Hoang-ti (cf. p. 29 et 30) ; il est évident d’ailleurs que la légende ne repose ici sur aucun fondement réel.
  46. Le Leou-cha ou « sables mouvants » est le nom que prend le désert de Gobi en dehors de la passe appelée Kia-yu-koan.
  47. Le Hai wai king (partie du Chan hai king), cité par P’ei Yn, dit : « Dans la mer orientale on trouve une montagne qui s’appelle Tou-souo. Sur cette montagne est un grand pêcher (l’arbre P’an-mou dont il est ici parlé) qui a trois mille li de circonférence. Au nord-est est une porte qui s’appelle la porte des génies ; c’est là que se rassemblent les dix mille génies. L’empereur du ciel en a confié la garde aux hommes divins ; l’un de ceux-ci s’appelle Yu-tié ; ils passent en revue et gouvernent les dix mille génies. Si un génie fait du mal aux hommes, ils l’enchaînent avec des liens de roseau, tirent sur lui avec des arcs faits en bois de pêcher et le jettent en pâture au tigre. — Yu-tié a pour compagnon T’ou-yu. Ces deux personnages sont considérés aujourd’hui comme les divinités protectrices des portes (cf. China Review, vol. IX, p. 20 ; de Groot, Les fêtes annuelles à Emoui, trad. française, p. 597 et suiv.).
  48. Le Che pen appelle ce personnage K’iong-che  ; dans le système chronologique de Se-ma Ts’ien, ce fut l’ancêtre de l’empereur Choen.
  49. Hoang-fou Mi dit que Tchoan-hiu mourut à l’âge de quatre-vingt-dix-huit ans, après avoir régné soixante-dix-huit années. — On montre la tombe de Tchoan-hiu au nord-est de la sous-préfecture de Hoa, préfecture de Wei-hoei, province de Ho-nan (T’ong kien tsi lan, ch. I, p. 12 r°).
  50. D’après Tchang Yen, Kao-yang et Kao-sin sont les noms des localités où fleurirent les empereurs Tchoan-hiu et K’ou. — La ville de Kao-yang était située dans la sous-préfecture de K’i , préfecture de K’ai-fong, province de Ho-nan ; le village de Kao-sin se trouve dans la sous-préfecture de Chang-k’ieou, préfecture de Koei , province de Ho-nan (T’ong kien tsi lan, ch. I, p. 11 r° et 12 r°). — D’après Hoang-fou Mi, le nom personnel de l’empereur K’ou était Ts’iun.
  51. Hoang-fou Mi : Il établit sa capitale à Po. — Cette ville passe aussi pour avoir été la capitale de T’ang, fondateur de la dynastie des Yn ; c’est aujourd’hui la ville de Yen-che, préfecture de Ho-nan, province de Ho-nan.
  52. Le mot « neveu » ne rend pas exactement l’expression chinoise. Kao-sin était, à parler exactement, le fils du cousin germain de Tchoan-hiu.
  53. C’est-à-dire qu’il établit un calendrier pour prévoir l’apparition et la disparition du soleil et de la lune.
  54. Tchang Cheou-kié : les esprits du ciel s’appellent chen : les esprits des hommes s’appellent koei. — Les puissances surnaturelles que vénérait l’empereur K’ou étaient donc les dieux célestes et les génies ou âmes des morts.
  55. (162. ) Le Che pen (Ti hi pien, ch. IV dans l’édition du Tchang che ts’ong chou, p. 7 v°) dit : « L’empereur K’ou tira les sorts au sujet des fils de ses quatre femmes et reconnut qu’ils seraient tous empereurs. Sa première femme était une fille de la famille des princes de T’ai et s’appelait Kiang-yuen elle enfanta Heou-tsi (c’est l’ancêtre de la dynastie Tcheou). Sa seconde femme était une fille de la famille des princes de Song et s’appelait Kien-ti ; elle enfanta Sié c’est l’ancêtre de la dynastie Chang). Sa troisième femme était une fille de la famille Tch’en-fong et s’appelait K’ing-tou ; elle enfanta l’empereur Yao. Sa quatrième femme était une fille de la famille Tsiu-tse et s’appelait Tch’ang-i : elle enfanta Tche.
  56. Tchang Cheou-kié : Le nom de Fang-hiun signifie : (celui qui sait) imiter la gloire (de ses ancêtres). — La plupart des commentateurs admettent que ce fut le nom personnel de Yao.
  57. L’empereur Tche n’a trouvé place dans aucun système chronologique ; on voit que Se-ma Ts’ien le mentionne mais sans le compter au nombre des cinq empereurs ; il en est de même du T’ong kien kan mou et du T’ong kien tsi lan qui lui attribuent neuf ans de règne, mais ne le font pas rentrer dans leur liste de souverains ; enfin le Tchou chou ki nien identifie Tche avec Chao-hao et le place immédiatement après Hoang-ti ; mais ces Annales n’assignent aucune durée au règne de ce souverain et par conséquent leur série de cinq empereurs reste identique au fond à celle de Se-ma Ts’ien.
  58. Le Hoang lan dit que la tombe de l’empereur K’ou se trouvait au sud de Toen-k’ieou ; Toen-k’ieou était au sud-ouest de la sous-préfecture de Ts’ing-fong, préfecture de Ta-ming, province de Tche-li. — Le Hoang lan est le titre d’un livre qui traitait des sépultures des souverains ; il fut composé au temps de la dynastie Wei (220-264) par Wang Siang et Mieou Si (Che t’ong t’ong che, chap. V, p. 4 v°).
  59. Yao est un titre posthume qui signifie : soutenir le bien et répandre la sainteté. — On trouve souvent aussi Yao désigné par les noms de T’ang ou de T’ao Tang ; Hoang-fou l’explique en disant que, sous le règne de l’empereur Tche, Yao fut nommé seigneur du pays de T’ang ; il avait été auparavant seigneur du pays de T’ao. T’ao correspond à la sous-préfecture actuelle de Ting-t’ao, préfecture de Ts’ao-tcheou, province de Chan-tong. T’ang est aujourd’hui la sous-préfecture de même nom, préfecture de Pao-ting, province de Tche-li. — Le nom de clan de Yao était Ki. Mais, grâce à la confusion qui s’est établie entre les noms de clan et les noms de famille (cf. n. 00.103), certains auteurs, tels que Hoang-fou Mi, disent que le nom de clan de Yao fut le nom de famille I-k’i. I est expliqué comme le nom du lieu où la mère de Yao l’enfanta ; c’est aujourd’hui la sous-préfecture de I-yang, préfecture de Jou-tcheou, province de Ho-nan.
  60. De près il était comme le soleil qui réchauffe tout de son ar deur bienfaisante ; de loin il était comme les nuées qui couvrent le ciel et répandent une pluie fertilisante.
  61. Le mot [] désigne, dans l’acception où il est pris ici, une sorte de bonnet qui fut en usage jusque sous la dynastie des Hia.
  62. Le mot [] est remplacé dans le texte du Chou king par le mot [] et la phrase doit être alors traduite : il savait mettre en lumière les hommes capables et vertueux.
  63. Les neuf degrés de parenté comprennent tous les parents par agnation depuis le trisaïeul jusqu’à l’arrière-arrière-petit-fils. Une autre interprétation veut introduire dans les neuf degrés des parentés collatérales et des parentés par les femmes ; mais la première opinion est la plus généralement adoptée.
  64. Le mot [] employé ici par Se-ma Ts’ien dans le Chou king ; mais ces deux caractères sont tous deux pris par abus pour représenter un ancien caractère inusité dont le sens est [] = distinguer, séparer (Chang chou heou ngan, dans H. T. K. K., chap. CCCCIV, p. 4 v°).
  65. C’est sur l’autorité de K’ong Ngan-kouo que nous traduisons [] comme signifiant les cent fonctionnaires.
  66. Nous signalons ici (à partir des mots « par l’amour qu’il eut... » jusqu’aux mots « éclairés et intelligents ») un fragment en vers dans le texte du Yao tien. Les deux premiers vers ont pour rimes [] et [] qui, dans la théorie de Toan Yu-ts’ai, sont au jou cheng de la troisième catégorie (H. T. K. K., ch. DCLX, p. 4 v°) ; les deux derniers vers ont pour rimes [] et [] qui sont au p’ing cheng de la onzième catégorie (loc. cit., p. 11 r°). — Les deux phrases qui suivent dans le texte du Chou king forment aussi deux vers qui ont pour rimes [] et [] au p’ing cheng de la huitième catégorie ; mais elles ont été modifiées dans le texte de Se ma Ts’ien.
  67. Dans ce passage et les suivants, il va être question de six personnages : deux d’entre eux sont Hi et Ho ; les quatre autres sont deux frères cadets de Hi et deux frères cadets de Ho. Ces quatre derniers sont préposés aux quatre saisons, comme il ressort du texte même du Chou king. Quant aux deux premiers, ils avaient à s’occuper, s’il faut en croire Tcheng Hiuen, l’un du ciel, l’autre de la terre, c’est-à-dire l’un du principe yang et l’autre du principe yn, dont dépendent les quatre saisons ; une légende rapportait que l’empereur Kou avait préposé un certain Tchong au ciel et un certain Li à la terre ;’Tcheng Hiuen en conclut que Hi et Ho étaient les descendants de Tchong et de Li.
  68. Les Yu-i (=barbares Yu), ou la localité appelée Yu-i, devaient se trouver à l’extrémité de la presqu’île de Chan-tong. Le second des Hi présidait ainsi au côté de l’est et au printemps. Nous n’avons aucune raison d’adopter l’opinion qui placerait Yu-i dans le Leao-tong ou en Corée, car une telle position, suivant la judicieuse remarque de Wang Koang-lou, n’aurait pas été l’est, mais le nord-est.
  69. Proprement : les occupations de l’est.
  70. Le jour moyen du printemps est celui qui est également éloigné du jour le plus court de l’hiver et du jour le plus long de l’été ; c’est donc l’équinoxe du printemps.
  71. Le mot niao = oiseaux, désigne proprement une partie du firmament. Le ciel était divisé en quatre régions que symbolisaient quatre animaux : à l’est correspondait le dragon ; à l’ouest, le tigre ; au nord, la tortue et au sud l’oiseau (K. T. K. K., chap. CCCCIV, p. 10 r°). Sept des vingt-huit constellations zodiacales étaient comprises dans chacune de ces régions ; d’après K’ong Ngan-kouo, le milieu du printemps était marqué par le fait que les sept constellations du côté sud étaient visibles vers le soir. Cependant dans deux des paragraphes suivants, c’est une constellation et non un groupe de constellations dont la culmination sert à marquer les grandes époques de l’année ; on a donc cherché à déterminer quelle était la constellation particulière qui indiquait l’équinoxe du printemps ; voyez sur ce sujet Legge, Chinese Classics, t. III, p. 19.
  72. Le peuple sort des maisons où il s’était tenu renfermé durant l’hiver et il se répand dans les champs pour les labourer.
  73. Les animaux viennent d’avoir des petits et sont occupés à les nourrir. Le Chou king écrit, au lieu du mot wei=petit que nous trouvons dans Se-ma Ts’ien, le mot wei=queue ; si on adopte la leçon du Chou-king, il faut la considérer comme étant une image très grossière et traduire wei par « copuler ». C’est l’interprétation de M. Legge. Mais la leçon des Mémoires historiques ne demande pas qu’on force ainsi le sens d’un mot et paraît préférable ; elle est adoptée par la plupart des critiques chinois (H. T. K. K., chap. CCCXC, p. 13 v°).
  74. K’ong Ngan-kouo explique nan kiao comme le lieu où l’été et le printemps se touchent (kiao) ; mais le sud symbolise l’été seul et non le rapport de l’été et du printemps ; d’ailleurs les trois autres points cardinaux sont désignés par des noms de lieu ; c’est pourquoi Se-ma Tcheng considère nan kiao comme un nom de lieu et fait de kiao une abréviation de Kiao-tche. Nous avons dit plus haut (n. 150) que l’empire de Tchoan-hiu passait pour s’être étendu jusqu’au Kiao-tche, c’est-à-dire jusqu’au Tonkin actuel. — Le troisième des Hi réside dans le sud et préside à l’été. Tcheng K’ang tch’eng fait observer avec raison qu’après les mots nan kiao devaient se trouver les trois mots yue ming tou. Ce membre de phrase est nécessaire en effet pour rétablir le parallélisme qui est manifeste dans tout ce passage. § Le second des Hi demeure à l’est, dans le lieu appelée vallée du Soleil levant ; § Le second des Ho demeure à l’ouest, dans le lieu appelé vallée de l’Obscurité ; § Le troisième des Ho demeure au nord, dans le lieu appelé la Sombre Résidence ; Il faut donc une quatrième phrase ainsi conçue : § Le troisième des Hi demeure au sud, dans le lieu appelé la Claire Résidence.
  75. Se-ma Tcheng montre que la leçon du Chou king préconisée par K’ong Ngan-kouo est obscure et embarrassée. — D’une manière générale, si l’on veut bien se rapporter à ce que nous avons dit de la constitution du texte du Chou king dans notre introduction, on verra que nous n’avons aucune raison de préférer a priori le texte traditionnel du Chou king à celui que nous donne Se-ma Ts’ien, puisque Se-ma Ts’ien écrivit avant l’établissement de ce texte traditionnel.
  76. C’est en été que les semences plantées par les laboureurs atteignent leur entier développement. A côté de cette interprétation, il faut citer l’opinion de Tcheng K’ang-tch’eng qui croit voir dans cette phrase l’indication qu’on observait l’extrême limite atteinte par l’ombre de la tige du cadran solaire ; mais rien n’autorise une théorie aussi alambiquée.
  77. Le jour le plus long est le solstice d’été. — Il n’y a pas à proprement parler de constellation ho ; le mot ho signifie feu, et comme l’élément feu correspond au sud et par suite à l’été, on appelle constellations feu celles qui culminent au moment du solstice d’été ; on donne plus spécialement ce nom, parmi les sept constellations qui occupent la région du ciel symbolisée par le dragon, aux deux constellations centrales qui sont [] et [].
  78. En été, le peuple se répand en toujours plus grand nombre dans les champs ; même les enfants et les vieillards sortent des maisons.
  79. D’après Tcheng K’ang-tch’eng, le mot ne signifierait pas changer, mais aurait son sens propre de cuir, peau : les plumes et les poils se faisant rares, on voit la peau qui est dessous.
  80. L’équinoxe d’automne est indiqué par la nuit de longueur moyenne et l’équinoxe du printemps par le jour de longueur moyenne. Le printemps correspond en effet au principe yang que symbolise le jour, et l’automne correspond au principe yn que symbolise la nuit.
  81. Hiu occupe la place du centre parmi les sept constellations de la région du ciel symbolisée par la tortue. On donne souvent le nom de [] ou guerrier sombre à cette région du ciel ; en effet une légende rapportée par le Seou chen ki raconte que le roi des démons se changea en une tortue que vainquit l’empereur sombre, au temps de Tcheou, de la dynastie des Yn. Le nom du vainqueur est resté attaché à la région céleste que symbolise en réalité la tortue, comme on peut le voir sur toutes les représentations graphiques.
  82. Proprement : ont des plumes et des poils et renouvellent leurs plumes et leurs poils.
  83. La leçon [] = les êtres qui se cachent, se retrouve, nous dit Se-ma Tcheng, dans le grand commentaire de Fou Cheng ; Se-ma Ts’ien nous donne donc ici le texte moderne du Chou king (cf. H. T. K. K., chap. CCCXC, p. 17 v°). L’édition classique du Chou king présente la leçon [] = les changements de l’hiver.
  84. Le solstice d’hiver indique le milieu de l’hiver. A ce moment les sept constellations de la région du ciel symbolisée par le tigre sont visibles au firmament et c’est la constellation centrale, mao, qui culmine. — Les indications que nous donne ce texte sur les diverses constellations qui culminaient au ciel aux équinoxes et aux solstices peuvent donner la tentation de chercher à le dater en tenant compte de la loi de précession des équinoxes ; Medhurst et le Dr Legge croient pouvoir trouver par ce moyen une confirmation de la chronologie du T’ong kien kang mou qui place le règne de Yao de 2357 à 2255 avant J.-C. Mais M. S. M. Russell, professeur d’astronomie au T’ong-wen-koan à Péking, a repris la question dans un article intitulé : Discussion of astronomical records in ancient Chinese books (Journal of the Peking Oriental Society, vol. II, n° 3) ; il montre que les indications de ce texte sont trop vagues pour permettre des calculs précis, qu’elles coïncident en partie avec celles fournies par le Hia siao tcheng qui passe pour postérieur, enfin que la vague approximation à laquelle on pourrait arriver avec de telles données nous reporterait à une date postérieure de quelques siècles à celle de la chronologie ordinaire. Selon M. Russell, les étoiles mentionnées dans ce texte sont les suivantes : α de l’Hydre pour l’équinoxe du printemps, π du Scorpion pour le solstice d’été, β du Verseau pour l’équinoxe d’automne et η du Taureau pour le solstice d’hiver ; d’après les commentateurs chinois, ces observations étaient faites à 6 heures du soir.
  85. Ma Jong donne ce sens qui est tout à fait conforme à la signification du mot employé par Se-ma Ts’ien. D’après Tcheng K’ang-tch’eng, la leçon du Chou king serait [] et signifierait l’intérieur d’une chambre.
  86. Les commentateurs ont accumulé autour de ce passage toute leur science astronomique. Il nous suffit de n’y voir que ce qui s’y trouve exprimé, à savoir que, dès l’époque très reculée à laquelle remonte ce texte, les Chinois avaient évalué la durée de l’année avec une assez grande approximation, puisqu’ils l’estimaient à 366 jours, en second lieu qu’ils avaient recours à l’artifice des mois intercalaires pour rétablir l’accord entre l’année solaire et le calendrier lunaire. — Le Chou king met ce paragraphe dans la bouche de Yao s’adressant à Hi et à Ho ; il nous semble que c’est une modification relativement récente et que Se-ma Ts’ien nous présente le texte dans son intégrité en le laissant sous sa forme abrupte. Il n’est pas difficile en effet de reconnaître dans tout ce qui précède un vieux calendrier analogue au Hia siao tcheng qui se trouve dans les Rites de Tai l’aîné ou au Yue ling du Li ki ou au Che hiun kié du Tcheou chou ; ce vieux débris de l’antiquité a été incorporé dans la légende de Yao, mais devait former à l’origine un tout indépendant.
  87. Le caractère [] employé par Se-ma Ts’ien est, d’après Kiang Cheng (H. T. K. K., chap. CCCXC, p. 18 v°), la bonne leçon ; le caractère [] qui se trouve dans le Chou king n’y aurait été introduit que par l’édition de la période k’ai yuen (713-741).
  88. Le texte de Se-ma Ts’ien est ici une traduction en caractères faciles d’une phrase en termes obscurs du Chou king. Il en sera souvent de même dans ce qui suit.
  89. L’opinion générale des commentateurs est que Kong-kong est le nom d’une fonction qui était celle d’intendant des travaux publics ou de surveillant des eaux. Mais Kiang Cheng (H. T. K. K. chap. CCCXC, p. 21 r°) est d’avis que le personnage ici désigné ne remplissait pas cette charge, puisque précisément Yao refuse de la lui confier : on voit en effet par ce qui suit que l’empereur cherchait quelqu’un qui fût capable de lutter contre l’inondation. Peut-être un des ancêtres de Kong-kong avait-il été intendant des travaux publics et le nom de la fonction était-il devenu celui de la famille (cf. n. 00.103).
  90. M. Legge traduit l’expression [] comme ne désignant qu’un seul personnage, le chef des quatre montagnes ; cette interprétation ne s’appuie que sur l’autorité de Tchou Hi et les commentateurs antérieurs admettent que les chefs des quatre montagnes sont plusieurs personnes ; cette opinion paraît beaucoup plus plausible, puisque, lorsque Yao s’est adressé aux chefs des quatre montagnes, on lit la phrase : Tous dirent. En outre, un texte du Kouo yu (Tcheou yu, chap. III, p. 8 r°) dit formellement, que les chefs des quatre montagnes étaient au nombre de quatre ; il rappelle les récompenses données à Yu et aux chefs des quatre montagnes qui l’avaient aidé dans ses travaux, puis il ajoute : ce roi (c’est-à-dire Yu) et ces quatre chefs... (c’est-à-dire les chefs des quatre montagnes). — Enfin on verra plus loin que les chefs des quatre montagnes sont dans une étroite relation avec les quatre portes de la capitale ou les quatre côtés de l’empire et paraissent être les surveillants des quatre points cardinaux. — Il ne faut pas enlever à ces vieilles légendes leur symétrie mathématique sous le prétexte de leur donner plus de vraisemblance. Mais, ce premier point établi, il est assez difficile de savoir qui étaient ces chefs des quatre montagnes. D’après Tcheng K’ang-tch’eng, ces chefs étaient les intendants des quatre saisons ; c’étaient à l’origine, comme on l’a vu plus haut, le second et le troisième des Hi, le second et le troisième des Ho. A la mort de ces personnages, les chefs des quatre montagnes furent au nombre de huit et s’appelèrent les pa po ; quatre d’entre eux auraient précisément été ceux des ministres de Yao dont nous venons de voir les noms, Hoan-teou, Kong-kong, Fang-ts’i auxquels il faut ajouter Koen dont il sera question plus loin. Mais toute cette théorie n’est guère solide.
  91. Koen fut le père de l’empereur Yu, fondateur de la dynastie des Hia.
  92. Cette interprétation est celle de K’ong Ngan-kouo, mais le mot [] ne laisse pas que d’être obscur.
  93. A la fin de chaque période de trois ans, on examinait quelle avait été la conduite des fonctionnaires, et après trois de ces examens triennaux, c’est-à-dire au bout de neuf ans, on procédait aux promotions et aux révocations ; c’est ce qui explique pourquoi Koen fut renvoyé au bout de neuf ans.
  94. Le mot [] pourrait signifier les ordres impériaux ; mais d’après Tcheng K’ang-tch’eng, il s’agit ici d’un ordre céleste, de ce fameux décret d’en haut qui confère à un homme le droit de régner sur les autres.
  95. D’après les rites, l’homme doit être marié à trente ans et la femme à vingt ; l’homme qui dépassera trente ans sans s’être marié est appelé du nom particulier de koan ; tel était le cas de Choen.
  96. Ce texte montre combien sont artificielles les généalogies de Se-ma Ts’ien qui font descendre de Hoang-ti tous les anciens souverains de la Chine. D’après le système de Se-ma Ts’ien (cf. Mém. hist., chap. XIII), Choen serait l’arrière-arrière-petit-fils du cousin germain de Yao. Au contraire, la légende telle que nous la trouvons ici veut qu’il ait été un homme du peuple. Ajoutons que si le système de Se-ma Ts’ien était exact, le mariage de Choen avec les deux filles de Yao serait une infraction scandaleuse aux règles de la morale chinoise.
  97. Les commentateurs sont généralement d’accord pour dire que Choen est un titre posthume. Quant au nom de Yu, l’explication la plus plausible est celle qui en fait le nom du lieu qui vit naître Choen. Mais les opinions varient au sujet de l’emplacement de cette localité. D’après les indications du Kouo ti tche cité par Tchang Cheou-kié, la ville de Yu aurait été située dans la sous-préfecture de P’ing-lou, préfecture secondaire de Kié, province de Chān-si. D’après Kou -wang, il faudrait l’identifier avez la sous-préfecture de Chang-yu, préfecture de Chao-hing, province de Tche-Kiang. Le Hiao king dit que Choen naquit à Yao-k’iu c’est-à-dire dans le Chan-tong, au sud de la sous-préfecture de Se-choei. Le dernier de ces textes serait le plus conforme au passage de Mencius (trad. Legge, p. 192), où il est dit que Choen était un homme du pays des barbares orientaux ; mais c’est la première hypothèse, celle qui place le lieu de naissance de Choen dans le Chān si, qui est la plus généralement adoptée. — Le nom de clan de Choen était Yao. Yao passe aussi pour avoir été le nom du lieu où naquit Choen ; on l’identifie avec la sous-préfecture de Yong-tsi, préfecture de P’ou-tcheou, province de Chān-si’’.
  98. On verra plus loin que le père de Choen s’appelait Kou-seou. les deux caractères qui entrent dans la composition de ce nom signifient tous deux « aveugle ». K’ong Ngan-kouo explique qu’il ne s’agit que d’un aveuglement moral ; mais rien dans le texte ne justifie cette interprétation.
  99. Comm. Tcheng-i : Les deux filles de Yao s’appelaient, l’une Ngo-hoang et l’autre Niu-yng ; la première n’eut pas de fils ; la seconde enfanta Chang-kiun.
  100. Le Koei est une petite rivière du Chān-si qui traverse la localité appelée aujourd’hui encore le village de Yu (Choen), Yu-hiang, préfecture de P’ou-tcheou, et va se jeter dans le Hoang-ho. D’après K’ong Ngan-kouo, le mot Joei signifierait une petite crique et il faudrait traduire que Choen demeurait auprès d’une crique de la rivière Koei. D’autres commentateurs disent que ce mot désigne le confluent de deux rivières ou encore la rive nord d’une rivière. Selon d’autres auteurs enfin, Joei serait le nom d’un petit cours d’eau. affluent de la rivière Koei ; cette dernière interprétation est celle du T’ong hien tsi lan (ch. I, p. 15 r°).
  101. Le sens que nous donnons à cette phrase ne s’accorde pas avec le texte du Chou king, mais on verra quelques pages plus loin que Se-ma Ts’ien l’entendait bien ainsi.
  102. Ici se termine, à quelques variantes près, la Règle de Yao, le premier chapitre du Chou king ; on peut y distinguer trois sections : dans la première, on traite du bon gouvernement de Yao ; dans la seconde, on montre comment il sut établir le calendrier et connaître les saisons ; dans la troisième enfin, on met en lumière les principes au moyen desquels il choisissait les hommes à qui il voulait confier le gouvernement. Le texte de Se-ma Ts’ien ne distingue pas le Choen tien du Yao tien ; c’est artificiellement que le Chou king traditionnel a divisé ces deux chapitres (cf. mon Introduction, IIIe partie). En effet, tous les auteurs antérieurs au IIIe siècle de notre ère, lorsqu’ils citent des passages de ce qui est aujourd’hui appelé le Choen tien, les rapportent au Yao tien ; les exemples qu’on en peut donner sont très nombreux ; le plus célèbre se trouve dans Mencius (trad. de Legge, Chinese Classics, t. II, p. 229). Wang Sou (vers 256 ap. J.-C.) est le premier commentateur où l’on voie ces deux chapitres distingués ; plus tard, pour donner plus d’unité au pseudo Choen tien, on y ajouta un début de vingt-huit caractères qui ne se trouve naturellement pas dans Se-ma Ts’ien ; on attribue cette interpolation à un certain Lieou Hiuen qui vivait sous la dynastie des Soei (581-618 ap. J.-C.) (cf. Ting Yen-kien, dans le Siu hoang Tsing king kié, chap. DCCCXLIV, p. 23 r°). Ce que nous lisons dans Se-ma Ts’ien est donc le Yao tien en texte moderne, sans interpolation ni division artificielle ; aussi les critiques modernes qui ont tenté de reconstituer le Chou king ont-ils tous suivi le grand historien et écrivent-ils le pseudo Choen tien à la suite du Yao tien dont il n’est en réalité qu’une partie. (cf. Wang Ming-cheng, dans le Hoang Ts’ing king kié, chap. CCCCIV, p. 29 r° et Kiang Cheng, dans le même recueil, chap. CCCXC, p. 26 r°). M. Legge est d’avis que le Choen tien, tel que nous l’avons aujourd’hui, se compose de deux parties, l’une qui faisait partie du Yao tien, l’autre qui est un fragment du véritable Choen tien et il dit : « On ne peut trouver aucune citation où un paragraphe de cette seconde partie soit rapportée au Yao tien. » Cette affirmation est contredite par les faits : le Luen heng de Wang Tch’ong (Ier siècle ap. J.-C.) cite la dernière phrase du pseudo Choen tien comme appartenant au Yao tien ; on trouvera d’autres citations analogues dans le DCCCXLIVe chapitre du Siu hoang Ts’ing king kié, p. 22 v°. C’est donc le pseudo Choen tien tout entier, et non pas seulement une partie de ce chapitre, qui faisait corps primitivement avec le Yao tien.
  103. L’expression òu tièn « les cinq règles » ne se trouve que dans ce texte du Chou king : les commentateurs veulent y voir les cinq vertus qui règlent les relations de mari et femme, père et fils, souverain et sujets, frère aîné et frère cadet, ami et ami.
  104. D’après le texte du Chou king, il faudrait traduire : fut investi des cent surveillances, c’est-à-dire qu’il eut la surveillance générale des cent fonctionnaires.
  105. Les quatre portes sont les portes de la capitale où Choen allait recevoir les seigneurs qui venaient des quatre points cardinaux. Certains commentateurs ont voulu y voir les quatre portes du Ming t’ang ou salle de la distinction où le Fils du ciel recevait les seigneurs en les distinguant suivant leurs rangs. Dans cette phrase, le mot pīn est l’équivalent du mot qui signifie « recevoir un hôte », tandis que, dans la phrase suivante, il a son sens propre « être un hôte ».
  106. Au lieu de [], le Chou king écrit [] ; ce mot a le même sens, car le commentaire de Kou-Leang l’explique en disant : C’est une forêt au pied d’une montagne. On voit les libertés que Se-ma Ts’ien prend avec le texte du Chou king, substituant des gloses aux termes obscurs.
  107. Le texte de Se-ma Ts’ien est ici beaucoup plus clair que celui du Chou king et ne laisse aucun doute sur le sens de la phrase ; dans le Chou king, la concision est telle que le pseudo K’ong Ngan-kouo a pu en donner l’interprétation suivante : « Le vent violent, le tonnerre et la pluie ne troublèrent pas », c’est-à-dire que, grâce au bon gouvernement de Choen, tout les phénomènes naturels se passèrent avec ordre. Mais le sens indiqué par Se-ma Ts’ien est le plus simple et le plus évident,
  108. Dès le premier examen triennal (cf. p. 51, n. 3), Choen est jugé digne d’exercer par procuration le gouvernement.
  109. C’est-à-dire que, ne se sentant pas capable de supporter le fardeau de l’État, Choen ne fut pas heureux d’entendre la proposition de Yao. Le texte antique, adopté par le Chou king traditionnel, écrit [] il ne succéda pas, il ne voulut pas succéder. — Ce qui suit montre d’ailleurs que Choen ne persista pas dans son refus.
  110. Dans cette phrase, ajoutée au texte du Chou king, Se-ma Ts’ien nous donne son avis sur le sens très controversé de l’expression Wen-tsou. Wen-tsou — l’aïeul parfait, semble bien en tous cas être un ancêtre de Yao et c’est ainsi que le culte des ancêtres est la plus ancienne manifestation religieuse de l’esprit chinois. — La glose de Se-ma Ts’ien implique une théorie quinaire que la doctrine des cinq éléments avait mise en vogue à son époque, mais qui paraît bien postérieure à l’âge du Yao tien. En effet, si Wen-tsou est l’aïeul à la cinquième génération, il faut de nécessité qu’à côté de son temple se soient trouvés les quatre temples du trisaïeul, du bisaïeul, de l’aïeul et du père (cf. Wang Koang-lou, dans H. T. K. K., ch. CCCCIV, p. 32 r°). Mais le trisaïeul de Yao est Hoang-ti qui passe pour le premier des souverains ; l’aïeul à la cinquième génération ne peut donc être que le ciel qui seul régna avant Hoang-ti ; c’est le ciel qui serait l’ancêtre accompli, suivant Ma Yong. Nous ne craindrions pas, pour notre part, d’accepter cette interprétation qui montre bien comment le culte des ancêtres, fondement premier de la religion chinoise, se rattache par des gradations insensibles à l’adoration des forces naturelles. Le ciel est imposant par son immensité, mais si on le vénère, c’est parce qu’il est regardé comme le premier ancêtre, et cela non pas au figuré, mais au sens propre, car il est lui-même un souverain mort ou peut-être la réunion de toutes les âmes des souverains morts. Le commentateur Tchang Cheou-kié explique d’une manière différente le terme Wen-tsou dans lequel il veut voir non pas le nom d’un personnage, mais celui d’un temple. Quoique sa note se fonde sur la théorie des cinq empereurs d’en haut qui ne date guère que de l’époque des Han et ne saurait expliquer les anciennes conceptions théologiques chinoises, elle mérite d’être citée à cause des renseignements curieux qu’elle nous donne sur les cinq empereurs : « L’ouvrage intitulé : Chang chou ti ming yen dit : Les empereurs continuent le ciel : on leur élève des palais pour vénérer les diverses formes que prend le ciel. Les cinq palais au temps de Yao et de Choen étaient appelés les cinq palais ; sous les Hia on les appelait les maisons des générations ; sous les Yn, on les appelait les habitations diverses ; sous les Tcheou, on les appelait la salle de la distinction.Tous ces édifices étaient les lieux où on sacrifiait aux cinq empereurs. Pour ce qui est du terme Wen-tsou, le nom du palais de l’empereur rouge, Piao-nou, est Wen-tsou ; l’essence du feu est l’éclat et la clarté ; c’est l’ancêtre de ce qui est parfait et manifeste ; c’est pourquoi on appelle (ce palais) Wen-tsou, l’aïeul parfait ; sous les Tcheou, le nom en fut Ming-t’ang (salle de la distinction). Pour ce qui est de Chen-teou le nom du palais de l’empereur jaune, Han-tch’eou-nieou, est Chen-teou ; teou signifie « présider » ; l’essence de la terre est pure et calme : elle préside aux quatre autres éléments, c’est pourquoi on appelle (ce palais) Chen teou (le président saint) ; sous les Tcheou on l’appelait T’ai che (grande maison). Pour ce qui est de Hien-ki, le nom du palais de l’empereur blanc, Tchao-kiu, est Hien-ki ; ki signifie régler ; l’essence du métal coupe et tranche toutes choses ; c’est pourquoi on appelle (ce palais) Hien-ki (la règle manifeste) ; sous les Tcheou, on l’appelait Tsong-tchang. Pour ce qui est de Hiuen-kiu, le nom du palais de l’empereur noir, Koang-ki, est Hiuen-kiu ; kiu signifie règle ; l’essence de l’eau est sombre et obscure, elle peut peser le léger et le lourd ; c’est pourquoi on appelle (ce palais) Hiuen kiu (la règle sombre) ; sous les Tcheou on l’appelait Hiuen-t’ang (la salle sombre). Pour ce qui est de Ling-fou, le nom du palais de l’empereur vert, Ling-wei-yang, est Ling-fou ; sous les Tcheou on l’appelait Ts’ing-yang (principe yang vert). » — Le sens des noms attribués ici aux cinq empereurs est fort obscur ; Chalmers (prolég. au Chou king de Legge, p. 97) croit que ce sont des mots d’origine étrangère transcrits en chinois. Il ne semble pas cependant que tel soit le cas pour tous ces noms sans exception ; ainsi l’empereur rouge qui préside au feu s’appelle Piao-nou et ces deux mots signifient : « flamme qui s’élève, s’élancer ».
  111. Ce paragraphe est une addition de Se-ma Ts’ien qui explique pourquoi Yao résigna le pouvoir entre les mains de Choen.
  112. Nous traduisons cette phrase en lui donnant le sens que devait lui attribuer Se-ma Ts’ien lui-même. Dans son chapitre sur les Directeurs du ciel (Mém. hist., chap. XXVII, p. 1 v°), il nous dit en effet : « Les sept étoiles de la Grande Ourse sont ce dont il est question dans la phrase : (il observa) le mécanisme de l’évolution et la balance de jade pour vérifier l’accord entre les sept gouvernements. Dans ce système d’interprétation, la Grande Ourse est regardée comme le mécanisme qui préside à l’évolution universelle, elle est comme la balance qui maintient l’équilibre entre toutes choses ; on lui applique l’épithète « de jade » à cause de sa couleur blanche. Les sept gouvernements sont alors, d’après l’explication de Tcheng K’ang-tch’eng, les sept domaines sur lesquels s’exerce l’action régulatrice de la Grande Ourse, à savoir : le printemps, l’été, l’automne, l’hiver, les mouvements des astres, la configuration de la terre et la conduite des hommes. — C’est cependant une interprétation entièrement différente qui a prévalu chez les commentateurs du Chou king traditionnel ; selon eux, les quatre caractères siuên hêng désignent un appareil astronomique au moyen duquel on observait les étoiles ; cet appareil, d’après les représentations graphiques qu’on en donne (cf. Couvreur, Dict. chinois-français, p. 316), se composait de plusieurs cercles concentriques représentant l’un l’horizon et les autres les cours des différents astres ; au centre se mouvait un tube qui jouait le rôle d’une lunette astronomique ; à l’aide de cet appareil Choen observa les sept Gouverneurs ; c’est-à-dire le soleil, la lune et les cinq planètes qui dirigent tous les autres corps célestes. — Quelle que soit l’interprétation qu’on adopte, la démarche que Choen passe pour avoir accomplie est faite dans le même but : Yao ayant résigné l’empire entre ses mains, il consulte les astres pour voir s’ils témoignent par la régularité de leur cours qu’ils approuvent ce changement. La réponse étant favorable, il accomplit tous les sacrifices qui lui concilieront la bonne volonté des dieux.
  113. Les commentateurs expliquent généralement le nom du sacrifice lei de la manière suivante : le sacrifice régulier fait à époque fixe en l’honneur de l’Empereur d’en haut. c’est-à-dire du ciel, était le sacrifice kiao ; mais, lorsqu’on avait quelque déclaration spéciale à adresser au ciel, comme ici, par exemple, l’annonce d’un changement de souverain, on accomplissait un sacrifice spécial qui était du même genre que le sacrifice kiao et c’est ce qui exprime le mot lei qui signifie genre, espèce. Le roi Ou, fondateur de la dynastie Tcheou, fit la même cérémonie quand il eut vaincu le dernier souverain de la dynastie Yn (cf. Chou king, chap. T’ai che, trad. Legge, Chinese Classics, III, p. 287). Dans le Tcheou li (au chap. XXV,.trad. Biot, t, I, p. 92), il est dit que le grand prieur fait le sacrifice lei à l’Empereur d’en haut. D’après ces textes, il semblerait donc que le sacrifice lei s’adressât au ciel. — Mais d’autres textes viennent ébranler cette opinion : § dans le Che king (décade du roi Wen, ode 7 ; trad. Legge, Chinese Classics, IV, p. 455), le roi Wen nous est représenté comme faisant le sacrifice lei alors qu’il n’est qu’un seigneur et que, n’ayant pas le titre de Fils du ciel, il n’est pas autorisé à sacrifier au ciel. § Dans le Tcheou li (au chap. XIX, trad. Biot, t. I, p. 441) il est parlé des quatre sacrifices lei (Biot traduit assez inexactement : les quatre spécialités) et plus loin il est dit (trad. Biot, t. I, p. 453) que toutes les fois qu’il y a une grande calamité dans le ciel ou sur la terre, l’officier appelé siao tsong po offre le sacrifice lei aux dieux de la terre et des moissons et au temple ancestral. Du rapprochement de ces passages il résulte que les sacrifices appelés lei ne s’adressaient pas uniquement au ciel, mais qu’on appelait de ce nom tout sacrifice extraordinaire du même genre qu’un sacrifice prescrit par les rites (cf. Siu hoang Ts’ing king kié, chap. VIII, p. 15 r°16 v°). — Nous rencontrons dans ce texte pour la première fois la fameuse expression Chang li qui a donné lieu à tant de controverses. Nous ne pouvons pas entamer à ce sujet une longue discussion dans une note : § nous nous bornerons à faire remarquer que, la théorie des cinq Chang li étant intimement liée à celle des cinq éléments qui ne prit corps que vers le IVe siècle avant notre ère, il est très vraisemblable que, dans les plus anciens textes, le terme Chang li désigna une divinité unique. § En second lieu, cette divinité est identifiée par la plupart des commentateurs avec l’étoile polaire ; nous ne voyons aucune raison (je parle des raisons scientifiques) de regarder cette identification comme une perversion tardive d’un monothéisme primitif, et par conséquent nous l’adoptons comme l’expression de l’ancienne croyance religieuse des Chinois. § Enfin nous croyons que les mots « Empereur d’en haut » sont ceux qui rendent le mieux le sens du terme Chang li, parce que c’est à leur image que les hommes conçoivent leurs dieux et que par conséquent le plus élevé en dignité parmi les êtres célestes doit être appelé l’Empereur d’en haut, tout comme ici-bas on appelle empereur celui à qui tous obéissent.
  114. Le sacrifice in est expliqué comme étant un sacrifice fait avec une intention pure. — L’expression leou tsong = les six Vénérables, est l’une des plus obscures de tout le Chou king ; rien n’indique son véritable sens et chaque commentateur l’interprète à sa guise. § Fou Cheng voulait y voir le ciel, la terre et les quatre saisons. § Un passage du Li ki (trad. Legge, t. Il, p. 203) a autorisé K’ong Ngan-kouo à dire que les six Vénérables étaient les saisons, le chaud et le froid, le soleil, la lune, les étoiles, les inondations et la sécheresse. § Tcheng K’ang-tch’eng y reconnaît les cinq planètes, les douze mansions lunaires, l’étoile Se-tchong qui est la cinquième de la Grande Ourse, l’étoile Se-ming qui est la quatrième de la même constellation, le maître du vent qui est l’astérisme Ki et le maître de la pluie qui est l’astérisme Pi.
  115. Le sacrifice aux montagnes illustres et aux grands fleuves se faisait de loin et c’est ce qu’indique le mot wang qui signifie « regarder de loin ».
  116. Le mot chênn désigne proprement les dieux du ciel et le mot [] les dieux de la terre. Quoique le premier seul soit employé ici, il désigne l’ensemble de tous les dieux soit du ciel soit de la terre, Rendre hommage à tous les dieux appartient en propre à l’empereur ; aucun autre homme n’a un pouvoir religieux aussi étendu.
  117. On explique ce passage au moyen d’un texte des Rites des Tcheou où il est dit que les cinq degrés de noblesse (kong, heou, po, tse, nan) avaient chacun un insigne qui était comme la marque de leur investiture. Les ducs, marquis et comtes avaient des sortes de rectangles en jade (celui des ducs s’appelait [] ; celui des marquis [], celui des comtes [] ; voyez des dessins de ces insignes dans Couvreur, Dict. chinois-francais, p. 433 [css : et Chou king, trad. Couvreur, notes 17 et 251. ]) ; les vicomtes et les barons avaient des anneaux (celui des vicomtes s’appelait [], parce qu’on y avait gravé l’image de céréales ; celui des barons s’appelait [] parce qu’on y voyait la représentation de joncs ; cf. Couvreur, ibid., p. 620). — Au moment où le pouvoir changeait de mains, tous les insignes étaient rendus au nouveau souverain qui les conférait ensuite lui-même aux seigneurs. Il est manifeste d’ailleurs que tout ce cérémonial féodal date de l’époque des Tcheou et cette considération montre bien le caractère légendaire des récits relatifs à Choen.
  118. Dans ce texte, qui se retrouve le même au chapitre des Mémoires historiques intitulé Fong chan chou et au chapitre du livre des Han antérieurs appelé Kiao se tche, c’est aux chefs des quatre montagnes et aux pasteurs (c’est-à-dire à ceux qui dirigent le peuple, comme le berger conduit son troupeau) que Choen remet les insignes d’investiture. Dans le texte du Chou king, les chefs des quatre montagnes et les pasteurs n’interviennent que comme témoins et c’est aux nobles que sont donnés les insignes.
  119. L’expression siun cheou est expliquée par un texte de Mencius (Legge, Chinese Classics, t. II, p. 35) : « Quand le Fils du ciel allait chez les seigneurs, cela s’appelait siun cheou : siun cheou signifie parcourir les lieux dont ils avaient reçu la garde. — Le Tai-tsong n’est autre que le T’ai-chan, la célèbre montagne au nord de T’ai-ngan-tcheou, province de Chan-tong. — D’après Ma Yong, on plaçait une victime sur le bûcher.
  120. Cf. note 227. L’ordre auquel il est fait allusion est le suivant, d’après Fou Cheng qui développe un passage des Ordonnances royales du Li ki : § on sacrifiait aux cinq pics (du centre et des quatre points cardinaux) avec les rites qui conviennent aux trois ducs ; § aux quatre grands cours d’eau, avec les rites des seigneurs ; § on sacrifait aux autres montagnes et rivières avec les rites des comtes, vicomtes et barons suivant leur importance.
  121. Les tubes sont les douze tubes musicaux qui servent de principes à toutes les mesures ; on en trouvera la théorie exposée en détail dans le XXVe chapitre des Mémoires historiques. Il est à remarquer que ce système compliqué et savant ne saurait remonter à une haute antiquité. D’une manière générale, le chapitre du Chou king qui traite de Choen rapporte à ce souverain toute une série d’institutions qui sont d’une date évidemment plus tardive et fait de son règne comme le raccourci de l’organisation politique de la dynastie Tcheou ; nous y trouvons en effet les cinq ordres de noblesse, les mesures ayant pour principe les tubes musicaux, les rites politiques du Tcheou li, les cinq sortes de châtiments et les dispositions mitigées du code pénal, toutes choses que les commentateurs n’expliquent qu’en recourant aux textes de l’époque des Tcheou.
  122. D’après le Tcheou li, les cinq rites sont les suivants : 1. les rites de réjouissance par lesquels on rend hommage aux mânes et aux divinités célestes et terrestres des royaumes et principautés ; 2. les rites de tristesse par lesquels on s’afflige sur les malheurs des royaumes et principautés ; 3. les rites de l’hospitalité par lesquels on établit d’étroites relations entre les royaumes et principautés ; 4. les rites militaires, par lesquels on allie les royaumes et principautés ; 5. les rites de félicitation, par lesquels on apparente les dix mille tribus. Cf. Tcheou li, trad. Biot, t. I, p. 419 et suiv.
  123. Les cinq jades étaient les insignes conférés aux diverses classes de seigneurs. Cf. note 229.
  124. Ces soies étaient ou rouge clair ou bleu foncé ou jaunes, suivant le rang des personnes qui les offraient.
  125. Les deux animaux vivants étaient l’agneau que présentaient les hauts dignitaires et l’oie sauvage que présentaient les grands officiers. L’animal mort était le faisan que présentaient les simples fonctionnaires.
  126. Les cinq instruments sont expliqués par Ma Yong comme étant les cinq insignes de jade que Choen confère de nouveau aux seigneurs. Mais il est assez singulier de voir ces insignes appelés des instruments et c’est pourquoi Ts’ai Tch’en (Chou king, chap. II, p. 15 v°) suppose que l’ordre des phrases a été interverti : suivant lui, la phrase : « les cinq (insignes de jade), les trois pièces de soie, les deux animaux vivants et l’animal mort lui furent apportés en offrande » doit être placée immédiatement après la phrase : « Il donna audience aux chefs de la contrée orientale. » Le texte qui suit devrait alors être traduit de la manière que voici : « Il mit l’accord dans les saisons et dans les mois et rectifia les jours ; il rendit uniformes les tubes musicaux et les mesures de longueur, de capacité et de poids ; il restaura les cinq rites ; il rendit uniformes les cinq sortes d’instruments (dont on se servait dans les cinq rites) ; quand ce fut fini, il s’en retourna.
  127. Le deuxième mois, c’est-à-dire au printemps, Choen va dans l’est ; le cinquième mois, c’est-à-dire en été, il va dans le sud ; le huitième mois, c’est-à-dire en automne, il va dans l’ouest ; le onzième mois, c’est-à-dire en hiver, il va dans le nord. On reconnaît ici le parallélisme entre les saisons et les points cardinaux et cette constatation témoigne une fois de plus du caractère mythique des traditions qui concernent Choen.
  128. Le Chou king donne la leçon I-tsou, expression tout analogue à celle de Wen-tsou (cf. note 221) ; Choen se serait donc rendu au temple de « l’ancêtre instruit ». Le texte de Se-ma Ts’ien est beaucoup plus clair ; en outre il est conforme à un passage des ordonnances royales du Li ki qui décrit la tournée d’inspection que le Fils du ciel devait faire tous les cinq ans (cf. Li ki, trad. Legge, Sacred Books of the East, t. XXVII, p. 218).
  129. Selon Ts’ai Tch’en, la première année le Fils du ciel parcourait tous les fiefs, la seconde année, il recevait à la cour les vassaux de l’est ; la troisième année, ceux du sud ; la quatrième année, ceux de l’ouest ; la cinquième année, ceux du nord. Puis le cycle quinaire étant terminé, il recommençait (cf. note 239).
  130. Ce chiffre de douze provinces est embarrassant. En effet, la Chine ancienne ne comptait que neuf provinces, celles même qui sont mentionnées dans le tribut de Yu. Pour tourner la difficulté, les commentateurs ont imaginé de dire que, lorsque Yu régla les eaux et les terres de l’empire, le règne de Yao était encore loin d’être fini et que c’est après l’accomplissement des travaux de Yu que Choen, exerçant l’empire par une délégation de Yao, distingua l’empire en douze provinces. C’est ainsi que le Tong kien tsi lan place les travaux de Yu entre la 72e et la 80e année de Yao et rapporte la distinction des douze provinces à la 81e année. Quelle que soit la valeur de cette singulière explication, voici les noms des douze provinces : Ki, Yen, Ts’ing, Siu, King, Yang, Yu, Leang, Yong, Yeou, Ping et Yng. Les provinces de Ping et de Yeou avaient été formées avec des parties de la province de Ki ; la province de Yng avait été formée avec une partie de la province de Ts’ing.
  131. La phrase siáng ì tièn hîng a donné lieu aux interprétations les plus diverses. Le sens que nous avons adopté est celui de Ma Yong qui dit : Le peuple au temps de Choen était si vertueux que personne n’était coupable ; c’est pourquoi les châtiments étaient représentés par des images, mais n’étaient pas appliqués en réalité. Pour d’autres interprétations, cf. Legge, Chinese Classics, t. III, p. 38.
  132. Quoique les commentateurs chinois ne donnent ici aucune explication, il semble que le style narratif est interrompu et fait place à l’édiction des peines qui est mise dans la bouche d’une personne déterminée, comme le prouve l’apostrophe de la fin : « Soyez sur vos gardes. » Je serais tenté de voir là un fragment d’un vieux code qui a été incorporé dans le Choen tien.
  133. Selon Ma Yong, les mots liôu ióu òu hîng constituent deux phrases et il faut traduire : « On bannit ceux qui sont dignes d’une mitigation de peine ; il y a les cinq châtiments. Il y avait trois catégories de criminels dignes d’une mitigation de peine : les enfants, les vieillards et les imbéciles. — Les cinq châtiments étaient la marque, l’ablation du nez, l’ablation des rotules ou des pieds, la castration et la mort. — D’après K’ong Ngan-kouo, les quatre mots précités ne font qu’une seule phrase et il faut traduire : le bannissement adoucit les cinq châtiments.
  134. D’après le commentaire de K’ong Yng-ta (Chou king, ch. II, p. 20 r°), le fouet et la verge auraient été les châtiments infligés par les magistrats et les instructeurs, et non pas aux magistrats et aux instructeurs, comme le dit M. Legge.
  135. Ts’ai Tch’en (Chou king, ch. II, p. 31 r°) remarque que les fautes rachetables étaient les fautes légères, celles qui ne tombaient pas sous le coup des cinq châtiments. Le Choen tien n’impliquerait donc point le principe condamnable que toutes les fautes, quelque graves qu’elles soient, peuvent être rachetées à prix d’argent ; ce principe est énoncé pour la première fois dans le Code pénal du roi Mou, de la dynastie Tcheou, les Châtiments de Lu (on trouve une partie du chapitre du Chou king intitulé « Les Châtiments de Lu » dans le IVe chapitre des Mémoires historiques). 1
  136. Ce qui suit est une interpolation introduite dans le texte du Chou king ; par cette addition, Se-ma Ts’ien rappelle, au prix d’une répétition, de quelles fautes Hoan-teou, Kong-kong, Koen et San-miao s’étaient rendus coupables et il explique ainsi pourquoi ils méritèrent d’être bannis. On retrouvera plus loin, sous une autre forme, la légende des quatre grands criminels exilés aux quatre points cardinaux.
  137. Par San-miao, il faut entendre le chef du peuple de San-miao, car les commentateurs sont unanimes à dire que San-miao est le nom d’un pays. Leur assertion s’appuie sur un passage du Tso tchoan (1e année du duc Tchao, trad. Legge, p. 577 ; [trad. Couvreur]) et sur un texte du Tchan kouo ts’é (chap. XIV) où un certain Ou Ki dit que les limites du territoire de San-miao sont, à gauche, le lac Tong-t’ing (province de Hou-nan) et à droite le lac P’ong-li (ou lac Po-yang, dans la province de Kiang-si). — La province de King dont il est question dans le texte de Se-ma Ts’ien, est une des neuf provinces de Yu ; elle se trouvait au sud du Kiang ou Yang-tse-Kiang et comprenait le lac Tong-t’ing. — Elle était assez distante de la rivière appelée Hoai ; ce n’est donc pas de cette rivière qu’il est ici parlé ; selon Se-ma Tcheng, Hoai ou Hoei est un autre nom du lac P’ong-li ou Po yang.
  138. Au lieu de Yeou-ling, le Chou king donne la leçon « l’île de Yeou ». D’après le Kouo ti tche, le lieu où fut banni Kong-kong se serait trouvé au nord-est de la sous-préfecture de Mi-yun, préfecture de Choen tien (Péking).
  139. En exilant les quatre coupables au nord, au sud, à l’ouest et à l’est, Choen prétend faire un exemple destiné à engager au bien les Ti ,les Man ,les Jong et les I c’est-à-dire les peuples barbares des quatre points cardinaux ; le Chou king n’en fait pas mention.
  140. La montagne Tch’ong se trouvait dans le territoire de la sous-préfecture actuelle de Yong-ting, préfecture secondaire de Li, province de Hou-nan.
  141. San-wei est le nom d’une montagne sur les bords de la rivière Tang, au sud de Toen-hoang, à l’ouest du Kan-sou.
  142. D’après le Kouo ti tche, la montagne Yu était sur le territoire de la sous-préfecture de Lan-chan, préfecture secondaire de I, province de Chan-tong. D’après le T’ong kien tsi lan (ch. I, p. 17 r°), elle se trouvait dans la sous-préfecture de Kan-yu, préfecture secondaire de Hai, province de Kiang-sou. Les deux localités sont très voisines.
  143. Le mot crime, condamnation, est écrit dans Se-ma Ts’ien [] ; c’est l’ancienne orthographe du mot ; mais Ts’in Che-hoang-ti trouva que ce caractère ressemblait trop au caractère hoang = souverain, qui faisait partie de son titre et c’est pourquoi il ordonna qu’on l’écrivit à l’avenir [] (H. T. K. K., ch. CCCXC, p. 38 v°).
  144. D’après ce texte et un autre que nous trouverons plus loin, il est clair que Se-ma Ts’ien compte quatre-vingt-dix-huit années (70 + 28) depuis le moment où Yao prit le pouvoir jusqu’à sa mort. Si l’on s’en rapporte cependant au texte seul du Chou king, il faudra dire avec Ts’ai Tch’en (Chou king, ch. II, p. 23 v°), que Yao régna d’abord soixante-dix-sept ans, qu’il mit ensuite Choen à l’essai pendant trois ans, enfin qu’il lui délégua son pouvoir pendant vingt-huit ans ; Yao aurait donc régné cent un ans.
  145. D’après Hoang-fou Mi, la mère de Tan-tchou était une fille de la tribu San-i, qui s’appelait Niu-hoang.
  146. Se-ma Tcheng dit : Lorsque le fils succède au père, c’est la méthode ordinaire ; lorsqu’on cherche un sage pour lui céder le pouvoir, c’est la méthode qui tient compte des circonstances.
  147. Le Nan-ho, ou Ho du sud, est, d’après P’ei Yn, la plus méridionale des neuf branches du Hoang-ho. On trouvera dans notre traduction du Tribut de Yu (Mém. hist., chap. II) une note sur les neuf branches du Ho. D’après Tchang Cheou-kié, l’expression Ho du sud signifie simplement que le Hoang-ho était au sud de la capitale de Yao, laquelle était située à 15 li au nord-est de la préfecture secondaire de Fou, province de Chan-tong. Tchang Cheou-kié remarque en outre qu’à 15 li au nord-ouest de la préfecture secondaire de P’ou, il y a les ruines de la ville appelée Yen tchou, ce qui signifie « l’obstacle fait à Tchou » ; il explique ce nom en rappelant une légende qui se trouve dans des livres écrits sur bambou : Yao s’étant perverti, Choen l’aurait emprisonné, puis il aurait mis des obstacles et des barrières devant Tan-tchou pour l’empêcher de revoir son père.
  148. Le terme qui désigne la capitale est ici, proprement : le royaume du milieu. On voit que cette expression, qui signifie maintenant la Chine tout entière par opposition aux nations voisines, s’appliquait à l’origine à la résidence impériale.
  149. L’appellation Tch’ong-hoa est expliquée par K’ong Ngan-kouo comme signifiant « gloire renouvelée » ; parce que Choen fit preuve des mêmes vertus que Yao. Une autre interprétation que nous trouvons, entre autres, dans Hoai-nan-tse et dans le commentaire des Annales écrites sur bambou (Legge, Chinese Classics, t. III, prolég., p. 114) veut que tch’ong hoa, signifiant.’ » double éclat », fasse allusion au fait que Choen avait une double prunelle.
  150. Le caractère k’iao, nous dit Tchang Cheou-kié, se prononce ici sans aspiration.
  151. Dans cette généalogie ne figure pas un certain Mo qui est cité par le Tso tchoan (8e année du duc Tchao ; cf. Legge, Chinese Classics, t. V, p. 62 ), comme un des ancêtres de Choen ; aussi quelques critiques ont-ils mis en doute la valeur de la généalogie dressée par Se-ma Ts’ien.
  152. La province de Ki est la plus septentrionale des neuf provinces de Yu (cf. le Yu kong) ; elle comprenait en gros les provinces de Chàn-si et de Tche-li ; cependant, la petite portion du Chan-tong qui est au nord de Hoang-ho en faisait aussi partie ; ce texte ne nous permet donc pas de déterminer si le lieu de naissance de Choen était, aux yeux de Se-ma Ts’ien, dans le Chàn-si ou dans le Chan-tong (cf. note 206).
  153. On trouve un écho de cette légende dans Mencius (II, a. 8, trad. Legge, p. 82 ; [trad. Couvreur]) qui dit : « Depuis le temps où Choen labourait, semait, façonnait des vases et pêchait, jusqu’au moment où il devint empereur, il ne manqua jamais de prendre exemple sur autrui. L’identification de la montagne Li est incertaine ; les uns la placent dans la préfecture actuelle de P’ou-tcheou, province de Chàn-si ; d’autres, au sud-est de la préfecture secondaire de P’ou préfecture de Ts’ao-tcheou, province de Chan-tong, tout auprès de l’étang de Lei dont il est fait mention à la phrase suivante ; d’autres la trouvent dans la sous-préfecture de Yu-yao, préfecture de Chao-hing, province de Tche-Kiang ; d’autres enfin y voient une montagne de la sous-préfecture de Hoai-lai, préfecture de Siuen-hoa, province de Tche-li. On remarque ici la même dispersion des légendes que dans le cas du lieu de naissance de Choen.
  154. Cheou-k’ieou est, d’après certaines légendes, le lieu de naissance de Hoang-ti. C’était une hauteur à l’est de la sous-préfecture de K’iu-feou, préfecture de Yen-tcheou, province de Chan-tong.
  155. L’emplacement de Fou-hia n’est pas indiqué d’une manière exacte par les commentateurs. Tcheng Hiuen se borne à dire qu’il se trouvait sur le territoire du pays de Wei, lequel comprenait la pointe sud du Tche-li et les parties avoisinantes du Ho-nan et du Chan-tong. — Dans le livre de Mencius on lit (IV, b. 1, Legge, p. 192 ; [trad. Couvreur]) : « Mong-tse dit : Choen naquit à Tchou-fong, il se transporta à Fou-hia ; il mourut à Ming-t’iao.
  156. Ce texte confirme la traduction que nous avons donnée plus haut : « Choen... dirigea et rendit humbles ces deux femmes, en sorte qu’elles observèrent les rites des épouses. Cf. note 210.
  157. Cf. p.╓72 . Ces répétitions montrent à nu le procédé de composition de Se ma Ts’ien qui coud bout à bout des légendes diverses sans se préoccuper de mettre de l’unité dans son récit :
  158. Le mot que nous traduisons par « ville » est le mot []. C’est par allusion à cette légende que Choen est appelé dans Mencius (V, a. 2, Legge, p. 222 ; [trad. Couvreur]) le prince créateur de villes.
  159. Cf. Mencius (V, a. 1. Legge, p. 219 ; [trad. Couvreur]) : « L’empereur fit que ses enfants, neuf fils et deux filles, les divers fonctionnaires, des bœufs et des moutons, des magasins et des greniers fussent mis au service de Choen...
  160. D’après Se-ma Tcheng les deux larges chapeaux jouèrent le rôle d’un parachute et empêchèrent Choen de se blesser quand il se précipita du haut du grenier. Le Lié niu tchoan dit que ce furent les deux filles de Yao qui enseignèrent à Choen l’art de voler comme un oiseau.
  161. Ce passage se trouve avec des variantes dans Mencius (V. a. 2, Legge, p. 222-223 ; [trad. Couvreur]) : « Ses parents envoyèrent Choen réparer le grenier ; ils enlevèrent l’échelle et Kou-seou incendia le grenier. Ils l’envoyèrent creuser un puits ; il sortit par côté et ils comblèrent le puits. Siang dit : — Le stratagème de couvrir (de terre) le prince créateur de villes (cf. note 274), c’est moi qui en ai tout le mérite. Que les bœufs et les moutons soient à mon père et à ma mère ; que le magasin et le grenier soient à mon père et à ma mère. Que le bouclier et la lance soient miens ; que le luth soit mien ; que l’arc soit mien ; que ses deux femmes prennent soin de mon lit. Siang se rendit dans la demeure de Choen ; Choen était sur sa couche et jouait du luth. Siang dit : — Je me réjouissais en pensant à vous. Il fut couvert de confusion. — L’expression yu t’ao que nous traduisons par « se réjouir » ou « plein de joie » demande une explication. Dans le texte de Mencius, M. Legge lui donne le sens d’ « éprouver de l’anxiété » ; on la retrouve dans une phrase du chapitre du Chou king intitulé : Le Chant des cinq fils yu t’ao … ; le contexte impose là la traduction : « Ils sont pleins de tristesse nos cœurs. » Il semblerait donc que le sens de l’expression yu t’ao fût celui de tristesse ou d’anxiété et non celui de joie. Mais Yen Jo-kiu a fort bien démontré (cité par Wang Ming-cheng, H. T. K. K., chap. CCCCXXXIV b, p. 8 r°) que ce sens ne saurait convenir aux deux caractères employés : le caractère t’ao a deux sens ; le premier est celui de façonner un objet en terre ; le second, qui est indiqué par tous les dictionnaires et en particulier par le Koang yun (fin du Xe siècle ap. J.-C.) est celui de joie. Quant au caractère yu, il peut avoir le sens de tristesse mais il a aussi, d’après le Koang yun, celui de disposition ou sentiment de l’âme. L’expression yu t’ao est donc donnée par le Eul ya comme signifiant se livrer à la joie. Dès lors, dans le texte de Mencius, Siang, se trouvant inopinément en présence de Choen qu’il croyait mort, explique sa venue en disant qu’il voulait avoir le plaisir de lui rendre visite ; c’est un mensonge par lequel il se tire d’embarras ; dans le texte de Se-ma Ts’ien, il paie d’audace et dit qu’il est heureux de revoir son frère ; en réalité il est pénétré de dépit. Les anciens critiques n’ont pas compris ce texte et ils ont admis que l’expression yu t’ao signifiait être triste ou anxieux, ce qui mène à une interprétation absurde, car Siang doit nécessairement feindre d’ignorer le danger auquel vient d’échapper Choen. Ainsi, soit par le sens des mots, soit par la suite des idées, nous devons, dans le texte de Mencius, traduire yu t’ao par « être joyeux ». Mais ce sens répugne absolument à la phrase du Chant des cinq fils ; voici comment on écarte cette dernière objection : le Chant des cinq fils fait partie du pseudo-texte antique du Chou king et doit donc être considéré comme inauthentique ; les érudits qui le composèrent, ayant fait un contresens sur le texte de Mencius, empruntèrent à ce texte les caractères mêmes qu’ils comprenaient de travers pour donner à leur œuvre un faux air d’antiquité.
  162. Ce sens est celui qui est indiqué par Se-ma Tcheng. Le texte correspondant de Mencius comporte une tout autre interprétation (cf. Legge, Chinese Classics, t. II, p. 223).
  163. Cf. p. 55. Le Che ki loen wen met 1a ponctuation après po koan, ce qui confirme notre traduction.
  164. Kao-yang est identifié par Se-ma Ts’ien avec Tchoan-hiu (cf. p.╓ 37 ). Dans ce texte, qui est tiré du Tso tchoan, il n’est pas certain que Kao-yang et Tchoan-hiu soient considérés comme un seul et même personnage ; en effet, Kao-yang est donné comme ayant eu huit fils excellents, tandis que plus loin Tchoan-hiu est cité comme le père d’un scélérat.
  165. Kao-sin est identifié par Se-ma Ts’ien avec l’empereur Kou (cf. p.╓ 39 ).
  166. Le Tcheng i du Tch’oen ts’ieou dit : Le ciel est appelé le ciel impérial  ; la terre est appelée la terre souveraine.
  167. Les cinq enseignements sont, comme la phrase suivante l’indique clairement, ceux qui concernent les devoirs des pères, des mères, des frères aînés, des frères cadets et des enfants.
  168. L’empereur Hong « est identifié par les commentateurs avec Hoang-ti (cf. note 102).
  169. Les quatre scélérats dont il va être question sont identifiés par les commentateurs avec les quatre criminels dont il a été parlé plus haut (cf. n. 248). Hoen-toen, c’est-à-dire Chaos, ne serait autre que Hoan-teou ; K’iong-k’i, c’est-à-dire le Vaurien-trompeur, ne serait autre que Kong-kong ; Tao-ou, c’est-à-dire le Soliveau, ne serait autre que Koen et T’ao-t’ié, c’est-à-dire le Glouton, ne serait autre que San-miao. Quoique ces rapprochements n’aient pas grande valeur en eux-mêmes, il est évident que nous avons affaire à deux formes différentes d’une seule et même légende.
  170. Chao-hao est l’empereur que la chronologie du T’ong kien kang mou place avant Tchoan-hiu et après Hoang-ti. Il ne trouve pas place dans la liste des cinq empereurs telle que la donnent les Mémoires historiques. Chao hao est considéré comme présidant à l’ouest (cf. ma première trad. du Traité sur les sacrifices fong et chan, p. 9), et comme le métal correspond à l’ouest dans la théorie des cinq éléments, on appelle souvent Chao-hao « le ciel-métal »
  171. Les deux caractères t’ao ou désignent, l’un une souche d’arbre, l’autre un arbre sans branches. Nous les traduisons par « soliveau », ce mot ayant acquis, grâce à La Fontaine, le sens d’une épithète assez désobligeante. — Il est assez curieux que ces deux mêmes mots t’ao ou aient servi à désigner les Annales du pays de Tch’ou ; on ne sait pas quelle en est la raison ; quoi qu’il en soit, voici le passage de Mencius (trad. Legge, p. 203) qui nous donne ce renseignement : « Le Cheng (proprement : Chariot) de Tsin, le T’ao ou de Tch’ou et le Tch’oen ts’ieou de Lou sont des ouvrages identiques.
  172. D’après Kia K’oei, Tsin-yun était un descendant de Chen-nong.
  173. Quoiqu’il ne fût pas fils d’un empereur, on le mettait sur le même pied que les trois criminels fils d’empereurs.
  174. Les démons ne sont autres que les barbares ; on a vu, plus haut (cf. note 124), qu’au temps de la dynastie Yn, le pays des Hiong-nou était appelé Koei-fang, c’est-à-dire région des démons.
  175. Tout ce paragraphe est une répétition de ce qui a été dit plus haut.
  176. Yu était le fils de ce Koen qui fut banni comme l’un des quatre grands criminels ; il fut le fondateur de la dynastie des Hia (cf. Mém. hist., chap. II) ; avant d’être empereur il était comte du fief de Hia et c’est pourquoi on l’appelle quelques lignes plus bas le comte Yu. D’après Kong Yng-ta (Chou king ; ch. II p. 26 v°), Yu aurait été comte du fief de Tch’ong aujourd’hui sous-préfecture de Hou, préfecture de Si-ngan, province de Chàn-si.
  177. Kao-yao (le second caractère doit se prononcer ici yao et non t’ao) est identifié avec l’un des huit fils capables de Tchoan-hiu (cf. p.╓ 77 ). On verra plus loin que Yu voulait lui léguer l’empire, comme il l’avait lui-même reçu de Choen, mais que la mort prématurée de Kao-yao mit à néant ce projet.
  178. Sié est l’ancêtre de la dynastie Chang ou Yn (Mém. hist., chap. III).
  179. Heou-tsi, c’est-à-dire le prince Millet, est le titre donné dans le Choen tien à K’i, ancêtre de la dynastie Tcheou, et ne semble se rapporter qu’à la charge de ministre de l’Agriculture qui lui fut confiée par Choen. — Dans d’autres textes, Heou-tsi nous apparaît comme une divinité étroitement associée à celle de Heou-t’ou, le prince Terre ; le dieu des moissons et celui de la terre sont au nombre des divinités les plus anciennes de la Chine ; elles n’étaient que des hommes divinisés ; au temps des Hia le dieu de la terre était Keou-long, fils de Kong-kong, et le dieu des moissons était Tchou) (cf. note 00.154), fils de Tchoan-hiu ; lorsque T’ang le Victorieux substitua sa dynastie à celle des Hia il voulut remplacer ces anciens dieux ; il ne put changer le dieu de la terre dont le culte était sans doute trop invétéré ; mais il mit K’i (qui devait être l’ancêtre des Tcheou), à la place de Tchou (Ts’ien Han chou, chap. Kiao se tche, p. 2 r°). — Le fait que, dans le texte du Choen tien reproduit par Se-ma Ts’ien, le titre de Heou-tsi est donné à K’i prouve que ce texte est postérieur à l’époque où K’i fut substitué à Tchou ; nous avons eu déjà l’occasion de signaler d’autres faits qui tous concourent à prouver que la composition du Yao tien et du Choen tien ne peut remonter plus haut que la dynastie Tcheou (cf. n. 233).
  180. Po-i passe pour l’ancêtre des princes de Ts’i.
  181. K’oei Long et Choei ne nous sont guère connus que par le texte du Choen tien que Se-ma Ts’ien va reproduire quelques lignes plus bas.
  182. Les commentateurs chinois identifient I avec Po-i qui est l’ancêtre des Ts’in d’après Se-ma Ts’ien (Mém. hist., ch. V) ; mais le rapprochement ne paraît pas se justifier par des raisons bien solides. — P’ong-tsou nous est inconnu.
  183. Cf. note 221.
  184. C’est-à-dire qu’il ouvrit les quatre portes de la capitale, pour que les hommes vinssent des quatre points cardinaux à la cour, et qu’il connût par eux ce qui se passait dans les quatre directions, comme s’il le voyait de ses yeux et l’entendait de ses oreilles. Ce passage semble bien confirmer l’opinion que les chefs des quatre montagnes étaient au nombre de quatre (cf. note 199).
  185. Les douze pasteurs (de peuples) sont les chefs des douze provinces (cf. note 242).
  186. L’empereur n’est autre que Yao dont le bon gouvernement doit servir de règle aux douze chefs.
  187. Le nom de la charge d’intendant des travaux publics est ici se-k’ong : un peu plus bas, on verra que Choei est nommé à une charge identique qui est appelée kong-kong ; les commentateurs chinois se perdent dans de subtiles explications pour établir une différence entre ces deux charges ; ils disent que le se-k’ong n’exerçait ses fonctions qu’en vertu d’une délégation spéciale et temporaire, tandis que le kong-kong rentrait dans les cadres de l’administration régulière. — En réalité, se-k’ong est le nom qui fut donné sous la dynastie Tcheou (cf. Tcheou-li, article du fonctionnaire de l’hiver) au fonctionnaire qui était appelé autrefois kong-kong ; le fait que ces deux dénominations d’époques différentes se trouvent réunies dans un même texte du Chou king prouve simplement que ce texte date du moment où le titre de se-k’ong était en vigueur et où on se rappelait l’ancien titre de kong-kong sans savoir qu’il était au fond identique à celui de se-k’ong.
  188. D’après l’explication traditionnelle, les travaux de Yu sont rapportés à l’époque du règne de Yao : la phrase serait donc au passé. La gloire que Yu s’est acquise précédemment par ses travaux le fait élever par Choen à la première dignité de l’empire, celle de conseiller chargé d’aider l’empereur dans toutes les affaires. — Mais Se-ma Ts’ien considère ce passage comme exprimant la nomination de Yu aux fonctions de régulateur des eaux et des terres ; comme on le verra plus loin, c’est à la suite de cette nomination que Yu exécute ces travaux.
  189. Tsi n’est autre que Heou tsi (cf. note 296).
  190. K’i est le nom propre du personnage qui avait mérité d’être appelé Heou-tsi, c’est-à-dire le prince Millet, à cause des services qu’il avait rendus à l’agriculture.
  191. Au commencement, c’est-à-dire autrefois, au moment où les eaux étaient débordées. Le mot employé par Se-ma Ts’ien est l’équivalent du caractère, qui était, d’après Siu Koang, la leçon du texte moderne du Chou king. Le pseudo-texte antique, qui nous est donné par le Chou king traditionnel, présente la leçon qui signifie « obstacle, détresse ». — En suivant le texte du Chou king, M. Legge a traduit : « Ki, le peuple aux cheveux noirs souffre (encore) la détresse de la famine ; il vous appartient, ô prince, ministre de l’Agriculture, de planter (pour lui) les diverses sortes de grains. Le texte de Se-ma Ts’ien nous oblige à mettre la phrase au passé et à sous-entendre que Choen confirme K’i dans les fonctions qu’il a exercées avec tant de succès.
  192. La phrase chinoise est ainsi conçue […]. Se-ma Tcheng dit qu’elle signifie : en vous conformant aux quatre saisons, vous avez planté les cent céréales, Mais Kiang Cheng (H. T. K. K., ch. CCCXC, p. 46 r°) remarque que la position du mot che après le mot pouo rend ce sens inadmissible ; il faut donc considérer comme équivalent de transplanter.
  193. Les cinq ordres sont les cinq sortes de devoirs que les cinq enseignements inculquent aux pères, aux mères, aux frères aînés, aux frères cadets, aux fils. — On a vu plus haut (p.╓ 77 ) que Choen confia aux huit Excellents, descendants de Kao-sin, le soin de répandre les cinq enseignements ; on en conclut que Sié était l’un des huit Excellents.
  194. Le titre de se-t’ou paraît appartenir, comme celui de se-k’ong, à l’organisation administrative de l’époque des Tcheou.
  195. Nous avons suivi la glose de Tcheng Hiuen qui dit que Hia signifie « illustre et grand ». — On pourrait se demander cependant si le mot Hia ne désigne pas la Chine, parce que la dynastie Hia avait donné son nom au pays sur lequel elle régna ; le mot Hia, dans ce texte, serait alors un anachronisme et en dénoncerait la composition tardive. Il va sans dire qu’aucun commentateur chinois n’est assez audacieux pour soutenir une pareille hypothèse.
  196. Le sens de ces deux derniers mots est nettement indiqué par un passage du Tso tchoan (16e année du duc Tch’eng) où il est dit que ceux qui font des troubles au dehors sont appelés [], que ceux qui font des troubles au dedans sont appelés []. On cite parfois ce passage en intervertissant le sens de ces deux mots, mais c’est une erreur.
  197. Les commentateurs ont donné les explications les plus diverses de cette phrase, parce qu’ils ont cherché à concilier deux renseignements entièrement indépendants l’un de l’autre, à savoir, d’une part la liste des cinq châtiments qui a été indiquée plus haut (cf. note 245), d’autre part un texte du Kouo yu qui énumère les trois places où s’infligeaient les châtiments. Kiang Cheng (H. T. K. K., ch. CCCXC, p. 47 v°) a fort bien montré que les châtiments dont parle le Kouo yu ne sont pas ceux de la liste précitée et que, d’autre part, le texte du Kouo yu est bien celui qui peut jeter quelque lumière sur ce texte puisque dans le Kouo yu, comme ici, les criminels ne sont pas seulement ceux qui enfreignent les lois civiles, mais aussi les barbares, les ennemis de l’État. Voici l’explication qu’on peut tirer du Kouo yu (Lou yu, p. 6) : 1. les armes offensives et défensives (c’est-à-dire les armées) punissent les plus grands criminels (c’est-à-dire les ennemis) ; 2. les deux sortes de haches d’armes punissent les crimes moins graves du même genre (on décapite ceux qui violent les commandements militaires). Ces deux châtiments sont infligés en rase campagne ; 3. le couteau et la scie punissent les crimes moyens (c’est-à-dire les criminels qu’on décapite, qu’on coupe en morceaux ou à qui on enlève le nez) ; 4. le foret et l’instrument à marquer punissent les crimes moins graves du même genre (c’est-à-dire les criminels à qui on enlève les rotules ou qu’on marque au visage). Ces deux sortes de châtiments sont infligés en présence du souverain, à la cour ; 5. le fouet et les verges punissent les crimes peu importants. Ce châtiment est infligé sur la place publique. Ainsi la rase campagne, la cour et la place publique sont les trois lieux où l’on subit les cinq châtiments.
  198. Le sens de cette phrase est que le lieu du bannissement peut être fixé à un éloignement plus ou moins grand de la capitale ; il y avait cinq éloignements fixés par la loi et répartis sur trois zones concentriques de plus en plus distantes de la capitale.
  199. Le juge qui prononce les peines doit savoir discerner la gravité des fautes.
  200. Le caractère doit être prononcé che + weichoei (H. T. K. K., ch. CCCXC, p. 49 r°).
  201. Le nom de cette fonction est ici kong-kong ; cf. note 305.
  202. Le titre de cette fonction est tchen-yu ; dans le Chou king, cette phrase est prononcée par Choen lui-même ; c’est pourquoi plusieurs commentateurs ont cru que le mot yu désignait à lui seul la fonction et que tchen était le pronom possessif de la première personne. Le texte de Se-ma Ts’ien semble prouver que tchen-yu sont deux mots inséparables qui représentent le nom de la charge ; c’est d’ailleurs aussi l’interprétation que donne Tcheng Hiuen (H. T..K. K., ch. CCCXC, p. 50 r°). Cependant un peu plus loin (p. 88, ligne 14), Se-ma Ts’ien, d’accord avec les autres commentateurs, désigne cette charge par le seul mot yu. — Sur les travaux de défrichement qui sont attribués à I, cf. Mencius, III, a, 4, Legge, p. 126  ; [trad. Couvreur].
  203. Les noms Tchou, Hou, Hiong et P’i signifient littéralement le Sapin, le Tigre, l’Ours et l’Ours rayé, et donnent à la cour de Choen, comme le fait remarquer M. Legge, quelque ressemblance avec un conseil de chefs Peaux-Rouges. — Hou et Hiong sont mentionnés par le Tso tchoan au nombre des huit Excellents, fils de Kao-sin (cf. p.╓ 77 ).
  204. Les trois cérémonies rituelles sont le culte rendu aux dieux du ciel, aux ësprits de la terre et aux mânes des hommes.
  205. Le Chou king écrit simplement po = comte. Il fait donc de I le nom de ce personnage. et de po son titre. Au contraire, Se-ma Ts’ien ne disjoint jamais les deux caractères po et i et semble les considérer comme un nom propre unique (cf. p. 80, n. 1).
  206. Cette charge est celle du ta tsong po dans le Tcheou li. Le chapitre Po koan piao du livre des Han antérieurs nous apprend que l’usurpateur Wang Mang (9-23 ap. J.-C.) rétablit l’ancien titre de che tsong qui est donné dans ce texte.
  207. Les fils de l’État, d’après Tcheng Hiuen ; c’est-à-dire les fils de ceux qui prennent part au gouvernement de l’État, depuis le souverain jusqu’aux ta-fou.
  208. Tout ce paragraphe, dans le Choen tien, est mis dans la bouche de Choen ; il faut le traduire alors par une série de définitions : « La poésie est l’expression de la pensée ; le chant prolonge cette expression..., etc. » — Le chant prolonge les paroles en les modulant ; de ces modulations on tire la gamme primitive de cinq notes : hong, chang, hio, tche, yu  ; — Les rapports mathématiques entre les cinq notes et les douze tubes sonores seront étudiés dans le XXVe chapitre des Mémoires historiques ; Les huit instruments de musique sont les suivants d’après le Po hou t’ong (1er chap., p. 26 r°, section Li yo) : § « l’instrument en terre s’appelle hiuen (sorte d’ocarina ; voyez le dessin qu’en donne Couvreur, Dict. chinois-français, p. 139) ; § l’instrument en bambou s’appelle koan (flûte composée de deux tuyaux avec un seul bec ; cf. Couvreur, p. 427) ; § l’instrument en peau s’appelle hou (tambour ; cf. Couvreur, p. 444) ; § l’instrument fait d’une calebasse s’appelle cheng (sorte de flûte composée de treize ou dix-neuf tuyaux placés sur une calebasse ; cf. p. 10, n. 1 et Couvreur, p. 18) ; § l’instrument fait en fils de soie s’appelle hien (ce sont tous les instruments à cordes) ; § l’instrument de pierre s’appelle k’ing (c’était une pierre sonore suspendue à un support ; cf. Couvreur, p. 383) ; § l’instrument de métal s’appelle tchong (cloche) ; § les instruments faits en bois s’appellent tchou et yu (c’étaient de petites caisses en bois sur lesquelles on frappait pour annoncer le commencement et la fin de la musique ; cf. Couvreur, p. 833 et 251). C’est là ce qu’on appelle les huit instruments de musique. »
  209. Les cent animaux sont, d’après les commentateurs, les animaux féroces qui étaient commis à la garde du fonctionnaire appelé le fou pou che (cf. note 115). — Le commentateur Sou Che (Chou king, ch. II, p. 34 v°) remarque que cette phrase est assez singulière dans la bouche de K’oei ; tous les autres fonctionnaires nommés par Choen ont voulu céder leurs honneurs à de plus dignes ; lui seul se vante de ses talents ; Sou Che en conclut que ce passage devait à l’origine faire partie du chapitre I et Tsi du Chou king et a été incorporé dans le Choen tien par erreur. — A nos yeux, ce n’est pas seulement cette phrase, mais toute la théorie musicale qui précède, qui n’est guère à sa place.
  210. Choen redoute les malentendus que de faux rapports peuvent faire naître entre lui et son peuple ; il charge Long de promulguer ses ordres sans les altérer et de le renseigner exactement pour que ces ordres soient appropriés aux circonstances.
  211. Ce texte est, à vrai dire, le seul qui pourrait justifier l’opinion que l’expression « les quatre montagnes » désigne un fonctionnaire unique ; dans cette hypothèse en effet, les vingt-deux hommes sont le chef des quatre montagnes, les douze pasteurs et les neuf personnes dont nous avons lu la nomination à des charges diverses. — Mais nous avons montré quelles raisons nous font préférer l’ancienne interprétation qui voit quatre fonctionnaires dans les chefs des quatre montagnes (cf. notes 199 et 302). Nous devons dès lors accepter le commentaire de Ma Yong, d’après qui, dans les neuf personnes promues par Choen, il y en a trois, Heou-tsi, Sié et Kao-yao, qui ne sont que confirmés dans des charges anciennes et ne doivent pas entrer en ligne de compte ; les vingt-deux hommes sont alors les six personnes restantes, plus les chefs des quatre montagnes et les douze pasteurs.
  212. Nous suivons ici le sens indiqué par Tchang Cheou-kié. Le ciel dont il est question est le ciel physique ; on observe l’ordre établi par le ciel en se conformant aux saisons.
  213. Encore aujourd’hui la coutume de faire subir un examen triennal à tous les fonctionnaires est de règle. Tous les trois ans, le gouverneur de chaque province rédige un rapport sur ses subordonnés (cf. notes 202 et 219).
  214. On a vu plus haut que le peuple de San-miao avait été transporté par Choen du sud dans l’ouest ; Kiang Cheng explique que, les San-miao se montrant encore insubordonnés dans leur nouvelle résidence, on fut obligé d’user envers eux de nouveaux moyens de rigueur. — Tout ce qui précède avait trait à la nomination des fonctionnaires ; on ne comprend guère ce que vient faire ici cette phrase isolée.
  215. La confusion entre la division de l’empire en douze provinces et la division en neuf provinces apparaît manifestement dans cette phrase (cf. note 242).
  216. Sur les travaux des Yu, voyez les Annales principales des Hia.
  217. Sur le domaine des terres incultes, qui était à 2,500 li de la capitale au nord, au sud, à l’est et à l’ouest et avait par conséquent 5000 li de côté, cf. le Tribut de Yu, ad fin [p. ╓148 ].
  218. Tout ce passage est fort altéré et les leçons des Rites de Tai l’aîné (chap. Ou ti , p. 3 v°) ne contribuent guère à l’éclaircir. Se-ma Tcheng propose de corriger le texte de la manière suivante [….]. Il faut alors traduire : « Au sud, il soumit Kiao-tche et Pei-hou ; à l’ouest, les Jong de l’ouest, Si-tche, Kiu-seou, les Ti-k’iang ; au nord, les Jong des montagnes, Pei-fa et Si-tchen ; à l’est, les barbares Tch’ang et Niao. — Le Kiao-tche correspond au Tong-king actuel (cf. note 150) ; le Pei-hou, d’après un commentaire du Eul ya cité par le K’ang hi tse tien, est identique à la commanderie de Je-nan sous les Han, c’est-à-dire au Quang-nam actuel, dans l’empire d’Annam ; le Pei-hou est mentionné dans la sixième strophe de l’inscription que Ts’in Che-hoang-ti fit faire en l’an 219 avant J.-C. sur la terrasse Lang-ya (cf. Annales principales de Ts’in Che-hoang-ti). — Les Jong de l’ouest sont les barbares qui habitaient le Kan-sou actuel ; le Si-tche est appelé Sien-tche et le Kiu-seou est appelé Kiu-yu dans les Rites de Tai l’aîné ; ces deux pays sont aussi mentionnés dans le Yu kong (province de Yong) ; — les Ti-k’iang (ou, suivant quelques uns, les Ti et les K’iang) sont des barbares souvent assimilés aux Jong, mais qui paraissent avoir habité surtout le Se-tch’oan occidental et le Tibet. Le Pei-fa est cité par le livre des Han antérieurs comme un pays du nord ; le Si-tchen a été identifié assez arbitrairement par Tcheng Hiuen avec les Sou-tchen, ou Jou-tche qui régnèrent en Chine sous le nom de dynastie Kin et sont regardés comme les ancêtres des Mandchous actuels. — Les barbares Tch’ang nous sont inconnus ; dans le nom des barbares niao, certains commentateurs proposent de corriger Niao en tao ; il faut alors traduire les barbares des îles ; ces îles seraient soit l’archipel Japonais, soit l’archipel des îles de la Sonde. Je rapporte tout ce paragraphe à Choen parce qu’il lui est formellement attribué dans les Rites de Tai l’aîné.
  219. La musique de Yu comprenait neuf chants successifs, chantés chacun sur un ton différent.
  220. L’apparition d’êtres singuliers est regardée par les Chinois comme un présage de bon augure.
  221. Cf. Chou king, chap. I et Tsi, trad. Legge [css : édition/rechercher : ‘phoenix’], Chinese Classics, t. III, p. 88 ; [trad. Couvreur].
  222. Proprement : de l’empereur Yu ; nous avons écrit Choen pour éviter toute confusion avec Yu dont il a été question dans le paragraphe précédent.
  223. C’est-à-dire après que le deuil de trois ans fut fini.
  224. On voit que, d’après les données de Se-ma Ts’ien, Choen mourut àgé de cent ans, après un règne personnel de trente-neuf ans. La chronologie du T’ong kien kang mou fait régner Choen quarante-huit ans et celle du Tchou chou ki nien cinquante-trois ans ; toutes deux s’appuient sur le texte du Chou king (Choen tien, ad fin), qui dit que Choen mourut cinquante ans après avoir pris le pouvoir ; mais le T’ong kien kang mou retranche de ce nombre les trois années de deuil, tandis que le Tchou chou ki nien les ajoute à ce nombre.
  225. Ts’ang-ou est le nom du lieu où se trouvait la montagne Kieou-i, c’est-à-dire des neuf doutes, ainsi nommée parce qu’elle avait neuf pics si semblables qu’on les confondait entre eux. Ts’ang-ou se trouvait dans l’actuelle sous-préfecture de Ning-yuen, préfecture de Yong-tcheou, province de Hou-nan.
  226. Au sud-est de la sous-préfecture de Ning-yuen.
  227. Mencius (V, b. 3, Legge, p. 225) dit que Siang fut nommé prince de Pi (près de la préfecture secondaire de Tao, préfecture de Yong-tcheou, province de Hou-nan). Dans ce passage de Mencius est discutée la question de savoir si Choen agit bien ou mal en donnant cette dignité à son frère, malgré sa méchanceté.
  228. C’est-à-dire de même que Tan-tchou, fils de Yao.
  229. Il le proposa au Ciel pour être empereur après lui.
  230. Nous voyons apparaître ici pour la première fois une idée fondamentale de la religion chinoise : pour que des fils de personnes souveraines puissent faire les sacrifices rituels à leurs ancêtres, il est nécessaire qu’ils aient un domaine, quelque restreint qu’il soit, où ils soient maîtres absolus. Le sacrifice est étroitement rattaché au sol.
  231. Cette situation privilégiée accordée à un descendant d’une dynastie éteinte, chargé de représenter ses ancêtres auprès du souverain régnant, est mentionnée dans plusieurs autres textes. Dans le Chou king, le chapitre Wei tse tche ming nous montre le duc de Tcheou nommant le vicomte de Wei représentant de la dynastie Chang et lui annonçant qu’il serait traité comme un hôte dans la maison du roi. Voyez encore dans le Chou king, chap. I et Tsi (trad. Legge, p. 87), Tan-tchou appelé l’hôte de Choen ; et encore Tso-tchoan, 24e année du duc Hi, trad. Legge, p. 193, 1e col. ; — Che king, décade de Tch’en-kong, ode 3, trad. Legge, p. 585 ; [trad. Couvreur] ; — Li ki, chap. Kiao t’o cheng, trad. Legge, Sacred Books of the East, vol. XXVII, p. 422-428.
  232. C’est-à-dire qu’il ne se séparait pas de ses ancêtres et ne se reconnaissait pas le droit de se conduire comme un maître envers les fils des anciens souverains. La phrase se retrouve dans le chapitre Tsi fa du Li ki.
  233. Leur mérite fit qu’on les distingua en les désignant par le nom de la principauté qui leur avait appartenu en fief avant leur accession au trône.
  234. La principauté de Hiong correspond à l’actuelle sous-préfecture de Sin-tcheng, préfecture de K’ai-fong, province de Ho-nan. —► C’est dans ce texte que M. Terrien de Lacouperie a trouvé la preuve que Hoang-ti n’était autre que Nakhunte et voici comment il arrive à ce résultat : le mot Hiong est donné par le Dictionnaire de K ang-hi comme se prononçant, dans certains cas (mais non pas dans celui où il est le surnom de Hoang-ti) Nai ; M. Terrien de Lacouperie prend ce mot Hiong, prononcé à tort Nai, et le place devant le nom de Hoang-ti, créant ainsi une expression Nai (lisez Hiong) Hoang-ti qui n’existe, à ma connaissance, dans aucun texte chinois ; c’est ensuite un jeu d’établir les équivalences Nai = Na, Hoang = khun ; ti = te. Cet exemple suffit à expliquer pourquoi nous ne croyons pas nécessaire de surcharger nos notes en réfutant point par point les prétendues concordances sinico-élamites de M. Terrien de Lacouperie.
  235. Sur l’emplacement des pays de Kao-yang et de Kao-sin, cf. note 155 ; sur T’ao et T’ang, cf. note 166 ; sur Yu, cf. note 206.
  236. C’est-à-dire prince de Hia. Le pays de Hia est identifié avec la préfecture secondaire de Yu, préfecture de Kai-fong, province de Ho-nan.
  237. Sié est l’ancêtre de la dynastie Chang ; son fief de Chang correspond à la préfecture secondaire de Chang, province de Chàn-si. — K’i est l’ancêtre de la dynastie Tcheou ; mais ce ne fut qu’un de ses descendants qui eut le fief de Tcheou (T’ong hien tsi lan, ch. II, p. 12 v°) ; lui-même eut le fief de T’ai, aujourd’hui sous-préfecture de Ou-kong, préfecture secondaire de K’ien, province de Chàn-si.
  238. Cette phrase est évidemment inspirée par un passage du Ou ti Kong-tse dit que Hoang-ti appartient à la haute antiquité et qu’il est difficile de bien le connaître.
  239. Le Chang chou (Livre de l’Antiquité ou, suivant d’autres, Livre vénérable) est un nom du Chou king. On oppose les livres canoniques tels que le Chou king aux cent écoles qui comprennent les écrivains divers non classiques.
  240. Dans l’expression encore en usage de nos jours, tsin chen, le texte de Se-ma Ts’ien remplace le premier caractère par un équivalent phonétique. L’expression tsin chen désigne les personnes qui ont une charge officielle ; tsin signifie enfoncer et chen large ceinture ; tsin chen a donc le sens de « ceux qui enfoncent dans leur ceinture » le hou, c’est-à-dire la tablette que tous les officiers tenaient à la main quand ils étaient reçus en audience par l’empereur.
  241. Ce sont les chapitres Ou ti et Ti hi sing des Rites de Tai l’aîné. — Se-ma Ts’ien commence par montrer pour quels motifs certains lettrés de son temps se refusaient à faire remonter l’histoire de Chine au delà de Yao. Dans ce qui suit, il expose quelles raisons l’ont déterminé lui-même à accepter, en les choisissant avec critique, quelques-uns des récits relatifs aux cinq empereurs.
  242. La montagne Kong-t’ong est dans la préfecture de P’ing-léang, province de Kan-sou.
  243. Sur la montagne Tchouo-lou, cf. note 117. Le Kiang et le Hoai sont le Yang-tse Kiang et la rivière Hoai.
  244. Le Tch’oen ts’ieou ou Chronique de l’État de Lou attribuée à Confucius et les Discours des États attribués à Tso K’ieou-ming. Cf. mon Introduction, au chapitre des Sources de Se-ma Ts’ien.
  245. Les idées de ces autres récits.