Mémoires de la ville de Dourdan/Lettres d’amortissement pour le Prieur de Dourdan
Lettres d’admortiſſement pour le Prieur de Dourdan.
Admortiſſement de la rente de quatre-vingts liures pariſis, & confirmation du droict de chaſſe.
Louys Comte d’Eſtampes & Seigneur de Lunel : A tous ceux qui ces preſentes lettres verront, ſalut. Comme des long temps à noſtre tres cher ſeigneur & ayeul dont Dieu ait l’ame, Monſeigneur Loys Comte d’Eureux, lors ſeigneur de Dourdan, ſçachant & conſiderant pluſieurs grands griefs & dommages que les beſtes de ſa garenne lors eſtant à Dourdan, faiſoient aux gens d’Egliſe, clercs, nobles, bourgeois & habitans de ladite ville de Dourdan & parroiſſe de ſainct Germain, de ſainct Pere, & de la Chappelle ſaincte Meſme, & en leurs heritages, leſquels griefs & dommages ils ne pouuoient plus ſupporter ſans laiſſier leſdits heritages & partir du pays : A iceux, à leur ſupplication, & meu de pitié enuers eux, octroya que ladite garenne, quant aux beſtes à pied clos, cheiſt du tout à touſiours perdurablement en leurs terres gaignables, vignes, prez, couſtils, & en tous les autres heritages qu’ils ont ou terrouer de Dourdan & ez trois parroiſſes deſſuſdites, en tous les friſches qu’ils ont enclos entre leurs vignes & terres gaignables, parmy ce qu’ils deuoient rendre & payer chaſcun an à luy & à ſes ſucceſſeurs, ou chaſtel de Dourdan le iour de la feſte aux Mors quatre-vingts liures pariſis de rente, leſquels ils luy aſſignerent chacun pour ſa portion ſur les heritages ſituez audit terrouer de Dourdan & ez trois parroiſſes deſſuſdites & ez appartenances, deſquels heritages chaſcune piece fut chargée par portion de ladite rente de quatre-vingts liures pariſis : Et auec ce leur octroya qu’ils peuſſent chacier en leurs terres, vignes, prez, jardins & autres heritages en la forme & maniere & conditions plus à plein contenuës ez lettres ou priuilege ſur ce fait & ſcellé en lacs de ſoye & cire vermeille, dont la teneur enſuit. Loys fils de Roy de France, Comte d’Eureux : A tous ceux qui verront ces preſentes lettres, &c.
Et il ſoit ainſi que pour les guerres & mortalitez qui depuis ont eſté ou pays, leſdits gens d’Egliſe, clercs, nobles, bourgeois & habitans ſoient tellement diminuez en nombre & les heritages ſur leſquels ladite rente eſtoit aſſiſe demourez en telle ruyne & deſert, que ladite rente dont le droict nous appartient comme à ſeigneur de Dourdan, ne nous reuient pas à plus de quarante liures pariſis ou enuiron, ſur leſquels heritages nous auons auſſi perdu grande partie de nos cens qui anciennement nous eſtoiẽt deubs pour noſtre fond de terre, par la rayne d’iceux heritages qui delaiſſiez & demourez ſont en friſche pour leſdites charges & autres cauſes deſſuſdites, dont encores pour la pauureté du commun peuple dudit pays il eſt grand doute qu’ils ne deuiennent de petite ou nulle valuë, & que nos autres cens, rentes & droicts que nous prenons ſur aucuns heritages qui à preſent ſont fertiles, ne diminuent & viegnent à neant par les grandes pertes, pauuretez & miſeres qu’ont ſouffert iceux habitans pour ledit faict des guerres & autrement, leſquels ils ne peuuent bonnement ſupporter, ſi comme de ce nous deuëment acertenez, ſupplians que ſur ce vueillons pouruoir de noſtre grace en telle maniere que les habitans en icelles paroiſſes ſe puiſſent multiplier & paiſiblement viure ſoubs nous, les heritages qui ſont chargez de ladite rente labourer, & releuer noſtre juriſdiction, & autres droicts augmenter : Sçauoir faiſons à tous preſens & à venir, que nous ces choſes conſiderées & par grande & meure deliberation de noſtre Conſeil, pour eſcheuer plus grand pertes & dommages qui nous pouroient avenir, à iceux gens d’Egliſe, clercs, nobles, bourgeois, habitans, auons expoſé en vente le droict de ladite rente de quatre-vingts liures, à nous appartenant (comme dit eſt) auec leſquels nous auons traité accordé pour noſtre proufit faire & dommage eſcheuer, par grand & meure deliberation de noſtre Conſeil, & afin qu’ils ne ſoient deſerts, & que le pays en demeure plus habitable, & que par ce leſdits heritages qui ſont en ruyne ſe puiſſe releuer nos cens anciens recouurer & noſtre peuple multiplier en augmentation de noſtre Iuriſdiction & autres droicts & proufits de noſtre terre, que eux & tous leurs heritages chargez de ladite rente pour telle portion comme ils en peuuent eſtre chargez, demeurent francs, quittes & deſchargez de toute ladite rente de quatre-vingts liures pariſis qui de preſent ne reuiennent pas pour les cauſes deſſuſdites à plus de quarante liures pariſis ou enuiron comme dit eſt : Et pour cauſe de ce les gens d’Egliſe, clercs, nobles, bourgeois & habitans nous ont payé & nombré tout à vne fois la ſomme de cinq cens liures tournois, moyennant laquelle ſomme ainſi par nous receuë (comme dit eſt) à iceux pour pitié & compaſſion de eux, & qu’ils puiſſent viure ſoubs nous, auons quitté & remis, quittons & remettons à touſiours ladite rente, & d’icelle voulons que eux & leurs hoirs & ſucceſſeurs, leurs terres & heritages & de leurſdits hoirs & ſucceſſeurs ſoient & demourent francs & quittes & deſchargez à touſiourſmais perpetuellement, & auec ce leur auons octroyé & octroyons de noſtre certaine ſcience, & de tous les droicts qu’ils ont eu & ont de chacier ou faire chacier par leſdites lettres deſſus tranſcriptes, en la maniere contenuë en icelles, ils & leurs hoirs & ſucceſſeurs ioïſſent & puiſſent ioïr ſans contradiction aucune : Et quant à ce entant comme meſtier eſt loons, greons, ratifions & approuuons leſdites lettres deſſus tranſcriptes, & d’abondant les confirmons par la teneur de ces preſentes. Promettant en bonne foy pour nous, nos hoirs & ſucceſſeurs, que contre la vente & choſe deſſuſdite nous ne irons ne venir ferons par nous ne par autres, ainçois garantirons, deliurerons & deffendrons leſdites gens d’Egliſe, clercs, nobles, bourgeois & habitans qui à preſent pocedent, & pour le temps avenir poſſederont leſdits heritages enuers tous entant comme il nous touche & peut toucher. Si donnons en mandement à tous nos officiers preſens & aduenir, que les habitans eſdites parroiſſes ils laiſſent & facent ioïr & vſer paiſiblement des choſes deſſuſdites & en la maniere que dit eſt : Et à nos amez & feaux les gens de nos Comptes, que par rapportant copie de ces preſentes vne fois tant ſeulement ils extraient & mettent hors de nos Comptes & Regiſtres, & oſtent de noſtre Domaine leſdits quatre-vingts liures par an, & en tiennent quittes & deſchargez nos Receueurs & Preuoſt de Dourdan qui à preſent ſont & qui pour le temps à venir ſeront : & nous meſmes par ces preſentes les en quittons & deſchargeons à plein. Et pource que ce ſoit choſe ferme & ſtable a touſiourſmais, nous auons fait ſceller ces preſentes de noſtre grand ſcel en lacs de ſoye & cire vert, ſauf en autres choſes noſtre droict & en toutes l’autruy. Ce fut fait & donné en noſtre chaſtel de Dourdan deſſuſdit, le 21. iour d’Auril apres Paſques, l’an de grace 1381. Et ſur le reply eſt eſcrit, Par Monſieur le Comte, à la relation de ſon Conſeil, Porel, & ſcellé.
Teſtament de Louys Comte d’Eſtampes.
I’ay inſeré ce teſtament vn peu plus au long que ne deſiroit mon deſſein : mais ie l’ay fait pour publier la pieté de ce Prince qui y eſt naïfuement repreſentée, & pour donner vn eſchantillon de la ſimplicité & frugalité de ſon temps, beaucoup eſloignez de la ſuperfluité & prodigalité du noſtre.
Dans la remarque que i’ay fait cy deuant des circonſtances qui pouuoient ſeruir pour faire croire qu’il faiſoit ſon ſejour ordinaire au chaſteau de Dourdan, i’en ay obmis vne qui n’eſt pas moins conſiderable que toutes les autres, laquelle ie tire de l’article de ce teſtament, auquel il eſt parlé de ſon Breuiaire à l’vſage de Chartres, qu’il donne au ſieur Thorel : Car de là il eſt aiſé de juger que ſa principale demeure eſtoit dans l’Eueſché de Chartres, puiſque ſes prieres en eſtoient à l’Vſage, & conſequemment à Dourdan, puis qu’il n’auoit autre chaſteau dans l’eſtenduë de cét Eueſché.
Ce bon Prince n’ayant aucuns enfans, & deſeſperant d’en auoir, & d’ailleurs ſe voulant reſſentir de l’amitié que luy auoit touſiours teſmoignée le Duc d’Anjou fils du Roy Iean, & en conſideration de ce que ſon fils aiſné auoit eſpouſé la fille du Comte d’Alençon ſa niepce, il luy donna tous ſes biens par donation entre-vifs, la joüiſſance toutesfois reſeruée ſa vie durant, & outre aux clauſes & conditions amplement contenuës au contract cy deſſoubs tranſcriptes.
Mais quatre ans apres, & en l’année 1385. ſe feit vne tranſaction entre la vefue du Duc d’Anjou (qui depuis ladite donation auoit eſté fait Roy de Sycile) & le Duc de Berry, par laquelle elle luy tranſporta tout le contenu en ceſte donation en contreſchange de la remiſe qu’il feit des pretentions qu’il auoit ſur la principauté de Tarente, en ſuitte dequoy le Duc de Berry deſirant s’aſſeurer pendant la vie du donateur, obtint de luy conſentement pour ſe faire receuoir deſlors en foy par le Roy, à la charge neantmoins de l’vſufruict cy deſſus, & des autres clauſes & conditions portées par le contract de donation.
En fin noſtre Comte d’Eſtampes apres auoir longuement veſcu, mourut ſubitement diſnant auec le Duc de Berry, & expira ſi doucement, que le Duc le conſiderant appuyé ſur la table, creut qu’il dormoit, & le voulut eſueiller, mais en vain.
Il fut enterré aupres de ſa femme à ſainct Denys en France, dans la Chappelle de noſtre Dame blanche. Mais ie croy qu’on reſerua ſon cœur ou autres parties pour Dourdan : Car ie trouue que dans l’Egliſe de S. Germain, derriere l’hoſtel de ſaincte Barbe il y a vne eſpece de tombeau qui porte les armes de ſa maiſon, par les reſtes duquel on remarque contre la muraille à la hauteur de cinq ou ſix pieds, vne ſaillie de pierres de taille, & ſur icelles vn empatement de croix (auſſi ay-ie appris des anciens du pays qu’il y auoit vn fort beau crucifix, qui fut ruiné pendant les troubles de l’année 1567.) Ie luy attribuë cét ouurage, encore qu’il conuienne auſſi bien à ſes pere & ayeul : mais ie n’ay point veu qu’ils euſſent tant de deuotion à ceſte Egliſe que luy, qui y auoit eſté baptiſé, à cauſe dequoy il auroit auſſi voulu y laiſſer quelque partie de ſon corps. Ou en fin ſi on veut nier que ſoit vn tombeau, à tout le moins faudra-il aduoüer que c’eſtoit vn crucifix, que luy ou ſes predeceſſeurs auoient fait mettre en ce lieu, afin de l’auoir pour perpetuel obiect lors qu’ils ſeroient dans leur banc, qui eſtoit en cét endroit, au lieu duquel depuis on a baſty l’autel de ſaincte Barbe, d’où ie tire encores vn argument de leur aſſiduité à Dourdan.
En luy finit la branche d’Eſtampes, iſſuë de la maiſon d’Eureux de laquelle il ne reſtoit plus que les deſcendants de Philippes Comte d’Eureux & Roy de Nauarre ſon oncle, leſquels luy euſſent ſuccedé auec Blanche Ducheſſe d’Orleans, fille du Roy Charles le Bel, & de Ieanne d’Eureux ſa tante, s’ils n’en euſſent eſté excluds par la donation cy-deſſus, au moyen de laquelle Dourdan tomba és mains du Duc de Berry.