Mémoires de la ville de Dourdan/Épître au roi

AV ROY,

Sire,

A l’heure meſmes que ie feus honoré de la charge de voſtre Aduocat à Dourdan, douze ans y a, ie pris reſolution de l’exercer, non ſeulement ſans donner ſuiet de correction, mais encores auec tout l’honneur & l’vtilité qu’on en pourroit ſouhaiter ; & pour y paruenir & m’en acquitter plus dignement, i’entrepris vne exacte recherche de l’ancienne conſiſtance de voſtre Domaine & de l’eſtenduë de voſtre Iuſtice : en quoy i’ay trauaillé auec tant d’aßiduité & d’affection, que ie ſuis paruenu au but de mes intentions & i’ay merité l’agreable fecondité de laquelle Dieu recompence le plus ſouuẽt ceux qui tendent à bonne fin, c’eſt à dire vne grande lumiere dans l’antiquité du païs de laquelle ie n’auois rien peu apprendre iuſques à lors, meſmes des plus anciens qui l’auoient touſiours ignorée & meſpriſée : Ceſte premiere ouuerture m’a dõné l’enuie & l’adreſſe de paſſer outre & m’a fait apprẽdre que Dourdan pouuoit entrer en paralleles auec les lieux les plus renommez de la France, tant à cauſe de ſon ancienne vnion à la Couronne, que pour l’aduantage qu’il a touſiours eu d’eſtre chery & frequenté par les Roys & Princes de leur ſang, comme eſtant plein de delices & tres-propre pour la Chaſſe leur ordinaire déduit : Ceſte cognoiſſance m’eſtoit vn threſor caché, que ie n’oſois deſcouurir craignant d’eſtre accuſé d’impoſtures, & que le peu d’eſtat qu’en ont fait les Roys vos predeceſſeurs depuis quelques années ne ſeruiſt de condamnation contre tout ce que i’en euſſe peu dire. Pendant que ie me forçois à ce ſilence le hazard ayant fait voir le païs à voſtre Maieſté, & elle en ayant fait le iugement que ſa ſituation & ſes diuerſitez pouuoient meriter, i’ay commencé d’eſtre eſmeu & prendre quelque courage, mais lors que la Royne voſtre Mere a fait voir qu’elle y vouloir engager vos affections comme en choſe qui luy appartenoit, i’ay pris l’effort, & comme l’vn de ſes principaux Officiers ſur le lieu, i’ay penſé deuoir ſeconder ſes pieuſes intentions & contribuer de ma part à l’accompliſſement de ce loüable deſſein, en monſtrant à voſtre Maieſté, par les exemples de ſes deuanciers, que ce païs luy eſtoit naturellement dedié, & qu’elle ne le pouuoit meſpriſer ſans ſe priuer d’vne infinité de plaiſirs & de tres-agreables paſſe-temps. Par ce diſcours (Sire) vous verrez tous les Roys vos ayeuls depuis Huë Capet iuſques à S. Louys, eſtre attachez de paßion à Dourdan : vous y remarquerez des teſmoignages de tres-grande affection de Louys Comte d’Eureux, duquel vous eſtes deſcendu du coſté de Nauarre à cauſe de Philippes le Bon ſon fils : vous y apperceurez Marie d’Eſpagne femme de Charles Comte d’Eſtampes & depuis de Charles Comte d’Alençon, de laquelle vous eſtes pareillement yſſu du coſté de Vendoſme, y faire toutes ſes couches (marques infaillibles de la pureté & ſalubrité de l’air) & vous y deſcouurirez, que de tous ceux qui l’ont poſſedé, il n’y en a eu aucun qui ne l’aye außitoſt choiſi pour ſa principale demeure. Cecy ſeruira (Sire) pour vous confirmer d’autant plus en l’eſlection que vous en auez fait, & ſera admirer par tous les François la ſolidité de voſtre iugement & les empeſchera de s’eſtonner ſi auec tant de facilité & ſans autre conſideration ny de baſtiments ny d’autres artifices voſtre Maieſté s’y eſt trouuée engagée, puiſque la naturelle beauté du lieu a de tout temps eu d’aſſez puiſſants charmes pour y retenir les Ames Royales, & que s’il a eſté aucunement negligé depuis quelques années par vos predeceſſeurs, ç’a pluſtoſt eſté faute d’eſtre cogneu que pour aucune imperfection qui s’y feuſt remarquée. En fin, ce petit ouurage, mais ce grand trauail (Sire) me ſeruira pour vous monſtrer qu’à l’imitation de mes anceſtres qui ont depuis quatrevingts-douze ans continuellement ſeruy en qualité de domeſtiques les Maieſtez Royales, Ie n’ay autre inclination ny autre volonté que de rendre à la voſtre tous les ſeruices que luy doibt

Son tres-humble, tres-obeiſſant, & tres fidelle ſubject & Officier,
I. Delescornay
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