Mémoires de la comtesse de Boigne (1921)/Tome II/V/Chapitre IX

Émile-Paul Frères, Éditeurs (Tome ii
1815. — L’Angleterre et la France de 1816 à 1820.
p. 108-118).


CHAPITRE ix


Nobles adieux de l’empereur Alexandre au duc de Richelieu. — Sentiments patriotiques du duc. — Ridicules de monsieur de Vaublanc. — Arrivée de mon père à Paris. — Procès du maréchal Ney. — Son exécution. — Exaltation du parti royaliste. — Procès de monsieur de La Valette. — Madame la duchesse d’Angoulême s’engage à demander sa grâce. — On l’en détourne. — Démarches faites par le duc de Raguse. — Il fait entrer madame de La Valette dans le palais. — Sa disgrâce. — Fureur du parti royaliste à l’évasion de monsieur de La Valette.

Monsieur de Talleyrand s’est quelquefois vanté de s’être retiré pour ne pas signer le cruel traité imposé à la France. Le fait est qu’il a succombé sous les malveillances accumulées que j’ai déjà signalées.

Monsieur de Richelieu était porté aux affaires par l’empereur Alexandre, et, quelque dures qu’aient été les conditions qu’on nous a fait subir, elles l’auraient été beaucoup plus avec tout autre ministre. Aussitôt la nomination de monsieur de Richelieu, l’autocrate s’était déclaré hautement le champion de la France. Aussi, lorsque à son départ il distribua des présents aux divers diplomates, il envoya à monsieur de Richelieu une vieille carte de France, servant à la conférence et sur laquelle étaient tracées les nombreuses prétentions territoriales élevées par les Alliés et que leurs représentants comptaient bien exiger. Il y joignit un billet de sa main portant que la confiance inspirée par monsieur de Richelieu avait seule évité ces énormes sacrifices à sa patrie. Ce cadeau, ajoutait l’Empereur, lui paraissait le seul digne de son noble caractère et celui que, sans doute, il apprécierait le plus haut. Un tel don honore également le souverain qui en conçoit la pensée et le ministre qui mérite de l’inspirer.

Malgré ce succès que monsieur de Richelieu n’était pas homme à proclamer et qui n’a été su que longtemps après, son cœur vraiment français saignait de ce terrible traité. Le son de voix avec lequel il en fit lecture à la Chambre, le geste avec lequel il jeta le papier sur la tribune après ce pénible devoir accompli sont devenus historiques et ont commencé à réconcilier tout ce qui avait de l’âme dans le pays à un choix qui d’abord apparaissait comme un peu trop russe.

Rien au monde n’était plus injuste ; monsieur de Richelieu était français, exclusivement français, nullement émigré et point du tout plus aristocrate que les circonstances ne le permettaient. Il était, dans le meilleur sens des deux termes, libéral et patriote. Pendant ce premier ministère, il éprouvait l’inconvénient de ne point connaître les personnes et, pour un ministre prépondérant, cela est tout aussi nécessaire que de savoir les affaires. Cette ignorance lui fit accepter sans opposition, un collègue donné par Monsieur. C’était monsieur de Vaublanc. Il ne tarda pas à déployer une sottise si délicieusement ridicule qu’il aurait fallu en pâmer de rire s’il n’avait pas trouvé de l’appui chez les princes et dans la Chambre. Toutes les absurdités étaient contagieuses dans ces parages.

Monsieur de Vaublanc chercha promptement à fomenter une intrigue contre monsieur de Richelieu ; elle fut déjouée par le crédit des étrangers.

Ce fut vers ce temps que Monsieur donna à monsieur de Vaublanc un grand cheval blanc. Il posait dessus, dans le jardin du ministère de l’intérieur, pour la statue de Henri iv, personne, selon lui, ne se tenant à cheval dans une égale perfection. Si ses prétentions s’étaient bornées là, on s’en serait facilement accommodé ; mais il les réunissaient toutes, portées à une exagération sans exemple et manifestées avec une inconvenance incroyable dans sa naïveté.

Quoiqu’elle soit peu digne, même de la macédoine que j’écris, je ne puis me refuser à rapporter une saillie qui a toujours eu le don de me faire sourire. Le bœuf gras se trouva petit et maigre cette année ; on le remarquait devant madame de Puisieux : « Je le crois bien, s’écria-t-elle, la pauvre bête aura trop souffert des sottises de son neveu le Vaublanc. »

C’est cette même madame de Puisieux qui, voyant monsieur de Bonnay, d’une pâleur excessive, se verser un verre d’orgeat, l’arrêta en lui disant : « Ah, malheureux ; il allait boire son sang ! »

Si nous avions vécu dans un temps moins fécond en grands événements, les mots de madame de Puisieux auraient autant de célébrité que ceux de la fameuse madame de Cornuel.

Mon père avait terminé, tant bien que mal, l’affaire relative aux français domiciliés en Piémont, et remis, pour satisfaire au traité de Paris, le reste de la Savoie au roi de Sardaigne.

Le roi Louis XVIII en était aussi joyeux aux Tuileries qu’on pouvait l’être à Turin. Son ambassadeur ne partageait pas cette satisfaction et ce dernier acte de ses fonctions lui fut si désagréable qu’il refusa, même avec un peu d’humeur, le grand cordon qui lui fut offert à l’occasion de cette restitution. À la vérité, mon père espérait alors l’ordre du Saint-Esprit et, si les préjugés de sa jeunesse le lui faisaient désirer avec trop de vivacité, ils lui inspiraient, en revanche, un grand dédain pour toutes les décorations étrangères.

À son arrivée, monsieur de Richelieu le combla de marques de confiance. Les préparatifs qu’il lui fallut faire pour se rendre à Londres le retinrent assez longtemps pour avoir le malheur d’être appelé à siéger au procès du maréchal Ney.

Je ne prétends pas entrer dans le détail de cette déplorable affaire. Elle nous tint dans un grand état d’anxiété. Pendant les derniers jours du jugement, les pairs et tout ce qui leur appartenait reçurent des lettres menaçantes. Il est à peu près reconnu que la pairie devait condamner le maréchal. On a fort reproché au Roi de ne lui avoir pas fait grâce. Je doute qu’il le pût ; je doute aussi qu’il le voulût.

Quand on juge les événements de cette nature à la distance des années, on ne tient plus assez compte des impressions du moment. Tout le monde avait eu peur, et rien n’est aussi cruel que la peur. Il régnait une épidémie de vengeance. Je ne veux d’autre preuve de cette contagion que les paroles du duc de Richelieu en envoyant ce procès à la Cour des pairs. Puisque ce beau et noble caractère n’avait pu s’en défendre, elle devait être bien générale, et je ne sais s’il était possible de lui refuser la proie qu’elle réclamait, sans la pousser à de plus grands excès.

Nous avons vu plus tard un autre Roi s’interposer personnellement entre les fureurs du peuple et les têtes qu’elles exigeaient. Mais d’abord, ce Roi-là, selon moi, est un homme fort supérieur, et puis les honnêtes gens de son parti appréciaient et encourageaient cette modération. Il risquait une émeute populaire ; sa vie pouvait y succomber, mais non pas son pouvoir.

En 1815, au contraire, c’était, il faut bien le dire, les honnêtes gens du parti, les princes, les évêques, les Chambres, la Cour, aussi bien que les étrangers, qui demandaient un exemple pour effrayer la trahison. L’Europe disait : Vous n’avez pas le droit d’être généreux, de faire de l’indulgence au prix de nos trésors et de notre sang.

Le duc de Wellington l’a bien prouvé en refusant d’invoquer la capitulation de Paris. La grâce du maréchal était dans ses mains, bien plus que dans celles de Louis XVIII. Ajoutons que la peine de mort en matière politique se présentait alors à tous les esprits comme de droit naturel, et n’oublions pas que c’est à la douceur du gouvernement de la Restauration que nous devons d’avoir vu croître et se répandre aussi généralement les idées d’un libéralisme éclairé.

Je ne prétends en aucune façon excuser la frénésie qui régnait à cette époque. J’ai été aussi indignée alors que je le serais à présent de voir des hommes de la société prodiguer libéralement leurs services personnels pour garder le maréchal dans la chambre de sa prison, y coucher, dans la crainte qu’il ne s’évadât, d’autres s’offrir volontairement à le conduire au supplice, les gardes du corps solliciter comme une faveur et obtenir comme récompense la permission de revêtir l’uniforme de gendarme pour le garder plus étroitement et ne lui laisser aucune chance de découvrir sur le visage d’un vieux soldat un regard de sympathie.

Tout cela est odieux, mais tout cela est vrai. Et je veux seulement constater que, pour faire grâce au maréchal Ney, il fallait plus que de la bonté, il fallait un grand courage. Or, le roi Louis XVIII n’était assurément pas sanguinaire, mais il avait été trop constamment, trop exclusivement prince pour faire entrer dans la balance des intérêts la vie d’un homme comme d’un grand poids.

Au reste, ce pauvre maréchal, dont on a fait un si triste holocauste aux passions du moment et que d’autres passions ont pris soin depuis d’entourer d’auréole, s’il avait vécu, n’aurait été pour les impérialistes que le traître de Fontainebleau, le transfuge de Waterloo, le dénonciateur de Napoléon. Aux yeux des royalistes, la culpabilité de sa conduite était encore plus démontrée.

Mais ses torts civils se sont effacés dans son sang et il n’est resté dans la mémoire de tous que cette intrépidité militaire si souvent et si récemment employée, avec une vigueur surhumaine, au service de la patrie. La sagesse populaire a dit : « Il n’y a que les morts qui ne reviennent pas. » J’établirais plus volontiers qu’en temps de révolution les morts seuls reviennent.

Je me souviens qu’un jour, pendant le procès, je dînais chez monsieur de Vaublanc. Mon père arriva au premier service, sortant du Luxembourg et annonçant un délai accordé à la demande des avocats du maréchal. Monsieur de Vaublanc se leva tout en pied, jeta sa serviette contre la muraille en s’écriant :

« Si messieurs les Pairs croient que je consentirai à être ministre avec des corps qui montrent une telle faiblesse, ils se trompent bien. Encore une pareille lâcheté et tous les honnêtes gens n’auront plus qu’à se voiler le visage. »

Il y avait trente personnes à table dont plusieurs députés, tous faisaient chorus. Il ne s’agissait pourtant que d’un délai légal, impossible à refuser à moins de s’ériger en chambre ardente. On comprend quelle devait être l’exaltation des gens de parti lorsque ceux qui dirigeaient le gouvernement étaient si cruellement intempestifs.

Mon père et moi échangeâmes notre indignation dès que nous fûmes remontés en voiture ; si nous l’avions exprimée dans la maison, on nous aurait lapidés. Nous étions déjà classés au nombre des gens mal pensants ; mais ce n’est qu’après l’ordonnance du 5 septembre qu’il fut constaté que je pensais comme un cochon. Ne riez pas, mes neveux, c’est l’expression textuelle de fort grandes dames, et elles la distribuaient largement.

Je rencontrais partout le duc de Raguse, et surtout chez madame de Duras où il venait familièrement. J’éprouvais contre lui quelques-unes des préventions généralement établies et, sans avoir jamais aimé Napoléon, je lui savais mauvais gré de l’avoir trahi. Les étrangers bien informés de cette transaction furent les premiers à m’expliquer combien la loyauté du maréchal avait été calomniée. Je remarquai, d’un autre côté, à quel point, malgré les insultes dont l’abreuvait le parti bonapartiste, il restait fidèle à ses anciens camarades.

Il les soutenait toujours fortement et vivement dès qu’ils étaient attaqués, les louait volontiers sans aucune réticence et se portait le protecteur actif et zélé de tous ceux qu’on molestait. Cela commença à m’adoucir en sa faveur et à me faire mieux goûter un esprit très distingué et une conversation animée et variée, mérites qu’on ne pouvait lui refuser. Le jour approchait où mon affection pour lui devait éclore.

Monsieur de La Valette, fort de son innocence et persuadé qu’aux termes de la loi il n’avait rien à craindre, se constitua prisonnier. Il aurait été acquitté sans un document dont voici la source : le vieux monsieur Ferrand, directeur de la poste, avait été saisi d’une telle terreur le jour du retour de l’Empereur qu’il n’osait plus rester ni partir. Il demanda à monsieur de La Valette, son prédécesseur sous l’Empereur, de lui signer un permis de chevaux de poste. Celui-ci s’en défendit longtemps, enfin il céda aux larmes de madame Ferrand et, pour calmer les terreurs du vieillard, il mit son nom au bas d’un permis fait à celui de monsieur Ferrand, dans son cabinet, et entouré de sa famille pleine de reconnaissance.

C’est la seule preuve qu’on pût apporter qu’il eût repris ses fonctions avant le terme que fixait la loi. Je suppose que la remise de cette pièce aura beaucoup coûté à la famille Ferrand ; j’avoue que ce dévouement royaliste m’a toujours paru hideux. Monsieur de Richelieu en fut indigné. Il avait d’ailleurs horreur des persécutions, et, plus il s’aguerrissait aux affaires, plus il s’éloignait des opinions de parti. Ne pouvant éviter le jugement de monsieur de La Valette, il s’occupa d’obtenir sa grâce s’il était condamné.

De son côté, monsieur Pasquier, quoique naguère garde des sceaux, alla témoigner vivement et consciencieusement en sa faveur. Monsieur de Richelieu demanda sa grâce au Roi. Il lui répondit qu’il n’osait s’exposer aux fureurs de sa famille mais que, si madame la duchesse d’Angoulême consentait à dire un mot en ce sens, il la lui accorderait avec empressement. Le duc de Richelieu se rendit chez Madame et, avec un peu de peine, il obtint son consentement. Il fut convenu qu’elle demanderait la grâce au Roi le lendemain après le déjeuner. Il en fut prévenu.

Lorsque le duc de Richelieu arriva chez le Roi, le lendemain, le premier mot qu’il lui dit fut :

« Hé bien ! ma nièce ne m’a rien dit, vous aurez mal compris ses paroles.

— Non, Sire, Madame m’a promis positivement.

— Voyez-la donc et tâchez d’obtenir la démarche, je l’attends si elle veut venir. »

Or, il s’était passé un immense événement dans le palais des Tuileries ; car, la veille au soir, on y avait manqué aux habitudes. Chaque jour après avoir dîné chez le Roi, Monsieur descendait chez sa belle-fille à huit heures ; à neuf heures il retournait chez lui. Monsieur le duc d’Angoulême allait se coucher et Madame passait chez sa dame d’atour, madame de Choisy. C’était là où se réunissaient les plus purs, c’est-à-dire les plus violents du parti royaliste.

Le soir en question, Madame les trouva au grand complet. Ils avaient eu vent du projet de grâce. Elle avoua être entrée dans ce complot, et dit que son beau-père et son mari l’approuvaient. Aussitôt les cris, les désespoirs éclatèrent. On lui montra les dangers de la couronne si imminents après un pareil acte que, chose sans exemple, elle monta dans la voiture d’une personne de ce sanhédrin et se rendit au pavillon de Marsan où elle trouva Monsieur également chapitré par son monde et fort disposé à revenir sur le consentement qui lui avait été arraché.

Il fut résolu que Madame ne ferait aucune démarche et que, si le ministre et le Roi voulaient se déshonorer, du moins le reste de la famille royale n’y tremperait pas. Voilà à quoi tenait le silence de Madame. Monsieur de Richelieu obtint une audience, mais la trouva inébranlable. Elle était trop engagée. C’est de ce moment qu’a daté leur mutuelle répugnance l’un pour l’autre.

Monsieur de Richelieu vint rendre compte au Roi.

« Je l’avais prévu ; ils sont implacables, dit le monarque en soupirant ; mais, si je les bravais ; je n’aurais plus un instant de repos. »

Tandis que ceci se passait chez les princes, on était venu demander au duc de Raguse ce qu’il consentirait à faire en faveur de monsieur de La Valette. « Tout ce qu’on voudra », avait-il répondu. Il se rendit d’abord auprès du Roi, qui lui fit ce que lui-même appelait son visage de bois, le laissa parler aussi longtemps qu’il voulut, sans donner le moindre signe d’intérêt et le congédia sans avoir répondu une parole.

Le maréchal comprit que monsieur de La Valette était perdu. Ignorant les démarches vainement tentées auprès de Madame, il n’espéra qu’en elle. Il courut avertir madame de La Valette qu’il fallait avoir recours à ce dernier moyen. Mais ce danger avait été prévu, tous les accès lui étaient fermés ; elle ne pouvait arriver jusqu’à la princesse.

Le maréchal, qui était de service comme major général de la garde, la cacha dans son appartement et, pendant que le Roi et la famille royale étaient à la messe, il força toutes les consignes et la fit entrer dans la salle des Maréchaux par où on ne pouvait éviter de repasser. Madame de La Valette se jeta aux pieds du Roi et n’en obtint que ces mots : « Madame, je vous plains. »

Elle s’adressa ensuite à madame la duchesse d’Angoulême et saisit sa robe ; la princesse l’arracha avec un mouvement qui lui a été souvent reproché depuis et attribué à une haineuse colère. Je crois que cela est parfaitement injuste. Madame avait engagé sa parole ; elle ne pouvait plus reculer. Probablement son mouvement a été fait avec sa brusquerie accoutumée ; mais je le croirais bien plutôt inspiré par la pitié et le chagrin de n’oser y céder que par la colère. Le malheur de cette princesse est de n’avoir pas assez d’esprit pour diriger son trop de caractère : la proportion ne s’y trouve pas.

La conduite du maréchal fut aussi blâmée parmi les courtisans qu’approuvée du public. Il reçut ordre de ne point reparaître à la Cour et partit pour sa terre. L’officier des gardes du corps qui lui avait laissé forcer la consigne fut envoyé en prison.

Ces [faits] préalables connus, on s’étonnera moins du long cri de rage qui s’éleva dans tout le parti lorsqu’on apprit l’évasion de monsieur de La Valette. Le Roi et les ministres furent soupçonnés d’y avoir prêté les mains. La Chambre des députés rugissait, les femmes hurlaient. Il semblait des hyènes auxquelles on avait enlevé leurs petits. On alla jusqu’à vouloir sévir contre madame de La Valette, et l’on fut obligé de la faire garder quelque temps en prison pour laisser calmer l’orage. Monsieur Decazes, fort aimé jusque-là des royalistes, commença à leur inspirer une défiance qui ne tarda guère à devenir de la haine.

Quoique le gouvernement n’eût en rien facilité la fuite de monsieur de La Valette, je pense qu’au fond il en fut charmé. Le Roi partagea cette satisfaction. Il rappela assez promptement le duc de Raguse et le traita bien au retour. Mais le parti fut moins indulgent et on lui montra autant de froideur qu’il trouvait d’empressement jusque-là. J’en excepte toujours madame de Duras ; elle faisait bande à part dans ce monde extravagant. Si elle se passionnait, ce n’était jamais que pour des idées généreuses, et la défaveur du maréchal était un mérite à ses yeux. Malgré cette disposition de la maîtresse de la maison, l’isolement où il se trouvait souvent dans son salon le rapprocha de moi, et nous causions ensemble. Mais ce n’est que lorsque sa conduite à Lyon eut achevé de le brouiller avec le parti ultra-royaliste qu’il vint se réfugier dans la petite coterie qui s’est formée autour de moi et dont il a été un des piliers jusqu’à ce que de nouveaux orages aient encore une fois bouleversé son aventureuse existence.

J’aurai probablement souvent occasion d’en parler dorénavant.