Traduction par Louis Perceau.
Bibliothèque des deux hémisphères (Jean Fort) Collection Cressida (p. 5-20).

LETTRE I

Ma chère Amie,

Il y a longtemps, je le sais, que je vous ai promis de vous expliquer l’origine de ma prédilection pour la fessée, cette passion qui est, selon moi, une des plus délicieuses et des plus voluptueuses de la vie privée, spécialement pour une vieille fille de respectabilité aussi apparente que votre honorable amie. Les engagements doivent être exécutés et les promesses tenues, sans quoi, je ne pourrais guère espérer vous faire tâter à nouveau de ma jolie petite verge. Décrire, ou, plutôt, confesser mon voluptueux travers est pour moi une tâche très déplaisante et je me sens aussi honteuse en relatant ces choses par écrit que je le fus la première fois que la gouvernante de mon grand-père mit à nu mon petit postérieur empourpré pour le cingler sans pitié. Je me résigne toutefois, à commencer, à l’idée que c’est pour votre satisfaction que je vais travailler, et parce que, mon sujet m’échauffant, je réussirai, sans trop de peine, je l’espère, à vous décrire quelques-uns des lascifs épisodes de ma jeunesse.

Mon grand-père, comme vous le savez, d’ailleurs, était le général Sir Eyre Coote, qui se rendit célèbre dans les Indes. C’était un flagellant endurci et il n’était jamais plus heureux que quand une bonne occasion de se servir du martinet s’offrait à lui. Je ne puis parler, bien entendu, de tout ce qui dût, sans nul doute, précéder mes constatations personnelles.

Le premier souvenir que j’aie de lui remonte à l’époque où il dut se retirer de la vie publique à la suite d’un scandale auquel il fut mêlé et qui le fit tomber en disgrâce. Mes parents moururent tous deux alors que j’entrais dans ma treizième année, et le vieux général, qui n’avait d’autre famille, les remplaça auprès de moi, et, à sa mort, me légua toute sa fortune, environ soixante-quinze mille francs de rente.

Il résidait dans une jolie maison de campagne distante d’environ vingt milles de Londres. C’est là que je passai les premiers mois de ma vie d’orpheline en compagnie de sa gouvernante, Mme Mansell et des deux servantes Jane et Jemima. Le vieux général était alors en Hollande, recherchant, comme je l’appris plus tard, toutes les éditions originales ayant trait aux pratiques de Cornelius Hadrien, ce père confesseur qui flagellait les religieuses en punition de leurs péchés.

Nous étions au milieu de l’été lorsqu’il revint, et, tout aussitôt, on me restreignit considérablement les libertés dont je jouissais. Défense de cueillir les fleurs ou les fruits du jardin, tous les jours une leçon sous la direction du vieil autocrate lui-même. Ces leçons, assez simples au début, devinrent bien vite beaucoup plus difficiles, et, maintenant que bien des années ont passé là-dessus, il est évident pour moi qu’il employait la tactique du loup envers l’agneau pour me mettre en défaut et posséder un grief apparent contre moi.

Ce qui me fit plaisir, à cette époque, ce fut sa répugnance à me voir porter plus longtemps des vêtements sombres. Il prétendit qu’un deuil de plusieurs mois était un témoignage de respect suffisant à la mémoire de mes parents et que je devais être habillée dorénavant comme une jeune fille du rang que je devais occuper.

Bien que nous n’eussions guère de visiteurs, à part quelques vieux compagnons d’armes du général, je fus pourvue à profusion de luxueuses toilettes, d’élégantes chaussures, de jolies pantoufles ; mes pantalons et toute ma lingerie étaient ornés de dentelles. J’avais de superbes jarretières, une paire entre autres avec des boucles d’or et mon grand-père insistait pour me les mettre lui-même ; il ne prenait pas garde à la rougeur qui m’empourprait lorsqu’il feignait d’arranger en même temps mon pantalon et ma chemise, et ne se gênait pas pour dire que je ferais un joli morceau le jour où on me déshabillerait pour me corriger.

Peu à peu, mes leçons devinrent si difficiles que je n’y compris plus rien. Un jour, mon grand-père me dit : « Rosa, Rosa, pourquoi ne vous efforcez-vous pas de mieux faire ? Je voudrais pourtant bien ne pas être obligé de vous punir ! »

— Mais, grand-père, répondis-je, comment voulez-vous que j’apprenne chaque jour une aussi longue leçon de cet horrible français ! Je suis sûre que personne n’en serait capable. »

— Tenez votre langue, petite impertinente, je suis, je crois, meilleur juge qu’une gamine comme vous.

— Mais bon papa, vous savez bien que je vous aime et que je fais de mon mieux.

— Eh bien ! prouvez-moi votre affection en vous montrant plus diligente, ou vos fesses feront connaissance avec une jolie petite verge que je garde à leur intention, répondit-il sévèrement.

Une autre semaine s’écoula, au cours de laquelle je constatai plusieurs fois qu’il jetait sur moi des regards ardents, lorsque je paraissais au dîner en robe de soirée (nous dînions toujours en toilette) et il me conseilla de porter à mon corsage un petit bouquet de fleurs assorties à ma carnation.

Mais la tempête approchait, je ne devais plus longtemps échapper au péril qui me menaçait. Il me trouva de nouveau en faute et me donna ce qu’il appelait avec gravité un dernier avertissement. Mes yeux se remplirent de larmes, je tremblai en regardant le froncement sévère de sa vieille figure, et je compris que toute observation de ma part serait inutile.

La perspective de la punition me troubla si bien que je ne pus suivre mes leçons qu’avec la plus grande difficulté, et, le surlendemain, j’y renonçai complètement.

— Oh ! oh ! fit alors le vieux général, puisqu’il en est ainsi, ma petite Rosa, il faut en arriver à une bonne punition !

Sonnant alors Mme Mansell, il lui ordonna de préparer la chambre de punition et d’avertir les servantes de venir lorsqu’il les appellerait. « Je suis, ajouta-t-il, peiné de le dire, Mlle Rosa est si paresseuse et devient de jour en jour si inattentive à ses leçons, qu’elle doit être sévèrement réprimée dans son propre intérêt. »

— Et vous, méchante fille, me dit-il lorsque la gouvernante se fût retirée, allez dans votre chambre et réfléchissez aux conséquences de votre paresse.

Rouge d’indignation, de confusion et de honte, je courus à ma chambre où je m’enfermai au verrou, bien décidée à leur laisser enfoncer la porte avant de me soumettre à cette humiliation publique, devant les deux servantes. Je me jetai sur le lit et donnai libre cours à mes larmes, pendant deux heures au moins, croyant, de minute en minute, le moment fatal arrivé. Pourtant, comme personne ne venait me déranger, je conclus que mon grand-père avait simplement voulu m’effrayer et, sur cette idée, je tombai dans un sommeil réparateur. Je ne me réveillai qu’en entendant à travers la porte la voix de Jane qui me criait : « Mademoiselle Rosa ! Mademoiselle Rosa ! vous allez être en retard pour le dîner ! »

— Je ne veux pas dîner, Jane, si je dois être punie ; allez-vous en, laissez-moi, balbutiai-je à travers la serrure.

— Oh ! mademoiselle Rosa, le général est resté au jardin tout l’après-midi, il a l’air de très bonne humeur, peut-être a-t-il tout oublié, ne le mettez pas en colère en n’étant pas prête pour le dîner, vite, laissez-moi entrer.

Alors, je tirai le verrou et me laissai habiller par elle.

— Allons, mademoiselle Rosa, souriez, n’ayez pas l’air triste, descendez comme si de rien n’était et tout sera probablement oublié, spécialement si, pour faire plaisir à votre grand-père, vous mettez à votre corsage ce joli petit bouquet, car vous ne l’avez jamais fait depuis le jour où il a dit que cela ferait ressortir votre teint.

Ainsi encouragée, j’affrontai mon grand-père et mangeai d’assez bon appétit, ne supposant guère que l’heure fatale allait bientôt sonner !

Le dîner se passa fort agréablement ; en prévision sans doute du drame qui allait se passer, mon grand-père prit coup sur coup plusieurs verres de bordeaux ; au milieu du dessert, comme il semblait m’examiner avec encore plus d’attention que d’habitude, il remarqua soudain le petit bouquet de roses blanches et s’écria : « Très bien, Rosa, je vois que vous avez suivi mon conseil et que vous portez un bouquet, cela vous avantage beaucoup, mais ce n’est rien en comparaison de l’effet que va produire ma verge sur votre méchant derrière, qui va bientôt ressembler à ces jolies pêches roses qui sont devant nous. Allons ! le moment est venu. » Et, sur ces mots, il tira la sonnette.

Je crus que le sol allait s’effondrer sous moi ; je bondis vers la porte, mais ce ne fut que pour tomber entre les bras vigoureux de Jemima.

— Allons, en route, Jemima, avec cette péronnelle que vous tenez si bien, et vous, madame Mansell et Jane, suivez-nous, dit-il à celles-ci, qui étaient arrivées au coup de sonnette.

Toute résistance était inutile ; je me trouvai bientôt dans une chambre privée où je n’avais jamais pénétré ; elle ne contenait que très peu de meubles, à part le tapis et un confortable fauteuil, mais, au mur, pendaient plusieurs poignées de verges et dans un angle, se trouvait un instrument de la forme d’un marchepied, couvert de serge rouge et pourvu de six anneaux, deux en haut et en bas, et deux au milieu.

— Attachez-la au cheval et préparez-la pour l’opération, dit le général, en s’installant dans le fauteuil pour contempler le spectacle à son aise.

— Allons, Rosa, tenez-vous tranquille, et n’irritez pas davantage votre grand-père, dit Mme Mansell, en m’enlevant ma ceinture ; défaites votre robe pendant que les bonnes vont disposer le cheval au milieu de la pièce.

— Oh ! non ! non ! je ne veux pas être fouettée ! oh ! monsieur ! oh ! grand-père ! ayez pitié de moi ! m’écriai-je en me jetant aux genoux du vieillard.

— Allons ! allons ! pas tant de grimaces, Rosa, c’est pour votre bien. Madame Mansell, faites votre devoir et qu’on en finisse bien vite avec cette pénible corvée. Elle ne serait pas de ma race si elle ne montrait pas son courage au moment décisif.

Les trois femmes essayèrent de me relever, mais je ruai, les égratignai et les mordis, et, pendant quelques instants, réussis à les tenir en échec, mais je fus vite à bout de forces, et Jemima, que j’avais gratifiée d’une morsure à la main, prit sa revanche en me portant sur la terrible machine. En un clin d’œil, mes mains et mes pieds furent fixés aux anneaux, supérieurs et inférieurs, et, comme le cheval allait en s’élargissant vers le bas, mes jambes se trouvèrent maintenues, largement écartées, par les chevilles.

Je pus entendre Sir Eyre s’esclaffant joyeusement : « Parbleu ! c’est une gaillarde, et il nous faudra la mater, elle est bien de sa famille. Bravo ! Rosie ! Et maintenant, préparez-la vivement.

Je m’abandonnai à un sombre désespoir, tandis que mes vêtements déchirés et mes jupons étaient retroussés et épinglés à mes épaules ; mais lorsqu’elles commencèrent à dénouer mon pantalon, ma rage éclata de nouveau. Tournant la tête, je vis le vieillard dont la face rayonnait de satisfaction, brandissant dans la main droite une poignée de verges, fraîchement coupées. Mon sang bouillait et mes fesses frémissaient par anticipation, surtout quand Jemima rabattant mon pantalon au dessous de mes genoux, m’eût administré une petite tape sur le derrière comme pour me donner un avant-goût de ce qui m’attendait. Alors, je hurlai littéralement : « Il faut que vous soyez une vieille sale bête pour leur permettra de me traiter ainsi ! »

— Une vieille sale bête ! ah ! vraiment ! s’écria-t-il, bondissant de fureur ; nous allons voir cela, mademoiselle, peut-être serez-vous heureuse de faire des excuses avant longtemps.

Je le vis s’avancer vers moi.

— Oh ! grâce ! grâce ! monsieur ! criai-je alors ; je ne le pensais pas, elles m’ont fait tant de mal que je ne savais plus ce que je disais.

— C’est un cas très grave, répondit-il, en s’adressant sans doute aux autres. Elle est paresseuse, vicieuse, violente, et elle ose m’insulter, moi, son seul protecteur naturel, au lieu de me témoigner le respect qu’elle me doit. Il n’y a pas à hésiter, le seul remède, quelque pénible qu’il puisse être pour nous de l’appliquer, c’est d’extirper à jamais ces mauvais germes, et si nous faiblissons dans notre tâche, c’est une enfant perdue. Jusqu’à présent, elle n’a pour ainsi dire jamais été dressée.

— Oh ! grand-père, punissez-moi, mais pas ainsi, je sens que je ne pourrai pas l’endurer, c’est si terrible, si cruel ! sanglotais-je éperdument.

— Mon enfant, vos larmes de crocodile n’ont aucun effet sur moi, prenez-en votre parti. Si nous vous pardonnions aujourd’hui, vous ne feriez qu’en rire et deviendriez pire que jamais. À votre place, Jane, assez de temps perdu comme ça ! Et ce disant, il brandit la verge qui siffla dans l’air. Je suppose que c’était en matière de préambule, car je ne fus pas touchée ; en réalité, il m’avait jusqu’alors, traitée comme le chat qui sait que la souris avec laquelle il joue ne peut lui échapper.

Je pus voir, dans les yeux de Jane, des larmes de compassion ; Jemima souriait malicieusement ; Mme Mansell paraissait très grave, mais je n’eus guère le temps de me livrer à mes observations ; un coup piquant, mais pas trop brutal, me cingla bien en travers des deux fesses, puis un second, puis un troisième, se succédant assez lentement pour que je puisse espérer que le châtiment ne serait peut-être pas aussi terrible que je l’avais craint ; aussi, serrant les dents, réprimant mes plaintes, je résolus de dissimuler de mon mieux mes impressions. Ces réflexions, et bien d’autres encore, je les fis avant que le sixième coup m’eût cinglé les fesses ; mon derrière me picotait sur toute la surface, à chaque coup le sang me bouillonnait dans les veines et je devais avoir la figure aussi rouge que l’envers de ma personne.

— Eh bien, paresseuse cria le général, commencez-vous à goûter les fruits de votre conduite, dites ? M’appellerez-vous encore vieille bête ? Et il scanda chaque question d’une cinglade plus violente.

Je puisai dans ma résolution l’énergie nécessaire pour ne pas crier, ce qui sembla l’irriter davantage.

— Aussi boudeuse qu’obstinée, sacrebleu ! continua-t-il, mais nous vous guérirons de cela ! Ne supposez pas, mademoiselle, qu’une gamine comme vous aura le dernier avec moi ; tenez ! tenez ! tenez ! À chaque mot, il me fouettait de plus en plus fort, et au dernier, il me frappa si furieusement que ma peau me sembla devoir éclater ; je sentis qu’un autre coup semblable allait faire jaillir le sang, heureusement il s’interrompit comme s’il eût été hors d’haleine, mais simplement, je le compris plus tard, pour prolonger le plaisir exquis qu’il savourait.

Pensant que tout était fini, je les suppliai de me laisser aller ; j’eus la douleur de voir que je me trompais.

— Pas encore, pas encore, mauvaise gamine, vous n’avez pas eu la moitié de ce qui vous est dû pour vos égratignures, vos morsures et vos impertinences ! s’écria Sir Eyre.

De nouveau, la verge abhorrée siffla dans l’air et vint s’abattre sur ma chair endolorie, meurtrissant à la fois mes fesses et mes cuisses. Bien qu’il semblât désireux d’éviter le sang, je ne devais pas en être quitte à si bon compte ; il entrait simplement dans le plan qu’il avait médité de ne pas épuiser trop vite sa pauvre victime.

— Mordez, égratignez, révoltez vous contre mes ordres, allez, mademoiselle, vous saurez maintenant ce que cela vous vaudra. Vous ne méritez aucune pitié. Passe encore pour la paresse, mais pour une conduite aussi indigne, jamais ! Je crois ma foi que, si vous aviez pu, vous auriez tué n’importe qui dans votre fureur. Mordez, égratignez, révoltez-vous, allons… mais mordez donc ? Et tout en me morigénant, le vieillard s’acharnait de plus en plus sur mes fesses, si bien que des gouttelettes de sang commencèrent à se montrer sur mes rotondités meurtries.

Chaque coup me faisait un mal affreux, et je me serais évanouie, si ses remontrances ne m’avaient soutenue comme un cordial, et, d’autre part, en même temps que la souffrance, j’éprouvai une chaleur des plus agréables et une sorte d’excitation impossible à définir, mais que vous avez sans doute, ma chère amie, éprouvée vous-même quand je vous ai tenue sous ma discipline.

Mais malgré toute ma résolution, je ne pus refréner plus longtemps mes soupirs et mes plaintes ; je crus bientôt que j’allais succomber sous cette torture, en dépit de l’exquise sensation qui s’y mêlait. Néanmoins, malgré mes « oh ! » mes « ah ! » mes cris perçants, je ne demandai pas grâce de nouveau ; des idées de vengeance me soutinrent, et je me représentai combien il me serait doux de les fouetter à mon tour jusqu’au sang, de leur lacérer la chair, spécialement au général et à Jemima et même à la pauvre Jane toute larmoyante.

Sir Eyre, qui semblait oublier son âge, se démenait avec frénésie.

— Par l’enfer ! allez-vous demander pardon ! N’allez-vous pas nous faire des excuses, petite entêtée ! sifflait-il entre ses dents. C’est la plus tenace et la plus obstinée de toute la famille. Sacredieu ! elle est bien de sa race. Mais il ne sera pas dit, madame Mansell, que cette petite drogue aura raison de moi. Tenez ! tenez ! tenez ! cria-t-il en frappant encore plus fort, et, à la fin, la verge dont il ne restait plus que le tronçon, s’échappa de sa main, tandis qu’il s’affaissait hors d’haleine dans son fauteuil.

— Madame Mansell, articula-t-il, donnez-lui une demi-douzaine de bonnes cinglées avec une verge neuve pour la finir et lui apprendre que, si elle peut épuiser un vieil homme comme moi, il reste dans la maison assez de bras solides pour mettre à la raison son impudent postérieur.

Obéissant à cet ordre, la gouvernante prit en main une verge fraîche et m’en donna délibérément sur les fesses en comptant d’une voix claire : Un, deux, trois, quatre, cinq, six. Quoique rudement appliqués, ses coups ne me meurtrirent pas aussi cruellement que ceux de Sir Eyre. « Là ! me dit-elle, lorsqu’elle eût terminé, j’aurais pu frapper plus fort, mais j’ai eu pitié de vous, pour la première fois. »

Affreusement meurtrie, presque inanimée, il fallut que l’on me portât dans ma chambre. J’étais victorieuse, mais quelle victoire ! Tout écorchée, toute saignante, j’avais en outre la certitude que le vieux général recommencerait à la première occasion favorable.

La pauvre Jane riait et pleurait à la fois au spectacle de mes fesses lacérées, qu’elle lavait tendrement avec de l’arnica et de l’eau fraîche ; elle semblait si accoutumée à ce travail que quand nous fûmes sur le point de nous coucher — je l’avais décidée à rester auprès de moi — je lui demandai si elle n’avait pas déjà souvent soigné des postérieurs fouettés.

— Oui, mademoiselle Rosa, répliqua-t-elle, mais vous me garderez le secret et aurez l’air de ne rien savoir. J’ai été fouettée moi-même et bien fort, quoique pas aussi cruellement que vous. Au bout d’une ou deux fois, on aime assez cela, surtout si l’on n’est pas trop durement cinglée. La prochaine fois, il faudra demander grâce de toutes vos forces, cela fait plaisir au général et apaise sa colère. Il était si épuisé de vous avoir fouettée que Mme Mansell voulait envoyer chercher le médecin, mais Jemima lui ayant dit qu’une bonne fessée lui vaudrait mieux et lui ferait descendre le sang de la tête, elles l’ont fustigé de bonne façon si bien qu’il est tout à fait revenu à lui, et a ordonné qu’on le laisse tranquille.

Ainsi se termina ma première leçon ; dans mes lettres suivantes, vous saurez ce qui m’arriva avec Jane, comment je continuai la lutte avec le général, mes aventures au pensionnat Flaybum et mes propres exploits depuis le jour où je devins ma maîtresse.


Mémoire de Miss Coote, vignette fin de chapitre
Mémoire de Miss Coote, vignette fin de chapitre