Mémoires de Louise Michel/Appendice II


DEUXIÈME PROCÈS

ANNIVERSAIRE DE BLANQUI


extrait de lIntransigeant du 7 janvier 1882.
POLICE CORRECTIONNELLE.

La première accusée appelée est Louise Michel. La vaillante citoyenne est très calme. C’est de sa voix lente et d’une façon très précise qu’elle répond aux questions du président.


— Vous êtes prévenue d’outrages aux agents, lui dit M. Puget.

— Ce serait plutôt à nous de nous plaindre de brutalités et d’outrages, répond Louise Michel, car nous avons été très calmes. Voici ce qui s’est passé et ce qui motive sans doute ma présence ici :

En arrivant chez le commissaire de police, j’ai vu en bas plusieurs agents qui frappaient violemment un homme. Ne voulant rien dire à ces agents qui étaient très surexcités, je suis montée au premier ; j’ai trouvé là deux autres agents plus calmes auxquels j’ai dit : Descendez vite, on assassine en bas.

M. le Président : Ce récit est en désaccord avec la déposition des témoins que nous allons entendre.

Louise Michel : Ce que j’ai dit est la vérité. D’ailleurs, j’ai avoué des choses plus terribles que celle-là.


Le témoin appelé est un nommé Conar, gardien de la paix. Il raconte qu’il a trouvé en arrivant chez le commissaire de police deux femmes, dont Louise Michel, et que celle-ci lui a dit : Vous êtes des assassins et des feignants (sic).

Louise Michel : C’est faux !


L’agent persiste à affirmer la véracité de son récit.

Louise Michel répète qu’elle a dit la vérité et qu’elle ne peut dire autre chose.

Malgré l’invraisemblance du récit de l’agent, le tribunal, en vertu de l’article 224 du code pénal, condamne Louise Michel à quinze jours de prison.


NOTE


Je cite ici l’Intransigeant, non pour étaler un compte rendu plus favorable, mais parce que le procès ne se trouve pas dans la Gazette des tribunaux.

Nos amis ont raison de trouver invraisemblables les paroles qui me sont attribuées. J’ai dit : on assassine ici, au lieu de la phrase d’argot qui m’est prêtée — le mot feignant n’est pas de mon vocabulaire.