Mémoires d’une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante/20/Chapitre IV

chapitre iv

La Bisaïeule de l’Anti-Christ

(Suite)




Le cinquième chapitre de ces Mémoires donnera les suites de la séance du 25 mars 1885 ; car, dès lors, commença ma vie active dans la Haute-Maçonnerie. En attendant, il me faut en terminer avec ce qui concerne personnellement la malheureuse Sophie Walder dans son rôle occulte, tout spécial, de bisaïeule de l’Anti-Christ.

Nous avons vu comment Sophia a été élevée ; je l’ai suffisamment montrée à l’œuvre, enivrée de l’encens des Palladistes, se maintenant dans cette idée diabolique, que l’honneur lui fut réservé par Satan de donner le jour à la fille dont il est question aux versets 8 à 11 du chapitre de l’Anti-Christ dans le Livre Apadno.

« 8. Passeront trente-trois ans. Alors la fille qui sera sagesse (c’est-à-dire une Sophia) enfantera, non des œuvres d’un homme, mais d’un esprit de lumière, une fille dont aucun mortel ne pourra lire le nom.

« 9. Et le père de cette fille sera le Léopard aux ailes de griffon, qui commande soixante-dix légions (c’est-à-dire le daimon Bitru).

« 10. Passeront trente-trois ans encore. Alors la fille du Léopard enfantera, des œuvres d’un esprit de lumière, une fille dont le nom sera lu par les seuls élus de Baal-Zéboub et d’Astarté (c’est-à-dire les Mages Élus et les Maîtresses Templières Souveraines).

« 11. Et le père de cette fille sera le, Roi qui a pour visage une étoile et qui commande trente légions (c’est-à-dire le daimon Décarabia). »

Il est aujourd’hui bien connu, de toutes les personnes qui ont étudié l’occultisme, que la tradition des Lucifériens place au 29 septembre 1896 la naissance de la fille de Sophia. Les journalistes adversaires, dénaturant ce que j’écris, m’ont fait un grief d’avoir reproduit, dans mon volume sur Crispi, la relation de la tenue de grand-rite du Lotus des Victoires, 18 octobre 1883, à Rome, document palladique où se trouve annoncée cette naissance, sous forme de prophétie par Bitru en personne. Il était, pourtant, de mon devoir de faire connaître ce document, de dire comment les satanistes romains racontent ce fait. Par hardi mensonge, on donne à croire au public catholique que je me suis inscrite formellement en garantie d’une telle manifestation de l’esprit du mal. Cependant, j’ai fort bien déclaré que je n’étais pas présente ; je rapporte ce que les Palladistes affirment, rien de plus. Le document exige, puisque j’en possède la photographie, et il n’a été nié par aucun des Mages Élus signataires qui vivent encore et sont des personnages de grande notoriété. Cette manifestation diabolique est-elle possible ? quel catholique soutiendrait le contraire ? et, de ce que je crois à la dite apparition de Bitru, pourquoi conclure que, convertie aujourd’hui, je persiste à croire à la réalisation des prophéties du démon ? Voilà ce qui est mauvaise foi, de la part des adversaires ; car j’ai répété, à maintes reprises, que je considère maintenant les esprits infernaux comme d’effrontés menteurs. Et si cette apparition n’a même pas eu lieu, il n’en reste pas moins vrai que, de 1883 à 1896, sa légende a été colportée dans les Parfaits Triangles, afin de rehausser l’importance de M. Sophie Walder en tant que grande-prêtresse du Palladisme.

Le R. P. Portalié a traité d’apocryphe le document que j’ai produit. Lemmi, Bertani, Crispi, Ettore Ferrari, Bovio, Maiocchi, Basilari ne niaient pas ; c’est ce religieux qui s’est chargé de nier à leur place. Selon lui, le document a été fabriqué par un faussaire français ; le diable n’ignore pas le latin, dit-il. Le prétendu faussaire français « a oublié la règle Ludovicus rex et écrit me Sophia »

M. Tardivel a fait justice de cette critique.

« Le Père Portalié, a-t-il répondu, est tellement aveuglé par le parti-pris, qu’il n’a pas su lire le document qu’il prétend examiner en critique impartial. Car c’est à un véritable aveuglement, et non point au désir de tromper ses lecteurs, qu’il faut sans doute attribuer la falsification de texte qui se trouve dans le passage qu’on vient de lire.

« Pour convaincre le diable Bitru d’ignorance, pour multiplier les fautes grossières dont il aurait émaillé son style, le Père Portalié invoque la règle Ludovicus rex et déclare qu’on lit me Sophia. Or, cela est faux, pour appeler les choses par leur vrai nom. »

Et M. Tardivel reproduit, fidèlement, lui, le passage du document en question, dont le fac-similé photogravé se trouve à la page 317 de mon volume sur Crispi. Et voici ce que réellement on lit :

« Prœpotens ille Sanctusque Bitru, adstantibus bic infra scriptis FF∴ necnon unoquoque eorum Mago Electo, pronuntiavit ME, Sophia-Sapho nomine, a Nostro Divino Magistro Summoque Domino, Deo Optimo Maximo, Extelso Excelsiore, proprie DESIGNATAM incarnait Anti-Christi PROAVIAM. »

Et M. Tardivel ajoute :

« Voilà ce qu’on lit vraiment dans le document. Dans cette phrase, il n’y a pas plus lieu d’appliquer la règle Ludovicus rex que la règle parum vinti, attendra que Sophia-Sapho nomine est un ablatif ; c’est une phrase incidente, détachée par deux virgules de la phrase principale, et le tout ne pèche nullement contre les règles de la grammaire latine.

« Le Père Portalié supprime la première virgule et tronque la phrase incidente ! »

Dans la dictée de Bitru, le révérend jésuite trouve une autre faute, et celle-ci en serait vraiment une : oriunda est, au lieu de oritura est.

« Mais, fait observer M. Tardivel, la théologie nous enseigne-t-elle que les démons doivent nécessairement et toujours respecter les règles de la grammaire ? Nous avons posé cette question à un théologien éminent, et il a éclaté de rire. Les diables, nous a-t-il dit, ne sont pas des académiciens, et ils peuvent très bien commettre des erreurs de langue, comme ils peuvent tomber dans des erreurs de tout genre. »

J’ajoute : si l’on adoptait la théorie du R. P. Portalié, il faudrait aller très loin, et l’on aboutirait bien vite aux conclusions des sceptiques qui déclarent que les exorcisations ne sont que des comédies. Qu’une possédée, interrogée en latin ou en grec par un exorciste, réponde en mauvais latin ou en mauvais grec, commette des fautes contre la syntaxe ; et ils sont nombreux les procès-verbaux d’exorcismes où le diable ne se montre pas académicien (un de mes abonnés m’a offert d’éplucher quelques-uns de ceux qui ont été publiés) ; faudra-t-il dire qu’il y a eu supercherie, lors même que le procès-verbal d’exorcisme constate l’expulsion finale du démon ?

Le R. P. Portalié s’est donc tout à fait écarté de la question. Bien mieux, dans le cas qui nous occupe ici, il ne s’agit même pas de savoir si Bitru s’est réellement manifesté le 18 octobre 1883 à Rome, pour proclamer que Mlle  Walder mettrait au monde, le 29 septembre 1896, une fille qui serait la grand’mère de l’Anti-Christ ; il s’agit d’examiner si les Palladistes n’ont pas employé tous les moyens pour accréditer cette légende apadnique. Or, l’existence de la légende est indiscutable, malgré la volte-face de Bataille et de Margiotta. En outre, ce qui a été divulgué, nonobstant les négations de Findel et les moqueries de la Koëlniscbe Volkzeitung, s’est réalisé.

Ici encore, que l’on ne me fasse point dire ce que je ne dis pas. Je n’enseigne en aucune façon que l’accouchement annoncé dans les Parfaits Triangles a réellement eu lieu. Vrai ou simulé, peu importe. Le fait exact est celui-ci : depuis le 29 septembre 1896, le Palladisme élève un enfant du sexe féminin, que l’on affirme avoir reçu le jour à Jérusalem, que l’on affirme être l’enfant de Sophia-Sapho.

Or, longtemps avant la campagne de presse contre les révélations sur le Palladisme, et, par conséquent, antérieurement à la prétendue réalisation de la prophétie diabolique, j’ai été interrogée sur ce que je pouvais savoir à ce sujet ; plusieurs personnes pourraient attester ce que je répondis. En outre, dès 1895, mes amis ont révélé la mission remplie par un groupe de hauts-maçons américains, venus en cette année-là à Jérusalem dans le but de s’entendre avec les Palladistes de Terre-Sainte au sujet de l’important événement ; ces FF▽ américains se firent photographier en groupe, mêlés à plusieurs maçons de Jérusalem, notamment l’hôtelier Howard, vénérable d’une Loge de cette ville, et la photographie fut prise à dessein en un des endroits désignés pour célébrer la venue de Mlle  Walder. Toujours à l’affût de documents et avec cette habileté qu’il faut bien lui reconnaître et dont la secte enrage, M. de la Rive réussit, à cette époque même, à se procurer un des exemplaires de la précieuse photographie. Voilà un fait connu des anti-maçons érudits qui se tinrent au courant de la question.

Quant à mes réponses aux questions qui me furent posées, je ne variai jamais, quoique ayant le regret de ne pouvoir être aussi précise que je l’eusse voulu. Néanmoins, j’en savais assez pour guider divers religieux de Jérusalem, qui se mirent en observation.

Grâce à l’habitude que j’ai de garder copie de mes lettres de quelque importance, je puis reproduire ce que j’écrivais à plusieurs, en avril et mai 1896, afin que mes renseignements pussent être transmis à Jérusalem où je n’avais alors aucun correspondant.

On m’avait écrit que les hauts-maçons américains avaient visité les écuries de Salomon. Je répondis que cela ne me surprenait pas. Je m’exprimai en ces termes :

« J’ai entendu dire en Triangles, en effet, que la naissance du 29 septembre 1896 devra faire opposition à celle du Christ, né dans une étable. Il est certain pour moi que l’endroit ainsi indiqué est celui qui a été choisi.

« Je voudrais pouvoir vous rapporter exactement tout ce qui m’a paru ressortir des délibérations de ces fanatiques ; malheureusement, je ne connais pas Jérusalem, et je craindrais que l’insuffisance du souvenir des paroles entendues me fît commettre quelque quiproquo. Je vous recommande donc de ne pas user de cette notice avant l’accomplissement de l’événement ou son échec possible.

« L’endroit préféré par Sophia serait un souterrain, qui existe, parait-d, à l’angle sud-est du Harâm-ech-Chérif et que les musulmans disent avoir été construit par des djinns, c’est-à-dire par des daimons. Est-ce bien là ce qui est considéré à Jérusalem, comme les écuries de Salomon ? Je l’ignore. Quoi qu’il en soit, on vanta un souterrain à Sophia, on le lui représenta comme éminemment propice. Cette partie de Jérusalem, lui assura-t-on, échappe à la surveillance des catholiques ; elle est uniquement entre les mains des musulmans, et les sociétés secrètes mahométanes donneront toute facilité pour l’œuvre palladique. Si cet endroit n’est pas réellement l’emplacement des écuries mêmes de Salomon, on a affirmé à Sophia que les Templiers y eurent leurs écuries ; les anneaux auxquels ils attachaient leurs chevaux y seraient encore. Ces galeries souterraines sont, au surplus, d’une haute antiquité, puisqu’il est certain qu’un grand nombre de Juifs y cherchèrent asile durant la guerre contre les Romains. Il paraît aussi que ces galeries sont très vastes ; l’ensemble aurait, dit-on, près de 4.800 mètres carrés de superficie ; est-ce bien cela ? Je crois me rappeler qu’on parla d’une longueur de 80 mètres et d’une largeur de près de 60 mètres ; mais je puis me tromper. Par contre, je suis bien sûre d’avoir entendu dire que le souterrain a treize voûtes en tout ; ce nombre 13 a dû contribuer à fixer le choix. Je suis certaine également d’une autre raison du choix c’est à peu près en cet endroit, ou du moins à proximité, que se trouvait, avant la conquête musulmane, la basilique dite de la Mère de Dieu ; d’après le tradition, c’est en cette partie de la cité actuelle, qu’il ne faut pas confondre avec la cité de David, que l’on place l’endroit, autrefois couvert d’édifices et absolument vide aujourd’hui, où les femmes juives venaient se retirer pour attendre leurs couches. Le prophète Siméon demeurait par là, croit-on, et la Très Sainte Mère aurait demeuré là quelques jours après la présentation de Jésus au Temple. Il est évident que cet endroit doit plaire, plus que tout autre, à ces malheureux égarés que la rage de profanation dévore. Mais, je vous le répète, mon incompétence topographique m’empêche de me prononcer ; les habitants de Jérusalem savent seuls si cet endroit est bien celui où sont situées les écuries de Salomon.

« Un dernier souvenir : il a été décidé qu’aussitôt après l’enfantement, si l’enfant qu’ils attendent est bien une fille, on la placera quelques instants dans un prétendu berceau de Jésus, qui se trouve là tout auprès, dans une chapelle musulmane, souterraine, je crois. Je vous laisse le soin de faire vérifier si ces renseignements concordent bien entre eux ; je vous ai écrit tout ceci, sans me fier beaucoup à ma mémoire. Je n’ai pas besoin d’ajouter que l’enfant ne sera pas déclarée à la municipalité, attendu que les confessions grecque, latine-catholique, arménienne, juive et protestante ont voix et siègent au medjlis belediyé (conseil municipal). L’accouchement sera tout à fait clandestin. Aussitôt remise de ses couches, la mère ira se reposer à Constantinople. Voilà ce que l’on disait dans les Parfaits Triangles. »

Donc : on s’est mis en observation, à Jérusalem. Une première enquête a fait constater la parfaite exactitude des renseignements recueillis d’abord et publiés par M. de la Rive sur la tenue d’un Congrès secret de hauts-maçons américains, avec la participation des plus notables maçons de Jérusalem ; ce conventicule préparatoire s’est tenu en 1895 dans les Cavernes Royales, antiques carrières au nord-est de la ville. Plusieurs des personnages qui figurent sur la grande photographie de M. de la Rive ont été reconnus pour être vraiment des habitants de Jérusalem, les uns ne cachant pas leur qualité maçonnique, les autres tenus pour suspects ; quant aux étrangers mêlés à ceux-ci dans le groupe, il est aisé de voir, à leurs physionomies, que ce sont bien des Américains des États-Unis. Par conséquent, il est hors de doute que cette photographie, que M. de la Rive réussit à se procurer, j’ignore comment, est un document de premier ordre et de la plus rigoureuse authenticité.

Mais les révélations publiques au sujet de l’événement tant célébré par les Triangles lucifériens ont amené les sectaires à redoubler de prudence, comme il fallait s’y attendre. Des accords pris par les hauts-maçons américains avec leurs Frères de Jérusalem, il résultait que Sophia descendrait à l’hôtel Howard ; des juifs affiliés à la secte n’avaient pas su retenir leur langue. D’autre part, les Palladistes de Jérusalem connurent que plusieurs consuls et des communautés religieuses avaient reçu des instructions pour exercer une étroite surveillance et réunir toutes les informations possibles. Le programme fut donc changé par la secte, quant au lieu fixé pour le séjour de Mlle  Walder. Cependant, sa présence à Jérusalem n’a pas été ignorée, malgré toutes les précautions prises par la Franc-Maçonnerie. Dans son numéro du 11 octobre 1896, le Pèlerin, de Paris, publia la note suivante envoyée de Jérusalem par son correspondant ordinaire : « Étrangers. Ils sont rares en cette saison. Cependant, Sophie Walder est arrivée à Jérusalem à petites journées, comme l’avait annoncé Diana Vaughan. » Je me hâte de dire que c’était là un bruit public dans la ville ; aucune constatation concluante n’a pu être faite.

Beaucoup de personnes s’imaginèrent que Sophia arriverait le jour même, le 29 septembre, en costume d’européenne, et vinrent à la gare ; elles en furent pour leur dérangement. Il est évident que Mlle  Walder avait dû arriver à l’avance et se dissimuler sous un costume de femme arabe.

Voici, par contre, quelques indications qui donnent matière à réflexion :

On sait, à Jérusalem, qu’à partir du 10 septembre de nombreuses lettres, adressées au nom de Mlle  Sophie Walder, parvinrent, de divers points du monde, à la poste autrichienne et à la poste ottomane. Mais quand et par qui ont-elles été retirées des bureaux de poste ? On n’a pu le découvrir.

Le 29 septembre, les musulmans ont interdit l’entrée du Harâm-ech-Chérif, à l’angle sud-est duquel se trouvent les souterrains que j’avais signalés ; toute cette partie de Jérusalem a été gardée avec la plus grande rigueur ; ni touristes, ni habitants catholiques, grecs, juifs, arméniens, russes, n’ont pu y pénétrer. Le prétexte de cette subite interdiction ? les mahométans déclarèrent que la police avait été avisée d’un complot arménien pour faire sauter le Harâm-ech-Chérif à la dynamite. Prétexte absurde ; car, en Turquie d’Asie, ce sont les pauvres arméniens que les musulmans massacrent ; ce ne sont pas les arméniens qui se livrent aux atrocités flétries par la civilisation. Grâce à ce prétexte et par le fait des mesures prises par les mahométans, aucune surveillance n’a pu être exercée sur les Écuries de Salomon et leurs abords durant cette journée du 29 septembre.

Dans l’après-midi de ce même jour, des juifs firent, sur la route de Jaffa, une magnifique procession. Plusieurs personnes, surprises de cette manifestation religieuse, interrogèrent les processionnants. Les réponses furent contradictoires. Les uns dirent : « Nous célébrons la fête des Tabernacles. » (???) D’autres répondirent : « Aujourd’hui, un Messie vient de naitre. » (???)

Enfin, une réunion de jézides, le soir du 29 septembre, a été tenue à Siloé, dans une des grottes qui sont à l’intérieur de ce village ; ces jézides venaient de Jérusalem, se montraient fort joyeux et reçurent un excellent accueil des musulmans de Siloé. On sait que les jézides sont adorateurs du diable.

Tels sont les faits qui ont été constatés et qui sont rapportés dans différentes lettres envoyées soit à mes amis, soit à moi-même.

Peut-on dire, raisonnablement, que rien d’anormal ne s’est passé à Jérusalem le 29 septembre 1896 ?

D’autre part, dans le courant de novembre, une voûte de faire-part a été expédiée de Rome aux Triangles, annonçant que Sophia, la mère, et Helena, sa fille, se portaient à merveille. Cette voûte, ornée de sataniques fioritures, grossièrement dessinées, était imprimée à l’encre verte sur parchemin et timbrée en rouge du cachet du Directoire exécutif, formant un ensemble inintelligible pour qui ignore les mystères du Palladisme. J’ai pu m’en procurer un exemplaire, et je l’ai fait reproduire par la photogravure .

VOÛTE DE FAIRE PART
de la
PRÉTENDUE NAISSANCE DE LA GRAND-MÈRE DE L’ANTI-CHRIST
Document palladique du Souv▽ Directoire Exécutif

Je ne prétends aucunement imposer une opinion quelconque sur l’événement du 29 septembre ; très libre est le champ qui s’ouvre à toutes les conjectures. Aux théologiens il appartient d’examiner si une telle naissance peut avoir eu lieu par quelque artifice du démon ou encore à quelle supercherie Satan a pu recourir. En dehors de tout surnaturel, les médecins, à leur tour, peuvent dire dans quelle mesure il est possible d’obtenir une naissance à jour fixe, et si la femme qui joue le rôle de mère, dans une comédie de ce genre, en cas de subterfuge, peut-être elle-même trompée. Tout cela est au-dessus de ma compétence, et je me récuse. Mais, qu’il y ait eu enfantement réel avec ou sans substitution de nouveau-né, l’accouchée étant ou n’étant pas trompée, ou bien qu’il y ait eu imposture complète, avec complicité de la prétendue mère, c’est-à-dire simulation de grossesse et de délivrance, il n’en est pas moins vrai que la Maçonnerie palladique continue plus que jamais à faire croire à ses adeptes que les prophéties de l’Apadno se réalisent à la lettre. Aujourd’hui, les parfaits initiés des Triangles croient ou feignent de croire que l’aïeule de l’Anti-Christ est venue au monde à la date prédite ; et, que cette naissance se soit produite ou non, les Palladistes, tout en agissant de façon à empêcher la surveillance, n’ont rien négligé pour mettre Jérusalem en émoi, y ont parfaitement réussi, et cela leur suffit pour frapper les esprits, comme jadis les Rose-Croix qui agitaient tout un pays au moyen de proclamations affichées partout et n’en demeuraient pas moins enveloppés d’un impénétrable mystère

À ceux qui ne voient pas un pur hasard dans certaines coïncidences, je signalerai : tandis que Jérusalem s’inquiétait, les consulats eux-mêmes s’intéressant à l’étrange fait sur lequel leur attention avait été appelée, tandis que le diable agissait dans la ville du Calvaire, — car, même si l’on admet le cas de complète imposture, on ne saurait nier l’action de Satan, père du mensonge, — en ce jour du 29 septembre 1896, la suprême manœuvre éclatait à Trente contre les révélations antimaçonniques ; certes, la Présidence du Congrès, en fixant à l’après-midi de la fête de saint Michel la séance désormais célèbre qui a provoqué l’explosion du scepticisme de certains catholiques, ne songeait aucunement à ce qui se passait à Jérusalem, et l’inspiration du démon est tout à fait étrangère à cette décision. Bien au contraire, ne semble-t-il pas que le glorieux Archange fut le véritable inspirateur du choix de la date mémorable ? Le 29 septembre, à Trente, fut livrée la première bataille, et, l’assaut des négateurs ayant été repoussé, ceux-ci durent recourir à la ruse pour pouvoir revenir à la charge après le Congrès antimaçonnique. Or, dans ces combats, la victoire demeure toujours au Prince des milices célestes. Satan a pu tromper des chrétiens, jusqu’à leur faire croire que dans la défense de l’Église on peut légitimement employer comme armes les mensonges et les multiplier pour la gloire de Dieu ; oui, Satan a pu égarer des catholiques à ce point. Mais la vérité étant divine, comme un soleil radieux, dissipe finalement les noirs nuages, et Satan, qui, couvert de confusion à Trente, essaya de prendre sa revanche par la campagne de presse que l’on sait, sera encore et toujours le vaincu !