Mémoires d’une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante/06/Évêques des États-Unis

ÉVÊQUES DES ÉTATS-UNIS




En Europe, on n’a pas l’exacte appréciation des sourdes résistances opposées par certains évêques catholiques des États-Unis, quand il s’agit d’exécuter les ordres du Saint-Siège visant les sociétés secrètes rattachées plus ou moins directement à la Franc-Maçonnerie.

Dans le fascicule n°4, j’ai parlé de cet évêque étonnant, qui, se faisant interviewer au cours d’un voyage en Angleterre, s’oubliait au point de laisser échapper : qu’il est dans les meilleurs termes avec grand nombre de francs-maçons de l’Union ; qu’il connaît les principaux chefs et professe pour eux la plus vive estime ; qu’il a été reçu, à Charleston, dans le Masonic-Hall, dont les FF∴ haut-gradés lui ont fait les honneurs, etc.

Autre est le cas de Mgr Shanley, évêque de Jamestown, dans le North-Dakota ; son procédé est curieux et mérite d’être porté à la connaissance de tout le monde catholique.

On sait que le Souverain Pontife Léon XIII a formellement excommunié, il y a plus d’un an, les trois associations dénommées : les Chevaliers de Pythias, les Odd-Fellows et les Fils de la Tempérance. Les premiers sont directement maçons ; l’ordre des Chevaliers de Pythias a été établi par décret d’Albert Pike. Les Odd-Fellows ont une classe supérieure qui pratique le rite satanique de Moïse Holbrook, un des prédécesseurs d’Albert Pike ; cela a été révélé, et maintenant cela est bien su partout. Quant à l’ordre des Fils de la Tempérance, il est une institution indirecte des Rose-Croix des États-Unis, dont le Suprême Mage, le F▽ Charles Meyer, est un des membres les plus actifs de la haute-maçonnerie américaine.

Eh bien, à propos de l’excommunication pontificale, voici la circulaire confidentielle que Mgr Shanley a fait adresser par son secrétaire aux curés des paroisses de son diocèse :


Révérend monsieur,

Après un soigneux examen de la question, le Saint-Siège apostolique a condamné les trois sociétés secrètes des Chevaliers de Pythias, des Odd-Fellows et des Fils de la Tempérance. Par conséquent, à l’avenir, il ne sera pas permis aux catholiques de s’affilier à ces sociétés, et à ceux qui le font on doit refuser les sacrements de l’Église.

Quant à l’application du décret aux cas particuliers où des catholiques se sont déjà affiliés à ces sociétés, il faut procéder avec une grande charité et une grande prudence ; car s’ils devaient éprouver un grand dommage en s’en retirant, alors, comme la loi ecclésiastique n’est pas censée obliger avec un si grave inconvénient, on peut leur permettre d’y rester affiliés, pourvu qu’il n’y ait pas de scandale, et pourvu qu’ils n’assistent aux réunions de ces sociétés qu’en cas de nécessité, et qu’ils évitent ce qui est mauvais en soi.

Cette lettre ne doit pas être lue en chaire ni publiée dans les journaux, mais doit être appliquée seulement aux pénitents qui se présentent au saint Tribunal.

Par mandement de l’évêque.

Thomas Egan, secrétaire.

Donné à Fargo, ce vingt-six août 1895.


Voilà une circulaire qui, bien certainement, n’a pas dû plonger dans un grand chagrin le F▽ Fleming, de Fargo, un des parfaits initiés du Palladisme, lequel, avec le F▽ Frank Thompson, a la direction secrète dans le North-Dakota.

C’est pourquoi je m’associe très volontiers aux réflexions de l’excellente Vérité, de Québec, qui a mis au jour la circulaire de Mgr Shanley et qui la commente en ces termes :


« Ce qui parait le plus extraordinaire dans ce document épiscopal, qui est censé promulguer un décret du Saint-Siège destiné à être connu de tous les fidèles, c’est la défense de l’évêque de la lire en chaire ! Comment voulez vous que les catholiques du diocèse de Jamestown sachent officiellement qu’il leur est défendu désormais de faire partie des trois sociétés secrètes en question, puisque la lettre de leur évêque annonçant la condamnation de ces sociétés par Rome ne doit être ni lue en chaire ni publiée dans les journaux ? Nous avouons qu’il y a là un profond mystère pour nous ; car nous ne croyons pas que la simple application du mandement épiscopal aux pénitents qui se présentent au saint Tribunal soit une véritable promulgation du décret pontifical. Il y a des catholiques qui ne se confessent pas très souvent ; et même parmi ceux qui se confessent souvent, y en a peu, croyons-nous, qui s’informeront auprès de leur confesseur s’il existe un décret de Rome qui condamne telle et telle société. Et si le pénitent n’en parle pas, le confesseur doit-il lui en parler ?

« Il semble donc que cette lettre circulaire de Mgr Shanley à son clergé laisse la question absolument dans le même état où elle était : les catholiques du diocèse de Jamestown ignoreront toujours officiellement qu’il leur est défendu d’appartenir aux trois sociétés secrètes condamnées par Rome.

« Si, par hasard, un pénitent vient à parler en confession de son affiliation à une de ces sociétés, le prêtre devra lui permettre de continuer d’en faire partie, d’assister même aux réunions de la société en cas de nécessité, car toujours le sociétaire qui a versé une certaine somme dans la caisse de la société dira qu’il ne saurait s’en retirer sans éprouver un dommage sérieux.

« Nous ne voyons donc pas comment la lettre de Mgr Shanley empêchera les catholiques d’entrer, à l’avenir, dans les trois sociétés condamnées, ni comment elle forcera à en sortir ceux qui déjà en font partie.

« Si quelque théologien peut nous donner un éclaircissement sur ce sujet nous lui en serons profondément reconnaissant ; car il s’agit d’une question de la plus haute importance et qui intéresse tous les fidèles. En effet, cette question n’intéresse pas les seuls diocésains de Jamestown. Si la promulgation d’un décret pontifical destiné aux fidèles est jugée suffisante à Fargo, lorsqu’elle n’est connue officiellement que des prêtres seuls, une semblable promulgation devra suffire dans autres diocèses.

« Quant à la proposition : lex non obligea cum tanto incommodo, voici ce qu’en dit The Review, de Chicago :

« Nous tenons d’une autorité excellente que Rome vient de rendre une décision finale quant au décret portant condamnation contre les Chevaliers de Pythias, les Odd-Fellows et les Fils de la Tempérance.

« Il parait que certains évêques qui, pour une raison ou pour une autre, n’aimaient pas à publier le décret, ont demandé au Saint-Siège si l’on pouvait permettre aux catholiques qui appartiennent à ces sociétés depuis quelque temps et qui éprouveraient un grand dommage financier en s’en retirant, de continuer à en faire partie, pourvu qu’ils s’abstiennent d’assister aux réunions, etc.

« Le Saint-Office, dont le préfet est le Pape lui-même, a décidé la question négativement en principe, déclara que le décret contre les sociétés susmentionnées est basée non seulement sur le droit ecclésiastique, mais aussi sur le droit divin et naturel, et que, par conséquent, un grave inconvénient ou dommage ne constitue pas une raison valide de refuser de s’y conformer. Dans les cas d’extrême nécessité, ajoute le Saint-Siège, la question doit être soumise aux autorités romaines ».

« Voilà comment parle notre confrère de Chicago. Le résumé qu’il donne de la décision du Saint-Office sur l’interprétation du décret nous parait abso- lument conforme aux traditions de l’Église catholique romaine. Nous aurons sans doute bientôt le texte même de cette importante décision qui est une nouvelle condamnation des théories libérales de l’église américaine. »


Je n’ajouterai qu’un mot pour conclure :

Faisons connaître partout cette triste situation que certains évêques, trop enclins à fermer les yeux, créent à l’Église catholique aux États-Unis. Il y a là un grave danger ; car le Pape, vicaire de Dieu sur la terre, est de toute la chrétienté le chef auquel chacun doit absolue et loyale obéissance, et, si des évêques éludent ses ordres, c’est un grand malheur, c’est une complicité — peut-être inconsciente — avec la secte. En cet état de choses, voyez combien Satan se réjouit !

Donc : adressons au Ciel de ferventes prières ; demandons à Jésus de ranimer le zèle partout ; prions, prions beaucoup, afin que ces évêques, dits libéraux, qui mettent leur main dans celle des francs-maçons, comprennent qu’ils trahissent ainsi le plus sacré de leurs devoirs.