Mémoires d’une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante/05/Correspondance

CORRESPONDANCE. — Un peu de statistique : du jour de l’annonce de ma conversion à aujourd’hui (26 novembre), j’ai reçu 3,476 lettres. Je ne cite pas le nombre pour m’enorgueillir ! — car là-dessus il y a bien au moins 600 lettres d’ex-Frères et ex-Sœurs, plus en récriminations qu’en regrets, et plus d’un millier de sollicitants, s’imaginant chacun être seul à me faire appel, et chacun dorant sa pilule avec le plus d’art possible pour me la faire avaler ; — mais je cite le nombre, afin que mes amis, les vrais, les désintéressés, comprennent que, malgré la meilleure volonté du monde, il m’est impossible de suffire à une telle correspondance.

J’ai classé, j’ai trié, je fais mon possible pour satisfaire au fur et à mesure ; il en est à qui je répondrai, quoique ayant dû remettre de jour en jour leur réponse, pour passer à une autre plus urgente ; mais, en toute vérité, si cette avalanche ne s’arrête pas, on me met dans l’impossibilité de travailler. Je supplie qu’on ne m’écrive plus !

De même, qu’on ne prenne pas en mauvaise part mon silence au sujet de certaines agrégations sollicitées : mon directeur spirituel décide seul sur ce point ; son avis est qu’il n’y a pas urgence à prendre de décision ; je laisse proposer, et il choisira.

Plusieurs me demandent des consultations particulières sur des questions que j’aurai, sans aucun doute, à traiter dans mes Mémoires ou dans quelque autre publication. Je ne puis me prêter à cela ; j’écris pour le public. Un bon Père bénédictin me prie de lui annoter un ouvrage qui n’a guère moins de 2,000 pages, afin d’avoir mon avis particulier sur tout ce qui y est écrit !

Quant aux sollicitants, j’ai le regret de leur dire, pour trancher net, que j’ai beaucoup plus d’expérience qu’ils ne le supposent, et l’expérience m’a appris qu’il n’y a d’infortunes intéressantes que celles qui se cachent. C’est pourquoi, au risque de me faire des ennemis, je rejette en bloc toutes lettres intéressées. J’en ai reçu d’absolument écœurantes, et j’ai eu déjà nombre de déceptions. Mais que mes amis vrais se rassurent : les petitesses humaines n’ébranleront pas ma foi. Pour donner une idée, cependant : la semaine la plus chargée en lettres de cette nature a été la deuxième de novembre ; les solliciteurs ont atteint, pour cette seule semaine, le total de 252,000 francs ! Dans le nombre, pourtant, sont de bonnes gens, d’une simple naïveté, à qui je ne saurais en vouloir ; telle excellente dame, par exemple, qui m’invitait à doter une jeune fille à qui elle s’intéressait.

Donc : supplication qu’on me laisse un peu de paix. Maintenant à mon tour de demander !… Je demande des prières pour une de mes ex-sœurs lucifériennes, qui est entrée dans la voie de la conversion et qui s’est remise entre les mains d’un saint prêtre, très expert et prudent ; je demande des prières pour un chef de rite occultiste qui est déjà dans les meilleures dispositions et dont la conversion, si elle se parfait, comme je l’espère, causera grande joie chez les catholiques et désarroi dans les rangs de l’ennemi.


C. d’E. — Reçu les livres ; mille remerciements.