Hachette (p. 205-226).



XIX

L’ÂNE SAVANT


Un jour, je vis accourir les enfants dans le pré où je mangeais paisiblement, tout près du château. Louis et Jacques jouaient auprès de moi, et s’amusaient à monter lestement sur mon dos ; ils croyaient être agiles comme des faiseurs de tours, et ils étaient, je dois l’avouer, un peu patauds, surtout le bon petit Jacques, gros, joufflu, plus trapu et plus petit que son cousin. Louis parvenait quelquefois, en s’accrochant à ma queue, à grimper (il disait s’élancer) sur mon dos ; Jacques faisait des efforts prodigieux pour y arriver à son tour ; mais le bon petit gros roulait, tombait, soufflait, et ne pouvait y arriver qu’avec l’aide de son cousin, un peu plus âgé que lui. Pour leur épargner une si grande fatigue, je m’étais placé près d’une petite butte de terre. Louis avait déjà montré son agilité ; Jacques venait de se placer sans grand effort, lorsque nous entendîmes accourir la bande joyeuse. « Jacques, Louis, criaient-ils, nous allons bien nous amuser ; nous allons à la foire après-demain, et nous verrons un âne savant.

Jacques.

Un âne savant ? Qu’est-ce que c’est qu’un âne savant ?

Élisabeth.

C’est un âne qui fait toutes sortes de tours.

Jacques.

Quels tours ?

Madeleine.

Des tours… mais des tours… des tours, enfin.

Jacques.

Il n’en fera jamais comme Cadichon.

Henri.

Bah ! Cadichon ! il est très bon et très intelligent pour un âne, mais il ne saurait pas faire ce que fera l’âne savant de la foire.

Camille.

Je suis bien sûre que si on lui montrait, il le ferait.

Pierre.

Voyons d’abord ce que fait cet âne savant, nous verrons après s’il est plus savant que Cadichon.

Camille.

Pierre a raison, attendons jusqu’après la foire.

Élisabeth.

Eh bien, qu’est-ce que nous ferons après la foire ?

— Nous nous disputerons, » dit Madeleine en riant.

Jacques et Louis gardaient le silence depuis qu’ils s’étaient dit quelques mots à l’oreille ; ils laissèrent partir les enfants. Après s’être assurés qu’on ne pouvait les voir ni les entendre, ils se mirent à danser autour de moi en riant et chantant :


Cadichon, Cadichon,
À la foire tu viendras ;
L’âne savant tu verras ;
Ce qu’il fait tu regarderas ;
Puis, comme lui tu feras ;
Tout le monde t’honorera ;
Tout le monde t’applaudira,
Et nous serons fiers de toi.
Cadichon, Cadichon,
Je te prie, distingue-toi.


« C’est très joli ce que nous chantons, dit Jacques en s’arrêtant tout à coup.

Louis.

C’est que ce sont des vers, je crois bien que c’est joli !

Jacques.

Des vers ? Je croyais que c’était difficile de faire des vers.

Louis.

Très facile, comme tu vois ;
Pas difficile, comme tu crois.


Vois-tu ? En voilà encore.

Jacques.

Courons le dire à mes cousines et cousins.

Louis.

Non, non, s’ils entendaient nos vers, ils devineraient ce que nous voulons faire ; il faudra les surprendre à la foire même.

Jacques.

Mais crois-tu que papa et mon oncle voudront bien nous laisser emmener Cadichon à la foire ?

Louis.

Certainement, quand nous leur aurons dit en secret pourquoi nous voulons faire voir l’âne savant à Cadichon.

Jacques.

Allons vite le leur demander. »

Les voilà courant tous deux vers la maison, les papas venaient justement au pré voir ce que faisaient les enfants. « Papa, papa ! crièrent-ils, venez vite ; nous avons quelque chose à vous demander ».

— Parlez, enfants, que voulez-vous ?

— Pas ici, papa, pas ici, dirent-ils d’un air mystérieux, chacun tirant son papa dans le pré.

— Qu’y a-t-il donc ? dit en riant le papa de Louis. Dans quelle conspiration voulez-vous nous entraîner ?

— Chut ! papa, chut ! dit Louis. Voilà ce que c’est. Vous savez qu’après-demain il y aura un âne savant à la foire ?

Le papa, de Louis.

Non, je ne le savais pas ; mais qu’avons-nous affaire d’ânes savants, nous qui avons Cadichon ?

Louis.

Voilà précisément ce que nous disons, papa, que Cadichon est plus savant qu’eux tous. Mes sœurs, mes cousines et cousins iront à la foire pour voir cet âne, et nous voudrions bien y mener Cadichon pour qu’il voie comment fait l’âne, et qu’il fasse de même.

Le papa, de Jacques.

Comment ? vous mettriez Cadichon dans la foule à regarder l’âne ?

Jacques.

Oui, papa, au lieu d’aller en voiture, nous monterions Cadichon, et nous nous mettrions tout près du cercle où l’âne savant fera ses tours.

Le papa, de Louis.

Je ne demande pas mieux, moi ; mais je ne crois pas que Cadichon apprenne grand’chose en une seule leçon.

Jacques.

N’est-ce pas, Cadichon, que tu sauras faire aussi bien que cet imbécile d’âne savant ? »

En m’adressant cette question, Jacques me regardait d’un air si inquiet, que je me mis à braire pour le rassurer, tout en riant de son inquiétude.

« Entendez-vous, papa ? Cadichon dit oui, » s’écria Jacques avec triomphe.

Les deux papas se mirent à rire, embrassèrent chacun leurs gentils petits garçons, et s’en allèrent en promettant que j’irais à la foire et qu’ils y viendraient avec les enfants et avec moi.

« Ah ! me dis-je en moi-même, ils doutent de mon adresse ! C’est étonnant que les enfants aient plus d’intelligence que les papas ! »

Le jour de la foire arriva. Une heure avant le départ, on fit ma toilette bien à fond ; on m’étrilla, on me brossa jusqu’à m’impatienter ; on me mit une selle et une bride toutes neuves : Louis et Jacques demandèrent à partir un peu en avant, pour ne pas arriver en retard.

« Pourquoi irez-vous en avant, demanda Henri, et comment irez-vous ?

Louis.

Nous irons sur Cadichon, et nous partons devant parce que nous n’irons pas vite.

Henri.

Vous irez tous les deux seuls ?

Jacques.

Non, papa et mon oncle viennent avec nous.

Henri.

Ce sera joliment ennuyeux de faire une lieue au pas.

Louis.

Oh ! nous ne nous ennuierons point avec nos papas.

Henri.

J’aime encore mieux aller en voiture, nous serons arrivés bien avant vous.

Jacques.

Non, puisque nous partirons longtemps avant vous. »

Comme ils finissaient de parler, on m’amena tout sellé et tout pomponné ; les papas étaient prêts ; ils placèrent les petits garçons sur mon dos, et je partis doucement, pour ne pas faire courir les pauvres papas.

Une heure après, nous arrivions au champ de foire ; il y avait déjà beaucoup de monde près du cercle indiqué par une corde, où l’âne savant devait montrer son savoir-faire. Les papas de mes petits amis les firent placer avec moi tout près de la corde. Mes autres maîtres et maîtresses nous rejoignirent bientôt et se placèrent près de nous.

Un roulement de tambour annonça que mon savant confrère allait paraître. Tous les yeux étaient fixés sur la barrière ; elle s’ouvrit enfin, et l’âne savant parut. Il était maigre, chétif ; il avait l’air triste et malheureux. Son maître l’appela ; il approcha sans empressement, et même avec un air de crainte ; je vis d’après cela que le pauvre animal avait été bien battu pour apprendre ce qu’il savait.

« Messieurs et mesdames, dit le maître, j’ai l’honneur de vous présenter Mirliflore, le prince des ânes. Cet âne, messieurs, mesdames, n’est pas si âne que ses confrères ; c’est un âne savant, plus savant que beaucoup d’entre vous : c’est l’âne par excellence, qui n’a pas son pareil. Allons, Mirliflore, montrez ce que vous savez faire ; et d’abord saluez ces messieurs et ces dames comme un âne bien élevé. »

J’étais orgueilleux, ce discours me mit en colère ; je résolus de me venger avant la fin de la séance.

Mirliflore avança de trois pas, et salua de la tête d’un air dolent.

« Va Mirliflore, va porter ce bouquet à la plus jolie dame de la société. »

Je ris en voyant toutes les mains se tendre à moitié, et s’apprêter à recevoir le bouquet. Mirliflore fit le tour du cercle, et s’arrêta devant une grosse et laide femme, que j’ai su depuis être la femme du maître. Mirliflore y déposa ses fleurs.

Ce manque de goût m’indigna ; je sautai dans le cercle par-dessus la corde, à la grande surprise de l’assemblée ; je saluai gracieusement devant, derrière, à droite, à gauche, je marchai d’un pas résolu vers la grosse femme, je lui arrachai le bouquet, et j’allai le déposer sur les genoux de Camille ; je retournai à ma place aux applaudissements de toute l’assemblée. Chacun se demandait ce que signifiait cette apparition ; quelques personnes crurent que c’étaient arrangé d’avance, et qu’il y avait deux ânes savants au lieu d’un ; d’autres qui me voyaient en compagnie de mes petits maîtres, et qui me connaissaient, étaient ravis de mon intelligence.

Le maître de Mirliflore semblait fort contrarié, Mirliflore paraissait indifférent à mon triomphe ; je commençai à croire qu’il était réellement bête, ce

« Monsieur et mesdames, » dit le maître.

qui est assez rare parmi nous autres ânes. Quand le silence fut rétabli, le maître appela de nouveau Mirliflore.

« Venez, Mirliflore, faites voir à ces messieurs et dames qu’après avoir su distinguer la beauté, vous savez aussi reconnaître la sottise ; prenez ce bonnet, et posez-le sur la tête du plus sot de l’assemblée. »


Je déposai le bouquet sur les genoux de Camille.

Et il lui présenta un magnifique bonnet d’âne garni de sonnettes et de rubans de toutes couleurs. Mirliflore le prit entre ses dents, et se dirigea vers un gros garçon rouge, qui baissait d’avance la tête pour recevoir le bonnet. Il était facile de reconnaître, à sa ressemblance avec la grosse femme si faussement proclamée la plus belle de la société, que ce gros garçon était le fils et le compère du maître.

« Voici, pensai-je, le moment de me venger des paroles insultantes de cet imbécile. »

Et, avant qu’on eût songé à me retenir, je m’élançai encore dans l’arène, je courus à mon confrère, je lui arrachai le bonnet d’âne au moment où il le posait sur la tête du gros garçon, et, avant que le maître eût eu le temps de se reconnaître, je courus à lui, je mis mes pieds de devant sur ses épaules, et je voulus placer le bonnet sur sa tête. Il me repoussa avec violence, et il devint d’autant plus furieux, que les rires mêlés d’applaudissements se firent entendre de tous côtés.

« Bravo ! l’âne, criait-on ; c’est lui qui est le vrai âne savant ! »

Enhardi par les applaudissements de la foule, je fis un nouvel effort pour le coiffer du bonnet d’âne ; à mesure qu’il reculait, j’avançais, et nous finîmes par une course ventre à terre, l’homme se sauvait à toutes jambes, moi courant après lui, ne pouvant parvenir à lui mettre le bonnet, et ne voulant pourtant pas lui faire de mal. Enfin j’eus l’adresse de sauter sur son dos en passant mes pieds de devant sur ses épaules, et, m’appuyant de tout mon poids sur lui, il tomba ; je profitai de sa chute pour enfoncer le bonnet sur sa tête, et je l’enfonçai jusqu’au menton. Je me retirai immédiatement ; l’homme se releva, mais n’y voyant pas clair, et se sentant étourdi de sa chute, il se mit à tourner, à sauter. Et moi, pour compléter la farce, je me mis à l’imiter d’une façon grotesque, à tourner, à sauter comme lui ; j’interrompais parfois cette burlesque imitation en allant lui braire dans l’oreille, et puis je me mettais sur mes pieds de derrière, et je sautais comme lui, tantôt à côté, tantôt en face.


Je profitai de la chute pour enfoncer le bonnet sur sa tête.

Dépeindre les rires, les bravos, les trépignements joyeux de toute l’assemblée est impossible ; jamais âne au monde n’eut un pareil succès, un pareil triomphe. Le cercle fut envahi par des milliers de personnes qui voulaient me toucher, me caresser, me voir de près. Ceux qui me connaissaient en étaient fiers ; ils me nommaient à ceux qui ne me connaissaient pas ; ils racontaient une foule d’histoires vraies et fausses dans lesquelles je jouais un rôle magnifique. Une fois, disait-on, j’avais éteint un incendie en faisant marcher une pompe tout seul ; j’étais monté à un troisième étage, j’avais ouvert la porte de ma maîtresse, je l’avais saisie endormie sur son lit, et, comme les flammes avaient envahi tous les escaliers et fenêtres, je m’étais élancé du troisième étage, après avoir eu soin de placer ma maîtresse sur mon dos : ni elle ni moi, nous ne nous étions blessés, parce que l’ange gardien de ma maîtresse nous avait soutenus en l’air pour nous faire descendre à terre tout doucement. Une autre fois, j’avais tué à moi tout seul cinquante brigands en les étranglant les uns après les autres d’un seul coup de dent, de manière qu’aucun d’eux n’eût le temps de se réveiller et de donner l’alarme à ses camarades. J’avais été ensuite délivrer, dans les cavernes, cent cinquante prisonniers que ces voleurs avaient enchaînés pour les engraisser et les manger. Une autre fois, enfin, j’avais battu à la course les meilleurs chevaux du pays ; j’avais fait en cinq heures vingt-cinq lieues sans m’arrêter.

À mesure que ces nouvelles se répandaient,

Les gendarmes furent obligés de faire écarter la foule. (Page 211.)

l’admiration augmentait ; on se pressait, on s’étouffait autour de moi ; les gendarmes furent obligés de faire écarter la foule. Heureusement que les parents de Louis, de Jacques et de tous mes autres maîtres avaient emmené les enfants dès que la foule s’était amassée autour de moi. J’eus beaucoup de peine à m’échapper, même avec le secours des gendarmes ; on voulait me porter en triomphe. Je fus obligé, pour me soustraire à cet honneur, de donner par-ci par-là quelques coups de dents, et même de décocher quelques ruades ; mais j’eus soin de ne blesser personne, c’était seulement pour faire peur et m’ouvrir un passage.

Une fois débarrassé de la foule, je cherchai Louis et Jacques ; je ne les aperçus d’aucun côté. Je ne voulais pourtant pas que mes chers petits maîtres revinssent à pied jusque chez eux. Sans perdre mon temps à les chercher, je courus à l’écurie où l’on mettait toujours nos chevaux et nos harnais. J’y entrai, je ne les y trouvai plus ; on était parti. Alors, courant à toutes jambes sur la grand’route qui menait au château, je ne tardai pas à rattraper les voitures, dans lesquelles on avait entassé les enfants sur les parents ; ils étaient une quinzaine dans les deux calèches.

« Cadichon ! voilà Cadichon ! » s’écrièrent tous les enfants quand ils m’aperçurent.

On fit arrêter les voitures ; Jacques et Louis demandèrent à descendre pour m’embrasser, me complimenter et revenir à pied ; puis Jeanne et Henriette, puis Pierre et Henri, puis enfin Élisabeth, Madeleine et Camille.

« Voyez-vous, disaient Louis et Jacques, que nous connaissons mieux que vous l’esprit de Cadichon ; voyez comme il a été intelligent ! Comme il a bien compris les tours de ce sot Mirliflore et son imbécile de maître !

— C’est vrai, dit Pierre ; mais je voudrais bien savoir pourquoi il a voulu absolument mettre le bonnet d’âne au maître. Est-ce qu’il a compris que le maître était un sot, et qu’un bonnet d’âne est le signe qui indique la sottise ?

Camille.

Certainement, il l’a compris ; il a bien assez d’esprit pour cela.

Élisabeth.

Ah ! ah ! ah ! Tu dis cela parce qu’il t’a donné le bouquet comme à la plus jolie de l’assemblée.

Camille.

Pas du tout, je n’y pensais pas, et, à présent que tu m’en parles, je me souviens que j’ai été étonnée, et que j’aurais voulu qu’il allât porter le bouquet à maman : c’est elle qui était la plus belle de l’assemblée.

Pierre.

C’est toi qui la représentais, et puis je trouve, moi, qu’après ma tante, l’âne ne pouvait mieux choisir.

Madeleine.

Et moi donc, et moi, est-ce que je suis laide ?

Pierre.

Certainement non, mais chacun a son goût, et le goût de Cadichon lui a fait choisir Camille.

Élisabeth.

Au lieu de parler de jolies ou de laides, nous devrions demander à Cadichon comment il a pu si bien comprendre ce que disait cet homme ?

Henriette.

Quel dommage que Cadichon ne puisse parler ! que d’histoires il nous raconterait !

Élisabeth.

Qui sait s’il ne nous comprend pas ? J’ai bien lu, moi, les Mémoires d’une poupée ; est-ce qu’une poupée a l’air de voir et de comprendre ? Cette poupée a écrit qu’elle entendait tout, qu’elle voyait tout.

Henri.

Est-ce que tu crois cela, toi ?

Élisabeth.

Certainement, je le crois.

Henri.

Comment la poupée a-t-elle pu écrire ?

Élisabeth.

Elle écrivait la nuit avec une toute petite plume de colibri, et elle cachait ses Mémoires sous son lit.

Madeleine.

Ne crois donc pas de pareilles bêtises, ma pauvre Élisabeth ; c’est une dame qui a écrit ces Mémoires d’une poupée, et, pour rendre le livre plus amusant elle a fait semblant d’être la poupée et d’écrire comme si elle était une poupée.

Élisabeth.

Tu crois que ce n’est pas une vraie poupée qui a écrit ?

Camille.

Certainement non. Comment veux-tu qu’une poupée, qui n’est pas vivante, qui est faite en bois, en peau et remplie de son, puisse réfléchir, voir, entendre, écrire ? »

Tout en causant, nous arrivions au château ; les enfants coururent tous à leur grand’mère, qui était restée à la maison. Ils lui racontèrent tout ce que j’avais fait et combien j’avais étonné et enchanté tout le monde.

« Mais il est vraiment merveilleux, ce Cadichon ! s’écria-t-elle en venant me caresser. J’ai connu des ânes fort intelligents, plus intelligents que toute autre bête, mais jamais je n’en ai vu comme Cadichon ! Il faut avouer qu’on est bien injuste envers les ânes. »

Je me retournai vers elle, et je la regardai avec reconnaissance.

« On dirait en vérité qu’il m’a comprise, continua-t-elle. Mon pauvre Cadichon, sois sûr que je ne te vendrai pas tant que je vivrai, et que je te ferai soigner comme si tu comprenais tout ce qui se fait autour de toi. »

Je soupirai en pensant à l’âge de ma vieille maîtresse ; elle avait cinquante-neuf ans, et moi je n’en avais que neuf ou dix.

« Mes chers petits maîtres, quand votre grand’mère mourra, gardez-moi, je vous prie, ne me vendez pas, et laissez-moi mourir en vous servant. »

Quant au malheureux maître de l’âne savant, je me repentis amèrement plus tard du tour que je lui avais joué, et vous verrez le mal que j’ai fait en voulant montrer mon esprit.