Mémoires autographes de l’empereur Djihan-Guir/01


ANCIEN EMPIRE MOGOL.




MÉMOIRES AUTOGRAPHES


DE


L’EMPEREUR DJIHÂN-GUIR.[1]




L’empire mogol était borné au nord par l’Imaüs ou Himalaya, longue chaîne de montagnes qui le séparait de la Grande-Tartarie, et d’où sortent le Sinde et le Gange ; à l’Orient, par le royaume d’Aracan, et à l’occident, par la Perse et le pays de Candahar. Il se terminait au midi par le golfe du Gange et la presqu’île de Malabar et Coromandel. Toutefois il est difficile de fixer ses limites d’une manière précise, à cause des guerres continuelles qui le bouleversèrent. Timour-Bey (Tamerlan), qui pénétra dans l’Inde en 1398, à la tête de 90,000 Mogols, et la soumit presque tout entière à ses armes, peut en être regardé comme le fondateur. Après une campagne de cinq mois dix-sept jours, qui ne fit de cette riche contrée qu’un vaste champ de carnage, Timour, ayant confirmé dans leurs gouvernements les soubahdars ou vice-rois qui s’étaient soumis à son autorité, retourna à Samarcande, capitale de ses états héréditaires. Depuis 1405, époque de sa mort, jusqu’à l’avénement de son arrière petit-fils Baber, l’Indostan ne cessa d’être bouleversé par une suite de révolutions et de désastres. Baber étendit encore les conquêtes de Timour, et pacifia ses états, qu’il gouverna avec sagesse. Il écrivit lui-même l’histoire de son règne dans des mémoires fort curieux, qui ont été publiés en Angleterre par M. Erskine, et mourut le 26 décembre 1530, à l’âge de 48 ans. À sa mort, son fils Humaïoun monta sur le trône qu’il eut bientôt à défendre contre une foule d’insurgés ; abandonné lâchement par ses frères, il fut chassé par Chin Khan, prince patane de Baber, et se retira à la cour du Chah de Perse. Celui-ci l’aida à recouvrer sa couronne en 1545. Humaïoun eut pour successeur le grand Akber, qui porta l’empire mogol au plus haut degré de puissance. Akber s’occupa d’abord à soumettre les révoltés et à rétablir l’ordre ; il tourna ensuite ses soins vers l’administration intérieure, et secondé du célèbre Aboul-Fazl, qui a laissé une histoire de sa vie, sous le titre d’Akber-Namé, il fonda des écoles, à l’instar de celles de Samarcande, où on étudiait les sciences et les belles-lettres, les langues indienne et arabe, etc., et fit coordonner un code de lois, connu sous le nom de d’Aïïni-Akberi (Institutes de l’empereur Akber)[2]. Après un règne glorieux de cinquante ans, il laissa le trône à son fils Djhân-Guir, qui fera le principal objet de cet article.

Djihân-Guir était un prince remarquable ; comme Baber, il écrivit les mémoires de sa vie, mais elle fut moins brillante que celle de son aïeul. L’influence qu’exerçait sur son esprit sa favorite Nouri-Djihân répandit de l’irrésolution et de la faiblesse dans ses conseils. Il se montra quelquefois cruel envers ses serviteurs et les peuples qu’il gouvernait. Son règne fut agité, et quoiqu’il s’appelât le vainqueur du monde, il trouva assez d’occupation dans ses propres états, pour qu’il ne lui ait pas été permis de troubler le repos des autres. Les Indous continuèrent à défendre avec courage leur indépendance contre l’invasion musulmane, et ce qu’on va lire de ces mémoires prouve qu’ils aimaient mieux se laisser égorger que de se soumettre. Si on en croit Djihân-Guir, le nombre des victimes se serait élevé à plusieurs millions ; souvent lui-même il les traita de la façon la plus barbare.

On l’accusera encore d’affecter un orgueil ridicule dans l’énumération de ses richesses. Il y a sans doute quelque chose à rabattre de toutes ces descriptions pompeuses d’une cour orientale, de cette profusion d’or et d’argent, de ces rubis, de ces perles, de ces pierres précieuses, de ces milliers d’éléphants dressés pour la guerre, etc. Mais dans le rang suprême où ce prince était parvenu, élevé, comme il le dit lui-même, au milieu des fêtes et des voluptés, entouré d’esclaves et de flatteurs, il aura pu s’exagérer facilement sa propre grandeur. La vie d’un despote asiatique ne saurait se comparer avec nos habitudes européennes.

On trouve dans ces mémoires d’un souverain mahométan les notions les plus pures sur la Divinité et le culte que l’on doit lui rendre, des exemples remarquables de tolérance religieuse et d’une haute raison philosophique, presque partout un sens droit et un jugement sain. Sans être semés de ces vicissitudes merveilleuses, décrites avec tant de naïveté dans les commentaires du sultan Baber, son illustre aïeul, ils ne paraissent ni moins curieux ni moins intéressans. Ils sont écrits en forme de journal, et quoiqu’entrecoupés de longues digressions, on aperçoit à chaque ligne une sorte de simplicité native dans sa manière de retracer les impressions qu’il éprouve ; malgré leurs défauts, ils ont un charme qu’on ne saurait trouver dans le style péniblement élaboré de la plupart des compositions modernes. Nous citerons en entier son début, qui rappelle les plus beaux versets du Coran.

« À celui dont le nom est inscrit sur le front de tout ce qui existe, dont les caractères de gloire sont gravés sur les murs et les portiques de l’univers ; à l’éternel Artisan, qui d’un mot fit jaillir du néant les célestes sphères et les élémens de la nature créée ; à l’Architecte tout-puissant qui disposa sur nos têtes les voûtes mouvantes du firmament, et para ce globe terrestre des splendeurs de sa puissance ; à lui gloire sans fin et reconnaissance sans bornes. Et mille et mille actions de grâces à notre prophète Mahomet, le plus excellent des êtres créés, qui retira le genre humain de la nuit de l’erreur, et le conduisit dans le chemin escarpé du devoir et de la vérité ; à lui fut donnée, de la part de Dieu, autorité sur toutes les grandeurs de la terre, et la prééminence sur tous les autres prophètes. Le Messie lui-même annonça l’heureuse nouvelle de sa venue, et au flambeau qui l’éclairait, le divin prophète d’Israël s’efforça de dérober une étincelle de la céleste lumière.

« Voici le mémorial des divers événemens qui ont marqué ma carrière. J’ai entrepris d’en écrire une petite partie, afin qu’il en restât quelques traces dans les archives des temps.

» J’avais 38 ans, lorsque je devins empereur dans la métropole d’Agra, et m’assis sur le trône de mes désirs. C’était le matin du 8e jour de la lune de Djemadi-second, de l’année de l’hégire 1014 (10 octobre 1605). Au même moment le soleil paraissait à l’horizon ; j’acceptai ce présage de victoire, ce signe d’un règne d’invariable prospérité. »

Djihân-Guir décrit ici les fêtes magnifiques qui suivirent son avénement au trône. « Je fis battre, dit-il, pendant quarante jours et quarante nuits au Nakara-Khanè (orchestre mililaire[3]), des airs de triomphe et de joie. Les brocarts les plus somptueux, les tapis les plus riches furent, par mes ordres, étalés à plus de cinquante Djèribs[4] autour de mon trône. Des encensoirs d’or et d’argent, disposés dans toutes les directions, exhalaient des parfums délicieux. Près de trois milles bougies camphrées, de trois coudées de long, portées par des candélabres d’or et d’argent parfumés d’ambre gris, éclairaient la scène du soir au matin. Une foule de jeunes garçons au teint de rose, beaux comme Joseph dans les pavillons d’Égypte, vêtus de robes tissées d’or et de soie, avec des ceintures et des amulettes étincelantes de l’éclat du diamant, de l’émeraude, du rubis, du saphir, attendaient mes ordres dans l’attitude la plus respectueuse. Enfin les emirs[5] de l’empire, au nombre de neuf, depuis le capitaine de cinq cents chevaux jusqu’au commandant de cinq mille, couverts de la tête aux pieds d’or et de joyaux, m’entouraient dans un brillant costume. Pendant quarante jours et quarante nuits, je donnai au monde le spectacle de ces fêtes, dont la magnificence impériale a rarement été égalée dans ce séjour terrestre. »

Le royal auteur entre ensuite dans des détails intéressans sur les vœux ardens de son père pour obtenir un fils et un héritier de ses états ; car tous ceux qu’il avait eus jusqu’à l’âge de 28 ans n’avaient pas vécu plus d’une heure astronomique. Djihan-Guir montre ce prince allant à pied, d’Agra à Adjmir (distance de deux cent quatre-vingts milles), afin d’offrir à la châsse vénérée de Muïnuddin-Tchisti, ses prières et ses actions de grâce, pour la naissance de ce fils (Djihân-Guir lui-même), que le Tout-Puissant, dit-il dans son style oriental, jeta sur le théâtre de la vie, le vendredi, 17e jour de la lune de Rébi ier, de l’année de l’hégire 978 (18 avril 1570)[6], le soleil étant dans la 24e degré de la balance. Scheikh Selim, saint reclus qui gardait la châsse, bénit l’enfant royal, et lui donna son nom, qu’il porta tant qu’il fut héritier présomptif de la couronne. À son avénement, il le changea contre celui de Djihân-Guir ou conquérant du monde. Il assigne lui-même le motif de cette dénomination qu’on regardera comme une anticipation assez curieuse. « J’aurais peut-être pu me contenter du titre de sultan Selim ; mais pour me placer au niveau des monarques de l’empire turc, et considérant que la conquête de l’univers est la vocation particulière des princes souverains, je pris celui de Djihân-Guir, le seul qui me parût convenir à mon caractère. J’ai l’assurance qu’avec l’aide de Dieu, de longs jours et une bonne étoile, je justifierai cette dénomination. »

Djihân-Guir parle après cela de plusieurs réglemens qu’il publia, pour améliorer l’administration de la justice dans ses états. Il signale l’invention d’une longue chaîne d’or attachée d’un bout aux créneaux de la tour du château d’Agra, et de l’autre à une colonne en pierre, élevée près du lit de la rivière Djemna ; quatre-vingt petites cloches étaient suspendues à cette chaîne dite de justice’, qui avait deux cent-soixante pieds de long. Quiconque avait à se plaindre d’une fausse application des lois, n’avait qu’à la toucher pour obtenir sur-le-champ réparation.

Il fit contre l’ivrognerie un réglement qu’il avoue avec candeur avoir été le premier à transgresser. La quantité de vin que sa majesté s’administrait chaque jour, étonnerait les plus hardis buveurs, et prouve qu’il s’inquiétait peu de la loi de Mahomet, pour lequel cependant il témoigne tant de respect.

« Il n’était permis à personne de faire ni de vendre du vin ou autre liqueur enivrante. J’entrepris d’établir cette règle, quoiqu’il fût assez notoire que j’eusse pour le vin un penchant décidé depuis l’âge de seize ans. Et pour tout dire, entouré comme je l’étais de jeunes compagnons animés des mêmes goûts, respirant l’air d’un climat délicieux, égaré au milieu de vastes salons ornés des chefs-d’œuvre de la peinture et de la sculpture, foulant aux pieds des tapis où l’or le disputait à la soie, n’aurais-je pas été fou de rejeter l’aide d’un cordial aussi divertissant ? et quel cordial peut surpasser le jus de la treille ?…

» Je confesse en effet que je poussais l’indulgence pour moi-même au point de ne pas reculer devant vingt coupes par jour, et quelquefois davantage, chaque coupe contenant un demi-sir (environ 6 onces). Telle était la violence de mes désirs, que si j’étais une heure sans boire, mes mains commençaient à trembler, et je ne pouvais rester en place. Convaincu par ces symptômes que mon état finirait par devenir alarmant, si je me laissais ainsi aller à mes passions, je sentis qu’il était temps d’aviser au moyen de trancher le mal. Je réduisis peu à peu ma dose, et parvins, au bout de six mois, à me contenter de cinq coupes : toutefois j’en ajoutais une ou deux aux festins. Je pris pour règle générale de ne commencer mes libations que deux heures avant la chute du jour ; mais aujourd’hui que les affaires de l’empire demandent l’attention et la vigilance la plus rigoureuse, j’attends après la prière du soir pour prendre régulièrement cinq coupes, dose conforme à l’état de mon estomac. Je ne fais qu’un repas par jour, et n’éprouve pas le besoin de boire plus souvent ; mais comme il me paraît aussi nécessaire de boire que de manger pour le soutien du corps, il me serait très-difficile, pour ne pas dire impossible, de renoncer tout-à-fait au vin. Je me propose cependant, et j’espère que le ciel m’en donnera la force, comme à mon grand-père Humaïoun, qui parvint à s’en corriger avant qu’il eût atteint 43 ans, de renoncer tout-à-fait, dans un temps ou dans un autre, à ce funeste penchant. »

Djihãn-Guir confirma dans leurs fonctions les ministres et grands dignitaires de son père ; il augmenta leur traitement, et leur donna de nouveaux commandemens. Il ouvrit les prisons de son empire, et fit sortir de la forteresse de Gwalior seule, sept mille détenus, dont quelques-uns y gémissaient depuis quarante ans. On se fera une idée du nombre de malheureux délivrés par sa clémence, quand on saura qu’il y avait dans l’Indostan deux mille quatre cents forteresses destinées au même objet, non compris celles du Bengale.

Djihân-Guir donne une longue description de la ville impériale d’Agra, située sur la rivière Djemna, et conclut en disant qu’il ne connaît pas au monde de cité qui lui soit comparable pour la grandeur ni pour le nombre des habitans. Un de ses ornemens était l’immense jardin de Gul-Efchân (jardin des fleurs), qui devait son origine à l’empereur Baber, et renfermait tout ce qu’il y avait de rare en fleurs et en fruits. Il est curieux de trouver au nombre des fruits exotiques qu’il dit avoir été introduits par son illustre aïeul, l’ananas, l’un des plus délicieux que produisit à ses yeux l’île des Frènguis (Portugais). Il ajoute que ce jardin était connu pour en avoir donné une centaine de mille en une seule saison.

Le tableau que l’auteur trace des établissemens royaux est au-delà de toute croyance. Les éléphans, les chameaux, les chevaux et les frais énormes de leur entretien excèdent tout calcul. Les premiers seuls y figurent pour douze mille, de taille et de force à paraître sur le champ de bataille. Mille plus petits servaient à transporter le grain et le fourrage destinés aux précédens. Cent mille autres portaient les litières des dames de la famille impériale, les bagages de l’empereur et l’équipage de camp. Nous croyons, avec le savant traducteur anglais, que la personne qui a copié le manuscrit s’est fait un jeu d’exagérer le nombre des éléphans et les sommes énormes nécessaires à leur entretien.

Quoiqu’il surpassât en pompes et en richesses tous les souverains contemporains, Djihân-Guir ne pouvait se flatter d’être plus exempt qu’eux de soucis domestiques. Il eut aussi des troubles, des séditions à apaiser : Khosrèw, son fils, chercha même avant la mort d’Akber à lui ravir la couronne. Ce fut le capitaine Radjpout Maoun Singh, qui le poussa à cet attentat. Bharamul, grand-père de ce Radjah, était le premier de cette tribu belliqueuse et puissante qui se fût attaché au gouvernement de l’empereur Akber. Pour cimenter la fidélité et l’attachement de ce capitaine, Akber fit épouser à Dhihân-Guir la fille de Bharamul, dont il eut Khosrèw. Il est naturel de penser que Maoun Singh, qui était ainsi cousin du jeune prince, jeta dans son cœur des semences d’ambition pour satisfaite par son avénement au trône ses propres projets d’agrandissement. Au lieu de les punir, Djihân-Guir les éleva tous deux aux premières charges de l’état, ce qui ne les empêcha pas de lever de nouveau l’étendard de la révolte six ou sept mois après.

En passant en revue ses différens ministres et généraux, en assignant à chacun des grades différens, depuis le commandement de 500 chevaux jusqu’à celui de 5000 et au-delà, Djihân-Guir parle ainsi de sa sultane favorite, la belle et spirituelle Nourri-Djihân.

« Nourri-Djihân commande aux quatre cents vierges de mon Harem. À peine y a-t-il dans tout l’empire une seule ville où cette princesse n’ait laissé quelque bel édifice, quelque jardin spacieux, quelqu’éclatant monument de son goût et de sa magnificence. Comme je ne pensais pas encore à me marier, elle n’entra pas d’abord dans ma famille, et fut fiancée, du vivant de mon père, à Askmin. Mais quand ce chef fut tué, j’envoyai chercher le Kadi, et contractai avec elle un mariage régulier. Je lui assignai pour douaire quatre-vingts laks d’achréfis de cinq mèscals[7], qu’elle me demanda pour acheter des joyaux. Outre cette somme, je lui fis présent d’un collier orné de quarante perles qui avaient coûté quarante mille roupies[8] chaque. Je peux dire, au moment où j’écris, que tout l’or et les joyaux renfermés dans ma maison sont encore sous sa seule et entière direction. Cette princesse possède en effet toute ma confiance, et j’avoue sans détour que j’ai mis à la disposition de sa famille, déjà dotée si richement, la fortune entière de mon empire. J’ai fait le père mon Dewan[9], le fils, mon lieutenant-général, avec des pouvoirs illimités, et la fille la compagne inséparable de toutes mes pensées. »

Nous ne passerons pas sous silence les ordonnances que ce prince rendit sur un sujet qui excite vivement aujourd’hui l’attention publique. On pourrait croire qu’elles ont servi de règle à la conduite du gouvernement anglais dans l’Inde. « Quant à l’usage, dont les veuves des Indous ont donné l’exemple, de se laisser brûler sur le bûcher de leurs maris, j’ai d’abord prescrit que toute femme qui avait des enfans devait vivre pour eux, lors même que la douleur lui commandait de mourir. J’ai ordonné depuis que dans aucun cas on ne permît cette pratique, lorsqu’il y avait la moindre apparence de contrainte, quelles que fussent les opinions du peuple. Il n’eût pas été sage, sous d’autres rapports, de les inquiéter dans leurs devoirs religieux, ni de leur faire violence en aucune manière. Quand je considère que l’Être suprême m’a fait l’image de sa bienfaisance sur la terre, et que sa miséricorde s’étend sur toutes les créatures, je crois indigne de mon caractère d’appeler la force à mon aide. Il est notoire que cinq parties de la population sur dix, sont composées d’Indous, adorateurs des images ; tout ce qui a rapport au commerce, aux manufactures et autres branches d’industrie lucrative, est leur partage exclusif. Ainsi, quand même tous mes désirs tendraient à les convertir à la vraie foi, je n’y parviendrais que par l’extermination de plusieurs millions d’hommes. »

Tels sont les principes de tolérance dont Djihân-Guir ne se départit jamais, bien qu’il se plût quelquefois, dans ses entretiens particuliers avec les pundits (prêtres indous,) à les embarrasser sur les objets de leur culte, et à combattre leurs erreurs. « Dans une conversation, dit-il, que j’eus un soir avec quelques pundits, j’en pris occasion de leur demander s’il pouvait y avoir une absurdité plus grande que celle de prétendre représenter la nature ou l’existence de la Divinité avec des images, puisque nous savions tous que l’Être suprême existe de toute éternité ; qu’il est exempt de changement et de destruction ; qu’il n’a ni longueur ni largeur, et que par conséquent il doit être invisible. Comment donc pouvait-il être possible de lui donner une forme sous les traits imparfaits d’une créature humaine ? Si d’un autre côté, continuai-je, vous voulez exprimer de cette manière la manifestation de la lumière divine dans les corps, nous savions déjà que la puissance de la Divinité pénètre tout ce qui existe ; ceci fut annoncé au législateur d’Israël du milieu du buisson ardent. Si vous voulez retracer par affinité quelques-uns des attributs du Tout-Puissant, on doit encore reconnaître que sous ces images, il ne peut réellement en exister aucune… Mais si, au contraire, vous considérez ces figures comme des objets immédiats d’adoration, et comme la source dont vous espérez appui et assistance, vos hommages alors ne sont que le produit de la crainte, puisque l’adoration n’est due qu’à Dieu, qui n’a ni égal ni allié. Après divers argumens pour et contre, les plus intelligens de ces pundits parurent convaincus de la faiblesse de leur cause, et m’avouèrent enfin que sans l’intervention de ces images, il leur était impossible de fixer leur esprit d’une manière positive dans la contemplation des perfections de l’Être suprême. »

  1. Traduits de l’original Persan par le major David Price, London, in-4o, 1829.
  2. Traduites de l’original persan par Francis Gladwin, Esq. 2 vol. in-4o. London 1800. L’Aïïni-Akberi forme le troisième volume de l’Akber-Namé.
  3. Cet orchestre est composé de trompettes et de tambours qui accompagnent toujours l’empereur.
  4. Djèrib, mesure équivalant à un arpent
  5. Grands dignitaires
  6. D’après cette date, Djihân-Guir n’aurait eu que 36 ans à son avénement au trône, et non 38, comme il le dit plus haut.
  7. La somme incroyable de 7,200,000 liv. st. (environ 180,000,000 fr). Le lak vaut cent mille.
  8. La roupie vaut environ 3 fr. 50 de notre monnaie.
  9. Président du conseil.