Mémoires (Saint-Simon)/Tome 5/Notes


NOTES


I. histoire et condamnation de b. de fargues.


Pages 58 et suiv.


Saint-Simon raconte comment Fargues fut arrêté dans sa maison de Courson par les huissiers du parlement, et sur un ordre du premier président de Lamoignon, amené à Paris, condamné à mort, et exécuté. Il ajoute que le premier président, qui avoit dirigé la procédure, s’enrichit par la confiscation d’une partie des biens de Fargues. Ce récit, qui incrimine la mémoire de Guillaume de Lamoignon, renferme plusieurs erreurs ; et, sans entrer dans une discussion approfondie, il suffira d’opposer à Saint-Simon, ou plutôt à Lauzun, l’autorité d’un contemporain, témoin impartial, qui avoit bien connu B. de Fargues, et qui donne les détails les plus précis sur sa condamnation et sur son supplice.

Rappelons d’abord que le fait dont il s’agit se passa au commencement de l’année 1665, longtemps avant la naissance de Saint-Simon. Cet écrivain cite comme unique autorité le duc de Lauzun, personnage célèbre par ses intrigues, sa vanité, l’éclat de sa fortune et de sa chute. On voit tout de suite quelle confiance mérite un pareil témoignage. Aussi, lorsqu’en 1781, La Place publia, dans le premier volume de ses Pièces intéressantes et peu connues pour servir à l’histoire, le récit de l’arrestation et de la mort de B. de Fargues, emprunté textuellement aux Mémoires encore inédits de Saint-Simon, la famille de Lamoignon réclama, et produisit des pièces qui établissoient que Fargues n’avoit pas été condamné par le parlement de Paris, mais par l’intendant d’Amiens et par d’autres commissaires délégués par le roi, et que le premier président n’avoit obtenu la terre de Courson qu’en 1668, en sa qualité de seigneur de Bâville, dont relevoit Courson.

Nous ajouterons à cette réfutation celle qui résulte du récit d’Olivier d’Ormesson, qui écrivoit son Journal au moment même où B. de Fargues fut arrêté et exécuté.

« Le dimanche 29 mars 1665, je reçus des lettres de la condamnation de Fargues, et qu’il avoit été pendu, le vendredi à cinq heures du soir, à Abbeville. Cette fin extraordinaire m’oblige de dire que Fargues étoit né de petite condition, dans Figeac en Languedoc ; qu’ayant épousé la sieur du sieur de La Rivière, neveu de M. de Bellebrune, il avoit été major d’Hesdin, dont M. de Bellebrune étoit gouverneur ; et qu’au mois de janvier 1658, le sieur de Bellebrune étant mort, il forma le dessein de se rendre maître de cette place. Étant venu à Paris, il offrit à M. de Palaiseau, gendre de M. de Bellebrune, de le servir pour lui conserver le gouvernement, et lui demanda le nom de ses amis dans la place, lequel M. de Palaiseau lui donna, et en même temps il offrit à M. le comte de Moret, auquel ce gouvernement étoit donné, de l’argent et son service. Mais en ayant été fort peu accueilli, il partit devant, disant que c’étoit pour lui préparer toutes choses ; et étant dans la place, il s’en rendit le maître, ayant chassé tous les amis de M. de Palaiseau et de M. de Moret, et ayant écrit à M. le maréchal d’Hocquincourt pour lui livrer cette place. M. d’Hocquincourt, avec son régiment qui étoit sur la frontière, s’y retira ; et je me souviens qu’étant en Picardie [1], le lieutenant-colonel de ce régiment vint de la cour m’apportant des ordres, et témoignoit vouloir servir la cour contre le maréchal, et néanmoins, sitôt qu’il eut joint son régiment, il le débaucha et se retira à Hesdin.

« Lorsque, par la paix [2], la ville d’Hesdin fut rendue au roi, je la reçus et y fis entrer le régiment de Picardie. Je parlai à Fargues de toute sa conduite. Il me dit que sitôt qu’il étoit entré dans Hesdin, il avoit écrit en quatre endroits pour négocier : à la cour, par l’entremise de Carlier, commis de M. Le Tellier, qui y fit deux voyages, et enfin par sa femme, qui prit cette occasion pour aller à Hesdin et se rendre auprès de son mari ; au maréchal d’Hocquincourt, qui ne manqua pas de se venir jeter dans Hesdin ; mais Fargues prit si bien ses précautions avec lui qu’il n’en fut jamais le maître, et ne lui permit jamais ni d’y être le plus fort ni de parler à un homme en particulier ; [enfin il négocia] avec M. le prince et avec les Espagnols, dont il reçut des troupes qu’il fit camper dans le faubourg de Saint-Leu, sans que jamais il souffrît deux officiers de ses troupes entrer ensemble dans la ville.

« Le roi, en avril 1658, marchant avec son armée pour faire le siège de Dunkerque, fit semblant de vouloir assièger Hesdin, et le bruit en couroit. Il passa à la vue de cette place, croyant que sa présence feroit quelque soulèvement dans la place ; mais Fargues me dit que sachant qu’il ne seroit point assiégé, il jugea qu’il n’avoit qu’à se défendre d’une révolte ; qu’il avoit assemblé toute sa garnison, et leur ayant dit que le roi venoit pour les assièger, que pour lui il étoit résolu de se défendre, et qu’il laissoit la liberté à ceux qui voudroient de sortir ; que tous lui avoient juré de mourir avec lui, et que, profitant de cette disposition, il avoit mis ces troupes dans les dehors, et étoit demeuré dans la place, craignant seulement un coup de main et d’être assassiné ; que M. le maréchal d’Hocquincourt escarmoucha avec la cavalerie, et que depuis il n’avoit songé qu’à ses fortifications, et à maintenir l’ordre et la police dans sa place ; que La Rivière et lui étoient dans des chambres séparées aux deux bouts d’une salle commune, dans laquelle il y avoit un corps de garde de pertuisaniers ; que jamais l’un ne dormoit que l’autre ne fût éveillé ; qu’ils n’alloient jamais en un même lieu ensemble ; et enfin Fargues m’ayant expliqué sa conduite, fait voir ses magasins, il me parut homme de tête et de grand ordre, et chacun convient qu’il a soutenu sa révolte avec beaucoup d’habileté, n’ayant ni naissance, ni condition, ni charge, ni considération qui le distinguât pour se soutenir.

« L’on dit que, durant son procès, il a dit souvent qu’il n’avoit commis qu’une seule faute, qui étoit de s’être laissé prendre. Il a déclaré, après son jugement, qu’il entretenoit commerce avec Saint-Aulnays, et qu’il le pressoit de se retirer en Espagne.

« Cette condamnation porte pour vol, péculat, faussetés et malversations commises au pain de munition [3], etc. Chacun a renouvelé à cette occasion les anciennes histoires de penderie de M. de Machault, et que celui-ci ne dégénérera point d’un nom si illustre. »

Ce fut en effet l’intendant de Picardie Machault qui condamna Fargues. Il avoit été nommé tout exprès pour cette exécution, dont ne voulut pas se charger son prédécesseur Courtin. « L’affaire de Fargues, écrit Olivier d’Ormesson, qui tenoit ces détails de Turenne [4], est l’occasion de ce changement [5] ; car M. de Machault va pour le juger souverainement, et M. Courtin l’avoit refusé. »

Olivier d’Ormesson, après avoir rappelé que Fargues fut pendu à Abbeville le vendredi 27 mars, continue ainsi : « L’on remarquoit qu’ayant été conduit à Hesdin, il avoit été mis dans la prison avec les mêmes fers et dans le même lieu où il avoit retenu prisonnier le nommé Philippe-Marie, qui étoit un officier qui avoit voulu soulever la garnison contre lui, lors de sa révolte ; qu’un soldat qu’il avoit obligé d’être bourreau et de pendre un homme, avoit été le sien et l’avoit pendu. L’on convenoit aussi qu’il avoit entendu la lecture de sa condamnation avec beaucoup de fermeté ; qu’il avoit baisé trois fois la terre remerciant Dieu ; qu’il avoit aussi baisé trois fois sa potence, et qu’il étoit mort avec courage et fort chrétiennement. »

Il résulte de ces détails si précis, écrits au moment même des événements, par un témoin impartial et bien informé, que le premier président de Lamoignon n’a été pour rien dans le procès et la condamnation de B. de Fargues.


II. opposition de la noblesse aux honneurs accordés à quelques familles.


Page 145.


Saint-Simon parle souvent dans ses Mémoires des tentatives de familles nobles pour obtenir des privilèges particuliers, tabouret à la cour, entrée en carrosse dans les châteaux royaux, ce qu’on appeloit alors les honneurs du Louvre, rang de princes étrangers, etc. Ces efforts pour s’élever au-dessus de la noblesse ordinaire provoquèrent une très-vive opposition, surtout au mois d’octobre 1649. Saint-Simon en parle. Nous réunirons ici plusieurs passages du Journal inédit de Dubuisson-Aubenay[6], qui indique avec précision tous les détails de cette petite révolution de cour. Attaché au secrétaire d’État Duplessis-Guénégaud, Dubuisson-Aubenay est comme le Dangeau de la Fronde : il retrace minutieusement les cabales qui agitèrent la cour de 1648 à 1653 ; il parle aussi de l’opposition qu’à la même époque les ducs et pairs firent aux prétentions de certaines familles qui affectoient le rang de princes étrangers.

« Lundi 4 octobre (1649), la reine étant au cercle, le maréchal de L’Hôpital lui a présenté le mémoire ou requête de toute la noblesse de la cour opposante aux tabourets, de la poursuite desquels les sieurs de Miossens[7] et de Marsillac[8] vouloient bien se déporter ; mais les princes qui la portoient ont voulu que l’affaire allât jusqu’au bout. Enfin elle est échouée tout à fait ou remise à une autre fois. Les comtes de Montrésort [9] et de Béthune [10], qui n’avoient point encore parlé, y ont paru, et le premier a parlé à la reine d’une façon de longtemps préméditée. Il y avoit une lettre circulaire aux gouverneurs et grands seigneurs de toutes les provinces, toute prête à être signée, et envoyée de la part des opposants, qui avoit été dressée en l’assemblée chez le marquis de Sourdis.

« Les ducs et pairs s’assemblent chez le duc d’Uzès, et les princes autres que du sang chez M. de Chevreuse.

« Mardi matin, 5 octobre, encore assemblée de la noblesse opposante, que l’on appelle anti-tabouretiers, chez le marquis de Sourdis, lui absent, et son fils, le marquis d’Alluye, présent.

« Jeudi 7, la noblesse opposante aux tabourets s’assemble encore chez le marquis d’Alluye, en l’hôtel de Sourdis.

« L’opposition des ducs et pairs contre la principauté de la maison Bouillon La Tour continue, et la plainte des maréchaux de France contre le vicomte de Turenne, de ce qu’il a fait ôter les bâtons de maréchal de France de son carrosse [11]. »

Après avoir dit que les assemblées de la noblesse continuèrent le vendredi 8 et le samedi 9, sans entrer dans aucun détail, Dubuisson-Aubenay parle avec plus d’étendue de celle qui se tint le 11 octobre :

« Il y a eu grand bruit. Le marquis d’Alluye, fils du marquis de Sourdis d’Escoubleau, absent, a voulu faire sortir de chez lui les Besançon [12], disant qu’ils n’étoient pas gentilshommes. Ceux-ci ont menacé l’autre de coups de bâton. Le sieur d’Amboise, ci-devant gouverneur de Trin [13] en Piémont, puis de Lagny-sur-Marne durant le siège de Paris, a été admonesté de s’en retirer, quoiqu’il ait eu pour père un maître des requêtes, et qu’il ait les armes de l’ancienne maison d’Amboise, qui est de six pals [14] d’or et de gueules ; ce qu’il a fait doucement. Le prince de Condé avoit prié du commencement quelques-uns de ses amis de n’y pas aller ; à la fin il les y a envoyés lui-même. Le bruit des Besançon fut dès samedi.

« Dimanche après midi l’assemblée fut chez le maréchal de L’Hôpital, et aussi ce jourd’hui lundi depuis huit heures jusques après dix, que fut apporté le brevet de la reine, par lequel elle abolit tous tabourets, entrées au Louvre et autres privilèges, concédés à qui que ce soit contre les formes ordinaires depuis l’an 1643 et durant la régence. On a voulu délibérer si l’on se contenteroit de ce brevet, et s’il ne falloit pas une déclaration du roi enregistrée au parlement, et les uns étoient d’un avis, les autres d’un autre ; mais le maréchal d’Estrées, l’un des présidents (car les maréchaux de France [15] y président, et les sieurs de Maulevrier, Brèves et de Villarceau servent de greffiers), ayant dit que l’heure étoit passée, est sorti et beaucoup de noblesse avec lui. Les autres sont demeurés en colère, disant qu’ils vouloient délibérer et qu’ils n’avoient que faire de ceux qui s’en alloient de la sorte. Mais le comte de Montrésor les a apaisés disant que jusqu’alors ils n’avoient rien fait que de bien ; qu’ils ne devoient donc pas finir par désordre et précipitation ; que l’on attendît à demain que l’assemblée fût légitime et complète pour achever leur délibération ; ce qui a été fait, et on nomma douze commissaires d’entre eux pour examiner l’affaire.

« Mardi 12, l’assemblée de la noblesse continue pour la dernière fois. Le brevet de révocation des brevets des tabourets et entrées en carrosse dans le logis du roi, donnés à la comtesse de Fleix [16] de la part de la reine comme à une veuve de la maison de Foix, à la demoiselle de Brantes-Luxembourg [17], et aussi à M. de Bouillon comme prince étranger, a été reçu. On a voulu faire passer que dorénavant toutes les concessions n’auroient d’effet qu’après l’enregistrement des brevets du roi, même majeur, au parlement. La pluralité des voix au contraire l’a emporté. L’assemblée ainsi s’est rompue, et l’archevêque d’Embrun, jadis abbé de La Feuillade, y est venu la haranguer de la part de son corps. Celui de la noblesse ira, dit-on, les remercier, et remerciera aussi tant les ducs et pairs que les princes qui ont épaulé ladite noblesse. Là-dessus le comte de Miossens, sous-lieutenant des gens d’armes du roi, demanda qu’il fût fait un décret que dorénavant en France on ne reconnût plus aucuns princes que ceux du sang, et que les autres fussent réduits aux purs rangs de la noblesse.

« Mercredi 13, se tient encore assemblée chez le maréchal de L’Hôpital par la noblesse, où elle a résolu la députation vers la reine et M. le cardinal pour les remercier du brevet de révocation ci-dessus, et donner part aux ducs et pairs assemblés chez le duc d’Uzès, et aux princes étrangers chez le duc de Chevreuse, de la conclusion de leur assemblée et de tout ce qui s’y est passé.

« Le comte de Miossens est aussi allé remercier la reine de ce qu’elle lui promet toit qu’il ne se feroit aucune concession de cette nature durant la régence qu’il n’y eût part ; et qu’elle lui donnoit cependant et dès à présent sa charge de maître de la garde-robe de M. le duc d’Anjou, de laquelle il a pris possession à l’heure même près de ce petit prince, et en outre douze mille livres d’appointements. »


III. évocations ; enregistrements ; droit de remontrances.


Page 413.


Saint-Simon parle souvent, et notamment page 422 de ce volume, des évocations, du droit d’enregistrement et de remontrances. Il ne sera pas inutile de préciser pour le lecteur moderne le sens de ces expressions.

Les évocations étoient des actes de l’autorité supérieure qui enlevoit la connoissance d’une affaire aux juges naturels pour l’attribuer à un autre tribunal. Tantôt c’étoit le souverain, tantôt c’étoient les tribunaux supérieurs qui évoquoient le jugement d’un procès. Les évocations étoient souvent un moyen de favoriser un personnage en le renvoyant devant un tribunal où il avoit plus d’influence. Aussi la célèbre ordonnance de Moulins, rendue en 1566, déclare-t-elle qu’une évocation ne pourroit avoir lieu qu’en vertu d’une ordonnance du roi contresignée par les quatre secrétaires d’État. On autorisoit les parlements à faire des remontrances pour s’opposer provisoirement à l’exécution de l’ordonnance d’évocation, et, provisoirement, la partie en faveur de laquelle avoit été prononcée l’évocation devoit se constituer prisonnière.

Le droit d’enregistrement est un exemple frappant des abus qui se glissent à la faveur d’un mot ou d’un usage, et qui peu à peu deviennent lois constitutives d’un État. De la coutume de transcrire sur des registres les actes royaux est venue la prétention du parlement d’exercer sur ces mêmes actes un contrôle qui se traduisoit quelquefois par le refus de l’enregistrement. Il falloit alors que le roi vînt en personne au parlement pour forcer les magistrats de transcrire la loi sur leurs registres. Il est nécessaire de rappeler les origines et les vicissitudes de cette prétention des parlements.

Avant le règne de saint Louis, il n’est pas question de registres sur lesquels on inscrivît les ordonnances des rois ou les arrêts des tribunaux. On les écrivoit sur des feuilles de parchemin que l’on rouloit et que l’on déposoit dans le trésor des chartes. Pour constater l’authenticité d’un acte, on ne disoit pas qu’il avoit été enregistré ou inscrit sur les registres du parlement, mais qu’il avoit été placé dans le dépôt des actes publics (depositus inter acta publica). Étienne Boileau, prévôt de Paris sous le règne de saint Louis, fut le premier qui fit transcrire sur des registres les actes de sa juridiction. Le parlement de Paris fit faire, vers le même temps, un recueil de ses arrêts, connu sous le nom d’Ohm, et qui a été publié dans le recueil des Documents inédits relatifs à l’histoire de France. Au commencement du XIVe siècle, le même corps fit dresser un registre des ordonnances royales qui devoient servir de règle à ses jugements. L’ordonnance, après avoir été lue en présence de la cour, étoit transcrite sur les registres du parlement. Dès 1336, on trouve au bas d’une ordonnance de Philippe de Valois la formule suivante : « Lu par la chambre et enregistré par la cour de parlement dans le livre des ordonnances royales. » (Lecta per cameram, registrata per curiam parliamenti in libro ordinationum regiarum.)

De cet usage de la transcription sur ses registres, le parlement passa, au commencement du XVe siècle, au droit de soumettre à son contrôle et même de rejeter une ordonnance royale. Pendant les troubles du règne de Charles VI, le parlement, devenu permanent, prétendit qu’il avoit le droit de refuser l’enregistrement d’une ordonnance royale ; il la frappoit ainsi de nullité et n’en tenoit aucun compte dans ses arrêts. Même sous Louis XI, en 1462, le parlement de Paris refusa d’enregistrer un don fait par le roi au duc de Tancarville ; il fallut un ordre exprès de Louis XI pour l’y contraindre. Dans la suite, toutes les fois que la royauté rencontra dans le parlement une résistance de cette nature, elle en triompha par une ordonnance spéciale, et alors, en mentionnant l’enregistrement, on ajoutoit la formule : Du très exprès commandement du roi. Souvent même, pour vaincre l’opposition des parlements, les rois allèrent y tenir des lits de justice, où ils faisoient enregistrer les ordonnances en leur présence.

Le droit de remontrances étoit étroitement lié à celui d’enregistrement et datoit du même temps. Avant de céder aux ordres du roi, le parlement lui adressoit de très humbles remontrances, pour lui exposer les motifs qui l’avoient engagé à surseoir à l’enregistrement de tel ou tel édit. L’ordonnance de Moulins, tout en reconnoissant au parlement le droit de présenter des remontrances, déclara qu’elles ne pourroient surseoir à l’exécution des édits. Même réduit à ces limites, ce privilège des parlements parut encore redoutable à Louis XIV. Par sa déclaration du 24 février 1673, il régla la forme dans laquelle devoient être enregistrés les édits et lettres patentes émanés de l’autorité royale. Le parlement ne conservoit le droit de remontrances que pour les actes qui concernoient les particuliers. Ainsi jusqu’à la fin du règne de Louis XIV, le droit de remontrances sur les matières politiques resta suspendu ; mais la déclaration du 15 septembre 1715 la rendit aux parlements, et les lettres patentes du 26 août 1718 en réglèrent l’usage.


  1. Olivier d’Ormesson était alors intendant de Picardie.
  2. Paix des Pyrénées (1659).
  3. Ce ne fut donc pas pour meurtre, comme le dit Saint-Simon, que Fargues fut condamné à mort.
  4. Journal d’Olivier d’Ormesson, IIe partie, fol. 87 verso.
  5. Machault fut transféré de l’intendance de Champagne à celle de Picardie.
  6. Ms. Bibl. Maz. H, 1719, in-fol.
  7. César-Phoebus d’Albret, comte de Miossens, dans la suite maréchal de France. Saint-Simon en parle avec détails à l’année 1714.
  8. François de La Rochefoucauld, alors prince de Marsillac, duc de La Rochefoucauld après la mort de son père. C’est l’auteur des Maximes.
  9. Claude de Bourdeille, comte de Montrésor, un des principaux agitateurs de la Fronde.
  10. Hippolyte de Béthune, né en 1603, mort en 1665.
  11. Saint-Simon revient souvent sur les prétentions de la maison de Bouillon. Voy., principalement t. V, chap. XVII.
  12. Les seigneurs, dont il s’agit ici, étaient de la famille du Plessis-Besançon.
  13. Trino, petite ville de Piémont, au N. O. de Casal.
  14. Bandes perpendiculaires sur l’écu.
  15. « Auparavant qu’il y en eût, c’étaient les chevaliers des ordres qui présidaient, entre autres le comte d’Orval ; et le vieux marquis de La Vieuville, aussi chevalier des ordres, s’étant relâché à laisser passer le comte de Montrésor devant lui sous protestation que cela ne préjudicierait au rang, il en a été repris par le comte d’Orval ; mais lesdits chevaliers des ordres du roi, comme ils précèdent tous gentilshommes même gouverneurs de province, aussi cèdent-ils aux officiers de la couronne, comme sont les maréchaux de France. » (Note de Dubuisson-Aubenay.)
  16. La comtesse de Fleix était fille de la marquise de Senecey, gouvernante de Louis XIV. Saint-Simon parle (t. Ier, p. 70 et 350 de cette édition) de Gaston de Foix, fils de la comtesse de Fleix.
  17. Marie-Louise-Claire-Antoinette, fille de Léon d’Albert, sieur de Brantes et duc de Piney-Luxembourg.