Mémoires (Saint-Simon)/Tome 17/10


CHAPITRE X.


Mme la duchesse de Berry va demeurer à Meudon, où sa maladie empire, et sa volonté de déclarer son mariage augmente. — M. le duc d’Orléans me le confie et fait subitement partir Rion pour l’armée du maréchal de Berwick. — Mme la duchesse de Berry, déjà considérablement mal, se fait transporter à la Muette. — Mort d’Effiat. — Singularité étrange de sa dernière maladie. — Biron premier écuyer de M. le duc d’Orléans. — Mort de La Vieuville et de Mme de Leuville ; quelle elle était. — Pensions données à Coettenfao, à Fourille, à Ruffey, à Savine, à Béthune, à La Billarderie. — La duchesse du Maine à Châlon-sur-Saône, presque en pleine liberté. — L’épouse du roi Jacques se sauve d’Inspruck, est reçue à Rome en reine. — Le roi en pompe à Notre-Dame. — Étrange arrangement de son carrosse. — Siège de Fontarabie. — Folle lettre anonyme à M. le prince de Conti. — Mort du fils de d’Estaing. — Prise de Fontarabie, puis de Saint-Sébastien. — On brûle à Santona trois vaisseaux espagnols prêts à être lancés à la mer. — Mort, fortune et caractère de La Berchère, archevêque de Narbonne. — Beauvau, archevêque de Toulouse, lui succède. — Mort, caractère et infortune de Dupin. — Misère de notre conduite à l’égard de Rome. — Impudence des Te Deum. Mort, fortune et caractère de Nyert. Le roi à l’hôtel de ville, voit le feu de la Saint-Jean. Fatuités du maréchal de Villeroy. Mort et caractère de Chamlay. La cour des monnaies obtient la noblesse. Le chevalier de Bouillon obtient trente mille livres de gratification. Sainte-Menehould brûlée. Autre incendie à Francfort-sur-le-Mein. Mort et caractère de Nancré. Mort de la duchesse d’Albret (Le Tellier). Clermont-Chattes ; quel ; est capitaine des Suisses de M. le duc d’Orléans. Le garde des sceaux marie son second fils ; perd sa femme ; pousse ses deux fils. Mort de Chauvelin, conseiller d’État. Mort, extraction, fortune du duc de Schomberg. Mort, fortune et caractère de Bonrepos.


La maladie de Mme la duchesse de Berry, dont on a parlé, la prit le 26 mars, et le jour de Pâques se trouva le 9 avril. Elle étoit tout à fait bien, mais sans vouloir voir personne. La semaine de Pâques après la semaine sainte étoit fâcheuse à Paris, après le scandale qu’on a raconté. D’ailleurs les visites de M. le duc d’Orléans devenoient rares et pesantes. Le mariage de Rion causoit de violentes querelles et force pleurs. Pour s’en délivrer et sortir en même temps de l’embarras des Pâques, elle résolut de s’aller établir à Meudon le lundi de Pâques. On eut beau lui représenter le danger de l’air, du mouvement du carrosse et du changement de lieu au bout de quinze jours, et de beaucoup moins depuis le grand danger où elle s’étoit vue, rien ne put lui faire supporter Paris plus longtemps. Elle partit donc, suivie de Rion et de la plupart de ses dames et de sa maison.

M. le duc d’Orléans m’apprit alors le dessein arrêté de Mme la duchesse de Berry de déclarer le mariage secret qu’elle avoit fait avec Rion. Mme la duchesse d’Orléans étoit à Montmartre pour quelques jours, et nous nous promenions dans le petit jardin de son appartement. Le mariage ne me surprit que médiocrement par cet assemblage de passion et de peur du diable, et par le scandale qui venoit d’arriver. Mais je fus étonné au dernier point de cette fureur de le déclarer dans une personne si superbement glorieuse. M. le duc d’Orléans s’étendit avec moi sur mon embarras, sa colère, celle de Madame, qui se vouloit porter aux dernières extrémités, le dépit extrême de Mme la duchesse d’Orléans. Heureusement le gros des officiers destinés à servir sur les frontières d’Espagne partoient tous les jours, et Rion n’étoit resté qu’à cause de la maladie de Mme la duchesse de Berry. M. le duc d’Orléans trouva plus court de se donner une espérance de délai en faisant partir Rion, se flattant que cette déclaration se différeroit plus aisément en absence qu’en présence. J’approuvai fort cette pensée, et dès le lendemain Rion reçut à Meudon un ordre sec et positif de partir sur-le-champ pour joindre son régiment dans l’armée du duc de Berwick. Mme la duchesse de Berry en fut d’autant plus outrée qu’elle en sentit la raison et par conséquent son impuissance de retarder le départ, à quoi Rion, de son côté, n’osa se commettre. Il obéit donc ; et M. le duc d’Orléans, qui n’avoit pas encore été à Meudon, fut plusieurs jours sans y aller.

Ils se craignoient l’un l’autre, et ce départ n’avoit pas mis d’onction entre eux. Elle lui avoit dit et répété qu’elle étoit veuve, riche, maîtresse de ses actions, indépendante de lui, répétoit ce qu’elle avoit ouï dire des propos de Mademoiselle quand elle voulut épouser M. de Lauzun, grand-oncle de Rion ; y ajoutoit les biens, les honneurs, les grandeurs qu’elle prétendoit pour Rion dès que leur mariage seroit déclaré, et se mettoit en furie jusqu’à maltraiter fortement de paroles M. le duc d’Orléans, dont elle ne pouvoit supporter les raisons ni les oppositions. Il avoit essuyé de ces scènes à Luxembourg dès qu’elle fut mieux, et il n’en essuya pas de moins fortes à Meudon dans le peu de visites qu’il lui fit. Elle y vouloit déclarer son mariage, et tout l’esprit, l’art, la douceur, la colère, les menaces, les prières et les instances les plus vives de M. le duc d’Orléans ne purent qu’à grand’peine pousser en délais le temps avec l’épaule. Si on en avoit cru Madame, l’affaire auroit été finie avant le voyage de Meudon, car M. le duc d’Orléans auroit fait jeter Rion par les fenêtres de Luxembourg.

Le voyage si prématuré de Meudon et des scènes si vives n’étoient pas pour rétablir une santé si nouvellement revenue des portes de la mort. Le désir extrême qu’elle eut de cacher son état au public et de soustraire à sa connoissance la situation où elle se trouvoit avec M. son père, dont on remarquoit la rareté des visites qu’il lui faisoit, l’engagèrent à lui donner un souper sur la terrasse de Meudon, sur les sept heures du soir. En vain on lui représenta le danger du serein et du frais du soir sitôt après l’état où elle avoit été et dans l’état chancelant où sa santé se trouvoit encore. Ce fut pour cela même qu’elle s’y opiniâtra dans la pensée qu’un souper sur la terrasse, sitôt après l’extrémité où elle avoit été, ôteroit à tout le monde la persuasion de sa couche et feroit croire qu’elle étoit toujours avec M. le duc d’Orléans comme elle y avoit été, nonobstant la rareté inusitée de ses visites, qui avoit été remarquée. Ce souper en plein air ne lui réussit pas. Dès la nuit même elle se trouva mal. Elle fut attaquée d’accidents causés par l’état où elle étoit encore et par une fièvre irrégulière, que la contradiction qu’elle trouvoit à la déclaration de son mariage ne contribuoit pas à diminuer. Elle se dégoûta de Meudon comme les malades de corps et d’esprit, qui, dans leur chagrin, se prennent à l’air et aux lieux.

Elle étoit embarrassée de ce que les visites de M. le duc d’Orléans ne se rapprochoient point, et de ce que Madame et Mme la duchesse d’Orléans n’alloient presque point la voir, quoique considérablement malade. Son orgueil en souffroit plus que sa tendresse, qui étoit nulle pour ces princesses, et qui commençoit à se tourner en haine par leur résistance à ses plus ardents désirs. La même raison commençoit à lui faire prendre les mêmes sentiments pour M. son père ; mais elle espéroit le ramener à ses volontés par l’empire qu’elle avoit sur lui, et elle étoit de plus peinée que le monde s’aperçût de la rareté de ses visites et ne diminuât la considération qu’elle tiroit du pouvoir si connu qu’elle avoit sur lui, quand il paroîtroit qu’il n’étoit plus le même. Quelque contraire que lui fût l’air, le mouvement, le changement de lieu dans l’état où elle se trouvoit, rien ne put l’empêcher de se faire transporter de Meudon à la Muette, couchée entre deux draps, dans un grand carrosse, le dimanche 14 mai, où elle espéra que la proximité de Paris engageroit M. le duc d’Orléans à la venir voir plus souvent, et Mme la duchesse d’Orléans aussi, au moins par bienséance. Ce voyage fut pénible par les douleurs qui s’étoient jointes aux autres accidents que ce trajet augmenta et que le séjour de la Muette ni les divers remèdes ne purent apaiser que par de courts intervalles, et qui devinrent très violentes.

Le marquis d’Effiat, dont on a parlé ici en plusieurs endroits et suffisamment pour le faire connoître, se trouva fort mal à quatre-vingt-un ans dans sa belle maison de Chilly, près Paris, où il étoit allé prendre du lait. Il fut ramené à Paris le 23 mai, mais si mal qu’on n’en espéroit plus. Le maréchal de Villeroy, son bon ami et sa dupe en bien des choses, courut chez lui, et pour se donner le vernis de sa conversion, si convenable à sa place de gouverneur du roi, vint à bout de lui faire recevoir ses sacrements sur-le-champ. Sa maladie diminua et traîna. C’étoit, comme on l’a vu ici, un homme dont le fond de la vie étoit obscur par goût, par habitude et par la plus sordide avarice. Il avoit toujours quelques femmes de rien et de mauvaise vie qui l’amusoient, qui en espéroient et qui lui coûtoient peu. Il avoit la meute de Monsieur, que M. le duc d’Orléans lui avoit conservée. Il étoit maître de leur écurie comme leur premier écuyer. Ainsi c’étoit à leurs dépens qu’il couroit le cerf, tous les étés, chez lui à Montrichard, ou dans les forêts voisines de Montargis dont il étoit capitaine. Il y voyoit peu de noblesse du pays, à qui il faisoit très courte chère.

La chasse et les filles l’avoient peu à peu apprivoisé avec du Palais, qui chassoit les étés avec lui et le voyoit les hivers. Il n’en voyoit guère d’autres avec familiarité, et malgré cette liaison, du Palais, qui avoit de l’esprit et du monde, étoit honnête homme, connu pour tel, et voyoit bonne compagnie à Paris, et avoit très bien servi. Il eut grand soin d’Effiat pendant sa maladie, qui ne voulut voir que lui. Tous les jours sur les sept heures du soir, Effiat le renvoyoit et, comme par politesse et amitié, il le forçoit de s’en aller. Du Palais, au bout de quelques jours, s’aperçut de la régularité de l’heure et de l’inquiétude d’Effiat à se défaire de lui. Comme de longue main il étoit familier dans la maison, il en parla aux valets de chambre. Ils se regardèrent et lui dirent ensuite qu’ils étoient dans le même cas et dans la même curiosité ; qu’eux-mêmes étoient chassés de la chambre à cette même heure, avec des défenses si expresses d’y rentrer et d’y laisser personne sans exception quelconque, et par quelque raison que ce pût être, jusqu’à ce qu’il sonnât, qu’ils ne savoient ce que ce pouvoit être. Mais ce qu’ils ajoutèrent est bien plus étrange. Ils dirent à du Palais qu’ils s’étoient mis à écouter à la porte ; que tantôt plus tôt, tantôt plus tard, ils y entendoient parler leur maître et une autre voix avec lui, étant très sûrs qu’il n’y avoit et ne pouvoit y avoir que le malade dans la chambre ; qu’ils ne pouvoient distinguer que rarement quelques mots qui leur avoient paru indifférents, que ce colloque duroit souvent une heure et plus, très rarement court ; que rentrant dans la chambre au bruit de la sonnette, ils n’y remarquoient aucun changement en rien, mais leur maître fort concentré en lui-même, et d’ailleurs comme ils l’avoient laissé. Ce récit augmenta tellement la curiosité de du Palais, qu’il accepta la proposition que lui firent les valets de chambre d’éprouver lui-même ce qu’ils lui racontoient. Du Palais sortant de chez d’Effiat qui à l’ordinaire l’avoit congédié, demeura avec eux, écouta, et entendit comme eux parler d’Effiat et l’autre voix, et quelquefois l’élever l’un et l’autre, mais sans en entendre que quelques mots rares, indifférents et seuls. Du Palais voulut se donner encore le même passe-temps, et se le donna deux ou trois fois encore. Il raisonna avec les valets de chambre, et ne purent deviner ce que ce pouvoit être, d’autant que du Palais, qui connoissoit cet appartement comme le sien, savoit comme eux que, depuis sa sortie de la chambre d’Effiat, il étoit impossible que par aucune voie il s’y fût glissé personne.

Il fut tenté de tourner d’Effiat là-dessus ; mais n’osant trop, il se contenta de lui montrer sa surprise de l’heure fixe de son renvoi. Effiat fit la sourde oreille, puis battit la campagne sur l’heure de la société, et qu’il ne vouloit pas abuser de son amitié et de son assiduité ; puis l’heure venue, le renvoya comme de coutume. Du Palais fit semblant de sortir, et demeura près de la porte ; un peu après, du Palais ne sait s’il lui échappa quelque mouvement ; mais d’Effiat s’aperçut qu’il étoit là, se mit en colère, lui dit que, quand il le prioit de s’en aller, il vouloit qu’il s’en allât ; qu’il ne savoit par quel esprit il se cachoit dans sa chambre ; que c’étoit l’offenser cruellement ; qu’en un mot, s’il vouloit continuer à le voir, et qu’il demeurât son ami, il le prioit de sortir sur-le-champ, et de ne lui faire pareil tour de sa vie. Du Palais répondit d’où il étoit ce qu’il put, l’autre à répéter avec empressement : « Sortez donc ; mais sortez. » Il sortit en effet, et se tint en dehors de la porte. Le colloque, à ce qu’il entendit, ne tarda pas à commencer. Ni lui ni les valets de chambre n’en ont jamais pu découvrir davantage.

Sur les neuf heures, quelque femme de l’espèce dont j’ai parlé, et quelque complaisant, venoient l’amuser. Quelquefois du Palais y revenoit. Effiat ne sortoit point de son lit, et eut sa tête libre et entière jusqu’à sa mort qui arriva le 3 juin. Il laissa un prodigieux argent comptant, de grands biens et de belles terres, fit des legs considérables, et des fondations fort utiles pour l’éducation de pauvres gentilshommes. Il donna Chilly à M. le duc d’Orléans, qui ne le voulut pas accepter, et le rendit à la famille. Le duc Mazarin, fils de sa sœur, en hérita, et de la plupart de ses biens. Il fit du Palais exécuteur de son testament, et lui donna un diamant de mille pistoles. Il avoit beaucoup de pierreries. C’est le premier particulier à qui j’aie vu une croix du Saint-Esprit de diamants fort belle sur son habit, au lieu de la croix d’argent brodée, et tout l’habit garni de boutons et de boutonnières de diamants. À la considération que M. le duc d’Orléans lui avoit toujours témoignée, on fut surpris et lui mortifié de ce qu’il ne l’alla point voir, et il parut si peu touché de sa maladie et de sa mort, que les maréchaux de Villeroy, Villars, Tessé, Huxelles et autres en prirent une nouvelle inquiétude. L’écurie et les équipages de M. le duc d’Orléans qu’Effiat entretenoit moyennant une somme, se trouvèrent dans un grand délabrement. Biron fut deux jours après choisi par M. le duc d’Orléans pour remplir cette charge lucrative.

Il faut dire maintenant où j’ai pris ce récit curieux ; car j’étois fort éloigné d’avoir jamais eu aucun commerce avec d’Effiat. Du Palais avoit épousé la mère de Lanmary, et vivoit avec lui dans la plus étroite amitié, contre l’ordinaire de telles parentelles ; il conta tout ce que je viens d’écrire à Lanmary qui étoit fort de mes amis et en est encore, qui me le rendit incontinent après.

La Vieuville mourut à Paris ; il étoit veuf de la dame d’atours de Mme la duchesse de Berry, et avoit été chevalier d’honneur de la reine, mais le plus pauvre et le plus obscur homme du monde.

Mme de Leuville mourut aussi à soixante-sept ans. Son mari, mort très jeune, étoit frère de la femme d’Effiat, duquel on vient de parler, morte jeune aussi et tous deux sans enfants. Le chancelier Olivier étoit leur trisaïeul paternel, mort en 1560, dont le père fut premier président du parlement de Paris, après avoir été avocat du roi, comme on parloit alors, c’est-à-dire avocat général, et président à mortier. Ce fut lui qui commença la race, car son père, qui étoit de Bourgneuf, près de la Rochelle, ne fut jamais que procureur au parlement. Mme de Leuville dont on parle ici étoit nièce de Laigues, un des importants de la Fronde, qu’on prétendit que la fameuse Mme de Chevreuse avoit, à la fin, épousé secrètement. Sa nièce tâcha aussi d’être importante. Elle avoit beaucoup d’esprit, de domination, d’intrigue et d’amis qui se rassembloient chez elle et qui lui donnoient de la considération. C’étoit une femme qui, sans tenir à rien, eut l’art de se faire compter : elle étoit riche et médiocrement bonne.

Je fis rendre à Coettenfao une ancienne pension qu’il avoit eue du feu roi de six mille livres, et donner parole de l’ordre, par M. le duc d’Orléans, pour la première promotion qui se feroit. Fourille, aveugle, et ancien capitaine aux gardes, fort pauvre, eut quatre mille livres de pension, et Ruffey, sous-gouverneur du roi, une de six mille. Savine obtint six mille livres d’augmentation d’appointements à son gouvernement d’Embrun. Béthune, distingué dans la marine, eut une pension de trois mille livres, et La Billarderie, conducteur de Mme du Maine à Dijon, en eut une de six mille livres. Trois semaines après, il y fut chercher la même avec un chirurgien et deux femmes de chambre, et la mena à Châlon-sur-Saône presque en pleine liberté ; elle y arriva le 24 mai.

La fille aînée du prince Jacques Sobieski, arrêtée avec sa mère à Inspruck par ordre de l’empereur, depuis quelques mois, allant à Rome épouser le roi Jacques, trouva moyen de se sauver la nuit en chaise de poste escortée par quatre hommes à cheval. On trouva sur sa table un écrit par lequel elle marquoit que c’étoit par ordre de sa famille. Elle arriva le 2 mai à Bologne ; elle y fut épousée le 7 par lord Murray, chargé de la procuration du roi Jacques, en partit le 9 pour Rome où elle fut reçue et traitée en reine.

Quelle que fût la persécution sans bornes et sans mesure et ouverte depuis si longtemps et avec une si scandaleuse animosité contre le cardinal de Noailles, elle ne put empêcher que le roi fît une démarche publique qui ne sentoit ni le prélat réprouvé ni son Église hérétique. Il fut, l’après-dînée du jour de la Pentecôte, après avoir entendu le sermon aux Tuileries, à Notre-Dame en pompe. Il fut reçu à la porte par le cardinal de Noailles pontificalement revêtu, à la tête de son chapitre, avec les cérémonies accoutumées, et par lui conduit au chœur où ce prélat entonna le Te Deum, qui fut continué par la musique et terminé par la bénédiction que le cardinal donna. Le chœur étoit nouvellement achevé et la chapelle de la Vierge aussi, qui fut trouvée très magnifique, laquelle fut toute aux dépens du cardinal, ainsi que l’admirable vitrage sur la porte collatérale, que le cardinal avoit tout refoit, quoiqu’il ne fût obligé à aucune de ces deux grandes dépenses. Après la bénédiction, il conduisit le roi autour du chœur et à cette chapelle, et de là à son carrosse. Le roi y étoit avec peu de dignité et comme si on eût voulu le mettre incognito, malgré la pompe de sa suite. Il y fut entre M. le duc d’Orléans et M. le comte de Clermont sur le derrière ; le prince Charles, grand écuyer, sur le devant, entre M. le duc de Chartres et M. le Duc ; le maréchal de Villeroy, gouverneur, et le duc de Charost, capitaine des gardes en quartier aux portières. On fut très étonné de cet arrangement ; le roi en cérémonie, comme il étoit là, devoit être seul sur le derrière. M. le duc d’Orléans, régent, et M. le Duc, surintendant de l’éducation, seuls sur le devant, les portières comme elles étoient. M. le duc de Chartres et M. le comte de Clermont n’y avoient que faire pour offusquer le roi, et faire de son carrosse un coche, le prince Charles encore moins. Bien est vrai que le grand écuyer entre les grands officiers y a la première place, mais il n’en est pas moins vrai que le grand chambellan, le premier gentilhomme de la chambre, et le même premier écuyer y entrent de préférence à lui ; c’est ce qui a été expliqué ailleurs ici assez clairement pour n’avoir pas besoin d’être répété. On trouva aussi fort singulier que M. le duc de Chartres fût sur le devant, tandis que M. le comte de Clermont étoit sur le derrière. Il avoit neuf ans et M. de Chartres quinze, qui, de la taille dont il étoit, n’auroit pas plus pressé le roi que M. le comte de Clermont.

Le maréchal de Berwick fit ouvrir la tranchée le 27 mai devant Fontarabie. Pendant ce siège, où étoit M. le prince de Conti, il reçut une lettre anonyme par laquelle on lui promettoit de le faire roi de Sicile, s’il vouloit passer en Espagne. Il s’en moqua avec raison, et l’envoya à M. le duc d’Orléans. La proposition ne pouvoit venir d’Espagne. M. le prince de Conti n’avoit ni place, ni suite, ni parti, ni réputation ; son acquisition n’eût pas valu que l’Espagne se dépouillât de la Sicile pour l’avoir, et il n’y auroit été que fort à charge. La proposition de plus étoit ridicule ; quinze mille Impériaux venoient d’y passer de Naples, et avoient déjà obligé le marquis de Lede de leur abandonner son camp de Melazzo, avec ses malades, ses blessés et toutes les provisions de vivres et de fourrage qu’il y avoit amassées. Il y recommanda ceux qu’il y laissoit au général Zumzungen, qui, aussitôt après, laissa le commandement de l’armée impériale à Mercy, et la Sicile ne fut pas longtemps à changer de maître. Mais la conjuration du duc et de la duchesse du Maine enhardie après les frayeurs des emprisonnements, par leur courte durée, et par la conduite du régent et de l’abbé Dubois à cet égard, faisoit bois de toute flèche et ne désespéroit pas encore de réussir.

Le fils unique d’Estaing, aide de camp de Joffreville, fut tué devant Fontarabie, sans enfants de la fille unique de Mme de Fontaine-Martel. L’armée d’Espagne étoit vers Tafalla à trois lieues de Fontarabie. Coigny, par ordre du duc de Berwick, visitoit cependant, avec un léger détachement, les gorges et les passages de toute la chaîne des Pyrénées pour les bien reconnoître. Fontarabie capitula le 16 juin. Tresnel, gendre de Le Blanc, en apporta la nouvelle. Le duc de Berwick fit aussitôt après le siège de Saint-Sébastien. Il y eut quelque désertion dans ses troupes, mais pas d’aucun officier. L’armée d’Espagne n’étoit pas en état de se commettre avec celle du maréchal de Berwick. Saint-Sébastien capitula le 1er août. Bulkley, frère de la maréchale de Berwick, en apporta la nouvelle. Quinze jours après, M. de Soubise apporta celle du château, et qu’on avoit brûlé, dans, un petit port près de Bilbao, nommé Santona, trois gros vaisseaux espagnols, qui étoient sur le chantier prêts à être lancés à la mer.

L’archevêque de Narbonne mourut dans son diocèse. Il s’appeloit Le Goust : il étoit frère de La Berchère qui avoit passé sa vie maître des requêtes, dont le fils, guère plus esprité mais fort riche, étoit devenu conseiller d’État et chancelier de M. le duc de Berry, parce qu’il avoit épousé une fille du chancelier Voysin. Le prélat avoit été évêque de Lavaur, puis archevêque d’Aix, après de Toulouse, enfin de Narbonne. C’étoit un grand vilain homme, sec et noir avec des yeux bigles [1], qui avoit été ami intime du P. de La Chaise. L’âme en étoit aussi belle que le corps en étoit désagréable ; très bon évêque et pieux, sans fantaisie et sans faire peine à personne, adoré partout où il avoit été, beaucoup d’esprit et facile, et l’esprit d’affaires et sage, possédant au dernier point toutes celles du clergé, et venant à bout des plus difficiles sans faire peine à personne, allant au bien, parlant franchement aux ministres et en étant cru et considéré. Ce fut une perte qui ne fut pas réparée par M. de Beauvau qui lui succéda, après avoir été évêque de Bayonne, ensuite de Tournay, puis archevêque de Toulouse.

Dupin, célèbre docteur de Sorbonne par sa vaste et profonde érudition, et par le grand nombre et la qualité de ses ouvrages, mourut en même temps. Il fut un étrange exemple de la conduite, si funestement répétée en France par la suggestion des jésuites et de leurs adhérents. Dans les temps de brouillerie avec Rome, sur les propositions de l’assemblée du clergé de 1682, etc., la cour se servit très avantageusement de sa plume, et, pour plaire à Rome depuis, le laissa manger aux poux. Il fut réduit à imprimer pour vivre : c’est ce qui a rendu ses ouvrages si précipités, peu corrects, et ce qui enfin le blasa de travail et d’eau-de-vie qu’il prenoit en écrivant pour se ranimer, et pour épargner d’autant sa nourriture, bel et bon esprit, juste, judicieux quand il avoit le temps de l’être, et un puits de science et de doctrine, avec de la droiture, de la vérité et des mœurs.

Mme la Duchesse, qui avoit été longtemps fort mal, fut si considérablement mieux qu’on la crut guérie. Il y eut pour cela un Te Deum aux Cordeliers, que l’hôtel de Condé fit chanter plus que très mal à propos. Le Te Deum est une action publique jusqu’alors réservée au public et aux rois pour remercier Dieu solennellement, au nom du public, des grâces qui intéressent l’un ou l’autre, ou plutôt inséparablement tous les deux. Celui-ci ne porta pas bonheur à Mme la Duchesse. C’étoit la jeune, sœur de M. le prince de Conti ; des princes du sang on les vit tôt après tomber aux moindres particuliers.

Nyert, premier valet de chambre, mourut en ce même temps : c’étoit un des plus méchants singes, auquel il ressembloit fort, et des plus gratuitement dangereux qu’il y eût parmi ce qu’on pouvoit appeler les affranchis du feu roi, qui, par leurs entrées à toute heure et leur familiarité avec lui, étoient des personnages fort comptés et redoutables aux ministres mêmes. Celui-ci l’amusoit aux dépens de tout le monde avec le jugement d’un valet d’esprit et d’expérience. Aussi l’avarice, l’envie et la haine étoient peintes sur son visage décharné.

Il étoit fils d’un excellent musicien dont la voix et le luth étoient admirables ; il étoit au marquis de Mortemart, premier gentilhomme de la chambre de Louis XIII, du temps que mon père l’étoit aussi, père de la trop fameuse Mme de Montespan, et duc et pair des quatorze de 1663. Louis XIII, s’opiniâtrant dans les Alpes en 1629, à forcer le célèbre pas de Suze malgré la nature, et ce qui étoit peut-être plus, malgré le cardinal de Richelieu, et malgré tous ses généraux qui jugeoient l’entreprise impraticable, s’ennuyoit fort les soirs au retour de ses recherches assidues des passages, parce que le cardinal lui écartoit le monde à dessein, dans l’espérance de l’abandon plus prompt d’un projet que tous jugeoient impossible. Mon père, alors en grandes charges et en grande faveur, cherchoit à amuser le roi qui aimoit fort la musique, et lui proposa, dans cette solitude des soirs, d’entendre Nyert. Le roi le goûta fort, tellement qu’au retour de ce triomphant voyage où le roi s’étoit couvert de lauriers si purs et si uniquement dus à lui seul, mon père trouva jour à lui donner Nyert ; il en parla à M. de Mortemart avant de rien entreprendre, qui fut ravi de faire cette fortune, et qui même pria mon père d’en parler au roi. Le héros le prit, et mon père, dans la suite, le fit premier valet de chambre. Son fils, dont on parle ici, ne lui ressembla en rien, et le fils que celui-ci laissa ressembla encore moins au père. Il fut modeste, très honnête homme, et un saint ; il dura peu, il laissa deux fils de même caractère que lui, qui ne durèrent pas non plus. Le singe qui a donné lieu à cet article avoit attrapé le petit gouvernement de Limoges et celui des Tuileries, lequel passa à son fils avec sa charge de premier valet de chambre.

On donna le plaisir au roi d’aller voir le feu de la Saint-Jean à l’hôtel de ville, qui fut, à cause de lui, beaucoup plus beau qu’à l’ordinaire. Quantité de dames de la cour et de seigneurs y furent conviés par le duc de Tresmes ; on ne doutoit point que le roi ayant huit ans, la galanterie dont le maréchal de Villeroy s’étoit piqué toute sa vie et se piquoit encore, ne fit manger les dames avec lui. La pédanterie de gouverneur l’emporta. Il fit souper le roi seul dans une chambre particulière, et à son heure accoutumée : le premier maître d’hôtel, soutenu de M. le Duc comme grand maître, prétendit le servir, parce que le souper du roi fut fait par la bouche. Le prévôt des marchands revendiqua son droit ; un mezzo-termine, si chéri du régent, finit la dispute. Il fit signer un billet au prévôt des marchands, par lequel il reconnut que ce seroit sans conséquence à l’égard du premier maître d’hôtel qu’il serviroit le roi, et en effet il le servit. Après ce solitaire souper, la fatuité du maréchal de Villeroy se déploya tout entière. Il fit faire au roi la prière comme s’il alloit se coucher, et se fit moquer par tout le monde. Après, le roi vit le feu. Le roi parti, il y eut plusieurs tables magnifiquement servies pour tout ce qui avoit été convié, et un bal à l’hôtel de ville termina la fête.

On a tant parlé de Chamlay dans ces Mémoires, qu’on n’a rien à y ajouter. Il étoit extrêmement gros ; sa grande sobriété et un exercice à pied journalier et prodigieux ne purent le garantir de l’apoplexie. Il en eut plusieurs attaques qui lui avoient fort abattu le corps et l’esprit. Il en mourut à Bourbon. C’étoit un homme d’un mérite très rare, qui, en quelque état qu’il fût, fut fort regretté. Il étoit grand’croix de Saint-Louis, dès la fondation de l’ordre, et maréchal général des logis des armées du roi, qu’il avoit exercé avec la plus grande capacité et distinction, et la confiance de M. de Turenne et des meilleurs généraux des armées. On a vu ailleurs combien il eut toujours la confiance du roi, et la probité, la modestie, et le désintéressement avec lequel il en usa.

M. le duc d’Orléans, à qui tout couloit d’entre les doigts, accorda la noblesse aux officiers de la cour des monnaies, et dix mille écus au chevalier de Bouillon. Il y eut un grand incendie à Francfort-sur-le-Mein, et en Champagne toute la ville de Sainte-Menehould fut brûlée.

On a souvent parlé de Nancré, assez nouvellement revenu d’Espagne, charmé d’Albéroni avec qui il étoit aussi assez homogène, lorsqu’il vint mourir ici en vingt-quatre heures. C’étoit un des hommes du monde le plus raffiné et dont le cœur et l’âme étoient le plus parfaitement corrompus, avec beaucoup d’esprit, des connoissances et beaucoup de souplesse et de liant. Il avoit servi, puis fait le philosophe ; après, s’étoit accroché au Palais-Royal par Canillac et par les maîtresses, de là à M. de Torcy, et le plus sourdement qu’il avoit pu à tout ce qui approchoit du feu roi ; il ne tint pas à lui d’en devenir l’espion, puis l’organe. On a vu ici qu’il le fut bien étrangement lors des renonciations. Valet de Nocé, enfin âme damnée de l’abbé Dubois qui le porta aux négociations étrangères, et à d’autres plus intérieures. Nocé comptoit voler haut, lorsque tout à coup il lui fallut quitter ce monde.

Ce n’étoit pas la peine de tant de bruit de part et d’autre, d’importuner les tribunaux, le régent et le conseil de régence sur le mariage du duc d’Albret avec une fille de Barbezieux. Elle mourut presque incontinent après en couche d’un fils qui mourut dix ou douze ans après.

M. le duc d’Orléans remplit dignement la place de Nancré, capitaine de ses Suisses, de vingt mille livres de rente par les profits. Nancré n’étoit point marié, étoit sans suite, et n’avoit point de brevet de retenue. Le régent la donna à Clermont-Chattes, frère de Roussillon et de l’évêque-duc de Laon, qui n’avoit rien vaillant, et qui, des plus riantes espérances, étoit tombé dans la plus cruelle disgrâce, à laquelle la mort de Monseigneur avoit mis le dernier sceau, et qui a été racontée ici sous l’an [2] [1694] avec l’aventure célèbre de Mlle Choin et de Mme la princesse de Conti. Clermont, en naissance, en honneur, en probité, étoit le parfoit contraste de Nancré. Ce choix fut fort applaudi.

Le garde des sceaux maria son second fils à la fille, fort riche, du président Larcher. Ce mariage ne fut pas heureux, mais le jeune époux fit dans la suite la plus brillante fortune de son état. Le mariage de son père avec une sœur de Caumartin, intendant des finances, fort accrédité et conseiller d’État, n’avoit pas été, non plus, fort heureux ; il perdit sa femme de la petite vérole quelques mois après le mariage de son fils. Il en avoit deux fils : celui-ci plein d’esprit et d’ambition, et fort galant de plus, et un aîné qui étoit et fut toujours un balourd [3]. Le père ne fut pas longtemps à les mettre dans les emplois de leur état, et, malgré leur jeunesse, à les faire conseillers d’État, tous deux à peu de distance l’un de l’autre.

Chauvelin, conseiller d’État, mourut aussi. Il avoit été intendant de Picardie, avec peu de lumières, mais beaucoup de probité. Il étoit père de l’avocat général, dont il a été parlé ici, et de Chauvelin, dont la prodigieuse élévation et la lourde chute [4] ont fait depuis tant de bruit.

Le duc de Schomberg mourut subitement en une de ses maisons, près de Londres, à soixante-dix-neuf ans. Il étoit fils du dernier maréchal de Schomberg, qui avoit commandé les armées de Portugal, et depuis celles de France avec réputation. Il étoit Allemand et gentilhomme, mais point du tout parent des deux précédents maréchaux de Schomberg, père et fils, lequel fut duc et pair d’Halluyn, en épousant l’héritière, par de nouvelles lettres.

Ce dernier maréchal de Schomberg dont on parle ici étoit huguenot, et se retira en Allemagne avec sa famille, à la révocation de l’édit de Nantes. L’électeur de Brandebourg le mit à la tête de son conseil et de ses troupes, et le donna après au prince d’Orange comme un homme utile dans les affaires et dans les armées. Lorsqu’il fut question de la révolution d’Angleterre, le maréchal en eut le secret tout d’abord et en dirigea la mécanique avec le prince d’Orange. Il passa avec lui en Angleterre, puis avec lui en Irlande, où il commanda son armée sous lui, et fut tué à la bataille de La Boyne, que le prince d’Orange gagna contre le roi d’Angleterre, laquelle fut le dernier coup de son accablement.

Le fils du maréchal de Schomberg fut fait duc par le roi Guillaume, et commanda les troupes anglaises en chef en divers pays et diverses armées, et se retira à la fin mécontent. Il avoit épousé une sœur bâtarde de Madame, que l’électeur palatin avoit eue d’une demoiselle de Degenfeldt, et qu’il fit faire comtesse par l’empereur.

Bonrepos mourut subitement dans sa maison à Paris, dans une heureuse vieillesse, sain de corps et d’esprit, sans avoir été marié. Il avoit été longtemps dans les bureaux de la marine, du temps de M. Colbert, ensuite un des premiers commis de Seignelay, dont il eut la confiance. À sa mort il se retira des bureaux, qui lui avoient servi à se faire à la cour des amis et à être depuis bien reçu dans toute la bonne compagnie. Il alla en Angleterre faire un traité de commerce, puis aux villes hanséatiques, enfin ambassadeur en Danemark, puis en Hollande, où il réussit fort bien. Le roi le traitoit avec bonté, Mme de Maintenon aussi ; il étoit estimé, et sur un pied de considération dans le monde, avec de l’esprit, de l’honneur, de la capacité et des talents. Bonac, fils de son frère aîné, hérita de lui. Il étoit gendre de Biron, qui lors n’avoit rien à donner à ses filles, et à Constantinople où il étoit ambassadeur. Bonrepos avoit près de trente mille livres du roi.


  1. Louches.
  2. Tome Ier, p. 208 et 209.
  3. Les deux fils du garde des sceaux d’Argenson et de Marguerite Le Fèvre de Caumartin, furent René-Louis Le Voyer de Paulmy, marquis d’Argenson, et Marc-Pierre Le Voyer de Paulmy, comte d’Argenson. L’aîné, que Saint-Simon traite sévèrement, a laissé des Mémoires, dont on n’a publié que des fragments (voy. Mémoires du marquis d’Argenson, édit. 1825). Nous avons publié quelques passages des Mémoires inédits. Du reste, Saint-Simon n’a fait que reproduire l’opinion de ses contemporains, qu’exprime en ces termes un des biographes du marquis d’Argenson : « Plus froid, plus mesuré [que son frère], ne se livrant qu’à des amis intimes ; raisonnant juste, mais sans la même grâce dans la façon de s’exprimer, les habitants de Versailles, à une époque où il était d’usage de donner à tout le monde des sobriquets ridicules, le désignèrent sous celui d’Argenson la Bête.  » On prépare en ce moment même une édition plus complète des Mémoires du marquis d’Argenson.
  4. Voy., sur ce Chauvelin, t. XII, p. 474.